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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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Section 3. Résistance

§1. Paradoxe de la communauté et instrumentalisation du langage communautaire

Le paradoxe dont nous parlons prend sa source dans cette péricope de Maquet citée par Mutuza dans La Problématique du Mythe Hima-Tutsi: « Ce mécanisme politique et économique en même temps, est admirablement analysé par Maquet (p. 175) ; l'auteur soulève ici les structures politiques, d'une part, mises en oeuvre pour assurer non pas tellement une expansion, mais surtout un équilibre difficile entre les tendances antinomiques inhérentes au système social (p. 182) ; d'autre part, le contrat de servage pastoral, dont il est question dans le droit coutumier des bovidés, moyen sûr pour :

a. Assurer l'adhésion du Hutu au système social en lui offrant l'apport du prestige social,

b. Exploiter son travail tant agricole que domestique »(356(*))

Cela apparaît clairement chez Mutuza dont la soif de trouver un sens à la vie, un ordre où l'on peut se reposer et un remède à l'angoisse de l'isolement nous amène à découvrir l'importance de la communauté. Il y a des familles, des tribus et des groupes qui fonctionnent dans un ordre « parfait » semblant apporter une solution au chaos de la vie. Les liens qui unissent les gens entre eux leur donnent un sentiment de sécurité et de force. Mais ces ordres parfaits et les sécurités trop fortes peuvent être dangereux. Ils peuvent étouffer les libertés des personnes et empêcher leur évolution. L'établissement de l'histoire est pour Mutuza une démarche préalable. L'essentiel de l'oeuvre est pour lui l'explication, l'ñìçíåßá. Cette explication, c'est d'abord celle des événements historiques. Les récits de migrations des Bantu ne reposent ni sur des légendes, ni sur des mythes d'origine et de migration. « Les lacunes au sein des données dont nous disposons ne nous autorisent pas à intituler ce paragraphe « Histoire ... ». Les traditions orales que nous avons accueillies manquent de précisions spatio-temporelles, si bien qu'il est encore impossible de reconstruire la chronologie des événements »(357(*)). L'idée est plein de sens. Les discours oraux des communautés ont plus le souci de clarté que de précision. Les mots qui en constituent les constructions ne sont que des instruments de la compréhension. Rien n'est a priori conçu.

Les mots, les concepts, les notions, ne sont jamais que de simples instruments, qui ne servent qu'à formuler les théories. On appelle donc cette vision du langage « instrumentaliste » pour l'évidente raison que les termes employés sont considérés comme des instruments, et qu' « ils n'ont dans la formulation des théories qu'un rôle technique et pragmatique, équivalent à celui que jouent les lettres dans la formulation des mots »(358(*)). Ainsi, « lettres et mots ne sont donc que des moyens par rapport à des fins »(359(*)), des fins différentes, il est vrai.

Il ne s'agit pas, on le comprend grâce à cette analogie, de soutenir que les termes que l'on utilise dans une communauté n'ont strictement aucune importance ; comme les caractères au sein d'un mot, on ne peut en enlever ou en échanger impunément quelques uns. Ce qui importe, c'est de voir que leur rôle n'est pas déterminant en ce qui concerne le sens des énoncés.

Mutuza exemplifie cette idée en rappelant que l'on peut fort bien traduire une théorie en un langage différent (qu'il s'agisse de langue naturelle ou de formalisation) sans faire du mot à mot et en obtenant deux théories logiquement équivalentes. Ainsi en va-t-il des diverses axiomatisations de la géométrie projective, ou des formalisations (corpusculaires, ondulatoires) de la mécanique quantique. « L'analyse de l'évolution des institutions et de la culture matérielle de la religion (bien que pauvre par insuffisance des données disponibles) ne permet cependant pas d'affirmer l'antériorité de l'arrivée des Hima-Tutsi et la création de l'institution du Bwami par eux »(360(*)). Une antériorité d'une lettre dans un mot ne peut être mise en doute par un philologue. Autrement, il parlera d'un mot à la place d'un autre. Les notions de certitude, de sincérité, de compétence nous obligent à suivre les traces de Mutuza.

Il est important de remarquer combien le nominalisme méthodologique, tel que nous avons tenté de l'esquisser, relève de ce que l'on peut appeler l'hygiène intellectuelle. Il est en ce sens une sorte de garde-fou ; sa principale motivation - qui ne doit pas occulter son fondement philosophique réel - est d'empêcher de tomber dans certains pièges et certaines erreurs qu'induit une pensée du langage politique.

Mutuza signale souvent qu'il souhaite éviter les équivoques à propos des termes qu'il emploie ; c'est qu'il voit bien que l'on est toujours tenté, dans la pratique philosophique, de s'interroger largement sur le sens des mots par la réévaluation des concepts. On n'a pas fini d'écrire ces lignes, et on se demande : pourquoi l'auteur des récits épiques des Lega du Zaïre a-t-il écrit Lega du Zaïre ? Il y a-t-il de Lega dans d'autres pays ? Ce qui nous semble impossible. Mais tel n'est pas notre propos. Nous voulions seulement démontrer que le souci de l'hygiène du langage est un souci philosophique auquel on ne saurit se dérober et les philosophes qui partagent les affinités théologiques savent bien lancer des critique sur des systèmes de pensées qui oppriment les faibles.

Le national-socialisme qui constituait le fondement idéologique du IIIe Reich, régime totalitaire et raciste institué en Allemagne sous la direction de Adolf Hitler entre 1933 et 1945 éclaire bien la place qu'occupent les faibles dans nos sociétés. L'idéologie nazie, prônant la purification de la « race germanique » et la réunion de toutes ses composantes au sein d'un même État, a cherché à étendre sa domination sur toute l'Europe centrale. Cette politique militariste a été à l'origine de la Seconde Guerre mondiale et n'a pris fin qu'avec l'effondrement du nazisme et de l'Allemagne face aux Alliés, en 1945. La pensée de Tillich par laquelle il nous présente une critique importante du national-socialisme nous a permis de comprendre Mutuza qui est dans la même situation. La recommandation préalablement importante qu'il en donne est la révision formelle des dogmes chrétiens et l'abandon de symboles devenus désuets Dans le Courage d'être (1952), -Mutuza se rapproche de lui par la méthode de la réévaluation des concepts(361(*)). C'est la même interrogation de Paul Tillich sur l'aliénation de l'individu dans la société, et affirme que l'existence s'enracine en Dieu, qui est au fondement de tout être. Cela se rencontre aussi chez Mutuza. Cherchant à renouer le dialogue entre la foi et la culture, Tillich affirme que la théologie chrétienne, malgré sa particularité, porte en elle le sens universel et qu'elle est en mesure d'intégrer l'attitude critique et les concepts scientifiques de la pensée contemporaine sans ébranler la notion de révélation (Theology of Culture, 1959). Que ferait Mutuza pour défendre les faibles s'il ne cherche pas la voie dans la culture et les valeurs qu'elle défend ? On voit qu'il se souvient des béatitudes renversant la question du comment vivre en faible en pourquoi être faible.

* 356 Mutuza, La problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 25.

* 357 N'SANDA WAMENKA, Récits épiques des Lega du Zaïre, Tome 1, p. 9.

* 358 POPPER, K., Quête inachevée, VII, p. 28.

* 359 Idem.

* 360 MUTUZA, K., La problématique du mythe Hima-Tutsi, p. 16.

* 361 Cfr. Supra.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand