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Initiatives d'assainissement local des déchets solides urbains et persistance de l'insalubrité dans le sixième arrondissement de Cotonou ( Bénin ): jeux d'acteurs et logique d'orientation stratégique de la mairie.

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par Emmanuel AMOUZOUN
Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Maà®trise (Bac+4) sociologie-anthropologie 2009
  

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2. ANALYSE DES RESULTATS : DES STRATEGIES DE PARTICIPATION

Les comportements de participation ou de retrait reflètent des stratégies, des calculs, des expectatives ou des pronostics. Chaque acteur ou intervenant agit en fonction des intérêts qu'il poursuit, des opportunités qu'il a de les saisir (CROZIER, 1977). En ce sens, la participation (et son contraire) ne serait désintéressé et pourrait toujours être un comportement rationnel, même si elle ne donne pas lieu à un raisonnement explicite et formalisé.

On pourrait donc en déduire que, lorsque des citadins décident de participer à l'assainissement de leur quartier, c'est surtout sur la base d'une estimation de ce qui est susceptible de leur apporter les dynamiques de changement proposées. Ne pas participer est également un acte qui peut exprimer une estimation de ce qui est susceptible d'apporter aux populations les différentes situations environnementales envisagées.

Ainsi, l'analyse des stratégies de participation des populations aux initiatives d'assainissement dans le domaine de la gestion des DSU prendra en compte les perceptions des coûts (sociaux, financiers, sanitaires et environnementaux) du service d'enlèvement. A cet effet :

- La participation des populations en termes de coûts sociaux dans le domaine de la gestion des DS est fondée sur la situation culturelle et sociale des acteurs. En effet, des résultats d'enquête on retient que parmi les différents acteurs qui interviennent dans le processus que fait par exemple un déchet depuis la cuisine jusqu'à la rue, il y a des enfants dont la taille ne permet pas réellement de maîtriser le rapport à un objet tel que le bac (à ordures) au dessus de leur tête. Il est donc bien évident que la construction du bac importé ne tient pas compte des enfants qui pourtant font partie des personnes qui doivent évacuer les déchets solides hors de la maison. On imagine ainsi, tout l'effort physique que ceux-ci doivent fournir pour transporter les déchets solides vers la décharge publique. La perception qu'ils se font de cette dépense d'énergie jouerait beaucoup sur leur participation efficace à l'évacuation des ordures. En dehors des enfants, la femme joue un rôle important dans le ramassage des ordures au niveau des ménages. Ramasser les ordures est, en effet, une activité qui trouve sa place dans la « division sexuelle du travail »31(*) à Cotonou. On ne voit pas l'homme chargé de cuvette ou de panier d'ordures, qu'il va déverser à la poubelle. Si cela relève des activités propres à la femme, rappelons que celle-ci doit faire face à plusieurs tâches domestiques. Aussi, ramasser les ordures est une corvée de plus pour elle (25,7 % des personnes interrogées le pensent). De plus, si l'entretien de la maison se fait le jour, c'est souvent la nuit que beaucoup de femmes s'acquittent de leur activité de ramasseuses d'ordures. Epuisées de fatigue au bout d'une journée surchargée, elles attendent la nuit pour aller versée leurs seaux d'ordures. Dans cet état, ce qui les préoccupe, c'est se débarrasser de la corvée ; elles n'ont pas le temps de chercher où se trouverait le bac public, dans le noir elles versent leurs ordures par terre et n'importe où (dans les caniveaux ou les abandonnent simplement en bordures des voies).

On peut donc affirmer, de ce qui précède que la manière dont les acteurs chargés socialement de s'occuper de l'évacuation des ordures de la maison vers les endroits appropriés perçoivent les coûts sociaux d'enlèvement des déchets solides réduit l'efficacité de leur participation à l'assainissement. A ce stade de l'analyse, il suit que la troisième hypothèse de ce travail de recherche qui met en rapport les différentes perceptions des coûts de l'enlèvement des déchets et la participation des populations à l'assainissement de l'arrondissement se confirme. Ceci du fait de la détermination de la participation des populations par la perception des coûts sociaux.

- La participation financière en termes de contribution symbolique en espèces prône une volonté des populations de consacrer une partie de leurs ressources à l'aménagement et à l'amélioration du cadre de vie. Elle peut être considérée comme une expression de la valeur que les citadins attachent aux services rendus et à leur volonté de vivre dans un milieu sain. Dans ce sens, de l'ensemble des informations collectées, on observe que la grande partie du matériel technique utilisé (bacs, conteneurs, engins, etc.) par la municipalité est constituée d'objets importés, étrangers à notre univers culturel dans lequel les gens sont habitués à jeter les ordures à même le sol. De plus, certains ont du mal à imaginer les sommes colossales consacrées à l'achat de ces objets : par exemple une benne tasseuse qui coûte cinquante millions de francs. Alors que nous sommes habitués à utiliser les voitures pour les courses, voyages, déplacements courants, l'idée d'acheter une voiture pour les déchets bouleverse l'image que les populations ont d'un objet comme la voiture, symbole de la modernité. L'on devine alors la peine que l'on a pour sortir de l'argent en vue d'acheter et entretenir les voitures destinées aux ordures (34,3 % des personnes enquêtées ne sont pas prêtent à payer, selon les données du tableau XVI). De même, l'entretien des décharges est encore une chose impensable. De tels arguments justifient la troisième hypothèse et la renforce en ce qu'ils démontrent que la perception des coûts financiers détermine aussi la participation des populations. Toutefois, il serait erroné d'affirmer que les populations se désintéressent de la gestion de l'environnement, n'ont aucune volonté d'y participer, ou encore s'en remettent totalement à l'Etat ou la Mairie pour ces activités "non productives". En secondant les services publics dans leurs tâches d'assainissement, la population participe à l'amélioration des conditions de santé et d'hygiène, et démontre que le domaine de l'assainissement peut être un secteur rentable, créateur de micro- entreprises (création d'ONG de pré- collecte d'ordures par exemple) et générateur d'emplois.

- Quant à la perception des risques sanitaires et environnementaux liés à la mauvaise gestion des déchets urbains, l'on peut dire qu'il y a nombre de personnes qui ne perçoivent pas la saleté dans le sixième arrondissement de Cotonou quand bien même la majorité des enquêtés (71,4 % et 85,7 % respectivement par rapport à la santé et l'environnement) affirment reconnaître les risques liés aux ordures contre seulement 5,7 % et 2,9 % (respectivement par rapport à la santé et l'environnement) qui affirment le contraire. Aussi, en considérant les personnes qui disent faire le lien entre les risques sanitaires et environnementaux et la mauvaise gestion des déchets solides, tout porte à croire que si elles percevaient effectivement les effets de ces immondices pourquoi ne les enlèveraient-elles pas au lieu de s'entêter à attendre une action du gouvernement ? Resteraient-elles passives si elles se sentaient menacées par ces tas d'ordures ? Lorsque parmi elles beaucoup ne sont pas prêtent à participer financièrement à des actions de collecte de fonds pour débarrasser leurs quartiers des ordures, parce que « c'est le travail du Maire ou de ses services techniques qui doivent les enlever », on est tenté de dire que la problématique de l'hygiène n'est pas une affaire d'argent, mais de la perception qu'on a de ces déchets qui ne gênent pas ceux-là même qui les avoisinent et les produisent. On retrouve un imaginaire social qui laisse croire que l'hygiène est occidentale et qu'elle se heurte avec des logiques d' « indigènes qui ne meurent pas de saleté » (ZOA, 1995, p.110).

Somme toute, il ressort des différentes analyses que les deux premières hypothèses de ce travail sont vérifiées tandis que la troisième se trouve nuancée. Ceci étant, l'insuffisance de coordination des actions institutionnelles et les usages sociaux des dispositifs d'assainissement expliquent la persistance de l'insalubrité dans le sixième arrondissement de Cotonou. Toutefois, la participation communautaire à l'assainissement de l'arrondissement joue un grand rôle dans la réussite des actions concertées ou non entre la Mairie de Cotonou, la SOGEMA et les ONG impliquées dans le processus. Or, celle-ci se trouve subordonnée non seulement à la perception des coûts de l'enlèvement des déchets solides mais aussi à diverses représentations et logiques que ce travail a permis d'étayer.

* 31 ZOA, Les ordures à Yaoundé, p.73.

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