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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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v Un jour sa vie bascula.

Un de ses amis qui savait lire et écrire l'a injurié par écrits et l'a envoyé auprès d'un de ses ainés avec le bout de papier sur lequel était transcrite l'injure. Kabe s'avance, tend la main et donne le bout de papier. L'ainé prend la feuille, la lit et éclate de rires. Il expliqua à Kabe que c'était une injure. Kabe s'étonna qu'une petite feuille peinte des lignes pût être porteuse d'une injure. Il décida alors d'aller à l'école apprendre lui aussi à communiquer de cette manière. Timide mais colérique, Kabe réussit à être un écolier assidu qui n'a jamais fait l'école buissonnière(128(*)).

Il reçoit une éducation chrétienne et se donne une formation chrétienne et philosophique ; mais portant à l'extrême le mouvement d'idées et d'exigences nouvelles qui animait à la fois les prêtres autochtones et les intellectuels d'après l'indépendance du Congo-Kinshasa, il finit par défroquer et se séparer ouvertement de tous les dogmatismes (il a 28 ans) ; et les évêques occidentalistes, tout au long de ce petit siècle, fixent sur lui la haine qu'ils portent en général à des élèves moins dociles. Comment s'en est-il pris ?

Il fit de bonnes études au Petit-Séminaire de Lusaka où la langue de l'enseignement était le seul que le swahili(129(*)). Il y avait interdiction formelle de parler français, au motif que le petit séminariste ne devienne évolué. En quatrième latine la langue de Molière est introduite. Ses maîtres le familiarisèrent non seulement avec les idées de l'égalité et de l'unicité de la race humaine, mais aussi et surtout avec la philosophie des années d'avant-indépendance. Ils l'ont surtout initié à l'art épistolaire. C'est ainsi qu'il avait écrit plus de trente dissertations dont nous ne conservons qu'une dizaine et quelques fragments difficiles à reconstruire. Cela montre déjà la formation de son esprit scientifique.

A vingt ans, il entre au Grand Séminaire(130(*)) de Baudouinville (Moba), dirigé par les Pères Blancs. Mutuza se heurta à ses supérieurs parce qu'il apprenait l'anglais(131(*)). On enfreignit ainsi à son penser liberté. Il dit dans son autobiographie que ses supérieurs furent des salauds sartriens. Cinq ans après, son évêque l'envoie poursuivre ses études théologiques à Lovanium (actuel UNIKIN). Ici, il a pour compagnons Tshiamalenga, Ntedika, Rwamani, Ndembe, etc.; il s'y adonne avec zèle excessif (Üãáí ðñïèõìüôáôá).

Il ne se contentait pas de ce qu'on lui offrait ; mais il cherchait à aller plus loin, il s'intéressait singulièrement aux culturologues et particulièrement à la culture africaine, parce que compagnon de Mgr Tshibangu.

Le père Romellar qui «  interdisait Mutuza de publier ses articles en français au motif qu'un missionnaire devrait écrire en langue locale pour se faire comprendre et non pas en français comme un politicien »(132(*)) lui créait une tension forte. Et la question de la langue devenait un nouveau problème chez Mutuza. Il se pose alors la question de savoir comment pourrait-on se faire comprendre si on ne parle pas la même langue? Avec les conglossologues il y a moyen que l'interlocution soit active qu'avec les alloglossologues qui ne comprennent ni ne partagent les mêmes schèmes.

Mutuza fustige cette sorte d'apartheid. Il se familiarise peu à peu avec le marxisme. Ses réclamations sont considérées comme une révolution. On l'assimile au communiste. Ses supérieurs s'inquiètent du fait que l'émeute qui eut lieu à Lovanium fit de Mutuza un chef de fil(133(*)). Malgré ces accusations, il résiste et persévère dans son combat pour la justice.

En septembre 1963, il est ordonné prêtre catholique romain à Kalima. Avec comme devise « Dumodo Christus anoncientur » (pourvu que le Christ soit annoncé.  Il accepte plutard un poste de vicaire dominical à la Paroisse Saint Joseph des Epinettes à Paris où il composa et prêcha ses homélies de la Période d'Avant et de la Nativité, du Dimanche de carême et les 5ème et 7ème Dimanches de Pâques dont la publication, plus tard, portera le titre de Sermons d'un prêtre défroqué134(*). En 1964, il poursuit ses études de théologie à l'Institut Catholique de Paris ; il obtient sa Licence en 1966. La même année il continue avec les études de philosophie avec une Licence. L'ardeur de la recherche brule son esprit, ce qui l'incita à prendre l'inscription en 1970 pour le Diplôme du Maître ès Arts. Il monte, en 1971, à la Sorbonne pour un Diplôme en Histoire. Il a donné aussi cours à l'Institut Pédagogique National (IPN) avant la soutenance de sa thèse en Philosophie.

Les relations avec ses supérieurs commencèrent à se re-dégrader. Il est conscient de la responsabilité qui l'attend comme enseignant et formateur de la jeunesse. Pour garder sa conscience pure et vivre loin de la haine, il décide de quitter la robe blanche et défroque. Acte héroïque. Il s'appelle lui-même prêtre défroqué. Il épouse Marguerite Tambwe, une infirmière en 1969, dont il aura cinq enfants. En octobre 1972, il est proclamé Docteur en philosophie à l'Institut Catholique de Paris. A Anvers, en 1973, il devient Master en promotion du développement : gestion financière et publique, du Centre Universitaire de l'Etat.

A Paris, Mutuza avait lu les oeuvres de Verneau sur les scolastiques. Parce que se destinant à la rupture épistémologique, il lit Karl Marx et Hegel, et se fit laisser séduire par les thèses du Révérend Père D. Dubarle. C'est alors qu'il s'éprend, comme ses camarades aux idées de l'Indépendance de la RD Congo. Peu enclin à l'ouverture, ses seuls amis furent des livres et les encadreurs dans des travaux académiques. Pour raison de jalousie, il fut privé de bourse d'études et a dû regagner le pays avec sa femme et ses enfants.

* 128 A l'école Mutuza gravait ses côtes du jour à ses Joux ; d'un père illettré, il savait lui expliquer ce qu'il apprenait avec zèle.

* 129 Leur professeur de latin traduisait les textes en swahili.

* 130 Cette entrée est une preuve d'une rupture avec la tradition. Il fait en cela l'imitation de Jésus en se rappelant de ce que celui dont il fait la sequella a dit : « je ne suis pas venu abolir la loi mais la parfaire. Il honore ainsi la tradition lega évitant de l'enclore monadologiquement.

* 131 L'idée de l'identité et d'appartenance devient aussi claire. Mutuza veut être lui-même, son recteur lui a demandé d'avoir l'autorisation de son évêque pour apprendre l'anglais.

* 132 DADA MUTUZA, Les éléments d'une biographie de Mutuza, p. 19.

* 133 La maison des Pères Blancs a refusé de prendre en charge l'abbé Mutuza.

* 134 Ces homélies furent prononcées en 1965-1966, dans l'Eglise Saint Joseph des Epinettes, située dans le XVII ème arrondissement. C'était à l'époque où le Zaïre traversait une crise sociale, politique et économique aiguë. Même dans ses sermons, Mutuza trouve l'occasion de dire ce qu'il pensait de sa patrie.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite