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La gestion des déchets dangereux au Cameroun

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par Ruben Ludovic LONGO
Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) - Universite de Yaoundé II  - Master en relations internationales, option diplomatie, spécialité contentieux international 2012
  

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Paragraphe II - La fermeté de la prohibition formulée en droit interne

Conformément à ce que permettent les Conventions de Bâle et de Bamako, le Cameroun a édicté une prohibition très ferme (A), assortie de sanctions d'une grande sévérité (B).

A. Une règle ferme

La fermeté du droit camerounais à l'égard des importations de déchets dangereux et même de déchets tout court, s'affirme dans les principaux textes nationaux abordant la question. En effet, dès 1989, le droit camerounais formule une interdiction très ferme (1) qui touche non seulement le transport, mais aussi les activités connexes (2).

1. La formulation de l'interdiction en droit camerounais

L'édiction d'une interdiction aussi ferme en droit camerounais répond à une logique assez simple dans la mesure où non seulement ces déchets sont éminemment néfastes pour la santé humaine et l'environnement, mais en plus le Cameroun ne dispose pas de la capacité d'accueillir et de traiter des déchets étrangers436(*).

Elle résulte d'au moins deux grands textes relatifs à la règlementation des déchets dangereux au Cameroun. Comme évoquée précédemment, elle est d'abord formulée à travers la loi de 1989, dont l'objet principal était justement d'interdire l'importation de déchets dangereux au Cameroun. C'est pourquoi la loi est, à cet égard et dès ses premières lignes, sans équivoque. Avant même de définir ce qu'il faut entendre par déchets dangereux, elle s'exprime ainsi : « sont interdits, l'introduction, la production, le stockage, la détention, le transport, le transit et le déversement sur le territoire national des déchets toxiques et/ou dangereux sous toutes leurs formes »437(*). Ce n'est qu'au second article qu'elle apportera des clarifications sur l'objet de la prohibition. C'est dire que la volonté de proscrire l'introduction de déchets dangereux sur le territoire national était si forte que le législateur a pour la circonstance rompu la structuration classique des textes juridiques nationaux et surtout internationaux, qui veut que l'on apporte des précisions sur le sens de la matière à régir, avant d'édicter les règles qui s'y appliqueront. Encore qu'auparavant, il n'y a aucune définition des déchets dangereux en droit national.

Cette ferme volonté, loin de s'être amoindrie avec le temps, se lit encore dans la loi-cadre de 1996, en ces termes : « sont formellement interdits, compte dûment tenu des engagements internationaux du Cameroun, l'introduction, le déversement, le stockage ou le transit sur le territoire national des déchets produits hors du Cameroun »438(*).

L'on peut certes relever quelques nuances dans les deux formulations. En effet, de 1989 à 1996, quelques notions disparaissent. La production, la détention et le transport, ne figurent plus dans cette règle. L'explication la plus probante qui se présente à l'esprit est le caractère plus détaillé et plus pragmatique de la loi de 1996. En effet, ces trois activités font l'objet d'autres dispositions de la loi de 1996. En outre, l'interdiction de la production était une option quelque peu irréaliste. Déjà nuancée dans la loi de 1989439(*), elle est préférée à l'option de la réduction de la production assortie de mesures de gestion plus détaillées dans la loi de 1996. Le transport et la détention desdits déchets sont envisagés dans le cadre de ces mesures. D'ailleurs, il ressort bien de la formule de 1996 que les déchets visés sont ceux « produits hors du Cameroun ».

Par contre, la formule de 1996, marque une nette avancée par rapport à celle de 1989, puisqu'elle concerne tous les déchets et pas seulement ceux d'entre eux qui seraient dangereux. Elle affiche en outre son affiliation aux « engagements internationaux »440(*) du Cameroun. Elle confère ainsi une portée considérable à l'interdiction.

2. La portée de l'interdiction en droit camerounais

L'interdiction formulée en droit camerounais est intéressante tant par son rapport avec le droit international des déchets dangereux, qu'avec l'étendue des activités qu'elle couvre.

Le droit international et même régional des déchets dangereux, tel que posé à Bâle et à Bamako, peut se lire ainsi :

· les mouvements transfrontières de déchets dangereux sont interdits, si le droit national de l'Etat destinataire contient une telle interdiction.

· les mouvements transfrontières de déchets dangereux dans le sens des pays de l'OCDE vers les pays non membres de l'OCDE sont totalement interdits.

· les importations de déchets dangereux dans les pays africains en provenance de pays non africains, sont totalement interdites.

· les mouvements transfrontières de déchets dangereux entre pays africains sont interdits, si le droit national du pays d'importation contient une telle interdiction.

Il existe certes d'autres règles encadrant les mouvements transfrontières, relatives à la notification de l'interdiction, la notification du mouvement transfrontière, la capacité à éliminer les déchets dangereux de manière rationnellement écologique. Il n'en reste pas moins qu'un Etat n'est totalement à l'abri de ce phénomène que s'il a édicté dans son droit interne une règle interdisant formellement l'importation de déchets dangereux sur son territoire. Tel est justement le but et même la fonction des art. 1er de la loi de 1989 et 44 de la loi de 1996.

En outre, les deux dispositions précitées sont d'un apport à relever sur le plan matériel. En effet, elles prohibent d'abord l'importation en elle-même, c'est-à-dire le fait d'apporter sur le territoire camerounais quelque chose qui a été produit hors de ce territoire. À cet effet, les deux textes emploient le terme « introduction » qui, tout en reflétant l'idée d'importation, a une compréhension plus large puisqu'il permet de frapper à la fois l'exportateur (celui qui en organise l'expédition) et l'importateur (celui qui en organise la réception). Les deux actions constituent en effet un acte d'introduction. Les deux textes interdisent également le transit, c'est-à-dire le simple passage de déchets étrangers sur le territoire camerounais441(*) à destination d'un autre pays. Par ce fait, le Cameroun se préserve des cas de fraude qui consisterait à déclarer une destination finale différente, pour en réalité utiliser le Cameroun comme destination finale des déchets ; ainsi que des accidents qui pourraient survenir pendant un transit effectif442(*). L'interdiction du stockage, quant à elle, permet d'éviter que le Cameroun devienne un dépôt (licite) de déchets sans la capacité de gérer les menaces qui pourraient en découler. Enfin, l'interdiction des déversements apparaît comme le pendant logique et nécessaire de celle de l'importation, puisque dans bien des cas les déchets introduits et surtout ceux qui le sont illicitement, loin d'être éliminés de la manière appropriée, sont déversés dans la nature443(*).

Le Cameroun étend ainsi à l'élimination des déchets, le principe d'interdiction générale qu'il a posé par rapport à l'importation444(*). Mais, il introduit également un principe de permissivité relativement à l'élimination des déchets dangereux, puisqu'il autorise l'élimination sur son territoire des déchets qui y sont produits445(*). Ce sont autant d'actes que le droit camerounais érige donc en infraction comme le demandent les Conventions internationales et donc sanctionnent sévèrement.

B. Des sanctions sévères

Tout comme et même plus encore que le non-respect de la règlementation relative à la production nationale de déchets dangereux, leur importation et les activités connexes sont sévèrement sanctionnées. Cette sévérité s'illustre par le fait qu'il n'y a quasiment pas de distinction entre l'importation et ses activités connexes dans la détermination du quantum des peines applicables. Celles-ci semblent être conçues dans une suite logique, soit parce qu'elles participent de l'importation (transit), soit parce qu'elles sont rendues possibles par l'importation (stockage et déversement). Ainsi, font-elles toutes l'objet d'un régime de sanction unique qui initialement extrême (1), est à peine devenu moins sévère (2).

1. L'extrême sévérité initiale

Les premières sanctions formulées par la loi de 1989 étaient extrêmement sévères. C'est tout simplement la peine maximale qui était prévue. Ainsi, c'est la peine de mort qui sanctionnait l'introduction, le stockage, le transit ou le déversement de déchets dangereux sur le territoire camerounais. Il faut rappeler pour bien relever cette sévérité que la production, la détention et le transport de déchets dangereux au Cameroun étaient sanctionnés de la même façon.

Mais, cette peine ultime n'est plus d'actualité en droit camerounais. En effet, l'art. 4 (1) qui l'édictait dans la loi de 1989 a été expressément abrogé par l'art. 98 (2) de la loi de 1996. Quelles que soient les motivations à la base de ce revirement446(*), celui-ci s'est néanmoins fait dans le sens d'un relatif allègement du régime de sanction.

2. Le relatif assouplissement de la sévérité

L'assouplissement intervient avec la loi de 1996 aux termes de laquelle « est punie d'une amende de cinquante millions (50.000.000) à cinq cent millions (500.000.000) de FCFA et d'une peine d'emprisonnement à perpétuité, toute personne qui introduit des déchets toxiques et/ou dangereux sur le territoire camerounais »447(*). C'est dire que le droit positif camerounais a renoncé à la peine capitale pour l'emprisonnement à perpétuité, assorti d'une forte amende pour les cas d'importations de déchets dangereux au Cameroun. Peu importe l'autorisation, la qualité ou le motif de l'auteur. Plus clémente, la sanction n'en reste pas moins fortement dissuasive.

Les actes connexes, transit, stockage et déversement illicites, s'ils sont absents de cette nouvelle disposition, n'échappent pas au droit national puisque tombant sous l'emprise directe ou indirecte d'autres dispositions de la loi de 1996. Ainsi, « est punie d'une amende d'un million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de FCFA et d'une peine d'emprisonnement de six (6) mois à un (1) an ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne qui pollue, dégrade les sols et sous-sols, altère la qualité de l'air ou des eaux, en infraction aux dispositions de la présente loi »448(*). Cette disposition frappe les déversements de déchets dangereux dans la nature puisque ceux-ci entraînent nécessairement les faits visés. Elle peut également frapper le stockage et le transit, s'ils entraînent des pollutions, dégradations ou altération des éléments de l'environnement ; chose très probable dans l'hypothèse où ils se font en « infraction aux dispositions de la présente loi » comme justement souligné. En outre, le rejet par un navire de substances liquides nocives entraîne l'application à l'encontre de son capitaine d'une amende de dix millions (10.000.000) à cinquante millions (50.000.000) de FCFA et/ou d'une peine d'emprisonnement de six (6) mois à un (1) an.

C'est dire que les peines restent lourdes, ce d'autant plus qu'elles sont pour la plupart doublées en cas de récidive449(*) et que l'application du sursis et des circonstances atténuantes est écartée dans tous les cas450(*).

Ainsi, en matière de répression du trafic illicite, le droit camerounais reste l'un des plus sévères451(*) et peut même être qualifié d'exemple, étant donné l'importance que les instruments internationaux attachent à la répression du trafic illicite.

La gestion des déchets dangereux au Cameroun est bel et bien imprégnée de l'option de rationalité écologique. Une option qui transparaît déjà dans le cadre juridique de cette gestion et qui en constitue véritablement l'axe structurant. En effet, le Cameroun est partie aux principaux instruments internationaux qui font de la gestion écologiquement rationnelle le principe cardinal de la gestion des déchets. Il le reprend d'ailleurs dans sa loi-cadre sur l'environnement, socle de la réglementation environnementale au Cameroun. Le droit camerounais se forme ainsi par l'adjonction au droit commun des déchets, de règles spécifiques aux déchets dangereux. Il en ressort un régime juridique qui, partant d'une définition des déchets dangereux qui se veut assez large et englobante, s'axe sur la réduction de leur production sur le territoire national et l'élimination de ceux qui sont néanmoins produits dans le respect de la nature et de la santé humaine. Quant aux déchets étrangers, ils sont, sans ambigüités aucune, interdits d'accès sur le territoire camerounais. Parce que la sanction est une condition d'efficacité de la règle, le droit camerounais est loin d'être tendre avec ses contrevenants. Par ailleurs, une pluralité d'acteurs contribuent à l'application de ce droit, au premier rang desquels les responsables de l'émission de ces déchets, mais aussi des opérateurs spécialisés, CTD, administrations et partenaires internationaux. Cette multiplicité d'intervenants reflète l'application des principes du droit international de l'environnement à la gestion des déchets dangereux. Ce faisant, le Cameroun se met ainsi au diapason des normes internationales qu'il a souscrit, lesquelles invitent à une gestion écologiquement rationnelle. Ce système reste somme toute perfectible, car la gestion qu'il est sensé régir reste en déphasage avec son objectif de rationalité écologique.

* 436 Voir A. Dounian, op. cit,. p.355.

* 437 Art. 1er de la loi n° 89/027 du 29 décembre 1989 portant sur les déchets toxiques et dangereux.

* 438 Art. 44 de la loi n° 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement.

* 439 Qui prend la peine de prescrire en son art. 3 (2) des mesures à suivre pour la gestion des déchets dangereux qui seraient produits nonobstant l'interdiction de l'art. 1er.

* 440 Autrement dit, les instruments internationaux relatifs aux déchets ratifiés par le Cameroun, et surtout la Convention de Bamako, ratifiée l'année même de sa signature, alors que celle de Bâle ne le sera qu'en 2001.

* 441 Qui, il faut le rappeler, inclut outre le territoire terrestre (le sol camerounais au sens littéral), le territoire maritime (les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contigüe et la ZEE) et le territoire aérien (l'espace aérien qui surplombe les territoires terrestre et maritime).

* 442 Par exemple l'avarie d'un navire traversant les eaux camerounaises et entraînant un déversement involontaire de déchets dangereux transportés dans ses eaux.

* 443 Dépôt en plein air, enfouissement, déversement dans les eaux.

* 444 Voir A. Dounian, op. cit., p. 375.

* 445 Id.

* 446 Dans une tentative d'explication de ce revirement, plusieurs raisons peuvent être avancées. Tout d'abord, le changement d'attitude sus évoquée vis-à-vis de la production, qui dans cet art. 4 (1) est sanctionnée identiquement à l'importation. Ensuite, la tendance internationale à la suppression de la peine capitale peut avoir contribué à cet assouplissement. Même si cette peine reste formellement inscrite donc applicable en droit camerounais, elle est presque tombée en désuétude faute d'application face à la pression internationale. La rénovation du régime juridique de la gestion des déchets opérée en 1996 a donc permis de renoncer à une peine dont l'extrémité ne convenait plus aux yeux de la conscience universelle, même pour des faits portant atteinte à la vie humaine à une échelle aussi vaste.

* 447 Art. 80 de la loi n° 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement.

* 448 Art. 82 (1) de la loi n° 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement.

* 449 Les art. 82 (2) et 83 (3) de la loi n° 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement prévoient le doublement du maximum de la peine en cas de récidive.

* 450 Art. 87 de de la loi n° 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement.

* 451 Au Nigéria et à Djibouti les auteurs de trafic illicite encourent la détention à perpétuité. D'autres législations nationales sont plus souples : Philippines (12 à 20 ans), Congo (10 à 20 ans), Gambie (5 à 14 ans), Slovaquie (5 à 8 ans), Australie (5 ans), Panama (1 an à 3 ans), Finlande (six mois à 1an). Ces peines sont également généralement accompagnées d'amende dont le montant se situe dans le cas de la France à un maximum de 500.000 francs, la peine de prison étant de 2 ans. Voir A. Dounian, op. cit., p. 387.

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