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La voie de fait administrative

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par Ousmane Bakary KABA
Université Hassan II Casablanca Maroc - Etudes fondamentales en droit public 2009
  

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Chapitre II : LA COMPETENCE JURIDICTIONNELLE EN MATIERE DE VOIE DE FAIT

D'abord, on entend par compétence juridictionnelle, l'aptitude pour une quelconque juridiction à instruire et à juger un procès. Elle est à la fois territoriale, matérielle et d'attribution pour une juridiction. La compétence d'une juridiction est le plus souvent définie et limitée par la loi et si tel n'est pas le cas, il arrive fréquemment qu'un requérant soit confronté à des difficultés pour la détermination de la juridiction compétente pour statuer sur sa demande en instance. C'est justement ce problème que soulève la voie de fait entre les juridictions administratives et les juridictions ordinaires ou judiciaires. En effet, depuis sa consécration par la jurisprudence française, la voie de fait a fait l'objet d'un grand débat auquel il n'y a jusqu'à présent pas une solution définitive. Ce débat s'articule surtout autour de la détermination de la compétence juridictionnelle pour statuer sur une demande mettant en cause la voie de fait. Il s'agit de savoir si ce sont les juridictions administratives qui sont exclusivement compétentes ou si ce sont les juridictions judiciaires qui ont la compétence de connaître de la voie de fait. Si en France, l'expérience et la pratique juridiques ont exclusivement réservé cette compétence aux tribunaux de droit commun compte tenu du caractère dénaturé de l'acte administratif qualifié de voie de fait, il est tout de même très courant dans la jurisprudence de voir que les tribunaux administratifs interviennent aussi dans la constatation, la cessation et même dans l'indemnisation comme nous le verrons plus bas.

En revanche au Maroc, la situation est différente ; d'abord la jurisprudence a toujours suivi l'orientation française, c'est-à-dire la compétence du juge ordinaire, en vertu de l'héritage du protectorat. Cette orientation fut suivie même après l'indépendance et la création da la Cour suprême en septembre 1957. En effet celle-ci confirme sa position dans l'arrêt Consorts Félix, en affirmant la compétence judiciaire ; et cette jurisprudence a été suivie par l'ensemble des juridictions du Royaume jusqu'à la création des tribunaux administratifs en 1993. En effet, dans l'une des premières décisions rendues par ces nouvelles juridictions, le Tribunal administratif de Casablanca adopte une orientation opposée à celle établie par la jurisprudence, affirmant ainsi la compétence administrative en matière de la voie de fait. Mais cette orientation du tribunal de Casablanca n'a pas été suivie par les autres juridictions y compris la Cour suprême, qui, après quelques hésitations s'est finalement rangée du côté de la voie tracée par le juge administratif de Casablanca.

Cependant, si en France les juridictions judiciaires disposent d'un pouvoir très large dans le contentieux de la voie de fait, au Maroc tel n'est pas le cas. En France le conflit de compétence n'est plus à l'ordre du jour mais c'est plutôt la qualification de l'acte qui pose parfois problème34(*). Car si parfois une mesure peut être qualifiée de voie de fait par une juridiction, il n'en demeure pas moins qu'elle peut dans d'autres cas ne pas être qualifiée ainsi.

Section I : LE CAS DE LA FRANCE

Comme nous l'avons signalé ci-haut, depuis la consécration de la voie de fait, le Conseil d'Etat a opté pour la compétence exclusive du juge judiciaire dans la constatation, la cessation et la réparation des dommages éventuels pouvant résulter de la voie de fait, en raison de l'illégalité particulièrement grave de celle-ci. Toutefois, la pratique a montré que les juridictions administratives interviennent aussi pour statuer sur une demande relative à la voie de fait.

A- LA COMPETENCE DU JUGE JUDICIAIRE OU ORDINAIRE

Il est lieu d'abord de connaître l'origine de la compétence judiciaire avant d'analyser la compétence du juge de droit commun pour statuer sur les demandes de voie de fait.

1- Le fondement de la compétence judiciaire

La compétence du juge de droit commun en matière de voie de fait trouve son origine dans un procédé, imaginé par les juristes français, qui permet d'assurer une meilleure protection aux administrés lorsque leurs intérêts essentiels se trouvent gravement en danger ou menacés par les agissements de l'administration. En effet, le juge judiciaire est considéré comme le gardien des droits et libertés dans le souci d'une protection plus efficace des administrés, cela résulte de l'article 66 de la Constitution française du 4 octobre 195835(*). La doctrine aussi s'est inscrite dans cette même logique. Selon la doctrine, la théorie de la voie de fait repose sur deux fondements : le principe qui réserve au pouvoir judiciaire la protection contre les atteintes à la propriété et à la liberté, principe qui constitue l'infraction même de la voie de fait, et l'idée selon laquelle des vices graves dénaturent l'opération administrative incriminée et lui fait perdre son caractère administratif. A propos de ce dernier fondement, on considère que l'acte administratif qualifié de voie de fait est dénaturé à partir du moment que l'administration agit en vertu d'un pouvoir qui est insusceptible de lui appartenir. Ainsi cet acte perd le sceau d'un acte administratif régulier, et par conséquent le tribunal administratif n'est plus compétent pour connaître de cette espèce, c'est la juridiction de droit commun qui est compétente. Car on considère que l'autorité administrative ou la collectivité publique agit en dehors de son régime juridique, en l'occurrence le droit public, et se trouve dans la même situation qu'une personne privée qui se livre à des actes de violence. Par conséquent, il n'y a aucune raison de conserver à l'administration, en cas de voie de fait, son privilège de juridiction qui ne joue que pour le contentieux lié aux actes ou aux activités engendrés par l'exercice normal du pouvoir administratif36(*).

* 34 _ Notamment avec l'existence de plusieurs notions qui concourent le plus souvent avec la notion de la voie de fait, bien que le législateur et la jurisprudence aient maints fois essayé d'atténuer ces problèmes d'identifications.

* 35 _ « L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

* 36 _ En France les tribunaux administratifs ont été créés dans le but de privilégier l'administration de bénéficier d'un juge qui est indépendant du juge judiciaire mais aussi de l'administration elle-même. Ce qui n'est pas le cas au Maroc, car comme nous le verrons plus bas, les tribunaux administratifs ont été créés pour la protection des administrés face aux abus de l'administration.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault