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Enjeux socio-économiques et conservation des ressources naturelles: dynamique des populations et perspectives de gestion durable de la forêt classée de Dida (Burkina-Faso)

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par Steve Dimitri PARE
Université de Kinshasa RDC - Diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en aménagement et gestion intégrés des forêts et territoires tropicaux 2013
  

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3.5.3. Alternative souhaitée

Plusieurs tentatives de déguerpissement des « occupants illégaux» de la FC de Dida ont été entreprises ces dix (10) dernières années et se sont tous soldées par des échecs. Les premières tentatives réelles ont débuté en 2003 quand les services de l'environnement ont tenté de déguerpir mani militari les occupants de la FC. Cette date du 03 mai 2003, le chef du village de Mado s'en souvient: « ils sont venus nous chasser sans même nous prévenir. Ils ont brulé sous mes yeux le toit de ma maison. Pendant des jours, nous étions obligés de dormir dehors (...) sous la pluie ». D'autres actions seront entreprises en 2007 et 2009. En 2013, des délais de déguerpissement pour le 31 janvier et le 28 février 2013 ont été annoncés et sont restés sans suite.

Pour mieux comprendre ce statu quo, il faut remonter à janvier et février 2012 où, les dernières missions de sensibilisation en vue d'inciter les occupants au départ volontaire ont été entreprises. Le 14 mars de la même année, environ trois cents (300) occupants prennent d'assaut le Gouvernorat des Cascades9. Ils sont reçus en entretien par le Gouverneur des Cascades qui leur demande de formuler leurs doléances à lui transmettre. Après une assemblée générale tenue à Goté le 25 mars, plusieurs doléances sont formulées par les occupants : (i) la détermination d'un site pour l'ensemble des occupants; (ii) l'indemnisation des population à concurrence de un million (1 000 000) de francs CFA par hectare d'anacardes, deux cent mille (200 000) francs CFA pour les maisons en tôles, cinquante mille

9 Journal Le Pays N°5073 du 19 mars 2012

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(50 000) francs CFA pour les cases en chaume ou en paille; (iii) l'octroi d'un délai de trois (03) mois minimum à compter de la date du versement effectif de ces indemnités.

Par ailleurs, les occupants souhaitent l'arrêt et ce jusqu'à la décision définitive sur leur sort par l'état, des exactions, des spoliations, des brimades, de la terreur, des tortures et des emprisonnements abusifs infligés aux populations par les agents du SDEDD, sous peine de révolte populaire aux conséquences imprévisibles10. Dans le même rapport, les occupants estiment la population de seulement quatre villages (Wankoro, Goté, Sassamba et Mado) à vingt trois mille quatre vingt quatorze (23 094) habitants et les superficies exploitées dans la forêt à quarante deux mille deux cent quatre vingt douze (42 292) hectares, comme présenté dans le tableau 10 :

Tableau 10 : Situation des populations et superficies exploitées dans la FC de Dida

Village

Nombre d'habitants

Superficies exploitées (en ha)

Sassamba

2 023

22 745

Goté

19 405

17 569

Mado

511

511

Wankoro

1 115

1467

Total

23 094

42 292

Sources: Rapport AG du 25 mars 2012

Nonobstant l'inexactitude de l'effectif total du nombre d'habitants qui devrait être de 23054 (dû à certainement une erreur de calcul pour un travail fait à la hâte), et le fait que ces chiffres ne représentent que la situation dans seulement deux villages et deux hameaux de cultures, ils sont loin de refléter la réalité. D'abord, pour qui connait Goté et Sassamba, la simple observation permet d'en déduire que le second est bien plus peuplé que le premier. Or, dans cette évaluation telle que présenté, Goté fait près de dix fois le village de Sassamba. Paradoxalement, le ratio superficie exploitées par nombre d'habitant est de 11.24 à Sassamba, 0,90 à Goté, 1 à Mado, et 1,31 à Wankoro. Si l'on considère la moyenne du nombre de personnes par ménage au regard des données de terrain, chaque ménage de quatorze (14) personnes à Sassamba posséderait environ cent cinquante sept (157) ha toutes cultures confondues contre seulement 12 ha à Goté.

Lors de la rencontre avec le conseiller du village de Sassamba, ce dernier reconnaitra que cette évaluation a certes été faite à la hâte, mais, reste certain qu'elle peut être en deçà des réalités mais pas le contraire. A la DREDD, on estime que ces chiffres sont loin d'être une

10 Rapport AG du 25 mars 2012

61

réalité dans la mesure où la population de l'ensemble des habitants installés dans la FC de Dida est estimée à 8164 habitants11.

Pour le chef de poste du SDEDD, le laxisme de l'Etat et le manque de fermeté ont poussé les populations à durcir davantage leur position et à exiger des conditions, et ce depuis que toute action de la part des services forestiers sans autorisation préalable du Gouverneur des Cascades dans la FC de Dida leur a été formellement interdite.

A la question de savoir quelles seraient les conditions préalables à leur départ de la forêt classée, la position des occupants n'a pas vraiment varié. Ils estiment que dédommagement et délocalisation vont de paire à l'image de cette veuve de quarante (40) ans dans le village de Diaradougou: « même si on me montre un coin aujourd'hui pour aller, quels moyens j'ai pour pouvoir construire un autre logement en dehors de ce que mon mari défunt a laissé ? ». A défaut de pouvoir bénéficier des deux options, majoritairement les exploitants optent pour la délocalisation comme le montre la figure 20:

83%

Préalable à l'apurement de la FC

17%

Dédommagement Délocalisation

Figure 20 : Option voulue par les populations pour libérer la FC de Dida

Environ 83% des enquêtés optent pour la délocalisation, contre seulement 17% pour le dédommagement. Elle reflète une volonté de pouvoir trouver un endroit et continuer les activités. Cet agriculteur originaire de la Région du Yatenga (une zone sahélienne du Burkina) et installé dans la FC de Dida depuis 1983 explique: « même si on me donne aujourd'hui de l'argent et que je dois retourner chez moi, je ne pourrai pas produire parce que j'ai quitté à

11 Communication DR de janvier 2013

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cause de la sécheresse. (...) si la situation là-bas ne s'est pas empirée depuis que j'ai quitté, je suis sûr que ca ne s'est pas non plus amélioré ».

Cependant, il reste aussi évident que le choix du dédommagement est une option choisie par d'autres occupants. Un examen du profil de ceux qui feraient cette option permet de comprendre davantage leur position comme le montre le tableau 11 :

Tableau 11 : Option d'apurement de la FC en fonction du statut de résidence

Option souhaitéeDédommagement Statut de résidence

 

Délocalisation

Total

Allochtone

4

39

43

Autochtone

6

9

15

Total

10

48

58

Ce tableau montre que le dédommagement est souhaité pour 40% des autochtones contre 9,3% seulement des allochtones. Cela implique la possibilité que certains occupants, notamment les autochtones, contrairement à ce qu'ils font croire, ont des possibilités de pouvoir se réinstaller dans leur villages d'origine. C'est du reste cet avis que partage le chef de service de la DDEDD pour qui « beaucoup d'occupants ont des champs et des résidences ailleurs ». Ceci pourrait être vrai pour certains autochtones comme cet homme de quarante deux (42) ans installé à Wankoro et disposant de terres cultivables mais non exploitées, pour dit-il « parer à toute éventualité ».

Quant aux allochtones, le tableau a montré que très peu sont favorables au dédommagement. Ceux qui le sont se sont avérés être tous des peulhs qui mènent comme activité principale l'élevage. Peuples nomades au Burkina et constamment en quête de pâturage pour leurs animaux, il est bien probable qu'une sédentarisation ne soit pas une bonne option pour eux. D'ailleurs, la plupart d'entre eux s'est installée dans la FC de Dida entre 2000 et 2010 en provenance de localités voisines comme Dissin, Banfora, Sidéradougou ou la Côte d'Ivoire. Cet éleveur installé dans le village de Mado depuis 2010 en provenance de Sidéradougou et disposant de vingt (20) boeufs n'a pas caché son intention de se retrouver en Côte d'Ivoire si le déguerpissement devrait être une réalité.

La difficulté liée à la délocalisation est de savoir où réinstaller les occupants de la FC de Dida. Pour la DREDD, cette question ne doit pas être d'actualité puisque « chacun est supposé avoir un lieu de provenance ». La situation est d'autant plus complexe qu'aucun enquêté ne s'est véritablement prononcé sur la question, considérant qu'il appartient à l'Etat de faire des

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propositions, mais aussi attrayant que les terres fertiles de la FC de Dida. Les propriétaires terriens des villages de Diarakorosso, Noumoukiedoudou, Mourkoudougougou et Tiebata dans la commune de Mangodora ont unanimement émis de sérieuses réserves quant à leurs capacités d'accorder des espaces cultivables aux éventuels déguerpis. « Y a plus de terre. Où on va les mettre?»: se demande le chef de terre de Mourkoudougou. Dans la perspective du déguerpissement manqué de 2009, des concertations avaient été entreprises avec l'ensemble des villages riverains pour l'accueil des déplacés, avec échos favorables de la part des propriétaires terriens. Mais le manque de suivi, selon le chef du SDEDD, n'avait pas permis d'entériner cette alternative. Il est bien possible qu'avec le temps certains soient amenés à se rétracter si un véritable plaidoyer n'est pas entrepris auprès de ces garants de la tradition.

Du coté des mairies c'est le même scepticisme est parfois affiché. Le Maire de la commune de Mangodara, l'Adjoint au Maire de la commune de Ouo et le Maire de Djigouè se disent peu enclins à trouver des espaces pour les occupants de la FC de Dida, mais considèrent qu'il y'a nécessité d'aborder la question avec l'ensemble des acteurs pour en étudier la faisabilité. Or, la densité12 des communes de Mangodara, de Ouo et de Djigouè sont respectivement de 18,71 hbts/km2, 8,14 habitants/km2 et 20,97 habitants/km2 pour une moyenne nationale de 51,4 habitants/km2. C'est dire que de façon théorique, les possibilités sont grandes, surtout dans le département de Ouo qui est le moins dense.

Pour autant tous les problèmes de la FC de Dida ne seront pas résolus avec la délocalisation ou le déguerpissement. Il conviendrait de se pencher sur les perspectives d'une gestion à long terme de cette forêt.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein