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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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2 - Le vote du texte de révision

C'est l'adoption d'un texte de révision par l'Assemblée nationale qui donne naissance à la loi constitutionnelle. Toute difficulté découlant soit des amendements, soit d'un aspect précis du texte doit préalablement trouver une solution de consensus. Or, il est rare qu'un texte bénéficie d'un tel consensus ; d'où l'intervention du vote.

Le vote d'une loi constitutionnelle est régi par la Constitution du 2 juin 1972 dont l'article 36 alinéa 3 dispose que la révision, lorsqu'elle est présentée devant l'Assemblée nationale à l'initiative des députés ou du président de la République, est « votée à la majorité des membres composant l'Assemblée nationale ».

Cette disposition mérite d'être analysée attentivement car elle recèle des lacunes. Elle frappe d'abord par son imprécision relativement à la majorité requise pour qu'un projet ou une proposition de révision soit adoptée par l'Assemblée nationale. En effet, l'alinéa 3 de l'article 36 précité indique vaguement que la révision est votée à la majorité des membres composant l'Assemblée nationale. De quelle majorité s'agit-il en réalité ? L'importance de cette question est attestée par le fait qu'il est admis en doctrine constitutionnelle que c'est surtout dans les majorités requises à l'Assemblée de révision pour voter le texte de révision que cet organe se démarque du Parlement siégeant ès qualité. Rappelons qu'en matière constitutionnelle, on distingue trois types de majorité. D'abord, la majorité absolue qui exige du texte soumis au vote plus de la moitié des voix pour son adoption. Ensuite, la majorité qualifiée qui est celle exigeant des conditions plus difficiles à réunir que la majorité absolue à l'instar de la majorité des deux tiers. Enfin, la majorité relative ou simple qui conditionne l'adoption du texte à la seule exigence que ses défendeurs réunissent plus de voix que n'en ont obtenu ses détracteurs.

Au regard de ce qui précède, on pourrait conclure que la majorité exigée par la Constitution pour sa révision par voie parlementaire est la majorité simple. Telle n'est cependant pas l'interprétation qu'en fait une partie de la doctrine pour qui il s'agirait vraisemblablement de la majorité absolue131(*). S'agissait-il d'une erreur de rédaction ou d'une volonté du constituant de 1972 de faciliter le vote du texte de révision en première lecture ? La question est restée sans réponse notamment en raison du fait que l'Assemblée dans le cadre de la sa législation tant en matière législative que de révision constitutionnelle a pendant longtemps brillé par sa promptitude à adopter les projets de texte initiés par le président de la République132(*).

En revanche, le constituant est plus explicite en ce qui concerne la majorité requise pour l'adoption du texte de révision lorsqu'une seconde lecture de ce dernier est demandée par le président de la République. En effet, il ressort clairement de l'article 36 alinéa 4 de la Constitution que dans ce cas, « la révision est votée à la majorité des deux tiers des membres composant l'Assemblée nationale ».

En tout état de cause, le vote du texte de révision connaît plusieurs modalités. Il peut se faire soit à main levée, soit au bulletin secret ; il peut également être personnel ou s'opérer par procuration.

Au terme du vote, deux situations sont susceptibles de se présenter. La première est celle où le Parlement rejette le texte de révision par un vote négatif. Bien qu'elle n'ait jamais existé dans la pratique des révisions constitutionnelles au Cameroun, cette hypothèse appelle la curiosité relativement aux pouvoirs du président de la République en cas de défaut d'adoption. La question théorique qu'elle suscite est en effet la suivante : ayant choisi de soumettre un projet ou une proposition de révision au Parlement et la révision ayant été rejetée, le président de la République peut-il recourir s'agissant du même projet ou de la même proposition de révision, à l'autre mode d'adoption qu'est la voie référendaire ?

La Constitution de 1972 n'a pas explicitement envisagé cette hypothèse. Elle ne permet pas expressément au Chef de l'Etat de recourir au référendum si l'Assemblée nationale a refusé d'adopter le texte de révision à elle soumise ou de recourir à l'Assemblée nationale si le référendum a échoué. La doctrine constitutionnelle, française notamment, est divisée sur la question, étant entendu que cette dernière n'a également reçu aucune réponse de la Constitution du 4 octobre 1958. Pour le Professeur Dmitri Georges LAVROFF, le président de la République n'aurait certainement pas la possibilité de soumettre au référendum une proposition de révision de la Constitution rejetée par le congrès. Ce serait pour l'auteur, opposer le peuple souverain à ses représentants élus au Parlement, ce qui n'est pas conforme à l'idée du mandat représentatif133(*). Cette position est remise en cause par le président Philippe ARDENT qui pense que le blocage résultant de l'opposition du congrès pourrait être surmonté par le recours au peuple. Ce serait donc une sorte de procédure d'appel à l'arbitrage populaire après que les Assemblées se soient prononcées134(*). Mais, on voit mal un président de la République jouant successivement le Parlement contre le peuple ou, inversement, le peuple contre le Parlement. En outre, il existe une impossibilité juridique à un tel jeu, car le projet ou la proposition de révision rejetée par le Parlement ou le peuple deviennent caducs.

Au Cameroun en tout cas, la Constitution ne semble pas avoir écarté cette faculté pour le président de la République de recourir au peuple par voie référendaire lorsque le Parlement n'a pas pu adopter la révision ou alors à celui-ci lorsque la révision a été rejetée par celui-là. Cette interprétation découle du dernier alinéa de l'article 36 de la Constitution du 2 juin 1972 qui indique que le président de la République peut décider de soumettre toute révision au référendum populaire. Ainsi, bien que politiquement délicat pour le président de la République qui peut se trouver doublement désavoué, il est juridiquement possible pour lui de recourir au peuple pour trancher une question constitutionnelle. Ce point était pourtant réglé de manière à éviter au président de la République ce risque sur le plan politique par l'article 49 de la Constitution du 4 mars 1960 qui disposait clairement : « Au cas où la loi, sans avoir été adoptée par la majorité qualifiée ci-dessus, aura cependant été votée à la majorité composant l'Assemblée, elle est soumise au référendum populaire ».

La seconde situation est celle où le texte est adopté par l'auguste Chambre. Elle met alors un terme à la phase parlementaire dans la procédure de révision constitutionnelle. Car la procédure de révision de la Constitution ne s'arrête pas dès l'adoption du texte de révision par l'Assemblée nationale. Techniquement en effet, un certain nombre d'actes juridiques sont nécessaires pour que le texte auquel elle a abouti soit considéré comme juridiquement parfait, à savoir la promulgation et la publication des dispositions constitutionnelles dans leur version révisée.

Ces deux mécanismes qui consacrent l'aboutissement du processus d'élaboration de la loi ne doivent pas être confondus. La promulgation est l'acte par lequel le Chef de l'Etat constate officiellement l'existence d'une loi et la rend exécutoire alors que la publication est l'insertion au Journal Officiel de la loi. La promulgation précède et conditionne la publication des lois. Elle est une prérogative du Chef de l'Etat. Il doit l'exercer dans un délai de 15 jours à compter de la transmission de ces dernières s'il ne formule aucune demande de seconde lecture ou s'il n'en saisit le Conseil constitutionnel135(*). Cependant, l'article 31 alinéa 2 de la loi constitutionnelle de 1996 précise qu'à l'issu de ce délai, et après avoir constaté sa carence, le président de l'Assemblée nationale peut se substituer au président de la République. La date de la promulgation est celle de la signature du texte par le président de la République.

Au total, l'Assemblée nationale malgré son caractère antidémocratique tient sa compétence révisionniste de la Constitution. Des imprécisions caractérisent, certes, jusqu'aujourd'hui les pouvoirs du président de la République surtout dans l'hypothèse où elle aurait rejeté un projet voire une proposition de révision. Mais, on peut penser qu'elles ont jusqu'à présent un caractère théorique comme l'attestent les révisions constitutionnelles intervenues avant ou après 1991 au Cameroun.

* 131 C'est l'avis de MELEDJE DJEDJRO (F.), « La révision des Constitutions dans les Etats africains francophones. Esquisse de bilan », op. cit., p. 124.

* 132 La doctrine d'alors la qualifiait tantôt de « Chambre d'enregistrement », tantôt de « Caisse de résonance ». Mais bien avant même la mise en place d'un Parlement pluraliste, ces qualificatifs ne reflétaient plus exactement la réalité. V. à ce propos les auteurs tels KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., notamment pp. 34-36 et ABIABAG (I.), « Le droit d'amendement dans le droit parlementaire camerounais », AFSJP/UD, n° 1, Année 2002, janvier-juin 2002, pp. 43-65, notamment p. 43.

* 133 Cf. LAVROFF (D.-G.), Le droit constitutionnel de la Vè République, op. cit., p. 117.

* 134 Ibid., p. 117.

* 135 La question de savoir si la loi constitutionnelle peut faire l'objet d'un contrôle du juge constitutionnel n'a pas reçu une réponse claire de la part du constituant camerounais. Malgré cette imprécision de la part du constituant camerounais, la loi constitutionnelle ne devrait pas être considérée comme insusceptible de faire l'objet d'un tel contrôle, du moins lorsqu'elle émane du Parlement qui est un organe de l'Etat. D'autres constituants ainsi qu'une partie de la doctrine sont très favorables à ce contrôle. Voir à ce sujet Fabrice HOURQUEBIE, « Pouvoir constituant dérivé et contrôle du respect des limites », disponible sur http://docs.google.com/viewer?a=v&=cache;ykytu50nw5uj :www.droitconstitutionnel.org/athènes/hc, 10 p.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon