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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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Chapitre 2 : La résolution du conflit par l'admission d'une fonction complétive de l'article 1382 du Code civil

81. Depuis les arrêts de l'assemblée plénière du 12 juillet 2000 - à l'exception de la décision controversée du 27 septembre 2005 étudiée précédemment - la Haute juridiction autorise l'application de l'article 1382 du Code civil en présence de faits distinct d'une infraction de presse. Dès lors que les propos litigieux sont matériellement distincts d'un délit de presse tel que prévu par la loi du 29 juillet 1881, le juge peut alors appréhender si oui ou non, au regard de l'article 1382 du Code civil, ceux-ci sont susceptibles de donner lieu à réparation.

82. Cette solution jurisprudentielle, se prononçant en faveur d'une approche complétive de la responsabilité pour faute, assure donc la primauté du texte spécial sur le droit commun en la seule présence de faits identifiables à une infraction de presse (Section 1). Or, il semblerait que cela ne soit en réalité que la « face visible de l'iceberg ». En effet, l'exclusion du droit commun va en réalité au-delà des frontières du texte spécial de sorte que l'on peut noter un certain magnétisme exercé par la loi du 29 juillet 1881 sur l'article 1382 du Code civil. Si pour certains, cet effet apparaît comme une nécessité pour la sauvegarde de l'économie de la loi sur la liberté de la presse, d'autres le dénonce avec ferveur (Section 2).

179 En effet, un récent arrêt vient d'affirmer que « les abus de la liberté d'expression ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881 » (Civ.1e, 6 oct. 2011, Légipresse n°290, 2012, p. 31). Or, comme E. Dreyer, nous pensons au vu de la maladresse de sa rédaction, et des récentes décisions l'entourant (notamment : Civ. 1e, 11 fév. 2010, CCE 2010, n°38, obs. A. Lepage ; Civ. 1e, 28 sept. 2011, AJ fam. 2011. 546, obs. L. Briand) que celui-ci ne constitue pas un revirement de jurisprudence (V. obs. E. Dreyer, JCP E, 2011, p. 1227).

180 Principalement : l'universalisme de la responsabilité civile ; le caractère d'ordre public de la réparation ; le principe de réparation intégrale du préjudice subi.

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Section 1 : L'exigence de « faits distincts » d'une infraction pénale de presse

83. Une cohabitation claire et sereine paraît avoir été forgée depuis les retentissants arrêts de l'assemblée plénière du 12 juillet 2000 consacrant la complémentarité de la responsabilité civile de droit commun vis à vis du texte spécial (Paragraphe 1). Or, une fois la question tenant à la légitimité de voir s'appliquer l'article 1382 dans le domaine que constitue celui de la liberté d'expression résolue, il eut été justifié de se demander si la faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur - compte tenu du relatif droit de nuire dont dispose le journaliste - ne devait pas être appréciée de façon plus restrictive (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les arrêts du 12 juillet 2000 : détail d'une jurisprudence clé

84. À la lecture des jurisprudences de 2000, la solution apportée au conflit opposant la loi sur la liberté de la presse à la clausula generalis semble tout à fait simple et logique. La loi du 29 juillet 1881 - faisant figure de droit spécial au regard de l'article 1382 du Code civil - prime naturellement sur ce dernier en présence de faits constitutifs d'une infraction qu'elle réprime (A). En revanche, si les faits en question s'avèrent être distincts de cette infraction, la responsabilité civile de droit commun reprend toute sa vigueur (B).

A. Primauté du texte spécial en présence de faits pénalement qualifiables

85. Le 21 octobre 1999, la deuxième chambre civile ordonnait le renvoi devant l'assemblée plénière des pourvois respectifs formés par les consorts Érulin et les époux Collard, contre les arrêts rendus par les Cour d'appel de Paris et de Versailles181. Dans ces deux affaires, il était question de publications mettant en cause l'honneur et la considération de personnes défuntes. Pour débouter les demandeurs en leurs appels respectifs - ces derniers faisant valoir l'existence d'une faute et d'un préjudice en se fondant sur l'article 1382 du Code civil - les juges du fond ont estimé que les propos étant constitutifs d'une diffamation envers la mémoire des morts au sens de l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881, l'article 1382 ne peut servir de fondement à l'action en réparation182. Cette analyse sera ensuite approuvée par l'assemblée plénière dont l'attendu de principe

181 CA Paris, 17 sept. 1997 : D. 1998. 432, note N. Mallet-Poujol ; CA Versailles, 16 oct. 1997 : Bull. civ.2000. n°8, rapports de M. Durieux.

182 S. Martin- Valente, « La place de l'article 1382 du Code civil en matière de presse depuis les arrêts de l'assemblée plénière du 12 juillet 2000, approche critique », Légipresse n°202, 2003, p. 73.

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est clair : « les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil »183. Cette formule, aujourd'hui « classique » en droit de la presse, est martelée depuis 2000 dans de nombreuses décisions184.

86. Par conséquent, dés lors que les faits poursuivis entrent dans le champ des incriminations de la loi du 29 juillet 1881, celle-ci a vocation à s'appliquer sans détournement possible avec la responsabilité pour faute. Cette primauté du texte spécial en présence de faits pénalement qualifiables a pour finalité essentielle d'empêcher toute tentative de contournement des dispositions rigoureuses du texte spécial et principalement le délai de prescription de trois mois. En effet, il n'est pas vain de rappeler que le juge qui se voit confronté à une demande de réparation fondée sur l'article 1382 du Code civil, celui-ci n'étant pas lié par la qualification donnée aux faits par les parties, a la faculté de requalifier l'action au bénéfice de l'application de la loi sur la liberté de la presse lorsqu'il constate que les éléments du délit de presse sont réunis185.

87. Aussi, comme le souligne à juste titre Emmanuel Dreyer, la revendication de cette jurisprudence est en réalité essentiellement procédurale. Il importe peu en effet - la responsabilité civile conservant une fonction complétive - de savoir si au fond, les juges accorderont la réparation en application du texte spécial, ou en application du droit commun de la responsabilité civile186.

Pour reprendre l'esprit de la formule employée par l'assemblée plénière, ce n'est donc a priori qu'en présence d'abus de la liberté d'expression non prévus et non réprimés par la loi du 29 juillet 1881 que l'article 1382 du Code civil trouvera à s'appliquer. Nous allons voir que les choses ne sont pas aussi simples.

183 Cass. Ass. Plén., 12 juillet 2000 : Bull. civ.n°8 préc.

184 À titre d'exemples : Civ. 1e, 7 fév. 2006 : JCP 2006. IV. 1461 ; Civ. 1e, 29 nov. 2005 : JCP 2005. IV. 3785 ; Civ. 1e, 21 fév. 2006 : JCP 2006. IV. 1580 ; Civ. 1e, 11 fév. 2010 : CCE 2010, n°38 ; Civ. 1e, 28 sept. 2011, AJ fam. 2011. 546).

185 V. art. 12 NCPC et en ce sens, Civ. 2e, 6 mai 1999 : Bull. civ.n°79.

186 E. Dreyer, Responsabilité civile et pénale des médias, LexisNexis, 3e éd., 2011, p.10.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote