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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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§ 3. Hiérarchie des structures d'appartenance et des valeurs de Gihanga

Par hiérarchie on entend(466(*)) une organisation sociale par classement des personnes selon une échelle ascendante d'importance et de pouvoir ; on peut aussi penser à un ensemble des personnes dont on dépend directement dans une entreprise(467(*)). Il y a là un classement de choses selon leur importance. Et Gihanga est le père fictif d'un fils fictif, événementiel pourrait-on dire dans le contexte structuraliste, appelé Kanyarwanda. Toute cette construction renferme non pas un mythe mais un mensonge. Néanmoins nous pouvons appeler cette construction événementielle un mythe dans un sens beaucoup plus large afin de comprendre que le système des valeurs de cette société est directement issu de ses structures internes. Celles-ci ne se confondent pas avec les relations sociales que l'on peut observer ; elles constituent un niveau de la réalité, invisible mais présent au-delà des relations sociales visibles. Sans la connaissance de ces structures, on ne peut accéder à la connaissance de valeurs de la société, qu'il ne faut pas confondre avec les comportements particuliers des individus qui la composent, cette dualité apparaissant nettement caractérisée dans le cas du « dubu » Haoussa. Il convient d'insister sur le caractère complexe de l'analyse, particulièrement dans des sociétés en transition dont les structures sont déjà altérées : les valeurs correspondant au modèle initial demeurent longtemps inchangées, alors que certains individus paraissent répondre sur certains points aux définitions du comportement économique rationnel (au sens occidental).

Tout individu vivant en société est représenté à plusieurs niveau de la sociale : il est à la foi membre d'une famille, d'une classe et d'une catégorie professionnelle, il a une appartenance religieuse, politique, syndicale, etc.

Toutes ces caractéristiques qui constituent la personnalité d'un individu n'ont pas la même valeur, ne sont pas situées dans un même plan, mais peuvent interférer. Par analogie, les structures, familiale, sociale, économique, politique, dans une société donnée se trouvent placées dans un rapport variable(468(*)). Le rôle et l'importance de chacune des structures par rapport à l'ensemble sont significatifs de cette société. Dans la mesure où certaines ont une fonction qui parait déterminante dans le jeu de l'ensemble, on peut parler de hiérarchie des structures. Par suite d'interventions extérieures cette hiérarchie peut se trouver remise en cause et des structures dominantes peuvent devenir subordonnées. Mais ces changements prennent l'aspect de glissements plutôt que de bouleversements. Encore sont - ils loin de s'effectuer d'une façon homogène, ce qui contribue à rendre leur connaissance difficile.

Prenons le cas relativement simple des sociétés les plus traditionnelles d'Afrique de l'Ouest appelées paléo-nigritiques et qui se situent dans la zone soudano- guinéenne, tels les sénoufo, les Lobi, les tallensi, les Kabré. Jusqu'à maintenant ces populations ont vécu en limitant au maximum leurs échanges culturels avec l'extérieur. Dans de tels systèmes, caractérisés par une absence de pouvoir politique à un niveau supérieur au village, la communauté villageoise est formée par des familles étendues, comprenant plusieurs générations placées sous l'autorité de l'aîné. Ce dernier apparaît à la fois comme un chef de famille et comme un patron sans compter d'éventuelles fonctions accessoires : prêtre du sol, forgeron, devin, etc. son rôle essentiel est de gérer les moyens, les forces de production et de reproduction du groupe familial. Il dispose des terres, non pas parce qu'il les possède au sens du droit romain, mais parce qu'il est seul détenteur du pouvoir rituel qui permet de les défricher, il organise le travail des différentes personnes actives de son groupe ; il reçoit l'ensemble de la production et en assure la redistribution. C'est également lui qui doit fournir une femme à chacun des jeunes gens en âge de se marier en payant la compensation matrimoniale : en revanche il reçoit celles que lui procurent la cession des filles les biens de consommation et sur les femmes est fondement et l'assise la plus solide de son autorité. Dans un tel système la vie sociale et la production dépendent étroitement des rapports de parenté.

« En fait il faut examiner de plus près ces rapports de parenté car s'ils déterminent la place des individus dans la production, leurs obligations sur le sol et les produits, leurs obligations de travailler, de donner, etc., ils fonctionnent comme rapports de production, de même qu'ils fonctionnent comme rapports politiques, religieux, etc. La parenté est donc ici à la fois infrastructure et superstructure »(469(*)).

Ce schéma théorique est valable pour les groupes sociaux qui continueraient en plein XXe siècle à vivre sans avoir subi d'influences d'autres groupes plus évolués. On trouvera bien peu de populations qui lui répondent exactement, mais on peut considérer que la plus grande partie d'entre elles ont appartenu plus ou moins récemment à un tel système et qu'elles en dépendent encore dans des propositions variables. C'est là que se situe la difficulté de l'analyse : dans des sociétés en mutation comme le sont notamment celles d'Afrique noire, certaines des composantes du système défini plus haut varient rapidement, alors que d'autres suivent avec un retard important. En général ce sont les rapports de production qui sont les premiers atteints, mais les valeurs sociales, religieuses, politiques, demeurent longtemps inchangées ou à peine altérées ; comme on le sait en ce qui concerne les sociétés occidentales, la superstructure se transforme beaucoup plus lentement que l'infrastructure(470(*)). Cette loi se vérifie en Afrique avec d'autant plus d'ampleur que si on limite la notion d'infrastructure aux rapports de production, ceux-ci se dégagent très rapidement des rapports de parenté, sans que pour autant les concepts nés de la prédominance de ces derniers cessent d'être valables. Un exemple fera comprendre l'importance de ce décalage en ce qui concerne le développement de l'agriculture, plus précisément l'adoption de nouvelles techniques de production.

Sous la double influence, d'abord de l'Islam, ensuite et surtout de la colonisation européenne, les structures de parenté des populations haoussa-phones du Niger central ont cessé de jouer un rôle dominant dans la production. La terre, autrefois possession collective de la famille étendue ou du lignage, devient l'objet de droits d'usage privés. L'unité de production tend à se réduire à la famille mono ou polygame. Cette évolution est déjà très avancée bien qu'on puisse encore trouver des témoins de plus en plus rares, il est vrai, de l'ancien type. Une analyse de formes extérieures permettait même d'y voir un début de stratification en classes sociales sur la base de rapports de production de type libéral. Certains exploitants agricoles, acquérant par location de terres, utilisent une main-d'oeuvre extra-familiale salariée, relativement importante, pour la culture du coton. On pourrait être tenté de voir dans ces exploitants de véritables entrepreneurs au sens où l'entend l'économiste occidental. En fait, ils ne font que suivre le schéma traditionnel : le surplus monétaire provenant de la vente de la production n'est pas capitalisé. Il est en partie thésaurisé par achat de bétail mais le but final n'est pas l'investissement dans l'exploitation en vue d'en tirer un profit maximum. La recherche de la puissance, du prestige, ne passe pas l'accumulation capitaliste. Elle s'exprime comme dans la société traditionnelle par la possession d'une distinction, d'une renommée d'ordre religieux ; c'est le voyage à la Mecque, par exemple, et le titre de « Hadji » qui confèrent à ce pseudo- entrepreneur le statut le plus élevé dans la hiérarchie sociale.

Le système des rapports sociaux s'exprime toujours comme dans la société traditionnelle par le processus de la redistribution. Le chef de grande famille distribuait aux différents éléments de celle-ci les biens de consommation et les femmes dont ils avaient besoin. Le pseudo - entrepreneur conserve le contrôle sur les jeunes hommes de sa famille en s'assurant le privilège - incontesté - de leur fournir leur première épouse. Il redistribue sous forme de salaires une partie de l'argent gagné par la vente de sa production : la main-d'oeuvre salariée qu'il emploie constitue le signe extérieur de sa puissance. Elle représente le substitut de ses dépendants familiaux d'autrefois. Il n'y a pas lieu de s'étonner si ces exploitants agricoles n'acceptent pas tous les changements techniques proposés par la société chargée de la diffusion de la culture du coton. Ils n'ont rien à gagner sur le plan de la puissance et du prestige à remplacer leur « clientèle » (au sens romain du terme) de manoeuvres salariés par une charrue et une paire de boeufs. On ne saurait accuser ces populations d'être imperméables à tout progrès technique, car ce sont précisément les mêmes qui depuis environ un siècle ont fait spontanément leur « révolution agricole » en transformant totalement leurs techniques agraires. L'attitude des exploitants agricoles restent conforme aux valeurs de la société. Si on admet que dans celle-ci le prestige, la puissance, sont liés non à l'accumulation des richesses, mais à sa redistribution selon des normes directement liées à la structure naguère dominante, ce comportement découle de la logique interne du groupe : il est profondément rationnel. Ce n'est que dans la mesure où la connaissance de ces structures et des valeurs qu'elles déterminent sera acquises qu'on peut comprendre certaines raisons du rejet d'une technique objectivement valable.

C'est là qu'intervient le problème de l'individualité occidentale qui n'apparaît vraiment qu'au niveau supérieur de la vie, c'est-à-dire avec la conscience qui rend possible le savoir de soi comme d'un moi(471(*)). Ce niveau est celui de l'homme. Et alors se pose le problème de savoir comment des individualités peuvent se relier. Ce problème possède d'une part un aspect logique ; par elle-même la notion d'individualité pose le problème du rapport du singulier et de l'universel et, du particulier et du général d'une part. Il possède d'autre part une portée capitale comme problème de l'intersubjectivité et de la communication. Le problème métaphysique de la logique n'a véritablement son sens que dans la rencontre humaine, synthèse des individualités dans un sens universel. Les quatre abîmes kantiens se présentent alors dans notre analyse : existence, organisation, individualité et personnalité. C'est cette soif de trouver un sens à la vie, un ordre où l'on peut se reposer et un remède à l'angoisse de l'isolement qui nous amène à découvrir l'importance de la communauté. Il y a des familles, des tribus et des groupes qui fonctionnent dans un ordre «parfait » semblant apporter une solution au chaos de la vie. Les liens qui unissent les gens entre eux leur donnent un sentiment de sécurité et de force. Mais ces ordres parfaits et les sécurités trop fortes peuvent être dangereux. Ils peuvent étouffer la liberté des personnes et empêcher leur évolution.

* 466 Cette définition est « révélée », elle ne se présente pas comme notre vue personnelle.

* 467 L'équivoque de la « hiérarchie » telle qu'elle est ici entendue est que cette « valeur » est à la fois une réalité « naturelle » et cependant un mérite qui s'acquiert par un effort de « tension vers le haut». Elle est un des généreux, mais qui ne se transmet que « par degré ».

* 468 C'est avec cette idée que Mutuza cherche le domaine de définition d'une fonction. Cette idée est la recherche de conditions de possibilité de l'existence d'une fonction.

* 469 GODELIER, M., rationalité et irrationalité en économie, Maspero, 1966, p. 90-91.

* 470 MARX, K., L'Idéologie allemande, p. 25. « La dissolution de la communauté naturelle engendre le droit privé ainsi que la propriété privée, qui se développent simultanément. Chez les Romains, le développement de la propriété privée et du droit privé n'eut aucune autre conséquence industrielle ou commerciale parce que tout leur mode de production restait le même. Chez les peuples modernes où l'industrie et le commerce amenèrent la dissolution de la communauté féodale, la naissance de la propriété privée et du droit privé marqua le début d'une phase nouvelle susceptible d'un développement ultérieur. Amalfi, première ville du Moyen Âge qui eut un commerce maritime étendu, fut aussi la première à élaborer le droit maritime. »

* 471 KANT, E., Critique de la faculté de juger, §67.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry