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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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Section 3. Espace philosophiques

§1. Milieu philosophique

Comment Mutuza se prend-il dans l'espace philosophique de son temps ? C'est dans une tradition que l'on comprend la pensée de Mutuza. Sa vie et sa pensée plongent dans la communauté universitaire, dans sa vie familiale, dans sa politique, dans son idéal de la morale. Mais, par ailleurs, la pensée de l'auteur de Mon expérience d'homme politique congolais s'est aussi définie en fonction de la philosophie de son temps. Nous avons vu dans quelles circonstances il a été amené à étudier la philosophie. Il est un enseignant qui comprend la nécessité de réévaluer les concepts, pour exposer la culture lega à l'élite intellectuelle, d'en connaître la philosophie et la pensée pour répondre à ses difficultés.

Ceci nous aide à comprendre son attitude à l'égard de la philosophie : d'une part, il la méprise, en tant qu'elle est une chose de ce monde au service de l'oppression, alors que la culture est une participation et une intégration au monde véritable ; il la combat en tant qu'elle est une vision idéologique du monde qui forme un tout qui s'oppose à la vision plurielle. Pour lui le philosophe est pareil à un chef d'orchestre qui, à l'aide de son diapason, détecte les irrégularités sonores du choeur.

La doctrine de la théologie (orthodoxe) d'Origène est remarquable, l'enseignement philosophique consistait à conduire les disciples à travers tous les systèmes, « ne leur laissant ignorer aucune des doctrines des grecs », leur recommandant de ne s'attacher à aucun d'entre ces maitres, « même s'il était considéré comme parfaitement sage (ðÜíóïöïò) par tous les hommes », mais d'adhérer à la culture seule et à sa tradition. A cet égard, Mutuza est loin de partager l'optimisme de Musey qui compare les philosophes aux héros et aux prophètes et reconnaît en eux l'inspiration du Ëüãïò.

Mutuza a compris que, si la colonisation est en soi indépendante des systèmes philosophiques et de leur actualité (capitalisme et communisme), il devait cependant l'exposer en fonction des problèmes de son temps.

Il est un philosophe qui pense pour son compte. On trouve très peu chez lui, hors du De la philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine, de citations ou d'allusions précises à la philosophie, sa philosophie se situe dans la problématique de philosophe de l'actualité.

Ce qui caractérise la pensée d'avant et d'après l'indépendance de la RD Congo et de l'Afrique des années 60. Elle est toute entière tournée vers le problème des rapports entre Blancs et Noirs, vers la question de l'identité culturelle. On parle de la philosophie africaine, de son existence, de sa non-existence de la philosophie africaine. Le premier groupe est celui des négateurs dont Franz Crahay, Levy Brühl (+ 1939) sous l'impulsion de Hegel et leurs disciples, qui qualifient la pensée des Nègres de la pensée alogique, et de la pensée sauvage. Le deuxième groupe est celui des critiques comme Houtondji et ses partisans qui accusent les philosophes africains des ethno-philosophes suite à la publication de l'ouvrage de Tempels; le troisième groupe est celui de Tempels avec La Philosophie Bantoue et les philosophes immatriculés, et, le quatrième groupe est celui de ceux de la réévaluation des concepts dont Musey, Mutuza et Bwakasa sont les représentants. Il y a des nuances dans ces écoles. Les questions comme celles de l'évolution(190(*)) de la race noire, celle du rôle de la tradition orale, celle de la supériorité et de la liberté sont au coeur des controverses.

La pensée de Mutuza baigne dans la même problématique. Dans un article. Mutuza a précédé l'histoire, du Journal Numerica, son éditorial a montré comment AFDL et Mutuza, sont deux adversaires, avec un identique esprit: combattre la dictature sous toutes ses formes. Est-ce à dire que la pensée de Mutuza soit une pensée tribalisante, un chainon de l'opposition radicale qui veut voir clair à propos de la présence des troupes rwandaises sur le territoire congolais? La notion de la nationalité est au coeur du système de Mutuza. Le problème central de la philosophie politique du temps présent. Mutuza insiste sur les faits de la culture déjà mis en valeur par Jean Ladrière : « Il n'existe pas une méthode générale de l'interprétation qui permettrait de passer d'un seul coup d'une expression culturelle donnée à sa transposée dans l'ordre conceptuel pur. Toute oeuvre de réflexion compréhensive doit découvrir ses propres voies et se forger ses propres instruments. L'entreprise de déchiffrement ne peut se contenter de suivre des chemins tracés à l'avance, elle ne peut que se développer pas à pas, dans la double fidélité à ce qu'elle veut comprendre et à l'exigence d'intelligibilité qui la met en mouvement »(191(*)).

Le problème précis c'est de situer Mutuza dans l'environnement philosophique de son temps, de décrire les mouvements des idées à cette époque. Ce point est l'un de ceux où les études sur les philosophes zaïro-congolais n'ont pas encore eu lieu. Nous cherchons les éléments nouveaux pour en préciser la portée. Nous cherchons dans l'oeuvre de Mutuza les traces les apparentes de la philosophique de son temps, par les problèmes posés et par des dépendances plus strictes. Il nous restera à voir dans le cas de La Problématique du Mythe Hima-Tutsi, la réaction d'un philosophe en face de la culture et la défense que lui oppose Mutuza. Il nous le montre dans l'interprétation qu'il donne de l'attitude des Bantu face aux Tutsi cultivés de son temps, c'est-à-dire le dessein même qui l'avait amené à se consacrer à la philosophie.

Quelle est la philosophie au contact de laquelle Mutuza s'est forgé? C'est dans une philosophie contradictoire qu'il n'a toujours pas comprise(192(*)). Ne pas comprendre est sa philosophie parce que certains de ses professeurs parlent des choses qu'ils ne connaissent ni ne comprennent eux-mêmes. Pour se consoler, il se plonge dans la pensée de Rudyard Kipling. Il vit avec les Blancs comme le frère Mowgli. C'est une philosophie sociale à coloration marxiste. Mais quelle est cette philosophie sociale marxiste? La question est susceptible de trois réponses. La première est de dire que Mutuza a été en contact avec l'oeuvre de Karl Marx. Cette thèse comprend une part de vérité. Mutuza a fréquenté les textes de Marx. Dans La problématique du Mythe Hima-Tutsi, Mutuza fait mention du matérialisme historique(193(*)). Mutuza n'ignore pas Hegel ni Nizan (+ 1940), il s'attache plus à Marx auquel il doit beaucoup. On trouve chez lui les grands thèmes de la pensée marxiste : révolution, Etat, pouvoir, égalité, combat pour l'identité culturelle, intérêt général(194(*)).

Pour Kangafu, Mutuza est un néo-marxiste. L'épisode se situe au cours de la conférence sur le fédéralisme à l'Université de Kinshasa au début des années 9O. Or, la guerre d'agression a lieu vers la fin de l'année 97 alors que les Rwandais sont déjà en RD Congo depuis 1994 fuyant le génocide.

On voit là deux Mutuza dont l'un prêche la démocratie et l'autre se bat pour la nationalité et l'intégrité territoriale. Dès lors, si nous écartons l'influence, la plébiscité de Numerica comme impossible à déceler la philosophie politique, celle de l'Etoile comme improbable, nous ne pouvons pas définir Mutuza comme néo-marxiste. A partir de quoi, cependant, expliquer sa pensée et les affinités qu'elle présente avec Nizan, en mai 1966 ? Reste que ce soit à partir d'influences communes auxquelles le néo-marxiste d'un côté, le mutuzisme de l'autre soit la réponse. Or, c'est précisément ce que les textes nous indiquent. Et nous arrivons ici au noeud de notre problème. Si nous prenons, en effet, les textes de Mutuza lui-même nous n'avons pas à chercher ailleurs ses sources philosophiques. Les oeuvres qu'il a fréquentées, avec celles de Marx, ce sont celles des fonctionnalistes, des structuralistes, des Pères conciliaires de Vatican II. Or, si nous reprenons la vie de Marx, par Gustave Marttelet, nous retrouvons les mêmes noms. Nous avons désormais tous les éléments pour définir les concepts de la formation philosophique de Mutuza. Il y a d'un côté le contact personnel avec une partie de l'oeuvre de Marx ; il y a, à l'autre extrémité, l'enseignement des missionnaires dont la portée est difficile à déterminer. Mais, entre les deux, l'élément essentiel nous apparaît la fréquentation des philosophes et commentateurs de la génération antérieure. La lecture de la Présence Africaine, de Césaire Aimé (+ 2008), de Cheick Anta Diop (+ ?), de Alioune Diop (+ ?), de J. Kizerbo (+ ?), ne sont pas en reste. C'est le milieu à partir duquel la pensée de Mutuza s'est constituée.

* 190 Après l'ère newtonienne, la découverte scientifique qui marqua le plus l'éthique fut la théorie de l'évolution élaborée par Charles Darwin. Les découvertes de Darwin fournirent un appui au système nommé parfois éthique évolutionniste que défendait le philosophe britannique Herbert Spencer. Pour celui-ci, la morale n'est rien d'autre que le résultat de certaines habitudes acquises par l'humanité au cours de l'évolution. On doit à Friedrich Nietzsche une interprétation surprenante mais logique de la thèse darwinienne selon laquelle la survie des plus forts est la loi fondamentale de la nature. Le philosophe allemand affirmait que ce que l'on appelle la conduite morale n'est nécessaire qu'aux faibles. La conduite morale -- en particulier celle que préconise l'éthique judéo-chrétienne qui, pour Nietzsche, est une morale d'esclave -- tend à autoriser le faible à empêcher le fort de se réaliser. Pour Nietzsche, chaque action devrait être orientée vers le développement de l'individu supérieur, l'Übermensch (« surhomme ») qu'il appelle de ses voeux et qu'il décrit comme le seul type d'Homme capable de réaliser dans l'avenir les plus nobles possibilités de la vie. Nietzsche trouvait les meilleurs exemples de cet individu idéal dans chacun des philosophes grecs antérieurs à Socrate ainsi que dans les dictateurs militaires tels que Jules César et Napoléon. Opposé à la thèse qui fait de la lutte impitoyable et incessante la loi de la nature, le prince Petr Kropotkine, théoricien anarchiste et réformateur russe, présenta, entre autres, des études sur le comportement des animaux vivant en liberté qui révèlent le rôle de l'entraide dans la nature. Kropotkine soutenait que l'entraide favorise la survie de l'espèce et que les êtres humains ont acquis leur supériorité sur les animaux au cours de l'évolution grâce à leur capacité de coopération. Kropotkine exposa ses idées dans de nombreux ouvrages, parmi lesquels une place singulière revient à l'Entraide (1892) et à une oeuvre inachevée, l'Éthique. Persuadé que les gouvernements sont fondés sur la violence et que leur élimination permettrait aux hommes de donner libre cours à leurs instincts de coopération et d'instaurer un ordre coopératif, Kropotkine défendait l'anarchisme.

* 191 LADRIERE, J., Cité par Mutuza, De la philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine, p. 143. Mutuza a écrit : « expression culturelle donné à sa propre.. » ; mais Jean Ladrière a écrit donnée culturelle.

* 192 Quand nous disons que c'est une philosophie qu'il n'a pas compris, il faut entendre par là que Mutuza est indigné de la manière avec laquelle les philosophes des sciences coloniales expliquent les faits sociaux et la pensée des Noirs.

* 193Il suffit d'ailleurs de lire l'introduction de ce livre pour constater le nombre d'allusion à Marx ou plus précisément au marxisme que nous trouvons dans ce seul ouvrage.

* 194 Cfr. Les fondement culturels du fédéralisme, p. 24-31. Voir aussi La problématique du mythe hima-tutsi, p 57-83.

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