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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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B - Le contenu de la loi constitutionnelle de 1996

La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 apporte de nombreuses innovations dans la Constitution de 1972. Pour mieux rendre compte de ces apports, il convient de dissocier ceux contenus dans le Préambule (1) de ceux qui concernent des nouvelles structures consacrées par le dispositif de la loi constitutionnelle de 1996 (2).

1 - Le Préambule

La loi constitutionnelle de 1996 innove dans le domaine des droits et libertés, car elle ne se limite pas, comme par le passé, à une énumération préambulaire desdits droits. Bien au contraire, elle contient en son sein non seulement les droits nouveaux (a) mais elle consacre aussi le statut constitutionnel longtemps controversé desdits droits (b).

a - La création de nouveaux droits et devoirs

Le Préambule de la loi constitutionnelle de 1996 consacre de nouveaux droits en même temps qu'il énonce des devoirs à la charge des citoyens. Les droits consacrés par le Préambule de la Constitution de 1972 révisée rentrent dans les trois catégories classiques des droits de l'homme que sont les droits de la première génération, les droits de la deuxième génération et ceux de la troisième génération même si on y rencontre aussi des droits plus ou moins originaux qui expriment la spécificité camerounaise.

Les droits classiques énumérés dans le Préambule de la loi constitutionnelle révèlent la confirmation par le pouvoir constituant dérivé de son attachement à un certain nombre de principes : l'égalité, la sûreté personnelle, l'inviolabilité du domicile, le secret de la correspondance, la non-rétroactivité de la loi, l'accès à la justice, la liberté de conscience et de culte, le droit au travail, le droit de propriété, la liberté d'expression et de presse, la laïcité de l'Etat.

A ces droits classiques s'ajoutent de nouveaux, à savoir la présomption d'innocence liée à la due process of law d'origine anglo-saxonne. En effet, en plus des droits suscités, le Préambule contient un nouveau droit consacré en ces termes : « Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense ».

De même, se trouvent consacrés le droit à la vie et ses implications. Il ressort en effet du Préambule que toute personne a droit à la vie et à l'intégrité physique et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Force est cependant de remarquer que les conditions d'arrestation et le contenu des articles 12 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui mettent la force publique au service de la garantie des droits de l'homme et du citoyen et affirment le droit de la société de demander compte à tout agent public de son Administration ont été ignorés.

Parmi les droits sociaux retenus dans l'acte de révision de 1996, il y a, à coté de la liberté syndicale, la liberté de communication et le droit de grève. Ce faisant, le constituant camerounais a prudemment évité les droits-créances qui, de l'avis du Professeur James MOUANGUE KOBILA, lui est présentement impossible de satisfaire à l'instar de la gratuité de l'enseignement, du droit à la santé, au repos, aux loisirs et à une vieillesse heureuse271(*).

La même prudence « réaliste » se remarque dans la proclamation des droits de la troisième génération. Ainsi, le seul droit consacré à cet égard est le droit à un environnement sain. La protection de l'environnement est du reste érigé « en devoir pour tous », même si le premier rôle revient à l'Etat.

Plus spécifiquement, on n'est frappé par le fait que tout le Préambule ne mentionne ni le droit au développement, ni le droit à la paix, encore moins le droit à la propriété sur le patrimoine commun de l'humanité. Est-ce pour la raison ci-dessus évoquée ou parce que leur qualité de droits est contestée ? En effet, Robert PELLOUX écrit sur ce point qu' « Il paraît chimérique d'espérer que ces droits puissent, dans un avenir relativement proche, bénéficier d'une protection juridique »272(*).

L'Etat se trouve également chargé d'assurer aux camerounais la jouissance des droits originaux qui tranchent radicalement avec le mimétisme juridique souvent dénoncé. Aux termes de la nouvelle version du Préambule, l'Etat est chargé d'assurer la protection des minorités et de préserver les droits des populations autochtones. Ceci s'inscrit en droite ligne du réalisme dont a dû faire preuve le constituant. En effet, conformément à la maxime ubi societas ibi jus, la Constitution d'un pays doit toujours tenir du peuple et du milieu dans lequel elle est appelée à s'appliquer ; la Constitution ne pouvait ne pas refléter les ressorts politiques et psychologiques du pays. D'autant plus que l'existence de ces catégories de populations et les concepts même de « minorité » et « d'autochtone » sont familiers du vocabulaire politique camerounais.

Pourtant, il s'agit là des concepts qui sont souvent incompris, contestés voire controversés. La véritable difficulté que rencontre le juriste ici est que la notion d'autochtone par exemple est loin d'être une notion juridique. En tout état de cause, le constituant ne consacre aucun critère de l'autochtone et le problème de sa définition ne trouve pour l'instant aucune réponse scientifiquement stable. Est-ce l'histoire, c'est-à-dire l'antériorité dans l'occupation d'un territoire ? Et dans ce cas, jusqu'où faudra-t-il remonter dans l'histoire ? Est-ce la tribu ou l'ethnie fondée sur la parenté linguistique et culturelle ?

A la vérité, la consécration juridique de ces notions doit être analysée plus comme un couronnement qu'une innovation. En effet, la solennisation de la protection des minorités et des populations autochtones dans le Préambule de la Constitution n'est que la cristallisation d'une pratique politique connue sous le nom pudique de ``consensus'' depuis le renouvellement des organes du parti unique en 1985273(*). Et les différentes lois électorales du pays conditionnent l'acceptation de toute liste de candidats à la prise en compte de la composition sociologique de la circonscription. Une seule d'entre elles en rapport étroit avec notre thématique l'atteste à suffisance. Il s'agit de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale dont l'article 5 alinéa 4 dispose que l'établissement de chaque liste doit tenir compte de la composition sociologique de la circonscription.

Mais, en consacrant la protection des minorités et les droits des populations autochtones, il y a lieu de craindre que le constituant ait attisé les conflits sociaux et ouvert la voie à des situations incontrôlées, alors même que son intention était plutôt de mettre fin aux oppositions entre majorités et minorités, autochtones et allogènes voire de prévenir leur exacerbation. En donnant l'impression d'arbitrer en faveur des seuls minorités et autochtones sans toutefois rassurer concomitamment les majorités et les allogènes, le pouvoir a provoqué un grief de lèse-majorité et de lèse-allogène d'autant plus douloureusement ressenti que cette consécration constitutionnelle rime à contre-courant de l'ambition démocratique perceptible à travers la lecture du Préambule, du dispositif de la Constitution et du sens même de l'histoire274(*).

Quoiqu'il en soit, l'introduction de ces concepts dans la Loi fondamentale sans leur donner un contenu précis n'a cessé de susciter des incertitudes tant au sein de la doctrine que de la classe politique nationale.

Pour équilibrer le pacte social garantissant les droits des gouvernés en leur reconnaissant un espace séparé des gouvernants, le Préambule de la Constitution met quelques devoirs à la charge du citoyen. C'est ainsi qu'en plus du devoir de travailler et de protéger l'environnement, le Préambule consacre deux devoirs peu agréables pour le citoyen. Ce dernier doit participer, en proportion de ses capacités, aux charges publiques. De même, tous les citoyens contribuent à la défense de la patrie. Ce dernier devoir, dont la consécration expresse peut a priori être considérée comme superflue, se comprend davantage si l'on fait état des relations qui prévalaient en 1996 entre le Cameroun et l'un de ses voisins : le Nigeria. A cet égard, l'introduction de ce devoir du citoyen dans la Constitution n'est certainement pas sans lien avec l'affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria qui avait été à l'origine de plusieurs incidents frontaliers d'intensité croissante et dont la Cour Internationale de Justice avait été saisie, à l'initiative du Cameroun, par requête du 29 mars 1994275(*). Malgré le fait que le renvoi à la loi n'ait pas été opéré comme c'est le cas avec certains droits énoncés, il va de soi que ces devoirs ne pourront être assurés que dans le cadre des actes législatifs et réglementaires pris à cet effet, sous réserve des précisions éventuelles de la jurisprudence.

A ces droits s'ajoutent d'autres, car il convient de se remémorer que le Préambule de la Constitution fait référence à certains textes internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il en est ainsi de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et la Charte des Nations Unies. A côté de ces deux références normatives assez classiques, la nouvelle version du Préambule ajoute la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 21 octobre 1986276(*) et toutes les conventions internationales relatives aux libertés fondamentales et ratifiées par le Cameroun. Ces nouvelles références participent certainement du souci de conformer l'énonciation constitutionnelle des droits avec les engagements conventionnels du Cameroun en la matière. Toutefois, les textes auxquels renvoie le Préambule n'ont pas valeur supra-législative que le constituant entend donner aux accords et traités internationaux de droit commun dans l'article 45. Ils sont de fait incorporés au Préambule de la Constitution et ont désormais la même valeur que celle-ci.

* 271 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Le Préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire », Lex Lata, n° 023-024, op. cit., pp. 33-38, notamment p. 34.

* 272 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 37, en note de bas de page.

* 273 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Le Préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire », op. cit., p. 34.

* 274 Ibid., p. 34.

* 275 Ibid., p. 38.

* 276 Signée et ratifiée par le Cameroun respectivement le 23 juillet 1987 et le 20 juin 1989.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon