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Mutations urbaines : pratiques et perceptions

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par Bertrand BOUTEILLES
Université de la Réunion - Master 1 de géographie 2010
  

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1.3 Les concepts importants de la sociologie urbaine

Des espaces vers le territoire

DES ESPACES...

Dans son travail sur le quartier du Bas de la Rivière, V. TREPORT42 se réfère principalement à G. DI MEO43 (et dans une moindre mesure à A. FREMONT44) pour distinguer un certain nombre d'espaces utiles à la définition du territoire. Nous en retiendrons trois qui nous semblent particulièrement pertinents pour notre travail:

Fig. 5: Limites INSEE du quartier de La Source

Tout d'abord l'espace produit, car c'est avant tout l'espace dans lequel nous vivons. Cet espace n'est pas figé dans le temps, puisqu'il est le résultat des représentations et des actions de l'homme; il est donc amené à évoluer sans cesse. Néanmoins, du point de vue du géographe, c'est également un espace donné car c'est celui qui nous est donné d'étudier.

L'espace produit est donc soumis à deux influences qui interagissent avec cet espace: celle de l'action individuelle ou collective, que l'on nommera: « pratiques sociales », et celle de l'imaginaire, de la perception, du symbolique. Les deux conjuguées prennent forme dans des visions, ou des représentations et des actions, qu'elles soient individuelles ou bien collectives. La création d'une agence d'urbanisme45 ou les plans locaux d'urbanisme (PLU) à l'échelle d'une commune répondent bien à une action de la collectivité pour la production d'un nouvel espace. Ces deux composantes se mêlent donc et interviennent sur l'espace produit afin de créer au cours du temps un nouvel espace produit.

42 TREPORT, V., Relation entre identité et territorialité, 2006.

43 DI MEO, G., Géographie sociale et territoires, 1998.

44 FREMONT, A., La région espace vécu, 1999

45 Telle que l'Agence pour l'observation de la Réunion, l'aménagement et l'habitat (Agorah)

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Puis l'espace perçu, que nous confondrons, sauf mention explicite, avec l'espace vécu. A ce stade la distinction entre l'espace vécu, c'est à dire l'espace dans lequel est impliqué le sujet, et l'espace perçu, c'est à dire l'espace perçu pour lequel le sujet est distant, ne sera pas prise en compte afin de faciliter la simplicité du propos.

Cet espace perçu va bien au-delà des limites de l'INSEE, puisque pour Clairy Andoche46 il comprend en plus le lavoir, la rue Bertin, le palais de La Source, et même le Jardin de l'État...

Fig. 6: Limites du quartier de La Source selon Clairy Andoche

Enfin, concernant l'espace social, nous reprendrons la définition de V. TREPORT: « L'espace social est l'imbrication des lieux et des rapports sociaux. [...] Pour FREMONT, l'espace social correspond au territoire. »

...VERS LE TERRITOIRE

Le territoire est ainsi une appropriation de ces différents espaces. C'est à dire la superposition des espaces physiques et symboliques, l'interface entre réalité physique et perception de l'espace. Ainsi; nous avons donc un espace physique, construit, délimité, intégré et surtout approprié qui aboutit au sentiment d'un territoire partagé. Et c'est ce rapport-là, ces liens entre l'homme et son territoire que l'on appellera territorialité.

46 ANDOCHE, C., La Source - Saint Denis 1772-2002, 2003.

Individu

Temps

Espace physique

Espace produit

Espace social

Espace perçu

Actions

Pratiques sociales

Perceptions
Représentations

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Fig. 7: Les espaces du territoire

L'identité

L'identité est un concept important en géographie et sociologie urbaine. Quand elle concerne un individu, l'identité est d'abord un paradoxe et balance entre similitude et singularité47. Sa racine latine idem fait référence à ce qui est semblable, identique. Et par ailleurs l'identité appelle à « l'identité du moi dans sa continuité temporelle, en tant qu'elle est distincte des autres individus ».48 L'identité est ainsi au coeur de l'idée que l'on a de soi-même et des autres.

Appliquée à un groupe social, elle entraîne un processus de différenciation entre soi et les habitants du quartier voisin par exemple.

« Les sentiments d'identité jouent un rôle [...] profond dans l'uniformisation des attitudes au sein de beaucoup de groupes. [...] La morale n'est pas individuelle [...]et l'image à partir de laquelle se bâtit le sentiment d'identité repose souvent sur l'idée d'une descendance commune, d'une histoire assumée de conserve [...]. Les disciplines de comportement sont d'autant plus fortes que tous les membres d'un groupe participent aux mêmes tâches, connaissent les mêmes rythmes et se heurtent en même temps aux mêmes difficultés [...]. La territorialité est fondamentalement liée à ce type d'identité. »49

47 BRUNET, R. et alii., Les mots de la géographie: dictionnaire critique, 1993.

48 MONTENOT, J., Encyclopédie de la philosophie, 2002.

49 CLAVAL, P., Géographie culturelle: une nouvelle approche des sociétés et des milieux, 2003.

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C'est en ce sens que nous pourrons utiliser les termes d'identité et de territoire, même s'il faut se garder d'un déterminisme qui lierait de façon trop simpliste le lieu de vie et le caractère supposé des habitants, dans la mesure où ces éléments sont appelés à évoluer sans cesse.50

« En effet, un quartier n'est pas une juxtaposition d'individus entrant en contact superficiel par la force des choses. Il a une existence collective plus ou moins profondément enracinée selon l'histoire, la manière et le degré d'intensité avec lequel la pratique sociale l'alimente. Il est peu à peu façonné par les trames des réseaux de connaissances, des liens de solidarité, des conflits, des histoires individuelles, des politiques dirigées vers lui, qui inscrivent leur trace dans les rues, sur les maisons, dans les familles, formant la mémoire collective dont la vie quotidienne est imprégnée. "Les quartiers sont les produits involontaires de la multitude des grands et petits gestes de la vie quotidienne. Les individus doivent ce qu'ils sont pour une part aux espaces où ils ont vécu et où ils vivent" (Pinçon-Charlot, 1997).»51

En ce sens l'identité collective des habitants de La Source est liée principalement à la construction des logements sociaux des années 1960 pour remplacer les bidonvilles, avec l'arrivée massive d'une population nouvelle. Et c'est à l'église, sur le terrain de handball (La Sours est encore aujourd'hui une des meilleures équipes de handball de l'île !), ou encore grâce au foyer des jeunes, que collectivement s'est forgée une nouvelle identité propre au quartier.

Néanmoins, cette nouvelle identité s'est intégrée à l'ancienne vie de ce quartier assez rural dont la richesse essentielle était l'omniprésence de l'eau. Et que ce soit par la présence d'une piscine, de plusieurs sources, ou encore des différents canaux bâtis à l'origine pour alimenter le Jardin de l'État, le nom même de La Source résume l'attachement de ses habitants à cette eau bienfaitrice sortie de leur quartier.

Divisions spatiales et effet de seuil

Nous avons vu que des groupes humains possèdent une identité spécifique forgée en partie par le fait d'habiter ensemble dans un territoire donné. Cela est dû pour une grande part à la stratégie des individus, qui désirent trouver un lieu leur apportant le maximum de satisfactions. Ainsi, à travers la ville, vont se former et se composer des logiques de peuplement. Et « au fil du temps vont se façonner en chaque ville des « secteurs », des territoires auxquels peuvent être durablement associées des populations et des images particulières. »52

Les structures des villes sont également des accumulations de l'histoire, et l'impact de la construction d'un boulevard urbain, ou de l'implantation de logements sociaux, joue un grand rôle dans les différents processus de division de l'espace et les représentations.

Dans la mesure où une construction urbaine marque fortement l'espace, le temps ou le

50 BRUNET, R. et alii., Les mots de la géographie: dictionnaire critique, 1993.

51 VAILLANT, Z., La Réunion, koman i lé ? Territoires, santé, société, 2008.

52 GRAFMEYER, Y., Sociologie urbaine, 1994.

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mouvement, elle représente un véritable seuil favorisant le passage ou au contraire marquant une rupture, une discontinuité ou une limite dans l'espace urbain53.

Dans la ville de Saint-Denis, le Boulevard Sud risque de provoquer des effets de seuil et de diviser spatialement les populations qui résident de part et d'autre de cet axe. Au niveau du quartier de La Source, malgré les 40 000 véhicules par jour , des efforts ont été faits pour que ce boulevard reste accessible aux piétons en y implantant des jardins intérieurs.

Il reste donc à comprendre dans quelle mesure ce boulevard est facteur de division spatiale, et s'il est pratiqué et perçu par les habitants de La Source comme un passage vers le centre-ville, le Jardin de l'État ou bien comme une rupture.

*

* *

De ce chapitre nous retiendrons que le développement urbain de Saint-Denis depuis sa création s'est fait très progressivement jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale. Par la suite, c'est la poussée démographique qui a imposé les mutations urbaines et la modernisation de nombreux quartiers dont La Source. On en voit la conséquence dans les différentes trames qui composent la ville.

D'autre part, un des objectifs du Boulevard Sud est de répondre aux besoins de mobilité de la population réunionnaise, et pas uniquement dionysienne. Or, ce dernier créé également une division spatiale par son effet de seuil. L'espace est alors fortement marqué, mais qu'en est-il pour le territoire ? La perception et les pratiques sociales sont-elles réellement modifiées ?

L'étude de l'impact du Boulevard Sud au coeur d'un quartier urbain comme La Source nous apparaît pertinent dans la mesure où il s'agit d'un territoire suffisamment étendu pour être représentatif et suffisamment restreint pour être commode à étudier.

Aussi la partie épistémologique que nous concluons ici nous a fourni quelques concepts, que nous tâcherons de mettre en application dans l'approche méthodologique ainsi que dans l'étude de cas qui lui fait suite.

53 BRUNET, R. et alii., Les mots de la géographie: dictionnaire critique, 1993.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand