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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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Section 2 : LES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE

La révision constitutionnelle peut être définie comme « une réformation juridique de la Constitution opérée par le pouvoir constituant selon les formes et des conditions particulières en tout cas inusitées dans la production des normes infra-constitutionnelles, afin de tenir compte d'exigences nouvelles tout en s'assurant de la continuité du régime »136(*). Il ressort de cette définition que l'opération de révision constitutionnelle répond à deux nécessités. D'une part, l'adaptation du statut de l'Etat qui ne saurait prétendre à une immutabilité absolue, aux besoins nécessairement changeants de la société. D'autre part, la stabilité des institutions qu'il ne conviendrait pas de modifier à tout propos et trop fréquemment.

Deux révisions constitutionnelles sont intervenues au Cameroun au cours de l'année 1991. Elles resteront dans l'histoire constitutionnelle de ce pays comme les dernières modifications de la Constitution de 1972 opérées par une Assemblée nationale monolithique. Par ailleurs, ces révisions interviennent à une époque charnière de la vie politique nationale et internationale caractérisée dans le premier cas par la contestation de la légitimité des dirigeants en place par une opinion publique lasse d'être résignée et, dans le second cas, par les événements tels la chute du mur de Berlin, l'effondrement du régime politique soviétique, l'introduction de la conditionnalité démocratique dans les relations Nord-Sud, etc.

Ces considérations sont d'une importance non négligeable dans l'étude des révisions constitutionnelles opérées en 1991. La révision du 23 avril 1991 consacre de ce point de vue une évolution sans précédent du régime politique camerounais depuis 1972 et justifie l'attention particulière de la doctrine à son égard contrairement à celle intervenue au mois de décembre de la même année.

Il convient dès lors d'examiner successivement ces deux révisions, à savoir la révision constitutionnelle du 23 avril 1991 (§1) et celle du 16 décembre de la même année (§2).

§1 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 23 AVRIL 1991

Au regard de ce qui précède, une étude de la révision constitutionnelle du 23 avril 1991 se fera au prisme d'une double interrogation. La première est classique et concerne la procédure de révision adoptée par les pouvoirs constitués compétents (A). La seconde, tout aussi classique, renvoie aux innovations apportées par la loi de révision. A cet égard, ces dernières s'analysent d'emblée en une réponse des pouvoirs publics aux demandes de démocratisation du régime politique institué au Cameroun par la Constitution de 1972 (B).

A - La procédure de révision

La procédure d'élaboration de la loi constitutionnelle promulguée le 23 avril 1991 est originale. En effet, elle avait été initiée dans des circonstances particulières qui ont conduit le président de la République à annoncer son intention de la mettre en oeuvre (1). A ce titre, l'adoption du texte de révision proprement dite apparaissait incontestablement comme la concrétisation d'une promesse politique (2).

1 - L'initiative présidentielle de la révision

L'annonce présidentielle d'initier une révision de la Constitution a été faite au cours d'un entretien télévisé du 11 avril 1991 pendant lequel le Chef de l'Etat informe le peuple camerounais de son intention de procéder à une réforme des institutions en place afin d'y introduire un poste de premier ministre, Chef du Gouvernement. Intéressante apparaît alors la question de savoir ce qui justifie cette intention délibérée du président de la République du Cameroun de rompre avec le monocéphalisme de l'Exécutif qu'il avait paradoxalement contribué à instaurer dès les premières années de son accession à la magistrature suprême du pays.

La doctrine a eu à répondre à cette préoccupation. A ce sujet, le Professeur Maurice KAMTO écrit que « cette révision apparaît comme un acte de sauvetage d'un régime au bord de l'effondrement »137(*). Cette thèse est corroborée par l'analyse des événements qui précèdent cette annonce, lesquels ressortent clairement des travaux de cet auteur. Trois de ces événements sont particulièrement éclairants et méritent à ce titre de retenir l'attention. D'abord, le procès YONDO et les autres est souvent cité au premier chef. Le 19 février 1990, la police effectue une perquisition à l'étude de Maître YONDO, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats du Cameroun, prétextant y saisir les statuts d'un parti politique que ce dernier serait en train de créer, ainsi que l'exposé de politique générale dont il serait l'auteur. La perquisition s'avère infructueuse. C'est finalement à son domicile que Maître YONDO remet aux mains de la police un document intitulé « Coordination nationale pour la démocratie et le multipartisme » et affirme ne détenir de statuts d'un quelconque parti politique138(*). Il sera quand même appréhendé par la police. Son arrestation fut suivie par celle de neuf autres personnes présumées complices 139(*). Le 13 mars 1990, ils sont accusés par le Gouvernement de « tenue de réunions clandestines », «confection et diffusion de tracts hostiles au régime, outrageants à l'endroit du président de la République et incitant à la révolte ».

Ainsi débute l'affaire YONDO et autres au cours de laquelle le Barreau va se révéler extrêmement critique à l'égard du pouvoir. L'opinion publique nationale et internationale en est informée. Le verdict du procès de Maître YONDO et de ses co-accusés qui s'ouvre le 30 mars devant une juridiction d'exception, le Tribunal militaire de Yaoundé, tombe le 5 avril de la même année et les condamnations retenues n'ont rien à voir avec le multipartisme, lequel était paradoxalement la cause de leur arrestation140(*).

Ensuite, tirant parti de la déclaration du Gouvernement selon laquelle Maître YONDO et les autres n'avaient pas été arrêtés pour avoir voulu créer un parti politique, Monsieur John FRU NDI dépose, le 16 mars 1990 auprès des autorités administratives de la province du Nord-Ouest, une demande de légalisation d'un parti qu'il venait de créer et annonce que si au bout de deux mois son parti n'était pas légalisé, il n'hésiterait pas à lancer ses activités. Et de fait, devant le silence de l'Administration, ce politicien convoqua pour le 26 mai 1990 un meeting constitutif à Bamenda. Passant outre les mises en garde des autorités administratives déclarant cette réunion publique illégale, le SDF tint son meeting à la date prévue. Le meeting est suivi de violents affrontements avec les forces de l'ordre141(*).

Puis, l'Assemblée nationale adopte le 19 décembre 1990 une série de lois parmi lesquelles la loi relative aux partis politiques. On assiste alors à la création des partis politiques qui vont rapidement se regrouper au sein d'une Coordination de l'opposition. Leur première revendication est l'organisation d'une Conférence nationale souveraine à laquelle le Chef de l'Etat oppose un refus sans appel. L'opposition descend dans la rue pour protester ; l'armée et les autres forces de sécurité interviennent durement. La violence s'installe.

Enfin, survient l'affaire MONGA-NJAWE. En effet, dans sa livraison du 27 décembre 1990, le journal Le Messager, dont le directeur de publication est Pius NJAWE, publie une « Lettre à Paul Biya » rédigée par Monsieur Célestin MONGA et intitulée « La démocratie brusquée ». Le contenu de cette lettre recèle des termes particulièrement cinglants vis-à-vis des autorités chargées de diriger l'Etat : il ne ménage en effet ni la Justice camerounaise « à la botte du pouvoir exécutif » et « qui condamne en priorité ceux qui n'ont pas su corrompre le tribunal », ni l'Assemblée nationale où « des députés illettrés votent clandestinement, sans publicité, des lois qui engagent l'avenir de tout un peuple »142(*). Et le 7 janvier 1991, Messieurs Célestin MONGA et Pius NJAWE et Le Messager font l'objet d'une citation directe du procureur de la République sur les chefs d'accusations suivants : « outrage au président de la République, aux Cours et tribunaux et à l'Assemblée nationale »143(*). Le procès ainsi amorcé connaît un écho sans précédent dans le pays. Le verdict rendu à l'issue de ce procès déclare les prévenus non coupables d'outrage au président de la République et ordonne leur relaxe pour défaut d'élément légal de l'infraction, mais déclare leur culpabilité en ce qui concerne l'outrage aux Cours et tribunaux144(*).

Au début du mois d'avril 1991, les étudiants entrent dans l'action et soutiennent ouvertement les principales thèses de l'opposition, notamment la revendication de la Conférence nationale souveraine145(*).

Ce fut dans ce contexte de crises politiques caractérisées par la violence que le président de la République soumit à l'examen de l'Assemblée nationale le projet de révision visant, entre autres innovations, la restauration du poste de premier ministre.

* 136 Cf. MELEDJE DJEDJRO (F.), « La révision des Constitutions dans les Etats africains francophones. Esquisse de bilan », op. cit., p. 113.

* 137 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 29.

* 138 Cf. KAMTO (M.), « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, pp. 209-236, notamment p. 215.

* 139 Pour les noms de ceux-ci, V. KAMTO (M.), « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., p. 215, en note de bas de page.

* 140 Ibid., p. 216.

* 141 Ibid., p. 218.

* 142 Ibid., p. 228.

* 143 Ibid., p. 228.

* 144 Ibid., p. 228.

* 145 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 29.

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