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La gestion des déchets dangereux au Cameroun

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par Ruben Ludovic LONGO
Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) - Universite de Yaoundé II  - Master en relations internationales, option diplomatie, spécialité contentieux international 2012
  

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CHAPITRE IV - UN NECESSAIRE REAMENAGEMENT

Les lacunes précédemment relevées peuvent être corrigées au moyen d'un certain nombre d'actions qui, dans le souci d'une présentation cohérente, peuvent être regroupées selon qu'elles doivent être menées au niveau national (section I) ou international (B).

SECTION I - LES ACTIONS A MENER AU NIVEAU NATIONAL

Au plan interne la gestion des déchets dangereux au Cameroun peut faire l'objet de correctifs tant au niveau des textes la régissant que des acteurs qui y interviennent. Il s'agit d'optimiser les textes (paragraphe I) et d'adapter l'appareil institutionnel (paragraphe II).

Paragraphe I - L'optimisation des textes régissant la gestion des déchets dangereux

Afin de rendre l'arsenal normatif régissant la gestion des déchets dangereux plus efficace il faut déjà appliquer plus rigoureusement cette réglementation (A), mais également la consolider et la spécifier davantage (B). À cet effet, les projets de texte sur la sûreté et la sécurité radiologique et nucléaire peuvent constituer un modèle (C).

A. L'application de la réglementation

Loin de dire que cette réglementation n'est pas suivie, il est question d'encourager les acteurs de la gestion des déchets dangereux à être plus respectueux des textes, ceci notamment quant à la répartition des compétences par les acteurs publics (1). Cette interpellation s'adresse également aux producteurs et opérateurs de gestion (2) et doit enfin mener à la limitation du recours à la transaction au profit des sanctions522(*) (3).

1. Le respect de la répartition des compétences par les acteurs publics

Il importe que les différents acteurs publics se cantonnent aux compétences qui leur sont dévolues par la loi ou qu'en cas de confusion, ils optent pour une coordination qui évitent les conflits. Cette observation vaut encore plus dans les rapports entre les administrations centrales et les Communes. En effet, à l'échelle des intérêts locaux, c'est à ces dernières qu'incombe la responsabilité principale. De même, entre Communautés urbaines et Communes d'arrondissement, le principe de subsidiarité523(*) devrait conduire à une priorité d'action des Communes d'arrondissement, sauf pour les questions touchant l'ensemble des Communes regroupées au sein de la Communauté ou requérant des moyens d'action détenus par la seule Communauté.

2. Le respect des textes par les producteurs et les opérateurs de gestion

Les producteurs de déchets dangereux doivent faire l'effort de se conformer à la réglementation de ces déchets, même dans les cas où elle manque de précision. En effet, même en l'absence de prescriptions claires sur le tri, la collecte, le transport et l'élimination des déchets dangereux, l'objectif de rationalité écologique, décliné dans la règle de l'élimination des déchets dangereux d'une manière qui ne nuise pas à l'environnement et à la santé humaine doit conduire à la sélection des modalités les plus appropriées.

3. Limitation du recours à la transaction au profit des sanctions

La pratique de la transaction est contreproductive dans le cadre de la gestion des déchets dangereux. En effet, elle réduit la forte dimension de dissuasion recherchée à travers la sévérité des sanctions. Certes, une amende lourde peut également produire cet effet, ce d'autant plus que le montant de la transaction ne peut être inferieure a celui de l'amende pénale correspondante. Mais si les contrevenants savent qu'ils peuvent s'en tirer avec une simple amende et si de surcroît leur capacité financière leur permet de la payer, ils pourraient être plus enclin à violer les règles.

Par ailleurs, il faut rappeler que l'amende pénale peut être infligée au contrevenant conjointement à une peine corporelle. De plus, l'application de la sanction pénale nécessite d'abord un procès dont la publicité peut nuire à la réputation du producteur de déchets dangereux. La publicité négative d'un procès est donc déjà en soi une incitation à respecter les règles et le cas échéant une sanction pour le contrevenant. Enfin, l'absence de procès laisse au public une impression d'impunité.

Ce sont autant de raisons pour lesquelles il est nécessaire de limiter le recours à la transaction au profit de l'enclenchement de poursuites judiciaires et de l'infliction d'une sanction pénale, tout au moins dans les cas les plus graves. Celle-ci a une portée bien plus importante que la transaction, aussi bien dans une perspective de dissuasion que de répression. Ceci bien entendu sera plus aisé avec une réglementation consolidée et plus spécifiée.

B. La spécification et la consolidation de la réglementation

L'un des problèmes qui a été relevé relativement à la gestion des déchets dangereux est l'insuffisance de texte spécifique et l'éparpillement normatif, qui amène à consulter un nombre important de textes et débouche sur des conflits de normes et de compétences. C'est pourquoi il importe de consolider et de spécifier davantage le régime juridique de la gestion des déchets dangereux. Ceci révèle l'intérêt d'un code de gestion des déchets dangereux (1). Il est aussi utile de moderniser la définition des déchets dangereux (2), de renforcer l'encadrement de leur traitement et de leur mouvement transfrontières (3), ainsi que d'harmoniser le régime des sanctions et d'accentuer les mesures incitatives (4). Tout ceci facilitera le réalignement des textes et pratiques administratives avec l'objectif de rationalité (5).

1. L'intérêt d'un code de gestion des déchets dangereux

L'absence du décret d'application de la loi-cadre sur le traitement des déchets handicape beaucoup l'application de certains principes des conventions de Bâle et de Bamako notamment relativement à l'élimination des déchets524(*). L'absence du décret d'application de la loi de 1989 accentue le problème en ce qui concerne les déchets dangereux.

La prise de l'un ou l'autre de ces décrets, et surtout du décret d'application de la loi de 1989, outre qu'elle permettra de fixer les modalités d'application de la loi de 1989, est une véritable opportunité d'opérer cette consolidation et cette spécification du régime juridique de la gestion des déchets dangereux. En effet, ils pourraient constituer avec la loi de 1989 un véritable code sur la gestion des déchets dangereux, fournissant aux usagers l'essentiel, des règles à suivre. En particulier, la prise du décret sera l'occasion de revisiter la définition des déchets dangereux525(*).

2. La modernisation de la définition des déchets dangereux

Il a été relevé que quoique souple, la conception des déchets dangereux en droit camerounais s'avérait plutôt incomplète. Il convient donc de la compléter en vue de la moderniser. Cette modernisation doit se faire suivant deux axes : l'inclusion de nouvelles caractéristiques de danger et la technique des listes énumératives, en s'inspirant d'ailleurs des annexes des Conventions de Bâle et de Bamako. C'est l'exemple du droit communautaire européen qui cumule ces deux techniques : définition littérale et catégorisation au moyen d'annexes526(*).

S'agissant des caractéristiques de danger, il est vrai que le seul qualificatif de toxique pourrait suffire en ce qu'il traduit la capacité à nuire à l'environnement et à la santé humaine. Mais, il reste vague. Il en va de même des autres caractéristiques de danger énumérées par la loi de 1989 : inflammables, explosives, radioactives. Il serait donc bon d'inclure des caractéristiques de danger plus spécifiques à l'instar du caractère comburant, infectieux, cancérogène, mutagène, écotoxique. Celles-ci permettront, même si elles ne sont pas exhaustives, de mieux cibler et de mieux identifier certains types de déchets qui, jusque-là peuvent échapper à la règlementation.

Justement en vue de renforcer encore plus cette définition, il serait bon de procéder à une énumération de ces déchets. La technique des listes énumératives, même si elle a la faiblesse d'être de portée nécessairement limitée, car ne pouvant couvrir tous les types de déchets, a cependant l'avantage de la clarté et de la précision. De plus, elle est un palliatif au problème de définition, car comme le dit Jean Untermaïer, « d'habitude les questions insolubles de définitions se règlent par la technique de la nomenclature : faute de définitions on fait une liste »527(*). Par ces listes, l'on cible directement des types de déchets et on les soumet donc automatiquement au régime des déchets dangereux quant à leur gestion. Ce n'est pas loin des fiches pratiques que la Stratégie nationale de gestion des déchets appelle à élaborer en ce qui concerne justement les déchets dangereux528(*). L'avantage ici serait de les inscrire directement dans un texte juridique et non dans un simple guide. A cet effet, les listes contenues dans les annexes des Conventions de Bâle et de Bamako constituent une bonne référence et pourraient être transcrites dans le droit national, éventuellement complétées.

Cette modernisation de la définition ne pourra que faciliter l'encadrement du traitement et des mouvements transfrontières de déchets dangereux.

3. Le renforcement de l'encadrement du traitement des déchets et des mouvements transfrontières

Il convient de distinguer les correctifs à apporter tant au niveau du traitement (a) et que des mouvements transfrontières (b).

a. Quant au traitement

Il convient tout d'abord de préciser le cadre juridique des modalités de stockage des déchets dangereux529(*). A ce niveau, le droit camerounais accuse la même lacune que le droit français, en ce que les dispositions relatives au tri et à la pré collecte restent vagues530(*). Même dans l'arrêté n° 15/AP/C/SG/CAE du gouverneur de la province du Littoral, fixant les modalités de production, de détention, de manipulation, de transport, de recyclage et d'élimination des déchets dangereux et autres déchets dans la province du Littoral, l'on reste assez vague. Or il importe notamment, de préconiser les modes de mise en décharge qui entrainent le moins de contact avec la nature (sol, eau ou air) tel que des conteneurs étanches.

b. Quant aux mouvements transfrontières

Tout en se souciant de préserver son territoire, le Cameroun doit éviter de devenir une source d'exportations illicites de déchets dangereux. Pour cela, la réglementation des mouvements transfrontières de déchets dangereux doit être renforcée.

S'agissant de l'interdiction d'importation, elle doit être assortie de règles organisant une procédure d'inspection de navires ou tout autre moyen de transport suspect, de la faculté pour les agents habilités au contrôle de prendre des mesures en vue du renvoi du navire vers sa destination ou de l'élimination des déchets.

Quant à l'exportation, elle ne peut évidemment être complètement prohibée par un Etat qui n'a pas les moyens technologiques et financiers nécessaires pour traiter lui-même ses déchets dangereux. Cependant, il convient en vue de se mettre en phase avec les instruments internationaux, d'instituer un minimum de contrôle à ce niveau. Cela signifie à tout le moins la mise en place d'une procédure d'autorisation préalable et même d'inspection préalable à toute exportation. Assorties du régime d'information et de notification des Conventions de Bâle et de Bamako, ces règles permettront d'avoir un minium d'assurance d'une part quant à la licéité des transports et d'autre part, quant à la capacité du pays destinataire à les traiter de manière écologiquement rationnelle.

4. L'harmonisation du régime des sanctions et l'accentuation des mesures incitatives

L'harmonisation du régime des sanctions se présente en effet comme une nécessité. Le cas illustratif de conflit entre les normes répressives contenues dans la loi-cadre et la loi portant régime de l'eau démontre le besoin d'harmoniser le régime de sanction relatif à la réglementation de la gestion des déchets dangereux. Il est nécessaire d'arrêter un régime de sanction unique et d'abroger expressément les dispositions pénales des autres textes.

En effet, en l'état actuel, face à la nécessité de réprimer les actes visés par ces deux textes, l'on peut se retrouver avec des peines très différentes en fonction de ce que le juge recoure à l'un ou l'autre texte. C'est là un élément nuisible à la sécurité juridique, à l'unité jurisprudentielle et même à la cohérence de la législation nationale.

C'est bien une intervention du législateur qui est nécessaire à ce niveau, car il s'agit là de la matière pénale qui relève du domaine du pouvoir législatif531(*). La seule prise du décret d'application de la loi de 1989, ne suffirait pas à ce niveau532(*). C'est donc peut-être la loi de 1989 elle-même qu'il serait utile de modifier.

Par ailleurs, il serait indiqué d'accentuer les mesures incitatives. La loi-cadre de 1996 prévoit des mesures incitatives à l'intention des producteurs de déchets dangereux. A cet égard, « les entreprises industrielles qui importent des équipements leur permettant d'éliminer dans leur processus de fabrication ou dans leurs produits les gaz à effet de serre notamment le gaz carbonique, le chlorofluorocarbone, ou de réduire toute forme de pollution bénéficient d'une réduction du tarif douanier sur ces équipements dans les proportions et une durée déterminées, en tant que de besoins, par la loi de finances »533(*). Cependant, comme le révèle cette disposition, ces incitations ne concernent que les entreprises industrielles. Il convient donc de les étendre à d'autres producteurs de déchets dangereux, à l'instar des hôpitaux et aussi de les attribuer à ceux des producteurs de déchets qui respectent les prescriptions relatives à la pré collecte des déchets dangereux.

Ces mesures incitatives doivent aussi être étendues aux opérateurs privés de gestion des déchets dangereux, en vue de promouvoir leur développement.

5. Le réalignement des textes et pratiques administratives avec l'objectif de rationalité

Ceci concerne essentiellement le principe pollueur-payeur (a) et l'obligation d'information (b) dont la formulation dans les textes et l'implémentation par l'administration ne semblent pas s'aligner véritablement avec l'objectif de rationalité écologique.

a. Application du principe pollueur-payeur

Il a été relevé que certains éléments du régime juridique de la gestion des déchets dangereux au Cameroun cadraient peu avec l'objectif de rationalité écologique, notamment le principe pollueur-payeur et la pratique dont il fait l'objet de la part du MINEP. Il est donc question non pas nécessairement d'écarter ce principe qui conserve toute sa pertinence relativement à la restauration des sites pollués et qui contribue même à fonder l'indemnisation, mais plutôt de le cantonner à ce seul domaine. Le principe d'action préventive et de correction à la source doit donc être le principe central - en tant qu'accessoire de la gestion écologiquement rationnelle - de la gestion des déchets dangereux au niveau national, le principe général d'interdiction des mouvements transfrontières faisant le même office au niveau international.

La substitution d'un principe de non pollution - qui se déclinerait ici en une interdiction de production de déchets dangereux - au principe pollueur-payeur est une idée séduisante. Elle n'est d'ailleurs pas éloignée de l'option première de la législation camerounaise à travers la loi de 1989534(*) qui interdisait la production de déchets dangereux sur le territoire camerounais. L'évolution de la législation camerounaise vers l'option de prévention et de réduction témoigne de la nature irréaliste d'un principe de non pollution535(*).

Au demeurant, sous les réserves sus évoquées, les principes pollueur-payeur et de prévention peuvent s'articuler harmonieusement pour une gestion véritablement écologiquement rationnelle des déchets dangereux536(*).

b. Déclinaison de l'obligation d'information

De plus, tel que prévue en droit camerounais, l'obligation d'information dans le cadre de la production nationale de déchets dangereux peut être revue. En effet, elle ne vise qu'à amener les producteurs de déchets à informer l'administration des quantités de déchets produits. Or en droit français cette obligation prend un sens plus large puisqu'elle impose également aux producteurs comme aux importateurs de déchets de justifier de la possibilité d'éliminer ces déchets sur place537(*). Ils sont en outre tenus de fournir à l'administration toutes informations concernant l'origine, la nature, les caractéristiques, les quantités, la destination et les modalités d'élimination des déchets produits, remis à un tiers ou pris en charge538(*). Cette déclinaison de l'obligation d'information dans le droit français semble plus propice à garantir une gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux. C'est donc un modèle que le droit camerounais gagnerait à reproduire.

C. Les projets de textes sur la sûreté et la sécurité radiologique et nucléaire : avancée ou complexification

Un projet de loi et son décret d'application sont en cours d'élaboration. Ils vont porter sur la sûreté et sécurité radiologique et nucléaire. Plutôt novateurs, ils vont profondément modifier l'état actuel de la règlementation incidente par rapport aux déchets dangereux (1). L'analyse de leur contenu (2) révèle cependant une portée ambivalente (3).

1. L'état de la réglementation

A l'heure actuelle le seul texte qui régit ce domaine c'est la loi n° 95/08 du 30 janvier 1995 portant sur la radioprotection. Son objectif est « d'assurer la protection de l'homme et de son environnement contre les risques susceptibles de découler de l'utilisation, soit d'une ou de plusieurs sources de rayonnements ionisants soit d'une substance radioactive, ou de l'exercice d'une activité impliquant une radio exposition »539(*). La protection visée concerne notamment la préservation de l'air, de l'eau, du sol, de la faune et de la flore, mais aussi la prévention ou la limitation des activités susceptibles de dégrader l'environnement, de porter atteinte aux personnes et aux biens540(*). La disposition la plus pertinente est cependant celle selon laquelle « le traitement, le rejet et l'élimination des déchets radioactifs sont régis par la législation sur les déchets toxiques, radioactifs et dangereux ».

En clair, la loi de 1995 soumet la gestion des déchets radioactifs à la réglementation des déchets dangereux, sans même prendre la peine de définir les déchets radioactifs. Bien que ne disposant pas encore d'installations nucléaires541(*), les autorités camerounaises semblent juger opportun de réviser la loi de 1995. Les raisons542(*) tiennent à ce que la médecine nucléaire se développe dans le pays. Elle utilise des radio-isotopes qui se retrouvent aussi dans l'exploration pétrolière et minière, l'agriculture, l'hydrologie, l'enseignement, la recherche, l'élevage et l'industrie543(*) ou dans la nature544(*). Il n'est pas non plus exclu que le Cameroun nourrisse l'ambition de développer le nucléaire civil et pour cela un cadre juridique adapté est bien utile.

2. Le contenu des projets de texte

L'objectif de ces textes est « d'arrimer la législation et la règlementation nationales pour le nucléaire civil à l'évolution des concepts de la radio protection, de la sureté et de la sécurité nucléaires »545(*). Au sens de son art. 1er Le projet de loi porte sur la sûreté, la sécurité radiologiques et nucléaires et la mise en oeuvre des garanties de l'AIEA. Ainsi, elle a pour objet de protéger les personnes, les biens et l'environnement des risques liés à l'utilisation du nucléaire civil. Cette loi opère la première définition précise d'un déchet dangereux en droit camerounais, le déchet radioactif546(*). Elle traite aussi de l'Agence Nationale de Radio Protection (ANRP) créée sous le régime de la loi de 1995, qui devient son organisme de règlementation. A cet effet, l'ANRP passe également sous tutelle technique du Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Innovation (MINRESI), en plus de la tutelle financière du MINFI. Ses compétences sont d'ailleurs élargies et spécifiées. Elle devient ainsi l'interlocuteur de l'AIEA, intervient dans le mouvement transfrontière de matières nucléaires et surtout dans la promotion ou la recherche sur la sécurité des déchets radioactifs547(*). Le projet de loi vise à organiser le régime d'autorisation, d'inspection, de contrôle et de sanction pour les activités liées au nucléaire civil, à fixer les règles générales de sûreté radiologique et de sécurité nucléaire, de responsabilité civile, les garanties et le régime de contrôle des importations et exportations.

Le projet comporte un chapitre entier sur les déchets radioactifs548(*). Il en interdit l'importation, fidèle en cela aux lois de 1989 et 1996. Cette fidélité se poursuit par la reprise de l'esprit du régime de la gestion des déchets dangereux ébauché par les lois de 1989 et 1996 : la protection du public et de l'environnement, la réduction du volume des déchets, l'affirmation des responsabilités. Elle se particularise en organisant elle-même le régime d'autorisation pour la gestion des déchets dangereux et l'incitation pour ceux qui acquièrent des matières nucléaires à les réexpédier au fournisseur après usage. Le projet de loi organise aussi un régime assez fourni de contrôle des exportations et importations de matières, matériels et technologies nucléaires avec notamment un régime d'autorisation, de suivi des importations et exportations et de contrôle de la capacité du destinataire à gérer ces matières de manière sûre.

Il est à noter que dans son régime de sanction, le projet de loi remet la peine de mort au goût du jour549(*). En effet, elle est la sanction en cas de récidive pour celui qui « importe ou introduit les déchets radioactifs sur le territoire national ». Cette sévérité apparaît comme un contre-pied à la souplesse de la peine normale pour ces faits : six (06) à vingt (20) ans de prison et cinquante millions (50 000 000) à cinq cents millions (500 000 000) FCFA d'amende. La loi-cadre, quant à elle, prévoit en son art. 80 une amende similaire et la prison à perpétuité.

Il va sans dire que le projet de loi prévoit l'abrogation de la loi de 1995 sur la radioprotection. Il prévoit également un décret d'application qui a été préparé en même temps que la loi.

Le projet de décret revient notamment sur les déchets radioactifs550(*) dont la gestion est clairement affichée comme rentrant dans son champ d'application551(*). Dans ses définitions, le projet de décret précise les objectifs du traitement552(*) : la réduction du volume, l'extraction des radioéléments, le changement de la composition. A titre illustratif, le décret identifie des sources de déchets radioactifs, oblige les producteurs de déchet à signer un contrat avec l'ARNP ou tout autre organisme agréé, prévoit la création d'un organisme national de gestion des déchets radioactifs, impose la désignation d'un responsable de la gestion des déchets radioactifs par tout producteur à l'intérieur de l'installation. C'est à l'organisme de gestion des déchets radioactifs qu'incombe l'ensemble des opérations de gestion. Ensuite, le décret précise de manière très détaillée les types de déchets radioactifs et leurs conditions de traitement. Il comporte en plus des annexes sur les déchets radioactifs.

On peut penser que l'incident de Fukushima retardera les ambitions nucléaires du Cameroun, mais dans le cas contraire, ces textes seront bien utiles à l'encadrement de cette activité et des risques qu'elle comporte, les déchets radioactifs, peut être les plus dangereux de tous.  

3. Une portée ambivalente : modèle pour une réglementation sectorielle ou générale des déchets dangereux

S'ils sont adoptés, les textes sur la sûreté, la sécurité radiologiques et nucléaires fourniront, sans être spécifiquement consacrés à la gestion des déchets dangereux, l'éventail de règles le plus complet et le plus précis dans ce domaine. En effet, ils opèrent une réappropriation de la règlementation des déchets radioactifs que la loi de 1995 laissait aux soins du texte de 1989. Il va sans dire que ces textes fournissent un véritable modèle de réglementation des déchets dangereux, qui prend d'ailleurs en compte une bonne part des suggestions de la Stratégie nationale de gestion des déchets. Ces règles devraient purement et simplement être transposées à la gestion de tous les déchets dangereux.

Ces textes posent néanmoins un problème. Alors qu'ils pourraient constituer la base d'une règlementation générale des déchets dangereux, ils introduisent une logique sectorielle de réglementation de la gestion des déchets dangereux. Pour aussi bonne que soient ces règles, elles perpétueront l'éparpillement des textes portant sur la réglementation des déchets dangereux.

* 522 L'on pense surtout ici aux sanctions pénales, tant il est vrai que la transaction n'est pas dénuée dune dimension punitive puisqu'elle consiste en l'infliction dune amende qui en soit est déjà une peine.

* 523 Différent du « principe de subsidiarité » développé dans le cadre des principes régissant la gestion des déchets, il commande que dans une situation où deux niveaux d'interventions sont possibles, la priorité soit donnée au niveau le plus proche, à moins que le niveau le plus élevé soit le seul à disposer des moyens nécessaires.

* 524 En l'absence de ce décret les seuls textes pertinents sont les circulaire n° D09/NC/MSP/DMPTP/SHPA et n° 069/NC/MSP/DMPHP/SAPA toutes deux en date du 20 août 1980 et relatives à la collecte, au transport et au traitement des déchets industriels, ordures ménagères et vidanges sanitaires et un arrêté n° 15/AP/C/SG/CAE su gouverneur de la province du littoral, fixant les modalités de production, de détention, de manipulation, de transport, de recyclage et d'élimination des déchets dangereux et autres déchets dans la province du Littoral. Ce dernier texte, qui assez curieusement vise les lois françaises de 1975 sur l'élimination des déchets et 1976 sur les installations classés, alors qu'il ne vise que la seule loi-cadre s'agissant des textes nationaux protecteurs de l'environnement, précise à peine les dispositions de la loi-cadre en imposant l'obligation d'une autorisation ou de documents administratifs pour la collecte, le transport et le recyclage de déchets dangereux.

* 525 La prise du seul décret d'application de la loi de 1996, peut également permettre de régler la question sous réserve de ce qu'il inclut des dispositions spécifiques sur la gestion des déchets dangereux.

* 526 Voir directive 91/156/CE modifiant la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975.

* 527 J. Untermaïer, L'élimination et la récupération des déchets industriels en droit français in M Prieur (dir.) Les déchets industriels et l'environnement, Paris, PUF, 1985, p. 8.

* 528 MINEP, op. cit., p. 95.

* 529 Voir A. Dounian, op. cit., p. 404.

* 530 Ibid., p. 409.

* 531 En vertu de l'art. 26 de la Constitution qui définit le domaine de la loi.

* 532 En effet, le parallélisme de forme qui veut qu'un acte juridique ne puisse être modifié, retirer ou abroger que par l'autorité qui l'a prise et par un acte de même nature, s'oppose à ce que par voie règlementaire l'on puisse abroger des dispositions légales.

* 533 Art. 76 (1) de la loi n'° 96/12 du 5 aout 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement.

* 534 Art. 1er de la loi n° 89/027 du 29 décembre 1989 sur les déchets dangereux et toxiques.

* 535 M. Kamto, Droit de l'environnement en Afrique, op. cit., p. 137.

* 536 A. Dounian, op. cit., p. 346.

* 537 Voir art. 5 de la loi du 15 juillet 195 sur l'élimination des déchets et la récupération des matériaux.

* 538 Voir art. 8 de la loi du 15 juillet 195 sur l'élimination des déchets et la récupération des matériaux.

* 539 Art. 1er (1) de la loi n° 95/08 du 30 janvier 1995 portant sur la radio protection.

* 540 Art. 2 de la loi n° 95/08 du 30 janvier 1995 portant sur la radio protection.

* 541 Usines d'enrichissement et de fabrication du combustible nucléaire, centrales nucléaires, réacteurs de recherche et assemblage critiques, usine de retraitement du combustible usé, installation de gestion des déchets radioactifs.

* 542 Exposées dans la Note de présentation du Projet de décret précisant les modalités d'application de la loi sur la sûreté, la sécurité radiologiques et nucléaires et la mise en oeuvre des garanties de l'AIEA, p. 1.

* 543 Présence de 400 générateurs de rayons X utilisés pour le radiodiagnostic et quelques dizaines pour la radiographie industrielle.

* 544 Du fait de l'existence de zones de forte radioactivité ambiante dans les régions uranifères de Poli, Teubang et Lolodorf.

* 545 Mot de Madeleine Tchuinte, ministre de la recherche scientifique et de l'innovation, dans la correspondance n° 00367/MINRESI/B00/ARNP du 18 mars 2011, adressée au ministre de l'environnement et de la protection de la nature et dont l'objet était l'examen des projets de textes sur la radioprotection.

* 546 L'art. 5 du projet de loi sur la sûreté, la sécurité radiologiques et nucléaires et la mise en oeuvre des garanties de l'AIEA  définit les déchets radioactifs comme des « matières, sous quelques forme physique que ce soit, qui résultent de l'exercice de pratiques ou d'intervention, qu'il n'est pas prévu d'utiliser par la suite et (i) qui contiennent ou sont contaminées par des substances radioactives et ont une activé massique ou volumique supérieure aux niveau de libération définis par voie règlementaire et (ii) pour lesquelles l'exposition à ces matières n'est pas exclue du champ d'application de la présent loi ». La radioprotection y est aussi définie comme « l'ensemble des mesures destinées à réaliser la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les rayonnements ionisants et à assurer le respect des normes de base ».

* 547 Art. 6 du projet de loi sur la sûreté, la sécurité radiologiques et nucléaires et la mise en oeuvre des garanties de l'AIEA.

* 548 Chapitre VII, art. 62 à 66.

* 549 Art. 92 du projet de loi sur la sûreté, la sécurité radiologiques et nucléaires et la mise en oeuvre des garanties de l'AIEA.

* 550 Tout un titre (VII) y est consacré avec 4 chapitres (traitant du champ d'application, des obligations, de la gestion des déchets radioactifs, des exigences de sureté radiologique) comptant 33 articles.

* 551 Art. 2 in fine du projet de décret précisant les modalités d'application de la loi sur la sûreté, la sécurité radiologiques et nucléaires et la mise en oeuvre des garanties de l'AIEA.

* 552 Le traitement est lui-même défini de manière très intéressante comme l'« opération qui permet de changer les caractéristiques du déchet radioactif à des fins de sûreté et /ou d'économie ». Voir art. 6 projet de décret précisant les modalités d'application de la loi sur la sûreté, la sécurité radiologiques et nucléaires et la mise en oeuvre des garanties de l'AIEA.

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