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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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Chapitre septième: LE MYTHE DE L'APPARTENANCE ET PRISE DE CONSCIENCE

Introduction

Une idéologie ne peut aller contre le sens commun. G. Bouthoul, grand sociologue français contemporain, écrit : « La vie sociale est une hallucination partagée. Nous ne percevons en réalité, dans le monde extérieur, que ce que nous connaissons. Dans la vie sociale ce ne sont pas les choses, ni les faits qui nous affectent mais l'opinion que nous en avons. » « Tôt au tard », ajoute Bouthoul, « l'idéologie dominante passe dans les institutions. Bien mieux elle y est toujours latente car, derrière la lettre des lois, il y a la réalité de la jurisprudence et des moeurs. D'ailleurs les hommes ne respectent que les lois auxquelles ils croient, les autres, celles qui choquent leur bon sens, leur paraissent, au contraire absurdes et insupportables. Ils finissent toujours primitivement ou activement, par s'insurger contre elles. »(582(*))

Aussi aborderons-nous, dans ce chapitre, les éléments déterminants du mythe Hima-Tutsi en rapport avec l'idéologie fixée dans le poèmes et dont le kinyarwanda serait l'outil, et les valeurs manifestes de l'appartenance des Tutsi. Nous avons vu, dans le chapitre précédent, l'identité et l'appartenance selon les poèmes dynastiques du Rwanda et les valeurs qu'ils défendent. Il est question maintenant de ressortir le mythe de l'appartenance et la prise de conscience des Banyarwanda.

On pourrait définir les comportements ressortissant à la religion comme des techniques rendant possible la communion de l'homme avec la vie ou les figures de celle-ci. On appelle rites les comportements verbaux ou gestuels qui traduisent le souci des hommes d'établir un lien entre eux-mêmes et les réalités que dénote la religion.

Dans ce chapitre, il convient d'abord d'établir une étroite relation du rite qui apparaît dès lors d'actualiser le mythe, c'est-à-dire de recréer les conditions mêmes du temps originel ou apocatastasique qui était celui du mythe. Ainsi, dans la société des Banyarwanda, le mythe qui fonde l'ordre social peut-il être par là même universel ou simplement raconté, comme on raconterait une histoire : il est joué ? Dans ces populations, les Tutsi ont-ils un rituel ; ce en quoi consiste ce rituel ! Les paroles mêmes du mythe sont-elles réservées scrupuleusement ? Quelquefois la langue du mythe diffère de la langue quotidienne ; c'est une forme de langage archaïque ; ou bien une langue étrangère à la communauté. Est-ce le cas du mythe Hima-Tutsi ? Selon le mythe d'appartenance que l'on retrouve dans les poèmes dynastiques, être Munyarwanda c'est d'abord et déjà parler le kinyarwanda, l'abbé est-il munyarwanda ?

Cette constatation nous amène à insister sur le caractère efficient de la parole et du groupe ethnique qui en use: redire les mots mêmes qui, dans le mythe, ont engendré le monde, c'est renouveler la création elle-même, lui redonner vie et lui assurer pérennité.

Aussi aborderons-nous ici le problème psychologique des minorités qui implique la question de l'historicisme comme prise de conscience exceptionnelle de valeurs démographiques chez Mutuza dans les poèmes dynastiques. On observera la prophétie sociale et les prédictions du mythe Hima-Tutsi en les critiquant avec l'ingénierie sociale de Mutuza ou avec sa théorie de la communication et de la compréhension.

Section 1. Psychologie des minorités

§1. Microcosmes et prise de conscience

Une société fermée, très petite, caractérisée par son langage, ses préoccupations et ses habitudes, telle est la communauté hima-tutsi. Ce microcosme est d'ailleurs différent à l'analogie philosophico-astrologique qui considère l'homme comme un reflet de l'univers. Cela implique l'organicisme fonctionnaliste anthropologique à la radcliff-brownienne selon lequel un individu souffrant d'une caractéristique exceptionnelle ou très rare, comme le nanisme, l'albinisme, un défaut corporel isolé, un exemplaire unique de sa race, comme un mulâtre seul de son espèce, né et vivant dans un village européen, ou encore une personne ne faisant partie que d'un groupe minuscule (comme des infirmes d'une certaine catégorie, réunis dans un institut ou un hospice spécialisé) n'a pas conscience d'être membre d'une minorité définie, car qui dit minorité dit un nombre statistiquement important. L'importance de l'enseignement du Civisme et Développement et de celui de l'Apport de la psychologie dans la formation du juriste nous le démontre le mieux.

Dans La Problématique du Mythe Hima-Tutsi, Mutuza affirme que l'hospitalité dans des régions non encore gravement atteintes par les effets des conflits est visiblement la recherche de la connaissance sur ces êtres fabuleux et inaccessibles. Mais lorsque le nombre des nouveaux venus peut être assimilé à une minorité statistiquement classifiable en tant que « communauté », groupe ethnique ou social faisant « masse », c'est-à-dire éventuellement gênante, virtuellement envahissante, susceptible de « prendre le pain des autres », tous les mécanismes de refus, de rejets, d'hostilité inhumaine, peuvent naître spontanément et collectivement.

Mutuza tente d'expliquer la manière dont les Hima-Tutsi se sont insérés dans la société des Hutu jusqu'à la presque dominer. Mais si nous savons toutefois que, si au lieu d'appartenir à un groupement humain défavorisé, mal coordonné, ou en état d'infériorité sociale, une minorité peut au contraire s'affirmer par rapport à un territoire bien défini - tel n'est pas le cas des Hima-Tutsi - , une tradition remarquable comme une secte religieuse très exlusive-tels n'en ont pas non plus les Hima-Tutsi - , ou mieux, un Etat souverain, aussi petit soit-il, le complexe d'infériorité collectif, qui est propre aux minorités oppressées ou « insécurisées », fait place au complexe de supériorité collectif, même lorsque le niveau économoque de la petite nation est modeste. On trouve cet enseignement chez Mutuza dans ses cours de Civisme et Développement, Idéologies et philosophies politiques contemporaines.

L'importance que revêt la problématique de ces enseignements chez Mutuza a été mise en cause. La première contestation est ouverte par Ngoma Binda(583(*)), la seconde par Mbadu, tous les deux professeurs et esprits ramasseurs des concepts. Pour le premier, l'enseignement du Civisme et Développement doit être remplacé par celui de l'Education à la citoyenneté. Le second prenait les critiques de Mutuza comme les positions admises dans les oeuvres de Mutuza. Erreur ! Ils se réfèrent aux traités de l'Union européenne pour pouvoir penser et traiter de la question de minorité.

Mutuza nie qu'il y ait une minorité ethnique en RD Congo. Il ajoute que « la méritocratie de la minorité telle qu'elle est prônée par L'AFDL est une prostitution des mots. Et comme toute prostitution, elle est vilaine et avilissante. Nous devons la proscrire dans l'organisation du pouvoir dans les pays des Grands Lacs. Car elle vise à accréditer la thèse de l'hégémonie tutsie non seulement sur les Hutu, mais sur tous les Bantu des régions environnantes »(584(*)). Et cet enseignement est le plus caractéristique du concept d'appartenance dans l'oeuvre de l'auteur.

Ngoma Binda s'est basé sur le traité de l'Union européenne pour affirmer ses thèses d'une nationalité transfrontalière en opposition à la pensée de Mutuza. Il a oublié que le traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht, le 7 février 1992, a institué une citoyenneté de l'Union, accordée à toute personne ayant la nationalité d'un État membre. Le citoyen de l'Union a notamment le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ainsi que le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il réside, de même que pour les élections au Parlement européen.

De même que la citoyenneté sert à fédérer une communauté, elle sert aussi à l'individualiser afin de différencier les membres de la cité de ceux qu'elle rejette. La citoyenneté antique est un jeu dialectique qui englobe autant qu'il exclut. Les premiers à faire l'objet d'un rejet du citoyen sont les femmes, les esclaves et les étrangers.

La citoyenneté conçue comme un idéal de vie en commun, où le plus humble des citoyens peut s'enorgueillir d'appartenir à une collectivité, n'a su résister aux faits et aux pratiques d'une vie publique qui, peu à peu, l'a vidée de sa substance. Certes, le citoyen ne disparaît pas avec l'émergence de l'Empire romain ; avec lui subsistent les « avantages » d'un statut protecteur de l'individu. Mais la citoyenneté a progressivement changé de nature. Cela a été particulièrement vrai à Rome, où entre la République et l'Empire, si le citoyen demeure, la vie civique, pour sa part, disparaît. La fonction élective, pierre angulaire de l'activité du citoyen, ne sert plus qu'à ratifier les décisions prises par une minorité dirigeante, ce qui sonne le glas de la citoyenneté démocratique dans l'Antiquité.

« Le citoyen est celui qui participe de son plein gré à la vie de la cité [...] Si tu ne votes pas, pour t'occuper seulement de tes petites affaires, tu laisseras les autres décider à ta place des grandes. Mais alors, tu ne pourras pas venir te plaindre si un jour, par malheur, le gouvernement sorti des urnes décide [...] d'interdire le rap sur les antennes [...]. Le citoyen a le pouvoir de faire la loi. Si tu fais la loi, il est normal que tu y obéisses. Ça s'appelle le civisme. Et si tout le monde s'arrangeait pour ne pas payer d'impôt, il n'y aurait plus de gendarmes, ni de lycées, ni d'hôpitaux, ni d'éboueurs, ni d'éclairage public, parce qu'il faut de l'argent à l'État ou à la ville pour entretenir ces services(585(*)), expliquait Regis Debray à sa fille dans une lettre.»

Il ressort clairement que la notion de citoyenneté est régie ici par une idéologie. Et quand les chercheurs et universitaires qui ont siégé au Cap (Afrique du Sud du 24 au 27 juin 1997) en ont fait l'objet de leur étude, ils étaient sur le schéma néo-darwinien de la sélection naturelle et voulaient ainsi faire l'expérience de l'Union Européenne. Ils ont oublié que la réalité en face d'eux était plus complexe que de simples désaccords et malentendus.

Les premiers habitants connus du Rwanda sont vraisemblablement des Pygmées, ancêtres des Twa actuels. Des fouilles archéologiques ont mis au jour une métallurgie du fer et des poteries -- apparentées à la culture bantoue -- que la datation au carbone 14 fait remonter au premier millénaire avant notre ère. On les attribue à une population qui serait originaire du bassin du Congo et dont l'arrivée dans la région remonterait à cette époque. Ce peuple d'agriculteurs aurait ensuite cohabité avec les Tutsi, des pasteurs venus du Nord, qui se seraient installés progressivement entre le Xe et le XVe siècle.

Ces trois communautés partagent la même langue, le kinyarwanda, et la même religion à l'arrivée du colonisateur. Le roi ou mwami est l'image d'Imana, le dieu suprême, et règne sur l'ensemble de ses sujets, les Banyarwanda. Sous son arbitrage, le pays est régi au plan administratif par les chefs de sol (généralement d'origine hutu), les chefs de pâturages (d'origine tutsi) et les chefs d'armées (recrutés chez les Tutsi). Le pouvoir est aux mains d'une aristocratie tutsie, mais les mariages entre familles de pasteurs et de cultivateurs ne sont pas rares, sauf dans l'aristocratie qui conserve ainsi le pouvoir. C'est à la question de l'historicisme que nous allons recourir pour comprendre le fonctionnalisme dans les poèmes dynastiques. C'est d'ailleurs la question liée au patriotisme des minorités.

* 582 BOUTHOUL, G., Traité de Sociologie, p515.

* 583 La formation civique et politique comme préalable de la démocratie. Réflexions à partir du Cours de `Civisme et Développement ` dans l'Enseignement Supérieur et Universitaire au Zaïre, in « La Démocratie en Afrique », 14-16 décembre 1990, Kinshasa-Zaïre, Presses Africaines pour la Paix- Kinshasa, Zaïre, pp. 105- 127. L'auteur ne cite aucun texte de Mutuza. Il l'accuse gratuitement. Et ce qui est étonnant c'est que nous revoyons les phrases de Mutuza dans ses remarques contre Ngoma Binda dans sa thèse où il dit : « ta thèse est bonne mais elle ressemble à un ramassis d'articles publiés ça et là sur l'histoire de la philosophie africaine, il n'y a pas de cohérence d'idée. » et à la page 3 de la Thèse de Ngoma Binda Mutuza écrit comme remarque : quel lien entre la nature du pouvoir et le problème to be or not to be ? », à la page 4 Mutuza fait encore cette remarque : « il n'y a rien qui vous permet de tirer cette conclusion : philosophia ancila politicae». En  lisant les remarques que Mutuza fait à Ngoma Binda qui, du reste, sont fondées, nous avons l'impression que Ngoma Binda ne les a pas acceptées avec scientificité. C'est pourquoi, malheureusement, il ment dans son article sur Mutuza. Il le calomnie tranquillement. Il affirme ce que Mutuza a dû penser de lui.

* 584 MUTUZA, La Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 80.

* 585 REGIS DEBRAY, la République expliquée à ma fille, Le Seuil, 1998.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery