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La gestion des déchets dangereux au Cameroun

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par Ruben Ludovic LONGO
Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) - Universite de Yaoundé II  - Master en relations internationales, option diplomatie, spécialité contentieux international 2012
  

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SECTION II - LA PROHIBITION DE L'IMPORTATION DE DECHETS DANGEREUX ETRANGERS

Le territoire camerounais se trouve sous la couverture d'une double protection face à la menace d'importation de déchets dangereux. D'une part, une interdiction souple formulée en droit international (paragraphe I), d'autre part, une interdiction ferme formulée en droit interne (paragraphe II).

Mais avant d'aller plus loin il faut dire que cette prohibition s'insère dans le cadre général de l'interdiction ou de la réduction des mouvements transfrontière de déchets dangereux. Ceci amène selon Aimé Dounian à organiser les transports admis de déchets dangereux sous la coupole de deux principes : l'autosuffisance406(*) et la proximité407(*), en vue de réduire les risques de dommages que les mouvements transfrontières de déchets dangereux pourraient causer à la santé humaine et à l'environnement408(*).

Paragraphe I - La souplesse de l'interdiction héritée du droit international

La formulation internationale de l'interdiction s'est faite à Bâle (A) et à Bamako (B). D'autres instruments internationaux encadrent les mouvements transfrontières de déchets, mais ils ne seront pas évoqués ici car s'inscrivant dans la même philosophie de ces deux grands textes qui constituent le socle du principe général d'interdiction409(*) des mouvements transfrontières de déchets.

A. L'interdiction formulée à Bâle

Réaction universelle face à la menace constituée par les mouvements transfrontières de déchets dangereux, la Convention de Bâle s'est pourtant dans un premier temps avérée souple avant d'évoluer vers une relative fermeté (1), non sans interdire et réprimer le trafic illicite (2).

1. De la souplesse à une relative fermeté

En effet, la Convention de Bâle formule tout d'abord une interdiction limitée (a), laissant la possibilité de mouvements transfrontières consentis (b), avant de renforcer par la suite l'interdiction (c).

a. Une première formulation limitée de l'interdiction

Premier instrument universel consacré aux déchets dangereux et même aux déchets en général, l'objectif de la Convention de Bâle s'est reflété dans son intitulé : Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination. Pionnière en la matière, la Convention va, comme le révèle son intitulé, au-delà de la simple question des mouvements transfrontières de déchets dangereux pour s'attaquer également à leur élimination et même à leur production410(*).

Cependant, sur sa raison d'être, les mouvements transfrontières de déchets dangereux, la Convention s'avère plutôt lâche. En effet, elle ne pose pas comme l'auraient voulu les pays en voie de développement, une interdiction totale des mouvements transfrontières de déchets dangereux. C'est l'expression des divisions qui ont marqué la Conférence de Bâle sur le sujet de cette interdiction notamment à destination des pays du Sud411(*). Selon Patrick Daillier et Alain Pellet « la gestion des déchets dangereux constitue une pomme de discorde entre les pays développés et les pays en voie de développement. Lors de la négociation de la Convention de Bâle, sous l'égide du PNUE, ces derniers avaient demandé, en vain, l'interdiction des exportations des déchets du monde industrialisé, dont ils ne voulaient pas devenir « la poubelle », vers leurs territoires »412(*).

Conséquence, la Convention procède davantage à la réglementation qu'à la prohibition des mouvements transfrontières de déchets dangereux. En fait, la Convention n'interdit formellement les mouvements transfrontières de déchets dangereux que vers les pays dont la législation nationale en interdit l'importation. Par ailleurs, les pays ayant opéré une telle interdiction, doivent le notifier au secrétariat de la Convention413(*).

b. Une possibilité de mouvements transfrontières consentis

Face à cette absence d'une interdiction générale, les mouvements transfrontières restent donc possibles sous l'empire de la Convention de Bâle, sous réserve de quelques conditions. Tout d'abord, que le droit national du pays d'importation ne les prohibe pas. Ensuite, qu'ils soient faits dans le respect des règles de la Convention414(*).

Cette situation amène Aimé Dounian à parler d'un principe de permissivité jouant sur deux corolaires : un principe d'autorisation (du mouvement) et un principe de contrôle (du mouvement)415(*). Lesdites règles se résument tout d'abord dans le consentement préalable de l'Etat d'importation et même de celui de transit416(*). En outre, est organisé un système de notification à la charge du pays exportateur, à destination du pays d'importation et du pays de transit417(*).

La Convention poursuit donc en fait un but de réduction des mouvements transfrontières de déchets dangereux418(*) et c'est l'une des deux obligations générales qui résultent de la Convention au sens d'Yves Petit419(*). Aussi, repose-t-elle entre autres principes sur celui de l'élimination des déchets le plus près possible de leur lieu de production et à l'exportation des déchets vers les seules destinations disposant de la capacité de les traiter de manière écologiquement rationnelle420(*).

c. Un renforcement postérieur de l'interdiction

Critiquée par les pays en voie de développement notamment africains du fait de ce qu'elle ne leur donnait pas la protection qu'ils attendaient, la Convention de Bâle a connu une évolution. En effet, le 22 septembre 1995 à l'occasion d'une conférence des parties, elle a fait l'objet d'un amendement. L'effet du dit amendement est d'introduire un nouvel art. 4 A dans la Convention. Ce nouvel article interdit les mouvements transfrontières de déchets dangereux des pays membres de l'OCDE vers un pays non membre, quel qu'en soit le motif421(*). Le consentement de l'Etat d'importation n'a plus aucune importance dans ce cas. Si l'art. 4 A ne les vise pas directement, l'évocation des pays en développement dans le préambule de cet amendement montre bien qu'il est destiné à prendre en compte leurs préoccupations. Il en ressort une interdiction renforcée d'exportation des déchets dangereux, qui harmonise la Convention de Bâle avec celle de Bamako422(*).

2. L'interdiction et la répression du trafic illicite

La Convention de Bâle s'attache à identifier et proscrire le trafic illicite (a), et à en fixer les conséquences (b).

a. L'identification et la proscription du trafic illicite

De manière générale le trafic illicite désigne le mouvement transfrontière de déchets effectués en violation des règles de Bâle. Il trouve une systématisation plus poussée dans le texte de Bâle423(*) qui permet selon Aimé Dounian de distinguer des trafics illicites involontaires, des trafics illicites intentionnels mais dus au hasard, des trafics illicites désorganisés mais centrés sur une installation, un pays ou un flux déchets particuliers et des trafics illicites organisés à grande échelle424(*).

b. Les conséquences du trafic illicite

Trois cas de figure se dégagent de la Convention de Bâle.

En cas de trafic illicite imputable au producteur ou à l'exportateur, la Convention prévoit la réimportation des déchets vers le pays d'exportation sans qu'il puisse s'y opposer ou si cela est impossible - faute de pouvoir identifier ce pays - leur élimination par l'Etat d'importation425(*).

Si le trafic illicite est imputable à l'importateur ou à l'éliminateur, l'Etat d'importation doit s'assurer de ce que cet importateur ou l'éliminateur procède à l'élimination des déchets ou - s'il est introuvable ou insolvable - les éliminer lui-même426(*).

Lorsque la responsabilité du trafic ne peut être imputée, les Etats concernés (d'exportation ou d'importation) ou toute autre Etat partie à la Convention sont invités à coopérer en vue de l'élimination de ces déchets427(*).

En somme, l'application des règles de Bâle peut conduire assez souvent à ce que le pays récepteur, sans en être responsable, hérite de la charge d'éliminer les déchets ou tout au moins d'y veiller. Consciente de ce qu'il ne sera souvent pas techniquement ou financièrement possible au pays récepteur d'éliminer de manière écologiquement rationnelle les déchets en cause, la Convention aménage dans tous les cas un délai et invite à la coopération des Etats à cet effet.

En outre, la Convention invite les Etats à prendre les mesures législatives nécessaires en vue de la répression des auteurs du trafic, ce à quoi le droit camerounais ne manque pas. Le texte de Bamako ne se montre pas moins rigoureux sur le sujet.

B. L'interdiction formulée à Bamako

Adoptée deux années après celle de Bâle, la Convention de Bamako affiche plus de fermeté (1), quoique laissant subsister la possibilité de mouvements transfrontières intra africains (2).

1. Vers plus de fermeté

Le grief majeur des Etats africains à l'encontre de la Convention de Bâle était le fait qu'elle ne leur offrait pas suffisamment de garanties contre l'exportation de déchets dangereux vers leur continent. Aussi, vont-ils dans le cadre de leur instrument régional faire preuve d'une plus grande fermeté. Ainsi, la Convention énonce que « toutes les Parties prennent les mesures juridiques, administratives et autres appropriées sur les territoires relevant de leur juridiction en vue d'interdire l'importation en Afrique de tous les déchets dangereux, pour quelque raison que ce soit, en provenance de Parties non contractantes. Leur importation est déclarée illicite et passible de sanctions pénales ».428(*) Ce faisant, elle concrétise la volonté fortement affirmée par son intitulé.

En complément de cette obligation générale, elle interdit également, et c'est là un plus par rapport à la Convention de Bâle, le déversement des déchets dangereux en mer et dans les eaux intérieures.429(*). La Convention invite les Etats à ériger en infractions de tels comportements.

Par ailleurs, elle permet aussi aux pays membres d'interdire l'importation de déchets dangereux sur leur territoire quel que soit le pays de provenance430(*).

Cependant, la Convention laisse également subsister la possibilité de mouvements transfrontières de déchets dangereux intra africains431(*).

2. La possibilité des mouvements intra africains

Ayant formellement proscrit l'importation de déchets dangereux en Afrique, la Convention de Bamako laisse subsister la possibilité de mouvements transfrontières de déchets dangereux entre Etats africains. Pour ce faire, ils sont soumis à des règles similaires à celles de Bâle. La première de ces règles est le consentement de l'Etat concerné.432(*). Les mouvements transfrontières de déchets dangereux sont également soumis à notification.

Par ailleurs, les exportations ne doivent se faire que vers des pays ayant la capacité technologique pour éliminer les déchets de façon écologiquement rationnelle, faute de quoi l'exportation doit être empêchée.433(*). La Convention encourage également la réduction des mouvements transfrontières de déchets dangereux434(*).

Cependant, la Convention a la particularité de ne pas proscrire clairement l'exportation de déchets dangereux vers les pays tiers comme le souligne Yves Petit435(*). C'est dire que les pays africains liés par les Conventions de Bâle et de Bamako ont la possibilité d'exporter leurs déchets dangereux vers des pays non africains.

Il résulte ainsi des principaux instruments internationaux liant le Cameroun que les importations de déchets dangereux restent possibles, en cas de consentement de l'Etat d'importation et sous réserve de s'assurer de ce qu'il dispose de la capacité d'éliminer ces déchets de manière écologiquement rationnelle. Les Etats conservent néanmoins la capacité d'interdire totalement de telles importations et c'est l'option du Cameroun.

* 406 Présent dès les préambules des Convention de Bâle et de Bamako et repris en l'art. 4 (b) de la première et 4 (3) (d) de la seconde, qui invitent les Etats à se doter des installations nécessaires et adaptées afin que les déchets soient autant que possible éliminés dans l'Etat sur le territoire duquel ils ont été produits.

* 407 C'est l'alternative ou la suite logique à l'autosuffisance en ce qu'il s'agit ici, lorsqu'il est nécessaire faute de capacités nationales de traitement d'exporter des déchets, que l'exportation ait lieu vers la destination la plus proche qui dispose de ces capacités dans le respect bien entendu de l'exigence de rationalité écologique.

* 408 Voir A. Dounian, op. cit., pp. 352-356.

* 409 A ne pas confondre avec une interdiction générale car ces textes posent un principe général (commun) qui ne se traduit pas par une interdiction absolue. Voir M. Kamto, Droit de l'environnement en Afrique, op. cit., pp. 909-310.

* 410 Voir Y. Petit, L'environnement, op. cit., p. 29.

* 411 Id.

* 412 P. Daillier et A. Pellet, op. cit., p. 1336.

* 413 Art. 4 (1) (a) et (b) de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.

* 414 Y. Petit, L'environnement, op. cit., p. 29.

* 415 A. Dounian, op. cit., pp. 362-369.

* 416 Art. 4(1) (c) de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.

* 417 Art. 6 de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.

* 418 Art. 4(2) (d) de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.

* 419 Voir Y. Petit, L'environnement, op. cit, p. 29.

* 420 Art. 4(1) (e) et (g) et art. 9 (a) de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.

* 421 Cette évolution avait déjà été amorcée dès la première conférence des parties en décembre 1992 en Uruguay, à l'occasion de laquelle de nombreuses restrictions avaient déjà été imposées aux mouvements transfrontières de déchets entre ces deux catégories de pays. Voir A. Dounian, op. cit., p. 364.

* 422 Y. Petit, L'environnement, op. cit., p. 29.

* 423 Au sens de l'art. 9 (1) de la Convention de Bâle « Aux fins de la présente Convention, est réputé constituer un trafic illicite tout mouvement transfrontière de déchets dangereux ou d.'autres déchets :

a) effectué sans qu'une notification ait été donnée à tous les États concernés conformément aux dispositions de la présente Convention; ou

b) effectué sans le consentement que doit donner l'État intéressé conformément aux dispositions de la présente Convention; ou

c) effectué avec le consentement des États intéressés obtenu par falsification, fausse déclaration ou fraude; ou

d) qui n.'est pas conforme matériellement aux documents; ou

e) qui entraîne une élimination délibérée (par exemple, déversement) de déchets dangereux ou d.'autres déchets, en violation des dispositions de la présente Convention et des principes généraux du droit international. »

* 424 A. Dounian, op. cit,. p. 357.

* 425 Art. 9 (2) de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.

* 426 Art. 9 (3) de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.

* 427 Art. 9 (4) de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.

* 428 Art. 4 (1) de la Convention de Bamako sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique.

* 429 Elle dispose à cet effet en son art. 4 (2) que « dans les limites des eaux intérieures, des eaux territoriales, des zones économiques exclusives et du plateau continental qui relèvent de leur juridiction, les mesures juridiques, administratives et autres appropriées pour contrôler tous les transporteurs des États non Parties et interdisent l'immersion des déchets dangereux en mer, y compris leur incinération en mer et leur évacuation dans les fonds marins et leur sous-sol; ».

* 430 Elle prévoit en son art. 4 (3) (r) que « les Parties interdisent ou ne permettent pas l'exportation de déchets dangereux dans les États Parties qui ont interdit l'importation de tels déchets, lorsque cette interdiction a été notifiée conformément aux dispositions de l'alinéa q) ci-dessus; »

* 431 Cette discrimination opérée dans la formulation de l'interdiction entre pays industrialisés et les pays africains amène lui donne un caractère ambivalent. Voir A. Dounian, op. cit., p. 370.

* 432 La Convention en son art. 4 (3) (s) prévoit que « les Parties interdisent ou ne permettent pas l'exportation de déchets dangereux si l'État d'importation ne donne pas par écrit son accord spécifique pour l'importation de ces déchets, dans le cas où cet État d'importation n'a pas interdit l'importation de ces déchets ».

* 433 En effet, aux termes de son art. 4 (3) (j) « une Partie n'autorise pas les exportations de déchets dangereux vers un État qui ne dispose pas des installations voulues pour les éliminer selon des méthodes écologiquement rationnelles; ». L'art. 4 (3) (n) est relatif à la même question.

* 434 Art. 4 (3) (t) de la Convention de Bamako sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique.

* 435 Y. Petit, L'environnement, op. cit., p. 29.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon