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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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b - Les justifications d'ordre théorique

Au plan théorique, l'abrègement du mandat des députés du parti unique se justifiait par la perte de légitimité sociologique qui les caractérisait en ces premières années de la décennie quatre-vingt-dix. En effet, la doctrine oppose traditionnellement la légitimité juridique ou formelle à la légitimité sociologique ou matérielle.

D'après la première conception, un régime n'est considéré comme légitime que si la pratique constitutionnelle est conforme au type de souveraineté affirmée par la Constitution207(*). Cela signifie par exemple qu'un régime non issu d'élections libres alors que la Constitution avait opté pour la souveraineté populaire ne peut se prétendre légitime. En conséquence, un Gouvernement qui s'écarte du type de souveraineté prévu par la Constitution ne saurait être légitime, et l'illégitimité autorise la désobéissance et l'insoumission, voire l'insurrection. On cite généralement à ce propos l'exemple du Chili sous le général PINOCHET de 1973 à 1987208(*). Dans le même ordre d'idées, on peut dans la mesure où l'on considère que les élections menées sous l'égide d'un parti unique ne sont jamais libres, en inférer de même pour les pays tels le Cameroun qui avait eu à expérimenter un monopartisme fort dans lequel les dirigeants avaient souvent exercé leur autorité au mépris des règles prévues par la Constitution et les lois de l'Etat.

Cette conception est susceptible de critique : en effet, il n'y a rien à redire lorsque la pratique est conforme au type de souveraineté affirmée dans la Constitution et à plus forte raison lorsque ce type de souveraineté traduit la volonté profonde des gouvernés. Il en va de même lorsque les gouvernés ne se reconnaissent plus dans la règle constitutionnelle en vigueur. Vouloir à tout prix faire prévaloir la thèse juridique dans cette hypothèse serait illogique, vu le divorce qui existe entre la volonté profonde des gouvernés et la règle appliquée.

C'est ce risque que veut éviter la conception matérielle de la légitimité. Selon cette seconde thèse, la légitimité résulte de la confrontation du mode de souveraineté mis en oeuvre par les gouvernants et de celui ressenti par la majorité des gouvernés209(*). Autrement dit, pour que des institutions soient considérées comme légitimes, il faut un accord entre leur fondement tel qu'il est affirmé par les gouvernants, la pratique politique mise en oeuvre et l'idée de droit dominante qui prévaut dans l'opinion publique. En conséquence, si dans une nation donnée, il y a distorsion entre les voeux de la majeure partie de la population et la réalité des institutions, s'il y a divergence entre les aspirations du peuple et les objectifs du pouvoir, l'autorité devient sociologiquement illégitime. Cette conception qui fait de la légitimité un concept de sociologie politique plutôt que juridique est la porte ouverte à toutes les velléités de mise en cause continuelle du droit. Elle fait en effet une large place au subjectivisme ; ce qui occasionne souvent des divergences d'interprétation. Elle est cependant plus favorable aux courants d'idée prônant l'adaptation des règles de droit à l'évolution des moeurs de la société qu'elle encadre.

Cette dernière thèse a guidée les participants aux Conférences nationales africaines en général et les représentants des partis politiques d'opposition au Cameroun en particulier. Ils ont reproché aux dirigeants d'avoir contourné la légitimité démocratique qui correspondait aux voeux des gouvernés et que renfermaient les Constitutions. Dès lors est-on en droit de se demander par quels moyens ?

Ils l'ont fait en imposant par l'intermédiaire du parti unique, des candidatures uniques à toutes les élections alors que les Constitutions affirmaient clairement le principe du suffrage universel, égal et secret. Ils l'ont également contourné en confisquant la souveraineté du peuple ou de ses représentants (élus à l'issue d'élections non libres) au profit d'un petit groupe d'hommes (les cadres du parti unique) et, le plus souvent d'un seul homme, le Chef de l'Etat qui était devenu en fait le seul détenteur de la souveraineté210(*).

Pour toutes ces raisons, les oppositions et les conférenciers se sont efforcés de contester la légitimité des dirigeants issus du système de parti unique de fait ; légitimité que, selon eux, le peuple avait retirée : les contestations violentes, les manifestations de rue, les grèves générales, la contestation des symboles du pouvoir et les affrontements avec les forces de l'ordre et l'armée étaient là pour le prouver. Le peuple, et plus précisément une partie de celui-ci, en suivant les mots d'ordre de l'opposition, avait manifesté clairement son intention d'en tenir les leaders pour les autorités légitimes.

A cet égard et selon M. APOLOO, « la légitimité a changé de camp (dans notre pays); elle est aujourd'hui représentée par l'opposition démocratique, qui est porteuse du nouveau concept de rapports politiques prédominants »211(*). L'auteur poursuit sa démonstration pour l'expliciter davantage : « l'obéissance du peuple à ceux qui lui proposent un nouveau contrat social confirme la perte de légitimité du Gouvernement actuel. Le pouvoir légitime étant celui qui incarne le concept politique prédominant, on ne doit légitimes que les gouvernants qui en sont effectivement les agents d'exercice »212(*).

La thèse sociologique de la légitimité, favorable aux aspirations modernes des peuples au changement vers plus de liberté, comporte néanmoins une incertitude : qui est chargé de prendre la mesure du nouveau concept qu'on dit dominant, comment et à partir de quel moment il le devient ?

Il n'y a aucun problème lorsque c'est le peuple dans son ensemble, hypothèse rarissime, qui se lève pour réclamer un nouvel ordre politique. Mais, lorsque ce n'est pas le cas, lorsque c'est une fraction du peuple, fut-elle significative qui se soulève et cherche, par des actes spectaculaires ou de violence, à imposer ses points de vue politiques, il n'y a pas de doute que cela pose problème. L'histoire contemporaine nous a légué quelques exemples : on se rappelle les journées révolutionnaires organisées par les partis communistes d'Europe sous la pression des bolcheviks au début des années 1920, ou les grandes grèves de 1947 orchestrées en France par le parti communiste et la confédération générale des travailleurs (CGT) en vue de déstabiliser le régime213(*). En Afrique, on a assisté dans certains pays à des retournements de situation. Il en a été ainsi notamment lorsque les régimes contestés ont réussi à mobiliser leurs partisans et à les faire sortir dans la rue pour s'opposer à ceux de leurs adversaires politiques. Ce fut le cas au Togo, au Burkina Faso, au Congo, au Zaïre et au Cameroun.

Il est donc difficile de vouloir faire triompher exclusivement la conception formelle ou la conception matérielle. La première, favorable à la stabilité gouvernementale, peut être taxée de conservatrice. Elle est néanmoins plus sécurisante que la seconde qui, dynamique et au service du changement, ouvre la voie aux aventures politiques en tout genre, et donc susceptible d'être une source continuelle d'insécurité. Il n'empêche que les conférenciers ont, dans leur ensemble, privilégié la conception matérielle de la légitimité voire de la souveraineté, traduisant ainsi leur désir de changement des régimes en place. C'est pour contrer ce raccourci antidémocratique de conquête du pouvoir que furent organisées au Cameroun les élections législatives de 1992.

* 207 Cf. MASSINA (P.), « De la souveraineté des conférences nationales africaines », Revue Congolaise de Droit, n° 15-16, janvier-décembre 1994, pp. 7-36, notamment p. 28.

* 208 Ibid., p. 29.

* 209 Ibid., p. 29.

* 210 Cf. KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris, LGDJ, 1987, p. 435.

* 211 Cité par MASSINA (P.), « De la souveraineté des Conférences Nationales Africaines », op. cit., p. 30.

* 212 Ibid., p. 30.

* 213 Ibid., p. 31.

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