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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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§3. Ethique et politique

Le pouvoir est la capacité de produire un effet sur les êtres ou sur les choses. Ainsi, l'analyse philosophique de la notion du pouvoir porte donc sur le siège réel d'une telle capacité et sur la nature des effets qu'elle produit. On désire, en présence des maux et injustices qui accablent les hommes mettre un terme. Et le pouvoir politique est au sein des sociétés humaines, l'enjeu d'une compétition particulière - et immémoriale -, en vue de produire des effets jugés souhaitables.

C'est pourquoi, l'éthique permet à Mutuza de connaitre la politique. D'ailleurs, nombre d'oeuvres philosophiques de Mutuza, loin de traiter des sujets théoriques et abstraits, sont étroitement liées aux événements de son existence, et portent sur des questions d'éthique, dans la vie quotidienne comme dans la vie politique. Il pense que l'opinion publique n'est pas la voie nécessaire pour la compréhension de la société parce que c'est tout le monde qui pense. Or, dans le domaine de la pensée la force individuelle est plus grande que la force d'une collectivité. Car, celle-ci est une sentimentalité mélioriste qui n'entre pas dans le domaine de l'éthique et de la politique.

On sait que le terme « éthique », désignant un certain mode et un code de comportement, a de temps à autre donné prétexte à la formulation de diverses opinions. Au cours des dernières années, la théologie occidentale l'avait longtemps abandonné considérant que l'éthique exprime une conception révolue de l'homme et de la vie(184(*)). Ce terme a son origine dans la pensée de l'antiquité grecque. Etymologiquement, il dérive du mot ñèoò (ithos) qui est une autre écriture et interprétation du mot åèoò (éthos). Aristote considère l'éthique comme le pendant de la vertu, après la raison (äßáíïçôéêÞ). Il pense que le mot « éthique » dérive du mot « ethos », qui signifie « habitude », dont il se différencie très peu(185(*)). Par conséquent l'éthique qui se forme selon l'habitude est liée au temps. L'éthique désigne le comportement de l'homme qui se forme au cours du temps. Çèoò est l'habitude, une disposition morale analogue à ÜñåôÞ, qui peut s'acquérir sans intervention de l'intellect, l'ñèoò, étant ainsi à l' ÜñåôÞ ce que l'ìðåéñßá est à l'ðéóôÞìç. D'autres écrivains anciens considèrent l'éthique comme quelque chose de divin, au-delà de la formation d'une façon de se comporter qui résulte de l'habitude. « Çèoò áíèñþðùí äáßìùí », dira Héraclite, entendant par là que l'éthique est pour l'homme la puissance divine qui demeure en lui-même(186(*)). Ici, l'éthique humaine va au-delà d'une attitude façonnée par l'habitude ; c'est le résultat de communion avec le divin. C'est dans Le Bwame, superstructure de la société lega frein ou moteur au développement ? qu'il définit une sorte d'éthique du citoyen au sein de la République. En particulier, dans Les fondements culturels du fédéralisme, il s'inspire des travaux des anthropologues, avec références à Platon et à Aristote pour définir la forme de gouvernement la plus parfaite à ses yeux, en plaçant le Zaïre au coeur de ses conclusions.

Pour la politique, Mutuza conçoit l'Etat comme une machine dont l'ingénieur a la lourde responsabilité de la garder en forme. C'est pourquoi, il pousse à l'extrême son opposition à Marx et à Rousseau. D'abord séduit par Karl Marx (+ 1883), il récuse la thèse du contrat social. C'est que Rousseau applique au politique la conception cartésienne de la liberté absolue, souveraine et inscrutable. La « volonté générale » réalise dans la cité, en fusionnant les libertés individuelles, la toute indépendance divine, sans degré ni langage, sans positivité ni organisation. La liberté humaine met au défi la toute puissance de Dieu, de ce Dieu dont nous n'avons aucun a posteriori. On ne peut non plus se douter que la « volonté générale » sécrète les lois comme le Dieu de Descartes (+ 1650) invente l'ordre des raisons. Il en résulte que le droit relève de son fait et que les individus sont aliénés à la volonté indivise et sans visage. Rousseau (+ 1778) engendre Robespierre (+ 1794), la liberté absolue équivaut à la terreur.

C'est la philosophie de l'Etat lega qu'il coordonne pour appliquer en RD Congo afin de pouvoir démontrer que l'Afrique peut inspirer de la structure de sa philosophie sociale et politique.

Mais c'est en s'opposant à la doctrine marxiste de la superstructure que Mutuza définit sa position singulière. Il applique sa philosophie morale à la théorie de la superstructure de Marx. Mais il ne pense pas que la philosophie est nécessairement politique. Car, ce serait contredire la philosophie que de rester sur la science positive, chère à Comte (+ 1857). Même ceux qui s'inspirent de Politique d'Aristote tirent des principes premiers de ce qu'ils doivent, de ce qu'ils peuvent et de ce qu'ils ne doivent pas faire.

Si non, ils énumèrent les nombreux effets désirables que nous attendons. Les questions de savoir quand est-il juste - si ça l'est jamais -, que certaines personnes, qu'ils soient dictateurs ou majorités démocratiques, emploient la force pour obliger les autres à se soumettre à leur choix ? Qu'est-ce qui rend la violence légitime ? Quand est-ce notre devoir que d'obéir à l'autorité politique, et quand est-il fondé de s'en servir pour distribuer des avantages aux dépens de nos citoyens ? Le sens commun identifie la contrainte de l'Etat à la réalisation par la force du bien être commun. En effet, si, pour Marx le capital n'est pas res (l'argent, moyens de production), il doit être, au contraire, étudié comme processus cyclique qui se déroule en permanence à l'échelle de la société tout entière, et dont le moment principal est celui de la production ; c'est là que s'effectuent la transformation matérielle de la nature et la création de survaleur ; c'est là que s'effectue le travail sous la condition de fournir un surtravail. L'autonomie de la culture réalise un dualisme anthropologique et se résout dans son universalité, dans la loi morale inconditionnelle qui impose à notre vouloir son impératif catégorique, comme le dirait Kant.

La critique mutuziste du matérialisme historique montre d'abord son formalisme, son abstraction. Marx ne dit jamais ce qu'il faut faire, mais comment il faut le faire. Cela permet à Mutuza d'aller aux sources de l'Etat. Son admiration pour baame(187(*)) chez les Lega se conjugue, dans sa réflexion sur la politique, avec l'adhésion au principe, répandu par le christianisme de la théologie de gourdin, de la liberté et éclaire les vicissitudes de l'histoire politique de la RD Congo.

Les `baame' ont réalisé l'unité substantielle des individus dans la réciprocité des consciences au sein d'une même organisation. Cette unité est naturelle, immédiate. C'est pourquoi les individus ne s'en affranchiront, dans l'Etat congolais qu'en étant réduits par le droit à la plate identité d'atomes indifférents, à la personnalité juridique. En revanche, l'inaliénable volonté personnelle s'insurge contre l'ordre pour s'épuiser dans la violence.

Il faut donc, et c'est là le rôle de l'Etat moderne, substituer à l'organisme naturel, miné par les tâches, l'organisation rationnelle qui seule assure et règle le jeu des volontés. Mais l'exigence de conciliation se conjugue ici avec une nécessité inhérente à la communauté des Hutu. Car Mutuza, à partir de sa philosophie de la société lega, déduit des principes très stricts d'une certaine ecclésiologie. La société globale congolaise doit se réaliser, dans l'ordre objectif de l'histoire de la conscience collective absolue que le Lusu(188(*)) révèle. Ce qui implique une société conciliée, offrant l'unité de l'universel et du singulier, de l'intérieur et de l'extérieur. Or Mutuza porte sur l'histoire des communautés des Bantu un jugement très dur. Si le Bwami, très décentralisé chez les Hutu, sombre dans l'extériorité, dans le cours du monde, meurt chez les Tutsi, à leur rencontre avec les Hutu, il fut renforcé et perverti par les colonisateurs. Le Lusu, de son côté, dévalorisait les oeuvres des Blancs et méprisait leur civilisation en s'enfermant dans une intériorité abstraite. Il a eu le privilège de valoriser l'unité du pays dont les institutions modernes durent tenir compte de leur clandestinité et de leur survivance.

Avec sa rigueur habituelle, simple et rude, Mutuza en déduit que la RD Congo a manqué à sa mission de réalisation d'un Etat fort. C'est donc l'Etat fédéral qui remplacera, c'est son hypothèse, l'Etat centralisé non-conforme aux fondements culturels. Ce ne serait d'ailleurs pas un Etat laïc qui traduira, dans la communauté des hommes, quelque chose de semblable à la religion absolue. Marx en avait vu les lueurs chez Hegel sans jamais s'y être trompé lors qu'il affirme, dans la Question juive, que l'Etat ne doit point être séparé de l'Eglise, mais disparaître comme la religion, car c'est lui qui la réalise. Cela nous parait clair du fait que Mutuza a refusé de faire parti du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) le considérant comme une Eglise. Il dit que « Certes, j'étais déjà à cette époque Conseiller et chef de section idéologique à l'Institut Makanda Kabobi. Mais là, je ne me suis pas vraiment senti dans ma peau. Depuis que je me suis retiré de l'exercice canonique de la vie sacerdotale, je suis devenu allergique à toute institution ou système de pensée dogmatique et totalitaire. C'est pourquoi, je me gardais de quitter une église pour entrer dans une autre. J'entends ici l'église du point de vue institutionnel et non de la foi »(189(*)). Cette connaissance d'une éthique responsable nous permet de bien cerner les questions philosophiques et les préoccupations de Mutuza.

* 184 Ìáíôñáñßäç, ×ñéóôéáíêÞ ÇèéêÞ, Èåóóáëïíßêç, (4ème édition) 1995, p. 17.

* 185 Eth. Nik. B, 1, 1103a, 17-18. Voir aussi . `I. Ìáíôñáñßäç, ×ñéóôéáíêÞ ÇèéêÞ, op. cit. Idem.

* 186DIELS, H., Die Fragmente der Vorsokratiker, Zürich, Berlin 1964, 1, 177, p. 119, et 1, 168, p. 78. . `I. Ìáíôñáñßäç

* 187 Baame est le pluriel de Mwami.

* 188 C'était un lieu de rassemblement et de rencontre, un lieu de palabre et de prise de décisions, un lieu d'accueil et de réconciliation, un lieu d'hospitalité, une oasis de sérénité où se construisaient la paix et la sécurité. On n'idéalise rien. On décris les faits et les bénéficiaires de ces faits en témoignent. Les passants et les visiteurs y étaient accueillis, admis à partager les repas et échanger avec les résidents. « Il était vraiment bon et agréable, comme dit le psalmiste, de se retrouver avec ses frères dans ce lieu.

* 189 MUTUZA, Mon expérience d'homme politique congolais, p. 17.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard