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Enjeux socio-économiques et conservation des ressources naturelles: dynamique des populations et perspectives de gestion durable de la forêt classée de Dida (Burkina-Faso)

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par Steve Dimitri PARE
Université de Kinshasa RDC - Diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en aménagement et gestion intégrés des forêts et territoires tropicaux 2013
  

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CHAPITRE 4 : DISCUSSION

L'étude menée sur la FC de Dida met en relation des acteurs guidés par des motivations complexes et orientées surtout vers la protection de leurs intérêts et le renforcement de leur mainmise sur les ressources naturelles. La problématique de cette forêt pourrait s'articuler autour de trois thématiques : la pression sur les ressources comme source de revenus, la question du respect des lois et la gouvernance environnementale dans le contexte de la décentralisation.

? La pression sur la forêt comme source de revenus

Des résultats de cette étude, il ressort que l'existence des populations aussi bien installées dans la FC de Dida que riveraines dépend étroitement des ressources de la forêt, par la pratique surtout de l'agriculture itinérante et du pâturage. Ces populations sont attirées par les terres de la forêt classée comme l'a tantôt affirmé MALDAGUE (2003). Il est indéniable que les revenus tirés par ces populations locales de ces ressources sont substantiels. C'est cette rentabilité relative qui est à la base du degré actuel d'anthropisation de cette forêt, et des échecs répétitifs des tentatives de son apurement. Le mode de culture en lui même, associant cultures vivrières et cultures de rente (anacardes) tend à une sédentarisation des populations, préjudiciable à l'espace forestier, et engendrant une uniformisation de la biodiversité floristique. De plus, la dynamique des exploitants en termes de pression sur les ressources, combinant intensification à travers l'utilisation des engrais chimiques, et extensification par l'emblavement quasi annuel de nouvelles superficies, compromet dangereusement l'existence même de ce massif. Dans le cas d'un autre pays pauvre, la République Démocratique du Congo (RDC), BAMBA (2010) soutient que la forêt constitue un moyen de subsistance, une source de revenus financiers, une source d'activités économiques et d'investissements et un réservoir de terres arables pour l'agriculture itinérante. Dans cette situation, se pose le dualisme entre les enjeux économiques des populations et la conservation des ressources forestières. Cette vision corrobore celle de HUYBENS et TCHAMBA (2012) pour qui il est malheureusement à craindre que, dans le contexte actuel, l'aspiration légitime des peuples au développement économique et à l'amélioration de leurs conditions de vie aille à l'encontre de la préservation de nos dernières forêts, avec la disparition corollaire des services économiques et environnementaux qu'elles parviennent encore tant bien que mal à nous procurer. Il est aussi évident que les populations locales perçoivent peu la rentabilité de la sauvegarde des espaces forestiers, pourtant propice à l'agriculture. Cette forêt empiète, de leur point de vue,

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sur leurs activités agricoles. Elle « dérange ». D'où une remise en cause constante de ses limites. Elle dérange d'autant plus qu'elle est souvent perçue comme ayant une valeur moindre que celle que peut générée une conversion en terres agricoles. Il y a alors nécessité de trouver un juste milieu pour permettre à ces espaces forestiers de remplir leurs fonctions écologique, économique et social. C'est pourquoi KARSENTY (2008) estime que la gestion des espaces forestiers ne peut alors se faire indépendamment de celle des espaces agricoles car tous deux obéissent à la même logique et, doivent participer aux mêmes objectifs de développement durable.

? Le respect de règles de gestion en question

Dida pose aussi la question de l'établissement des règles et de leur respect par l'ensemble des acteurs. Le code de l'environnement est assez explicite en matière de gestion des forêts classées. Il stipule entre autre la matérialisation des forêts ayant fait l'objet de classement, l'élaboration d'un plan d'aménagement et la participation des populations dans la gestion. Dans notre cas, aucune de ces règles n'a véritablement été respectée par les structures étatiques. Pour KONE et al. (2012), (citant LAUGINIE, 2007) bien souvent, « les cadres législatifs sont solides et les causes de mauvaise gestion sont à rechercher au niveau de l'application des lois ». Elles seraient donc consécutives soit à la méconnaissance de ces lois, soit à leur violation délibérée par les individus. Les villages et hameaux de cultures illégalement installés dans la FC de Dida dépeignent cette situation.

Aussi, les questions liées à la concertation des acteurs contribuent aux difficultés de l'apurement de la forêt. Dans la FC de Dida, la réalisation des infrastructures hydrauliques (forages) et même des écoles est assez illustrative. Dans une étude en RCI menée par KONE et al. (2012), la même situation est constatée. Pour eux, alors que le ministère en charge de l'environnement s'évertuait à exfiltrer les populations installées dans certaines aires protégées, le ministère en charge de l'éducation nationale y soutenait la construction d'écoles et y affectait des fonctionnaires. Il importe donc d'élaborer et de mettre en oeuvre une bonne stratégie de communication et des stratégies d'action plus cohérentes qui fédèrent toutes les institutions concernées.

? La gouvernance environnementale dans le contexte de décentralisation

Dans une perspective de gestion durable de la FC de Dida, les personnes rencontrées sont unanimes sur la nécessité d'y impliquer l'ensemble des acteurs. Au regard aussi des différents

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scenarii présentés, cette option demeure l'une des meilleures pistes envisageables. Mais pour que cette cogestion soit efficace, elle se doit d'être basée sur une forme d'entente officielle, qui édicte clairement l'élaboration de politique, la planification, l'établissement de règles, l'investissement, la répartition des revenus, le suivi et l'exécution des règlements, l'arbitrage des conflits, et le suivi des mesures (RIZZOTTI, 2012). Cela implique que les responsabilités et les devoirs de chacun soient définis et validés par une structure étatique et officielle, afin de transférer la légitimité de la gestion aux communautés. C'est dans ce sens qu'il est impératif dans le cas échéant d'élaborer un plan d'aménagement pour la FC de Dida.

Les difficultés liées à la gestion de la FC de Dida interviennent aussi dans un contexte national de décentralisation. En reconnaissant aux collectivités territoriales le droit de s'administrer librement et de gérer les affaires locales en vue de leur développement, la loi a ouvert la voie à la gouvernance locale des ressources naturelles communes. Pour RDB (2008), Ce n'est qu'un juste retour des choses car les populations se sont toujours considérées comme les propriétaires légitimes de ces ressources. Même si dans le cas du Burkina le transfert des ressources naturelles aux collectivités territoriales n'est pas encore effectif, cette décentralisation pourrait vite se trouver à l'épreuve de la gouvernance environnementale. Un des handicaps majeurs des communes rurales en particulier est l'absence de compétences. Les collectivités territoriales manquent de ressources humaines dotées d'expertise suffisante pour la gestion des compétences transférées. Pour RDB (2008), si ce processus peut constituer une opportunité pour une bonne gestion, il pourrait, si on n'y prend garde, receler des obstacles et des pièges susceptibles d'hypothéquer la gestion durable des ressources renouvelables.

En effet, pense LEFEE (2005), en terme de gestion de ressources naturelles, l'enjeu de pouvoir se focalise principalement sur la question de savoir qui va contrôler les ressources. La mise en place d'une gestion locale dans le cadre de la décentralisation va redéfinir donc le système de pouvoir dans son ensemble, ce qui déclenchera de fait un processus de redistribution des modes d'autorités. Ce processus suscite d'autant plus d'intérêts qu'il a pour objet central les ressources forestières, leur gestion étant perçue comme une opportunité de contrôle. Cette situation pourrait alors conduire à la « tragédie des communs» de HARDIN (1968) cité par YELKOUNI (2005), pour qui, la conjugaison des propriétés de « non-exclusion» d'une ressource collective et de rivalité dans son usage par les agents économiques peut conduire à sa ruine. C'est pourquoi pour KOUAGIO (2012), la gouvernance décentralisée pose des défis et des opportunités pour le renforcement des

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capacités. Les communautés locales ont besoin de connaissances techniques et de compétences pour une gestion durable de leurs forêts. Quant à SEYNI (2012), s'appuyant sur des études d'ANDERSON et al. (2006), AGRAWAL ET OSTROM (2001), et AGRAWAL et RIBOT (1999), l'auteur en arrive à la conclusion que plusieurs études ont souligné les vertus de la décentralisation, considérée comme un moyen de donner aux populations locales plus de droits sur les ressources et aussi comme un processus de redistribution du pouvoir.

Cette vision optimiste des choses est cependant remise en cause par AUBERTIN et al. (2008). Pour ces auteurs, les attentes suscitées par la participation locale ont souvent été déçues, remettant en cause les approches communautaires. Une critique d'essence politique a montré que pour des raisons à la fois propres aux structures sociopolitiques locales, aux influences politiques nationales et aux réseaux économiques internationaux, la conservation basée sur l'intéressement local est souvent un échec. De ce fait, la présentation des milieux locaux comme meilleure organisation politique de gestion de la biodiversité s'apparente, pour AUBERTIN et al. (2008), « plus à une construction rhétorique qu'à une réalité de terrain ». Dans le cas spécifique de Dida, cette forêt, se situant à cheval entre plusieurs communes va nécessiter alors d'imaginer et de construire une gestion concertée de ses richesses par deux ou plusieurs collectivités territoriales, pour réduire les risques de conflits entre populations, collectivités territoriales ayant en partage lesdites ressources. C'est à juste titre qu'il faudra soutenir avec TREFON (2008) que des efforts significatifs en matière de prise de conscience, de communication, de renforcement des capacités et du renforcement de la société civile seront nécessaires si l'on veut véritablement espérer que tous les acteurs acceptent et mettent en pratique les principes énoncés dans le cadre d'une probable gestion participative.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo