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Essai sur les élites traditionnelles au Maroc

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par El Mostafa AAOURDOU
Université Moulay IsmaàŻl Meknes - Maroc - Master en science politique 2012
  

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A- le Makhzen et les technocrates de l'Etat : héritage et cooptation

Le makhzen c'est « la structure politico-administrative sur laquelle repose le pouvoir au Maroc, elle est faite de soumission, de rituels, de cérémonies, de traditions; une conception spécifique de l'autorité qui imprègne l'ensemble de la classe politique et dont la pièce maîtresse est le roi »26(*). Elle désigne, les réseaux traditionnels liés au Palais, et qui concurrencent les circuits étatiques modernes, quand ils deviennent incapables de les anéantir ou de bloquer leurs activités. Il existe un makhzen économique qui se moque des règles de la concurrence; un makhzen politique où fleurissent les partis sans militants, les députés sans électeurs, bref le makhzen a tenté de contrôler la vie politique du pays. Il est le fruit d'une communauté qui se définit comme telle, à un moment de son histoire, jouit de ce fait d'une légitimité historique et ancrée dans l'imaginaire collectif, qui lui reconnait la représentation de l'identité nationale et le monopole des symboles religieux. Au Maroc, une tentative de rationalisation de l'exercice du pouvoir via la création d'une administration moderne sans rompre avec les pratiques héritées du passé, a été amorcée.

En effet, les structures traditionnelles de la société marocaine marquent le comportement des élites politiques actuelles.27(*) Le rôle du makhzen a été transformé par le protectorat, bien que l'essence de son hégémonie fût laissé intacte, suivant l'assertion célèbre de Léauty « pacifier sans aigrir et organiser sans briser »28(*). En effet le makhzen est un style de gouvernement enraciné dans la société marocaine. Jusqu'en 1912, le régime fondé par le sultan Molay Ismaïl au XVII siècle n'a subi que peu d'amendement. L'essentiel des taches de son administration est la collecte des impôts en nature et en espèces. D'où son nom Makhzen qui veut dire littéralement : « entrepôt ». Pour étendre son autorité, le sultan déploie des stratégies différentes envers les tribus29(*). En effet les tribus tenaient un rôle de premier ordre sur le plan politique. Le pays était divisé en bled Siba qui ne reconnaît qu'un certain pouvoir religieux du sultan, et bled Makhzen, zone totalement soumise au pouvoir central. Cette situation a perduré jusqu'à l'arrivée du protectorat, qui a pu mettre fin à ce système, au moment où le makhzen a inscrit un échec flagrant pendant des siècles à soumettre les tribus dissidentes. Le pouvoir central n'a jamais disposé de la force militaire, pour pouvoir écraser les tribus en permanente rébellion. Il a toujours joint la guerre à l'alliance, devenues une stratégie permanente. Il lui fallait entre deux compagnes militaires, se lancer dans une politique d'alliance. Une dialectique d'opposition momentanée et de transaction de rejets violents et d'appels réciproques30(*). Le Makhzen est incapable de guerroyer tout le temps comme les tribus qui étaient incapables de faire face au pouvoir central. Cette situation est l'apanage de dispersion des groupes et d'intérêts. Les sultans ont toujours bénéficié de la segmentation de la société marocaine divisée en segments antagonistes et équilibrés par des tensions et rivalités. L'institution monarchique ne tenait pas sérieusement à les résoudre. La souplesse du sultan est flagrante de manière à ce qu'avait écrit John Waterbury «  ce régime ne tranche ni les têtes, ni les problèmes31(*) ». Le pouvoir n'ôte pas les têtes par ce qu'ils peuvent appartenir à des futurs alliés, alors que les problèmes demeurent nécessaires pour qu'il exerce son rôle avantageux d'arbitre. La monarchie a mis en oeuvre l'adage : «  diviser pour survivre » pour contre carrer certaines aspirations politiques, qui tentaient de réduire sa place à un rôle symbolique ou à celui d'un Amghar traditionnel.

Historiquement, les tribus Guich procuraient la majorité du personnel militaire et administratif, les autres fonctions nécessitant des connaissances spéciales revenaient aux bourgeois citadins. Ces familles étaient au service du makhzen durant des années voire des siècles, de ce fait leurs missions tendaient souvent à devenir héréditaires. Après l'indépendance, la monarchie marocaine, menait une politique dominée par le maintien et la consolidation de l'autorité du makhzen. Celui-ci déploie des tactiques afin de contrôler, domestiquer et limiter les ambitions des partis politiques. Légataire d'un double héritage: celui du passé avec ses coutumes séculaires 32(*)d'organisation du pouvoir et celui du protectorat, incarné dans une infrastructure complexe qui ne fut jamais complètement acceptée par ses héritiers ni adaptée à leur besoin. La monarchie fondait son pouvoir sur des assises religieuses, idéologiques et démagogiques.

Après avoir surmonté la période défensive de 1955 à 1960, le roi récupère le monopole de la distribution des avantages politiques et matériels du pouvoir, ce qui lui facilite la manipulation de l'élite, et lui permet de plus de contrôler effectivement l'administration33(*). Celle-ci devient son principal instrument du gouvernement. Le monarque ouvre les portes de la haute fonction publique et supervise les activités de ceux qu'il y fait entrer. En effet occuper une place prépondérante dans l'administration constitue un garant d'allégeance à la monarchie. Au temps du makhzen, la bourgeoisie avait participé à la gestion des affaires publiques. Le sultan faisait souvent appel aux compétences des commerçants, à leur connaissance de l'étranger et il leur confiait des missions diplomatiques et les chargeait des finances de l'Etat. La bourgeoisie citadine a continué après l'indépendance, à dominer ces deux sphères administratives34(*). La classe dirigeante économique doit sa prospérité aussi bien à la position privilégiée au sein de l'administration, qu'a ses affaires qui, dépendent beaucoup de la protection du gouvernement. Pendant la période offensive, la monarchie a pu écarter les partis politiques, et les technocrates accèdent au pouvoir dans un climat marqué par l'incapacité de la bourgeoisie d'affaires à développer une idéologie économique de production. Ils contrôlent désormais toutes les institutions35(*). Ils sont partout, sauf là où ils devaient être aux commandes des affaires techniques ou technologiques36(*). Les technocrates sont aussi des héritiers de la fortune et des positions, formés par l'Etat pour seconder les confréries des grandes familles. Préparés à ces taches, ils n'ont jamais été politisés, ni manifester une quelconque opposition, ils sont seulement initiés à développer l'idée de collaboration avec le pouvoir37(*).

Les technocrates une fois établis au pouvoir, conservent les mêmes rapports persévérants avec leurs camarades de classe ou de la fonction publique. Sans oublier leur famille, elles aussi portées au niveau des responsabilités par la cooptation ou l'héritage. C'est dans cette chaine de complicité, de fidélités et de mansuétudes que les affaires publiques sont gérées, entrainés dans le réseau des grandes familles et dans la mouvance de l'idéologie bureaucratique, les technocrates se livraient à la défense des intérêts des groupes les plus dominants. Une dépendance mutuelle entre les technocrates et le makhzen faisait jour. Ce dernier se servait d'eux pour dresser l'élite politique insaisissable, les technocrates, ont besoins du pouvoir pour se maintenir dans leurs positions. A l'instar de tout les héritiers, le pouvoir absolu devient leur ultime finalité, ils ne pensent ni au développement ni à la libéralisation économique. Ils cherchent seulement, à défendre leurs intérêts qui, la prospérité économique et le pouvoir furent une fin. Ils sont habitués à diriger sans partage ni persécution, faire des promesses sans être capables de les tenir, ils ont du mal à se défaire de ces habitudes, désormais partie intégrante de leur culture du pouvoir. Le makhzen a émergé et consolidé le pouvoir des technocrates, ils deviennent la pierre angulaire du système. Ils occupent une position de pouvoir faire entendre leur manière de gérer les affaires publiques, ils parviennent à consolider leur position économique afin de soutenir leur rôle politique38(*).

* 26 - Ignacio Ramonet, « Le Maroc indécis », in le Monde diplomatique, juillet 2000, p.1.

* 27 - John Waterbury, le commandeur des croyants, op.cit, p. 33.

* 28 -Ihazrir Abdelmalek, élite rurale et politique agricole , contribution à l'étude de l'univers politique et social des acteurs, thèse d'Etat en droit public, faculté de droit Marrakech, 1997, p . 103.

* 29 -Laroui Abdellah, Les origines sociales et culturelles du nationalisme marocain, Maspero, 1977, p .16.

* 30 -Bernard Cubertafond, le système politique marocain, l'Harmattan, 1997, p.25

* 31 -John Waterbury : le commandeur des croyants, opt.cit, p.170.

* 32 - Ibid, p. 39.

* 33 - John Waterbury, Le commandeur des croyants, op.cit, p. 312.

* 34 - Ibid, p. 127.

* 35 - Ali Benhaddou, op.cit, p. 116.

* 36 - ibid. p. 117.

* 37 - Pierre Vermeren, la formation des élites marocaines et tunisiennes, La découverte, 2002, p. 201.

* 38 - Ali Benhaddou, op.cit, p. 118.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway