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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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b - Les immunités et indemnités parlementaires

Traditionnellement, les parlementaires sont protégés par ce qu'il convient d'appeler les immunités parlementaires. Ces dernières peuvent être définies comme des qualités attachées au mandat des parlementaires pour les prémunir contre des poursuites engagées délibérément par le pouvoir ou des groupes dans le but de les intimider, de faire pression sur eux85(*). Les immunités constituent donc en principe une protection générale du parlementaire contre toutes formes de menaces, d'intimidations ou d'arrestations orchestrées par les citoyens ou les pouvoirs publics. Il s'agit d'une protection fonctionnelle et personnelle instituée non dans l'intérêt du parlementaire, mais dans celui du mandat. Elle présente de ce fait un caractère objectif. Le régime des immunités des députés de l'Assemblée nationale camerounaise est fixé par l'ordonnance n° 72/12 du 26 août 1972. Il recouvre deux types d'immunités parlementaires : l'irresponsabilité et l'inviolabilité.

L'irresponsabilité s'analyse en une immunité de fond qui protège le député en sa qualité d'élu en raison des actes accomplis dans le cadre de son mandat. Elle est traduite à l'article 1er de l'ordonnance n° 72/12 précité qui prévoit qu'aucun député à l'Assemblée nationale ne peut être poursuivi, recherché, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Tel qu'elle est formulée, cette irresponsabilité met le parlementaire à l'abri de toute poursuite, d'où qu'elle vienne, en raison des opinions ou des actes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Elle s'étend également aux journaux qui rapportent exactement et de bonne foi les propos émis par les parlementaires dans le cadre de leurs fonctions. Elle est perpétuelle en ce qu'elle survit à la fin du mandat. Elle est aussi absolue en ce qu'elle couvre tous les actes accomplis par l'élu dans l'exercice de son mandat législatif (propos, votes, rapports, etc.), tant du point de vue de la responsabilité pénale et civile que politique.

L'irresponsabilité parlementaire n'empêche pas des sanctions internes : le règlement de l'Assemblée nationale frappe de censure les parlementaires qui, après rappel à l'ordre du président, se livreraient à des attaques personnelles ou créeraient du désordre, et de censure avec exclusion temporaire, ceux qui feraient publiquement appel ou se rendraient coupables d'injures ou de menaces contre les autorités constitutionnelles86(*). Précisons toutefois que ledit règlement réserve le prononcé du rappel à l'ordre au seul président de l'Assemblée nationale tandis qu'il revient à celle-ci de prononcer soit la censure simple, soit la censure avec exclusion temporaire du palais de l'Assemblée nationale.

L'inviolabilité protège les parlementaires des poursuites pénales dont ils pourraient arbitrairement être l'objet. Elle est une immunité de procédure garantissant le parlementaire contre les poursuites pénales abusives ou vexatoires pour crimes ou délits qui pourraient être intentées contre lui en raison des faits autres que ceux concernant l'exercice de sa fonction, c'est-à-dire étrangers à celle-ci. Il s'agit d'éviter que le parlementaire pris en sa qualité d'individu ne puisse être l'objet d'intimidations ou d'arrestations injustifiées de la part du gouvernement ou de ses partisans. A cette fin, l'article 2 de l'ordonnance n° 72/12 ci-dessus précise  que « Sauf en cas de flagrant délit ou de crime et délit contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat tels qu'ils sont fixés par le Code pénal, aucun député ne peut être poursuivi en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale pendant les sessions ou l'autorisation du bureau hors session ».

Il résulte de cette disposition qu'à la différence de l'irresponsabilité qui a un double caractère absolu et perpétuel, l'inviolabilité est une protection provisoire et limitée. Son objectif n'est pas de soustraire le parlementaire de l'application de la loi, ni de supprimer l'infraction, mais de retarder le moment de la poursuite. Elle ne dure qu'autant le mandat lui-même.

Relativement à son domaine, l'inviolabilité est une garantie uniquement pénale en ce qu'elle ne joue qu'en matière criminelle et correctionnelle. Elle ne s'oppose pas aux poursuites en matière contraventionnelle ni à une éventuelle mise en jeu de la responsabilité civile du parlementaire. Par ailleurs, la mise en jeu des poursuites est possible avec l'autorisation de l'Assemblée nationale pendant les sessions ou celle de son bureau hors session. Cette autorisation des poursuites porte le nom de levée de l'immunité parlementaire87(*).

Le législateur formule une double exception à l'exigence de l'autorisation des poursuites par l'Assemblée nationale ou son bureau. D'une part, celle-ci disparaît lorsqu'il y a flagrant délit. Ainsi, lorsque le parlementaire camerounais est pris en flagrant délit, il n'est plus couvert par l'inviolabilité : il est considéré en cette circonstance comme un citoyen ordinaire. Si cette solution est constante en droit positif camerounais, il n'en a pas toujours été ainsi en France surtout sous la IIIè République. En effet, la pratique voulait que, même en cas de flagrant délit, il n'y eut pas de jugement avant que l'Assemblée intéressée n'ait donné l'autorisation. Ce n'est qu'en 1950, à la suite d'une interpellation du gouvernement que l'Assemblée a voté un ordre du jour invitant le gouvernement à appliquer les textes88(*). D'autre part, l'autorisation n'est pas exigée pour déclencher des poursuites relatives aux crimes et délits commis contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat tels que définis aux articles 102 à 117 du Code pénal. Il s'agit de l'hostilité contre la République, l'atteinte à l'intégrité du territoire, la tentative par la violence de modifier les lois constitutionnelles ou encore la tentative de renverser les autorités légalement établies ou de les mettre dans l'impossibilité d'exercer leurs pouvoirs.

Il est à préciser qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance n° 72/12 précitée, la détention et la poursuite ou l'une et l'autre sont suspendues de plein droit sur réquisition de l'Assemblée nationale ou, hors session, de son bureau par le parquet compétent, par le ministre des forces armées en cas de compétence des juridictions militaires. En tout état de cause, la condamnation ultérieure de l'élu entraîne sa déchéance et le cas échéant son remplacement par son suppléant qui, seul, bénéficiera des indemnités.

En France, le mandat parlementaire a été gratuit jusqu'en 184889(*). La IIè République attribue aux parlementaires une indemnité de 25 F par jour90(*). Au Cameroun en revanche, une des garanties offertes au député à l'Assemblée nationale consiste à lui verser une indemnité pour le mettre à l'abri des besoins et, éventuellement, des tentations. Elle est indispensable à partir du moment où le suffrage universel étant institué, les citoyens issus des classes défavorisées de la nation sont susceptibles d'être élus. « Bien qu'elle donne lieu à démagogie facile, l'indemnité parlementaire apparaît ainsi comme une des conditions nécessaires du fonctionnement démocratique des institutions, en ce qu'elle permet à des personnalités même dépourvues de fortune d'exercer le mandat de représentant du peuple »91(*). C'est pour répondre à cette exigence que le règlement de l'Assemblée nationale précise que les députés perçoivent mensuellement une indemnité de service de base et une indemnité dite indemnité pour frais de mandat. Tous les députés perçoivent désormais une indemnité dite de session, des primes non remboursables pour achat de véhicules ainsi qu'une allocation annuelle de fonds pour les micro-projets.

Divers autres avantages et facilités sont de moins en moins communs aux députés et plutôt réservés à ceux qui exercent des fonctions dans les structures collégiales tels que les frais de représentation et de missions. En outre, le président, les vice-présidents et les questeurs ont droit à un hôtel de fonctions, aux moyens de transport et à de personnel domestique dont le nombre est fixé par arrêté du bureau de l'Assemblée nationale qui joue par ailleurs un rôle indispensable au sein des organes du Parlement.

* 85 Cf. DEBBASCH (Ch.), BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, 2è éd., Paris, Economica, 1985, p. 413.

* 86 Ces sanctions internes sont régies par les articles 71 à 74 du règlement de l'Assemblée nationale.

* 87 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Les immunités parlementaires en droit camerounais : réflexion sur une exception au principe de l'égalité des citoyens devant la loi », RJPIC, 52è année, n° 2, mai-août 1998, pp. 177-193, notamment p. 189.

* 88 Cf. DEBBASCH (Ch.), BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 416.

* 89 Ibid., p. 416.

* 90 Baudin, tué sur la barricade en 1851 aurait déclaré : « Vous allez voir, citoyens, comme on meurt pour 25 F par jour » , Ibid., p. 416.

* 91 Cf. CHANTEBOUT (B.), Droit constitutionnel, op. cit., p. 499.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille