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Initiatives d'assainissement local des déchets solides urbains et persistance de l'insalubrité dans le sixième arrondissement de Cotonou ( Bénin ): jeux d'acteurs et logique d'orientation stratégique de la mairie.

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par Emmanuel AMOUZOUN
Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Maà®trise (Bac+4) sociologie-anthropologie 2009
  

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3. ANALYSE DES RESULTATS : DES LOGIQUES D'ACTEURS

L'analyse des résultats permet de mettre en évidence les logiques et représentations des acteurs engagés dans les dynamiques urbaines autour des déchets solides urbains. Elle révèle que chacun des acteurs (municipalité de Cotonou, populations locales du 6ème arrondissement et ONG de pré- collecte oeuvrant dans ledit arrondissement), engagé dans la gestion des DSU, tente de se débrouiller à sa manière dans un cadre législatif, réglementaire et contractuel généralement flou.

Ainsi, dans une logique de service public rendu, les objectifs affichés par les autorités municipales sont ceux d'une hygiène publique étendue à la totalité des quartiers. Aussi, dans l'analyse des discours, « l'embellissement urbain »27(*) constitue une dimension essentielle : « Nous (service municipal), on est en charge de l'embellissement de la ville ». Il s'agit donc pour les autorités de donner une image favorable de la ville dans une optique de marketing urbain (BIAREZ, 1998). Dans ce sens, des « espaces publics »28(*) sont construits et aménagés : ce sont, dans le domaine de l'assainissement, la construction des collecteurs et des bacs et l'aménagement des rues et Terre- Pleins Centraux (TPC).

Ces espaces construits et aménagés sont ensuite transformés et utilisés par les ONG et les populations du sixième arrondissement de Cotonou.

Nous analyserons donc les usages des espaces publics mais nous nous pencherons aussi sur leurs représentations. Ceci se justifie par le fait qu'il n'est pas possible de constater, comme l'ont fait remarquer BASSAND et al (2001), une « dissociation entre le symbolique et le fonctionnel, entre le connu et le vécu ».

Au demeurant, il ressort des données recueillies sur le terrain que les ONG qui interviennent dans la pré- collecte des déchets solides au niveau du 6ème arrondissement mettent en oeuvre plusieurs stratégies allant de la sensibilisation à la fidélisation à travers le système d'abonnement, dans le but de rendre pérennes leurs actions. Notons cependant, que malgré les efforts faits par ses structures pour assurer l'enlèvement des DSU, le taux d'enlèvement des déchets solides reste dans les limites de la moyenne comme l'illustre les données du tableau XII et les informations recueillies auprès des ONG pré-collectrices. En outre, une partie des déchets pré-collectés (51,4 %) par ces ONG auprès des populations sont soit déversés le long des voies, dans des TPC ou dans les caniveaux lorsque la distance qui sépare la zone de pré-collecte est assez éloignée du seul point de regroupement qui existe au niveau de l'arrondissement ou soit vendus en cours de route comme « remblais » dans les zones ravinés par le ruissellement des pluies, et particulièrement aux abords du lac ou de la lagune. Pour les déchets qui arrivent au point de regroupement, la plupart du temps, l'état des bacs pleins à craquer fait éparpiller les ordures tout autour, rendant ainsi, sous l'effet du vent ou de la pluie, insalubre les quartiers immédiats.

En réalité, l'arrivé de nouveaux acteurs que constituent les ONG semble au vue de ce qui précède, compliqué l'organisation de la gestion des déchets par la municipalité. L'on se pose la question de savoir « dans quelle mesure l'Africain a intégré l'idée de gestion des ordures ménagères »29(*). En effet, pour le personnel d'ONG chargé de gérer les ordures, on se demande s'il n'y a pas un blocage qui provient de l'idée qu'il faille accorder tant d'importance aux objets que les citadins rejettent. N'y a-t-il pas là une idée qu'on tend à minimiser à partir de la place qu'un déchet occupe dans l'imaginaire social, la place du ramassage parmi les tâches relevant de la hiérarchie urbaine ? Ce qui justifierait le peu de cas que l'on fait des lieux de rejets des déchets pré-collectés. Ces derniers se retrouvant pour la plupart à des endroits inappropriés tels que dans les caniveaux, les collecteurs d'eaux usées, les TPC et aux abords des voies.

En arrière plan, nous avons une population citadine, qui, tout en décriant l'état d'insalubrité de l'espace urbain collectif (comme nous le montre les résultats du tableau X où toutes les personnes interrogées reconnaissent que leur cadre de vie est sale), et bien que véhiculant des représentations normatives claires concernant l'hygiène et la salubrité, adopte des stratégies qui vise essentiellement à l'éloignement des ordures et de la saleté en dehors de l'espace de vie (ménage, lieu de travail, lieu de commerce) vers le dehors (25,7 % jettent quotidiennement leurs déchets n'importe où). Ceci permet d'affirmer, comme NOISETTE et al (1996), que la ville est un lieu où les urgences se manifestent d'une manière particulièrement vive en même temps que l'ambiguïté des intérêts y est exacerbée.

En outre, pour de nombreuses personnes, il ne semble pas y avoir de lieu privilégié pour se débarrasser de leurs ordures. Les gens ont tendance à exploiter l'environnement où ils vivent. Cependant, il faut noter que ces lieux de rejets sont connus et vécus comme tels par tous. C'est ce que révèlent les photos 4, 5 et 6. Par ailleurs, à la question : « où jetez-vous régulièrement les ordures ? », 25,7 % disent les abandonner sur les bordures de voies, voire sur les TPC ou dans les caniveaux tandis que seulement 5,7 % les jettent dans les bacs à ordures. Ce qui frappe tout de suite, c'est le peu de place que les bacs à ordures occupent pour les populations de cet arrondissement. Cela signifie-t-il que les bacs à ordures soient rares ou inexistants ou bien les gens ne trouvent pas la nécessité d'y jeter les ordures ? Insuffisance ou indifférence par rapport aux bacs à ordures ? Ce qui est certain, c'est qu'en dehors de la rareté des décharges publiques (selon les données de l'enquête il n'existerait officiellement qu'une seule décharge publique au niveau du sixième arrondissement), le caractère importé d'un objet comme la poubelle métallique ou plastique qui heurte les pratiques traditionnelles, impose de nouvelles habitudes aux « citadins habitués à jeter les ordures à même le sol » (ZOA, 1995). Nous comprenons ici l'handicap des populations à jeter leurs ordures dans le bac. Pour une partie plus ou moins importante des personnes interrogées, la route (et les TPC) semble le lieu le plus accessible et le mieux indiqué pour rejeter leurs ordures. Ce fait peut s'expliquer par la proximité de la route. On peut aussi penser que celle-ci, n'appartenant à personne est un lieu neutre où le dépôt des ordures ne gêne personne. L'on aurait aussi une certaine image de la route qui rend compte du choix des populations, cette représentation justifierait alors la prolifération des décharges sauvages. Peu importe que ces ordures déposées en route soient enlevées, l'essentiel est de s'en débarrasser. L'on ne s'occupe même pas des conséquences de ces décharges qui peuvent bloquer la circulation. Il en est de même pour les caniveaux ou collecteurs d'eaux usées qui peuvent être bouchés, ici encore, ce qui importe c'est de trouver un lieu disponible pour ses ordures. Et selon les populations, les eaux des caniveaux se chargeront de drainer leurs ordures vers les exutoires.

Ce qui se dégage de ces analyses, c'est que le lieu du rejet des ordures fait lui-même partie, pour la majorité des populations du sixième arrondissement du « système de la débrouille »30(*).

En somme, les espaces publics permettent l'articulation de trois logiques : celle de la municipalité de Cotonou, celle des ONG pré- collectrices de déchets solides et celles des populations. La façon dont les acteurs sociaux locaux que sont les ONG et les populations locales utilisent les espaces construits et aménagés par les acteurs municipaux constitue une des causes de leur échec. En outre, les usages de ces lieux communs sont influencés par les diverses représentations qu'en font les acteurs sociaux locaux. Notre deuxième hypothèse est donc vérifiée. Les représentations influencent l'usage des équipements sociaux urbains d'assainissement.

* 27 BASSAND et al, Vivre et créer l'espace public, p.118.

* 28 Nous empruntons la notion d' « espace public » à BASSAND et al, qui le définissent comme des « lieux communs (rues, places, etc.) précieux », c'est-à-dire des espaces physiques dont chacun a la même représentation et que chacun fréquente.

* 29 ZOA, Les ordures à Yaoundé, p.72.

* 30 ZOA, Les ordures à Yaoundé, p. 61.

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