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Quelle place pour la poésie dans l'édition de littérature pour la jeunesse en France (1992 - 2012) ?

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par Agnès Girard
Université du Maine - Master 1 Littérature Jeunesse 2013
  

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3 - Une définition instable

C'est à la lumière de son histoire récente et du débat, encore vigoureux, sur sa légitimité que nous pouvons tenter une définition de « la poésie pour la jeunesse », prise entre l'instabilité générique d'une part et une limitation - pour la jeunesse - qui peut passer pour réductrice et dangereuse, ensuite. Une grande majorité des poètes s 'accordent sur l'impossibilité d'assigner à la poésie un territoire fixe et clairement identifiable : « Le domaine de la poésie est illimité»2, affirmait Victor Hugo. Cette affirmation vaut aussi pour la poésie

1DUBOST Louis, dans l'article : La poésie jeunesse : des paroles d'éditeurs, Revue Griffon n°231, p.9. 2HUGO Victor, préface des Odes,1822.

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pour la jeunesse qui repousse toujours ses limites autant en ce qui concerne ses formes qu'en ce qui concerne ses thèmes. Sans doute cette multiplicité rend-elle sa représentation difficile et en fait-elle un objet suspect, tant aux yeux des poètes qu'à ceux des lecteurs.

Dans ses formes, en effet, la poésie « jeunesse » est multiple et diffuse : sous prétexte qu'elle est adressée à un jeune lecteur, elle sera déclinée en textes courts ou constituée d'extraits de poèmes choisis. Les comptines, les haïkus, les poèmes-devinettes sont les formes les plus représentatives du genre. Le fragment sélectionné d'un long poème peut-être aussi l'occasion d'une lecture accessible et d'une invitation à redécouvrir ultérieurement le texte : c'est le pari que font souvent les anthologies, comme celle dernière née des éditions Rue du Monde qui propose vingt-trois extraits , « petits éclats de poésie », de vingt-six poèmes dans « Pom pom poèmes »1. Il s'agit d'une anthologie sous forme d'album proposée aux tout-petits. Toutes les formes classiques de poésie sont représentées dans les publications de poésie pour la jeunesse : la ballade, le sonnet, la chanson, l'ode, le rondeau, le pantoum, ou d'autres formes textuelles, comme le calligramme, qui s'affranchissent des contraintes versifiées et rimées, ou encore la poésie en vers libre, ou, pour finir, la prose poétique d'où toute contrainte formelle a disparu. Ces différentes formes donnent à chaque poème une silhouette, et l'on sait que la dimension visuelle d'un poème constitue une invitation à entrer dans le texte, à laquelle les enfants sont très sensibles. Avec l'évolution des techniques de communication et d'imprimerie, la poésie contemporaine accentue encore cet « effet visuel » en jouant avec la typographie et en utilisant le recours à l'iconographie de façon libre, et apportant un supplément à la mise en valeur du poème. La table des matières de l'anthologie Si je donne ma langue au chat ...2 propose un florilège de jeux sur la typographie et l'iconographie par l'illustratrice (infographiste de formation) pour mettre ces poèmes en valeur sur la page. La plupart des recueils de poésie pour la jeunesse jouent sur la dimension visuelle : la composition, la typographie et la mise en page se conjuguent à juxtaposition du texte et de l'image et l'ensemble fait sens. La forme du poème sollicite toutes les nouvelles techniques de manière à valoriser l'effet visuel du poème en stimulant l'un des premiers sens chez l'enfant : la vision. Les formes, grâce à l'infographie et aux techniques d'imprimerie en constante évolution, se multiplient donnant libre court à la créativité sans limite des auteurs et des illustrateurs. Les

1SERRES Alain , Pom Pom poèmes, ill. HAYAT Candice, Paris, Rue du Monde, 2012.

2GALICE Célia, LEROYER Emmanuelle, Si je donne ma langue au chat, est-ce qu'il me la rendra ?, ill . Oréli, Paris, Bayard Jeunesse, 2010.

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poètes jouent, de plus en plus, avec cette grande technicité que leur proposent les maisons d'éditions.

La poésie, et en particulier la poésie pour la jeunesse, dans sa volonté de créer, de jouer, s'est détournée aussi des carcans grammaticaux, syntaxiques et lexicaux qui la bridaient. A l'école, nous l'avons vu, la poésie a perdu l'objectif unique qui a longtemps été le sien, d'apprendre les Belles Lettres, de faire l'éloge de la patrie ou de servir la morale. Les nouveaux programmes lui ont conféré l'objectif d'appréhender la création, de développer l'inventivité, de faire découvrir les subtilités de la langue. Elle s'affranchit de ses contraintes grammaticales, lexicales, et syntaxiques pour proposer des formes poétiques nouvelles. Les enfants en sont très friands tant ils se sentent complices de ces « écarts », de cette liberté nouvelle accordée au langage pour donner du sens, même jusque dans l'absurde. Les comptines du patrimoine, déjà, utilisaient cet effet de « langage enfantin » qui conférait aux enfants un genre maîtrisé, qui leur est propre.

Pie niche haut / oie niche bas / où l'hibou niche ? / Hibou niche ni haut ni bas / Hibou niche pas !

Dans cet exemple de comptine enfantine, la syntaxe et la grammaire ne sont pas à l'honneur : oubliant les articles, les adverbes, les formes grammaticales de négation, le texte joue sur des sonorités qui interpellent l'enfant. En « maltraitant » le langage, ce poème invite l'enfant à reconnaître des mots de sa propre langue et en même temps, à découvrir des sonorités nouvelles, comparables à celles d'une langue étrangère. Cette cascade de sonorités ne s'encombre pas de la syntaxe et laisse les mots chanter une « nouvelle » langue.

« Le rap des rats »' ou « Le Verlan des oiseaux et autres jeux de plumes »2 de Michel Besnier en sont une illustration contemporaine, qui fait la part belle au verlan :

« Le héron au long keb emmanché d'un long ouc »3

La poésie est libre et ne s'encombre plus de contraintes formelles et syntaxiques, ouvrant la porte à un espace infini de poésie potentielle. Nous sommes donc face à une poésie qui se construit sans limites, sans frontières, sans contraintes, libre de choisir de parler du monde comme elle le veut, dans une forme débridée et inventive, sans cesse réinventée. A l'inverse, on peut citer les contraintes fécondes de l'Oulipo4 : la contrainte, loin d'être limitation de la liberté, permet l'ouverture à l'innovation. Elle engendre nombre de poèmes ou de textes

1BESNIER Michel, Le rap des rats, ill. GALERON Henri, Landemer, Møtus, 1999.

2BESNIER Michel, Le verlan des oiseaux et autres jeux de plumes, ill.BOIRY, Landemer, Møtus, 1995.

3Ibid.

4OULIPO : Ouvroir de Littérature Potentielle, mouvement créé depuis 1960 par Raymond Queneau et François

Le Lionnais ; l'aventure oulipienne continue tous les mois en créant de nouveaux jeux avec la langue.

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littéraires, plus fous les uns que les autres, et accueille le lecteur dans un tour de passe-passe ludique avec le langage. La liberté ne résulte plus ici de la négation des contraintes mais naît de leur inventivité qui érige un genre nouveau : c'est en voulant déstabiliser les formes que les membres de l'Oulipo ont fait jaillir de nouvelles façons de jouer avec les mots : « le tautogramme », « le lipogramme », « la terine », « l'homophonie »... Autant de contraintes amusantes que le jeune lecteur de poésie pourra reprendre à son compte et expérimenter.

Considérant l'infinie diversité des formes poétiques et la multiplicité des thèmes abordés dans la poésie pour la jeunesse, force est de constater que le genre est sans limite. Pendant longtemps, la poésie destinée à la jeunesse a rendu hommage à la patrie, aux grands hommes, à la nature (la faune, la flore, les saisons) et elle se fixait un but moraliste et pédagogique, Elle traitait du temps qui passe, des sentiments (amour, nostalgie, enfance...) quand elle se voulait belle, douce et idéaliste. Plus tard, s'intéressant au côté obscur du monde, elle s'est voulue réaliste. La poésie publiée aujourd'hui est ouverte à tous les thèmes et les poètes renouvellent sans cesse leurs sujets. Néanmoins, il est notable que dans les publications pour la jeunesse, les thèmes abordés ont tendance à suivre des modes, soit parce que le sujet traité est d'une brûlante actualité et interpelle les auteurs ou les éditeurs (le racisme, l'écologie...), soit parce qu'une mode garantit aux éditeurs des ventes conséquentes : c'est le cas du recueil de Sophie Arnould1, préfacé par Jean Marie Pelt, professeur émérite de l'université de Metz et Président de l'Institut européen d'écologie. Les textes, dans ce cas, sont pauvres : seules la rime et l'allitération leur confèrent un caractère poétique( « Sacré renard / ce lascar / Je l'ai vu passer / dans le pré / et se cacher / derrière la haie »). Le découpage du recueil en quatre parties confine au simplisme: « A travers champs ; Au bord de l'eau ; Du côté de la ferme ; Au fond de la forêt ». Il n'existe aucune « résistance » dans ces textes qui proposent aux enfants des descriptions de la nature qui peuvent paraître, aux yeux de certains poètes assez mièvres. Les illustrations, appositions d'images très figuratives, ne donnent pas non plus les moyens de s'échapper du texte. Mais la littérature jeunesse a aussi connu ces dernières années une émergence de thèmes « sociétaux » qui font écho aux préoccupations légitimes de la jeunesse du XXe siècle. La poésie n'a pas fait abstraction de ce phénomène, et, à sa manière et avec ses caractéristiques, elle interpelle aussi l'enfant dans son questionnement du monde qu'elle relaie. Tous les thèmes sont exploités : la tolérance, la peur, la mixité sociale

1ARNOULD Sophie, 101 poésies du bout du pré pour partir à la découverte de la nature, Ill : collectif, BAYARD Jeunesse, 1998.

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avec, par exemple, la collection d'anthologies « La poésie » aux éditions Rue du monde. Les thèmes, on le voit, sont infinis.

Il subsiste pourtant une limite infranchissable dans la production poétique, comme dans la littérature jeunesse : celle qui est fixée dans la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse qui stipule dans son article 2 (modifié en 2010)1 que ces dernières

« ... ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés de crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques ou sexistes. Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse. »

On notera que la mention portant sur « les préjugés ethniques ou sexistes » n'a été ajoutée à cette liste qu'en 2010, signe évident que la société évolue, et avec elle, ses moeurs et ses lois. A travers ces évolutions, les publications pour la jeunesse voient leurs thèmes s'élargir. Certains thèmes restent cependant tabous, même si quelques éditeurs osent aborder des sujets « sociétaux » dans des collections de la littérature jeunesse : l'homosexualité et son revers l'homophobie, le travail des enfants, la guerre, le suicide, le chômage, la violence... D'autres font le choix de s'autocensurer, par conviction personnelle, par choix éditorial, ou par crainte des représailles de la loi. Le cas de l'album « la Clarisse »2 de David Dumortier est exemplaire à cet égard : après avoir été inscrit en 2000 sur la liste des ouvrages de référence du ministère de l'Education nationale, il a été supprimé puis remplacé par un autre recueil du même auteur ( Ces gens qui sont des arbres3). L'auteur proposait dans l'ouvrage litigieux le thème « pipi-caca » avec une phrase qui continue de scandaliser : « Clarisse met son doigt partout, même dans son derrière et sent son odeur... ». Certains thèmes sont refoulés dans le non-dit des sujets tabous. Certains auteurs et éditeurs les mettent en mots, les inscrivent dans la lettre pour les humaniser.

La poésie ne s'interdit donc aucun sujet dans le cadre autorisé par la loi, mais surtout, doit faire consensus entre les adultes qui permettront sa diffusion. Les thèmes traités sont donc extrêmement divers. Pourtant, ce n'est pas la question du sens qui prévaut dans un poème, mais plutôt sa capacité à interroger le lecteur en train de regarder le monde.

1Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 - art. 27.

2DUMORTIER David, La Clarisse, Cheyne, Coll. Poèmes pour grandir, 2000.

3DUMORTIER David, Ces gens qui sont des arbres, ill. Martine Mellinette, Cheyne, coll. Poèmes pour grandir, 2003.

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C'est donc sur la fonction de la poésie qu'il nous faut nous interroger maintenant. Pour beaucoup, la poésie est inutile. Dans cette affirmation se révèlent en réalité deux opinions contradictoires. L'une dénonce et condamne cette inutilité alors que l'autre la revendique. Les tenants de la première opinion réduisent la poésie à un genre sans intérêt, trop vague, peu sérieux, voire souvent ridicule et désuet, n'ayant aucune utilité fonctionnelle pour l'apprentissage du langage. La poésie, il est vrai, ne répond pas à des critères syntaxiques ou lexicaux propres à coder une langue. La poésie est détachée de toutes ces contraintes qui nous sont nécessaires à l'apprentissage d'un langage fonctionnel : la recette, la notice, le mode d'emploi, la lettre, le curriculum vitae... en somme, la société n'aurait nul besoin de poésie. Le roman ou l'essai littéraire, dans leur fonction de représentation du monde, n'appellent pas nécessairement non plus la poésie. Elle est ainsi reléguée au rang de l'inutile par ses détracteurs, et ne tiendrait qu'un rôle « ludique », au même titre que les autres arts, dans une société pragmatique, où l'utile rejoint le rentable, laissant peu de place au plaisir gratuit. Certes, d'un point de vue économique, la poésie est inutile. En 1960 déjà, Saint John Perse, au banquet Nobel déplorait : « La poésie n'est pas souvent à l'honneur. C'est que la dissociation semble s'accroître entre l'oeuvre poétique et l'activité d'une société soumise aux servitudes matérielles. »1 Si longtemps réduite à la fonction moralisante de quelques fables (« La raison du plus fort est toujours la meilleure »2, « Travaillez, prenez de la peine .
· c'est le fonds qui manque le moins »
3), à l'expression de relents patriotiques dans certains poèmes d'après-guerre (« Que la grande République/ Nous inspire une âme antique !/Gloire aux vaillants du temps jadis ! ! Frères, soyons leurs dignes fils »4 !), instrumentalisée pour des exercices de mémorisation, la poésie ne parviendrait pas à faire entendre sa voix : ce qui, en elle, excède les limites du langage ordinaire.

A l'inverse, cette « inutilité » de la poésie est revendiquée par certains, comme nécessaire : la poésie n'aurait pas à donner du sens au monde, elle n'en a pas la fonction, d'autres genres littéraires s'en chargent. La poésie est un art, et, comme les autres arts, elle interroge le monde, elle le questionne. Elle n'apporte pas de réponse, elle n'est pas « mimèsis », dans le sens où elle ne reproduit pas l'apparence du réel, mais en exprime la

1SAINT-JOHN PERSE, OEuvres comple tes , "Allocution au Banquet Nobel du 10 de cembre 1960", Gallimard, coll. de la Bibliothèque de la Ple iade, p. 443-447.

2De LA FONTAINE, Le loup et l'agneau.

3De LA FONTAINE, Le Laboureur et ses Enfants.

4BOUCHOR Maurice, « Les vaillants du temps jadis »,dans La lecture et la récitation (de 9 à 12 ans), appliquées a l'éducation, recueil élémentaire de morceaux choisis classés par ordre de difficulté et annotés, de BOITEL Julien, Paris, Armand Colin, 1909.

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réalité cachée. La poésie questionne le monde, elle est « inutile » lorsqu'on la confine à ce rôle de représentation ou de signification du réel. Elle nous donne le moyen d'aller plus loin dans notre démarche d'interrogation du monde. Son caractère dérangeant, son côté subversif, qui s'affranchit des lois du langage « utile », normé, contredit nos habitudes, à commencer par celles du langage. Elle ouvre une voie inexplorée sur laquelle nous pouvons nous laisser guider sur le chemin inconnu, obscur, incompréhensible et que pourtant nous sommes invités à explorer. Dans son article intitulé « A quoi bon encore des poètes ?'», Christian Prigent, écrivain et poète, affirme que la poésie ne saurait se plier à l'impératif de nombre de livres aujourd'hui, qui serait « de nous rassurer sur le monde, c'est-à-dire de le remplir de significations immédiatement consommables. »

La poésie n'a donc pas pour vocation de « raconter le monde », elle formule des interrogations sans cesse renouvelées sur la parole, sur la nomination des choses. Dans cet horizon de ne pas expliquer le monde, la place de la poésie dans la littérature pour la jeunesse qui attend des outils souvent immédiats de compréhension, n'est pas moins considérée comme un art subversif du langage. Souvent occasion de jeux poétiques, la poésie permet aux enfants de s'échapper des contraintes du langage, des représentations significatives des textes littéraires ou documentaires, et de jouer avec un langage réinventé : « Nos mois / seraient / moins gais / sans les moineaux » - « Un oiseau / qui mange trop / de granulés / devient / gras / nul / et Laid »2 La poésie ne cherche pas à rendre le monde lisible, elle questionne l'obscurité du monde, et se définit comme un « écart », écart à l'explication du monde, dans le choix de ses thèmes, écart au langage, dans la multiplicité de ses formes, écart aux conventions, dans son caractère subversif. La poésie jeunesse ne peut se réduire à la destination qu'en font quelques médiateurs : qu'elle soit écrite spécialement pour les enfants ou non, mais toujours proposée à leur lecture, il est difficile de lui donner des contours fixes et identifiables parce qu'elle se veut mouvante, au plus près des interrogations du poète et du lecteur. Elle correspond alors, comme son sens étymologique le rappelle, à un « faire », un « polein » : elle est une création, un artisanat qui s'élabore dans un territoire que partagent le lecteur et l'auteur. A Jean-Michel Maulpoix, que nous avons envie de convaincre, nous pourrions indiquer ce que lui même nous conseille : « que peut-être faudrait-il arrêter d'en parler, et se contenter de la lire. »3 Si

1PRIGENT Christian, A quoi bon encore des poètes ?, P.O.L, 1996 p.12.

2BESNIER Michel, Le verlan des oiseaux et autres jeux de plume, ill.BOIRY, Landemer, Møtus, coll.Pommes Pirates Papillons, 1995.

3MAULPOIX Jean-Michel, <www : maulpoix.net>, séminaire : La poésie pour quoi faire ? Archives sonores (2007-2010) du séminaire mensuel public animé par Jean-Michel Maulpoix avec le concours de la Maison des écrivains et de la littérature et de l' Université Paris Ouest Nanterre.

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l'on considère cette poésie comme un « faire », un travail en construction, il est alors difficile de la définir, non pas parce qu'elle est multiple mais parce qu'elle est vivante. La poésie pour la jeunesse n'échappe pas à cette logique d'insaisissabilité. Soit, lorsque les poèmes ne sont pas écrits pour les enfants, soit lorsque les poètes qui s'adressent aux enfants le font dans le respect de leurs lecteurs, ce qui fait la poésie c'est autant le poète que le lecteur de poésie, ce « faire » se retrouve donc des deux côtés de cet espace, dans l'écriture du poète et la lecture de l'enfant. Il faut la lire alors pour saisir l'insaisissable. « Pour dire cette complexité (de l'humain) multiple, contradictoire, mouvante, il faut un langage affranchi, un langage nouveau, celui que réinventent sans cesse, depuis des millénaires, les poètes. »1 dira Jean Pierre Siméon qui définit la poésie comme « l'éloge de cette complexité ».

Tiraillée entre une définition insaisissable et un débat de légitimité, la poésie pour la jeunesse balance aussi entre deux sphères que sont la poésie du patrimoine et la poésie contemporaine. Mais, qu'il s'agisse d'oeuvres du patrimoine ou de pièces de la création contemporaine, la transmission de la poésie pour la jeunesse doit relever les mêmes défis : il faut la faire vivre, la donner à lire. Nous dresserons dans un premier temps un inventaire des différentes catégories poétiques trouvées dans les ouvrages pour la jeunesse, puis nous nous interrogerons sur la nécessaire transmission orale de la poésie.

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