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L'insécurité des travailleurs humanitaires dans les zones de conflits armés

( Télécharger le fichier original )
par Nabi Youla DOUMBIA
Institut des relation internationales et stratégiques - Master les métiers de l'humanitaire 2009
  

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Chapitre 2 : LE CIBLAGE CRIMINEL DES HUMANITAIRES

Le passage des conflits de haute intensité, caractéristiques de la guerre froide à ceux de basse intensité qui distinguent les crises actuelles, ne s'est pas accompagné pour les humanitaires d'une sécurité plus grande encore moins d'un élargissement des zones d'interventions. Cela s`est traduit, au contraire, par l'augmentation exponentielle du nombre d'humanitaires délibérément assassinés, kidnappés, violés ou volés. Les statistiques nécrologiques en la matière évoluent de pic en pic et l'espace humanitaire se rétrécie chaque jour. Dans certaines régions du monde, les « No-go zones » ou zones de néant humanitaire s'érigent contre toutes formes d'intervention humanitaire.

L'actualité fait régulièrement état d'humanitaires kidnappés et libérés contre paiement d'une rançon ou exécutés. Pour les professionnels du secteur, depuis 1990, le métier est devenu plus difficile voire suicidaire dans certains endroits du monde. Cette conscience vécue de la dangerosité du métier, sera corroborée par plusieurs études scientifiques que nous essaierons de restituer ici29(*).

Le récit anecdotique des premières aventures humanitaires regorgent de détails sur des violences subies. Le danger a toujours accompagné l'entreprise humanitaire et peut-être est-ce cela, qui fait son charme. Du fait qu'il intervient non au milieu d'une foire mais d'un conflit, l'humanitaire est un métier dangereux, car potentiellement porteur de risques. De l'étude princeps de Mani sheck, on apprend que ce risque est en constante évolution. La probabilité de se faire tuer devient, même par endroits, une certitude. A sa suite plusieurs études menées sur le même sujet permettent de délimiter les contours du phénomène et d'en établir les constantes.

I. Des violences essentiellement intentionnelles

De 1990 à 2005, les violences contre le personnel humanitaire vont se démultiplier. Le nombre d'incidents a augmenté en valeur absolue. Une analyse minutieuse des données permet de distinguer deux rythmes de croissance. Dans la première tranche de temps 1990-1997, les violences augmentent assez vite, tandis que la seconde période enregistre un ralentissement du phénomène.

La tendance générale qui se dégage sur la nature des incidents est leur caractère intentionnel. Les diverses études menées sur la question de l'insécurité des humanitaires concluent sans équivoque à une forte propension des violences intentionnelles c'est-à-dire celles infligées délibérément. En effet, la majorité des morts ou des violences multiformes subies ne sont pas le fruit du hasard ou de la malchance. Les humanitaires ne sont pas victimes parce qu'ils seraient à la mauvaise place au mauvais moment. Ils le sont, parce que perçus, comme une cible économique et politique principales. Les accidents de véhicules et les décès dus aux maladies ne constituent qu'une infime partie des causes de mortalité.

Des différentes organisations civiles formant le pôle humanitaire (O.N.G., C.I.C.R., sociétés nationales de Croix Rouge et agences onusiennes), les agences onusiennes ont d'abord détenu la palme de la victimité avant de la céder aux O.N.G. La multiplication des zones d'intervention de l'O.N.U. après la chute du Mur de Berlin s'est accompagnée d'une exposition plus grande des travailleurs de cette organisation.

De 1990 à 1997, les actes de violences mortelles contre les humanitaires sont en majorité intentionnelles et consécutives pour la plupart à des vols. Les morts intentionnelles vont jusqu' à constituer entre 1992 et 1995, 75% du total de l'année. Le pic de la courbe des violences contre les humanitaires sera atteint en 1994 avec le conflit rwandais.

Tableau 2 Nature des violences (source Mani Sheik)

 

Violences intentionnelles

Violences non intentionnelles

Accidents de véhicules

Autres

Total

O.N.G.

23

6

10

19

58

Agences Onusiennes

145

3

23

6

177

C.I.C.R. et Croix Rouge nationales

40

5

7

0

52

Total

208

14

40

25

287

Figure 1 Nature des violences (source Mani Sheik)

Pendant longtemps, les accidents de véhicules ont été considérés comme étant la principale cause de mortalité des humanitaires. Les données de Mani Sheik prennent le contrepied de cette opinion et concluent sans ambages à la primauté des violences intentionnelles. Les résultats sont identiques pour toutes les organisations humanitaires et se traduisent par un nombre élevé de violences intentionnelles qui écrase par son volume les autres formes de violence d'origine non-intentionnelle, accidentelle ou autre (maladies...).

Figure 2 Violences intentionnelles par type d'organisation (source Mani Sheik)

De 1997 à 2005, l'étude des incidents graves contre les travailleurs humanitaires conservent une courbe ascendante. Abby Stoddard et ses collaborateurs du humanitarian policy group, ne font pas de comparaison entre les violences intentionnelles et les violences non-intentionnelles. Il semble que si dans les années 90, il n'était pas encore établi que la majorité des actes de violences contre les humanitaires est intentionnelle, en 2000 cette vérité constitue un truisme.

Les menaces les plus susceptibles de se concrétiser se situent dans l'existence d'acteurs de violence divers mus par des mobiles différents qui exploitent les faiblesses sécuritaires des programmes humanitaires dans certaines régions du monde.

1. Des actes et des auteurs de violences divers

Les humanitaires sont la cible d'actes de violences multiformes allant des plus bénins comme les larcins à des actes gravissimes comme le meurtre. Voici quelques unes des violences qu'ils subissent:

Le vol et le braquage: l'aide humanitaire intervient dans des régions démunies. La manne financière et matérielle dont dispose les organisations humanitaires et leurs employés suscite des convoitises en interne et en externe. En interne, les stocks alimentaires et certains matériaux comme le fioul subissent régulièrement des vols. En externe, les travailleurs humanitaires sont visités par des bandits à leurs bureaux où ils sont dépouillés de tout. Les déplacements aussi constituent des moments critiques car des bandits dressent régulièrement des barrages avec pour dessein de braquer les véhicules (car-jacking). Ces différents actes de vols peuvent s'accompagner avec plus ou moins de violence selon les auteurs.

Le harcèlement : mémoire de guerre et témoins gênants d'exactions de tous genres, les humanitaires embarrassent les belligérants des conflits. Vu comme l'oeil de l'Occident, ils sont constamment harcelés par les groupes armés qui les perçoivent comme des freins à l'exécution d'opérations d'extermination ou de crimes de guerre. Arrêtés aux barrages, ou convoqués, ils sont pressés de questions et détenus pour des motifs aussi futiles que farfelus. Le harcèlement a pour but d'empêcher les O.N.G d'être trop regardantes sur les activités militaires, de les astreindre au silence, voire de les pousser au départ. Dans certaines situations, il s'agit d'un véritable quiproquo entre les humanitaires et les militaires. Pour ces derniers, les O.N.G. sont des espions à la solde des puissances occidentales, d'où le traitement spécial qui doit leur être réservé. Dans cette hypothèse, une mauvaise gestion de la situation par l'O.N.G. notamment dans son rapport aux autres protagonistes peut conforter les préjugés.

Les meurtres et assassinats : l'intervention militaire dans des zones de conflits ouverts exposent les travailleurs aux effets collatéraux. En effet, assister les populations les plus vulnérables d'un conflit, c'est s'exposer, du même coup, aux mêmes menaces. L'humanitaire de ce point de vue est un métier potentiellement dangereux, dans la mesure où il s'exerce dans des zones dangereuses soumises à des bombardements aériens ou terrestres et à des opérations de guerre par essence violente. La distinction entre civils et combattants n'est pas toujours aisée à établir et des bavures de bonne foi existent.

Le port du logo n'a pas un effet absolu et les meurtres d'humanitaires font partie intégrante de la normalité de la profession. En revanche, l'assassinat des travailleurs humanitaires, c'est-à-dire le fait d'attenter volontairement à leurs vies, dans ses proportions actuelles est anormal. D'abord parce qu'il s'éloigne de la norme: l'immunité des humanitaires contenue dans les conventions de Genève et autres traités internationaux. Ensuite, parce que le phénomène est récent. Il s'origine dans les années 90, en rupture avec l'histoire de l'humanitaire. Pour Mani sheck, le ciblage criminel des humanitaires commence à la fin des années 80 pour atteindre son pic en 1994.

Les viols : il n'existe aucune statistique sur les viols commis sur les humanitaires. Pourtant c'est un secret de polichinelle que des cas de viol sont répertoriés ça et là. Un voile de pudeur empêche d'aborder cette question à découvert et les cas y afférents sont rangés dans la rubrique des violences physiques.

Les menaces de mort: Pour amener les humanitaire à plier bagage ou tout simplement à se taire devant des exactions commises, certaines personnes ou groupes leur adressent des menaces de mort suivies ou pas d'effet.

Les auteurs des violences contre les humanitaires n'appartiennent pas tous à la même catégorie. Trois types d'auteurs ont été recensés. Ce sont par ordre de dangerosité croissante: les bandits ordinaires, les éléments armés contrôlés ou incontrôlés et les terroristes.

Les bandits ordinaires : les véhicules neufs arborés par les humanitaires ainsi que les biens matériels et financiers qu'ils possèdent suscitent la convoitise. Le cash servant à régler les salaires ou encore les véhicules 4X4 rutilants sont les butins les plus prisés. Pour des individus qui, ont fait le choix du banditisme, la guerre et le désordre ne peuvent que constituer des circonstances aggravantes. En effet, pendant les périodes agitées, le manque de perspectives d'emploi conduit bien souvent à un banditisme de subsistance qui s'abat sur les poches de prospérité encore existantes dont les humanitaires qui disposent relativement de biens matériels considérables. Chez les bandits ordinaires, les humanitaires sont visés pour ce qu'ils ont, non pour ce qu'ils sont.

Les éléments armés contrôlés ou incontrôlés : les récits d'humanitaires sur les auteurs des violences qu'ils ont subies font généralement mention d'éléments armés ayant des signes distinctifs qui, les rapprochent de tel ou tel protagoniste. Des éléments dits incontrôlés agissant à leurs propres comptes s'adonnent à des activités parallèles de vols et braquages sur la population civile dont les humanitaires. Dans certains cas il est douteux de croire que ces éléments soient effectivement incontrôlés. Afin de contraindre les humanitaires à des concessions politiques ou économiques (silence, conciliation, racket...) des protagonistes peuvent faire croître volontairement l'insécurité, qui comme par enchantement, diminuera une fois les exigences satisfaites.

Les terroristes : la menace la plus sérieuse contre les humanitaires provient des terroristes. Le terrorisme est la prise pour cible des populations civiles afin d'obtenir des concessions politiques. Les humanitaires sont des civils et par voie de conséquence, une cible potentielle. Le but visé par les terroristes est de choquer l'opinions publique pour que celle-ci fassent pression sur les gouvernants. En s'attaquant aux humanitaires, les résultats sont démultipliés pour deux raisons au moins. Les humanitaires bénéficient d'abord, d'une grande dose de sympathie auprès des populations d'où un choc plus grand que s'il s'était agi du citoyen lambda. Ensuite, ils bénéficient d'une large couverture médiatique qui profitera aux terroristes dont l'objectif est d'atteindre les opinions publiques.

Par ailleurs, les humanitaires ont pu être agressé en raison de leur supposé lien avec certaines puissances que pour leur identité intrinsèque. En Irak ou en Afghanistan, les humanitaires payent de leurs vies le prétendu soutien aux États-Unis.

Toutes les organisations dites terroristes n'abhorrent pas les humanitaires. Les indépendantistes basques de ETA, les tigres de Eelam Tamul, le Hamas, pour ne citer que les plus connues, ne tuent pas expressément les humanitaires. Pour s'en tenir aux faits, seuls les terroristes de la nébuleuse Al-Qaïda disséminés à travers le monde, définissent sans équivoque les humanitaires comme une cible à abattre.

* 29 Deux études servent de base à cet travail :

Sheik Mani et alii, Death among humanitarian workers, BMJ, London, 2000, vol 321,p 166-168.

La période étudiée est l'intervalle 1985- 1997.

Abby Stoddard et al, working in insecure environment, overseas development institute, London, 2006.

Cette étude couvre la période 1997 à 2005.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote