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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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Première partie : Vision philosophique de Mutuza

« Ici, l'homme africain ne pense pas, et s'il pense, il pense de façon concrète et non de façon abstraite ; mais il commet des oeuvres artistiques extrêmement symboliques et abstraites. Personne ne relève cette contradiction. »

(Okolo Okonda, Tradition et Modernité en Afrique, le point de la question)

Chapitre premier : LA QUESTION DU LANGAGE

Introduction

Pourquoi commencer cette recherche par le chapitre qui traite le problème du langage et de sa critique chez Mutuza, alors que les concepts de l'identité et de l'appartenance impriment à cette étude une décisive orientation ? La relation du langage et de la situation humaine est si intime que les maitres traits du langage en sont vivement éclairés : ayant perçu d'abord l'action langagier dans l'oeuvre de Mutuza, on pourra pénétrer dans le mystère de sa vraie philosophie de l'identité et de l'appartenance. Et on comprend pourquoi le mot grec ëüãïò (logos), sans doute issu de la racine ëåã-, qui signifie originairement « mettre ensemble, rassembler, ranger », est revêtu, depuis Pindare et les premiers historiens, d'une sémantique intellectualiste : la parole est l'expression d'une pensée maitresse de son objet ; bien parler veut dire, dans ce sens, rendre par la parole une exacte représentation de ce qui est dans la réalité.

En premier lieu, il est intéressant, du point de vue de l'histoire de la philosophie africaine, de noter à quel point Mutuza se situe à contre-courant, en ce qui concerne le langage, de l'orientation massive prise au XXème siècle et que l'on a coutume d'appeler de nos jours le « tournant linguistique » ; biface à l'origine, insufflé d'un côté par Nietzsche et Heidegger, de l'autre par Frege et Wittgenstein (tous penseurs d'outre-Rhin), ce tournant a conservé deux aspects pendant la majeure partie du siècle : l'un proprement continental (entendons européen) et post-heideggérien, l'autre anglo-saxon, qui s'intitula philosophie analytique puis (bien que l'on ne puisse en toute rigueur assimiler les deux écoles) philosophie du langage ordinaire. Les dernières décennies consacrent un rapprochement de ces tendances, confirmant d'autant plus l'importance et la réalité - qui ne peut plus être mise en doute - dudit « tournant linguistique de la philosophie ».

 Au-delà de l'aspect un peu inhabituel de cette conception, il faudra bien voir les motivations profondes de Mutuza, et chasser tout contresens. Il n'est pas dans son idée de soutenir que le langage est négligeable, qu'il ne sert de rien de s'attarder à son sujet - au contraire, Mutuza propose même une théorie des fonctions du langage, et insiste à maintes reprises sur son rôle fondamental. L'intention exacte de l'auteur Des Nations sans Etat est de mettre la philosophie face à ses vrais problèmes, qui ne sont pas de définir des termes ou de déterminer quelles phrases ont un sens. Il pense que ces préoccupations sont stériles et porteuses d'un danger dogmatique.

En second lieu, cette conception du langage mérite d'être inspectée d'un point de vue plus interne, mais pas moins important, car elle sous-tend constamment les différentes options de la philosophie de Mutuza. Notre thèse est presque triviale ; toutefois il est utile de la tester « sur la longueur », et d'en tirer toutes les conséquences. On peut notamment avancer (ce sera l'objet de notre second chapitre) qu'elle n'est pas sans lien avec l'itinéraire de Mutuza qui caractérise l'épistémologie mutuziste. Elle permet également d'expliquer, ou à tout le moins de justifier, le refus de toute approche pragmatique dont la première conséquence est l'absence de réelles thèses concernant la communication (ce choix étant, au demeurant, perçu et pleinement assumé par Mutuza). Notre but sera, dans le troisième chapitre, de montrer que ceci ne fait pas à proprement parler défaut, mais qu'il n'est pas contradictoire - car la place semble se trouver - d'inclure dans la pensée de Mutuza des thèses de ce type à cause de sa conception de l'humanisme.

Section 1. Critique de l'essentialisme

§1. Les questions des mots

« Mes mots prennent leur vol, mais ma pensée se traîne. Et des mots sans pensée n'atteignent pas le ciel », Shakespeare, Hamlet, Acte III, scène III.   A en croire ce qu'il écrit à ce propos dans Des Nations sans Etat, Mutuza fut dès ses premières réflexions philosophiques confronté à ce qu'il appela par la suite « essentialisme », attitude consistant à se concentrer exclusivement - de manière plus ou moins explicite - sur des problèmes de terminologie et de définition, et contre laquelle il conçut immédiatement une méfiance presque épidermique. Il ne s'aperçut que nettement plus tard que la conviction essentialiste, loin d'être l'exception, était comme il l'écrit lui-même « quasi-universelle »(54(*)). Dès lors, il ne cessa de remettre sur son métier de philosophe son combat contre elle.

Arrêtons-nous d'abord à la nature même des textes qui nous serviront des sources : « problématique de l'application des concepts de Progrès, d'Etat et de Sous-développement en Afrique noire ». Et l'on s'aperçoit immédiatement que Mutuza affirme qu'« Etat, Progrès, Sous-développement : ces concepts définissent, peut-être mieux que tout autre, les rapports entre l'Occident et l'Afrique. Leur contenu constitue le critère auquel l'Occident s'est souvent implicitement ou explicitement référé pour juger de la valeur morale, spirituelle et matérielle des civilisations africaines »(55(*)).

C'est dans la perspective de cette philosophie que Mutuza cherche à se définir ; car les concepts utilisés par l'Occident se présentent en archontes de l'identité de termes appliqués aux réalités environnementales. Il annone : « On a plaqué sur le passé africain, afin de le réduire à des schémas connus, tout un vocabulaire emprunté à l'histoire européenne : Etat, Empire, Royaumes etc... Leur adaptation réelle aux situations africaines qu'ils sont censés expliquer n'a jamais été sérieusement examinée. Ils portent d'ailleurs en eux-mêmes un poids de prestige ou de jugement qui leur confère un caractère quasi sacré ; et pourtant ils n'expliquent réellement rien de cheminements propres à l'Afrique »(56(*)).

On comprend que pour Mutuza ce n'est pas tant de la différence des termes que résulte le danger, mais de leur applicabilité que l'on trouve les difficultés. C'est le problème du principe de correspondance et de corrélation entre glossonyme et ethnonyme, entre pensée et réalité, entre culture et production, entre politique et civilisation etc.

La première conséquence de cette manière de considérer le langage nous permet de comprendre que Mutuza s'insurge contre la tendance selon laquelle lorsque des personnalités composent et publient des écrits, elles veulent produire une oeuvre originale, dont l'identité ne peut être doutée, et capable de communiquer un message personnel. Elles n'ont en vue ni le caractère collectif, ni la continuité du groupe humain dans lequel et pour lequel elles écrivent; même dans la littérature « communautaire », l'esprit individuel de l'apport domine l'aspect social. Quant à Mutuza, conscient non seulement d'appartenir à une communauté en marche, mais aussi de n'avoir de vérité et de densité valables que par elle (la communauté), il s'attache à obéir à des prescrits traditionnels, à des vérités collectives : il s'insère dans un vaste mouvement, qu'il respecte et auquel il adhère de tout son être.

* 54 MUTUZA, De la philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine, p. 136

* 55 Ibidem, p. 241.

* 56Histoire de l'humanité, cité par Mutuza dans Des Nations sans Etat, Avant-propos VII.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci