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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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Chapitre 1 : LE RENFORCEMENT DE LA STRUCTURE ORGANIQUE DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE ENTRE AFFIRMATION JURIDIQUE ET INEFFECTIVITE PRATIQUE

Avant la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996, le pouvoir constituant dérivé était un Parlement monocaméral. Même à l'époque du fédéralisme, c'est-à-dire de 1961 à 1972, le constituant camerounais n'avait point institué le bicaméralisme. Celui-ci n'est consacré que depuis 1996 à la faveur de la promulgation de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 qui crée une seconde Chambre au sein du Parlement.

Mais, si le bicaméralisme ainsi consacré est déjà fonctionnel dans nombre d'Etats africains ayant opté à la même époque pour cette forme d'organisation du Parlement, force est de constater que le Cameroun tarde à franchir le pas288(*). C'est pourquoi le bicaméralisme camerounais reste en retrait du mouvement de démocratisation en cours sur le continent depuis la décennie 1990.

Il est question de mettre en relief cette dichotomie entre la consécration juridique du bicaméralisme par loi constitutionnelle de 1996 (Section 1) et son ineffectivité pratique jusqu'à nos jours (Section 2).

Section 1 : LA CONSECRATION CONSTITUTIONNELLE DU BICAMERALISME

En disposant en son article 14 alinéa 1er que le pouvoir législatif est exercé par le Parlement qui comprend deux Chambres, à savoir l'Assemblée nationale et le Sénat, la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 consacre la rupture avec la tradition du monocamérisme qui jusque-là avait caractérisé le Parlement camerounais. Mais l'importance de cette disposition ne tient pas seulement au fait qu'elle vient renforcer le pouvoir législatif. Il vient également renforcer la structure organique du pouvoir constituant dérivé, car l'article 63 qui organise la procédure de révision fait expressément référence au Parlement comme organe compétent pour adopter une loi de révision constitutionnelle mais ce dernier est, en cette circonstance, distinct du pouvoir législatif.

On est là en présence d'une des conséquences du bicaméralisme (§2). Mais avant de les examiner, il convient au préalable de cerner la consistance même du bicaméralisme camerounais (§1).

§1 : LE BICAMERALISME CAMEROUNAIS

Le bicaméralisme se définit comme le « système d'organisation du Parlement consistant dans sa division en deux Chambres »289(*). Il a toujours un caractère modérateur en ce qu'il a essentiellement pour objet de corriger les excès éventuels de la loi du nombre qu'incarne l'Assemblée nationale qui a la base populaire la plus large, justifiée le recours au suffrage universel direct en vue de l'élection de ses membres. On peut distinguer deux formes de bicaméralisme à savoir le bicaméralisme fédéral et le bicaméralisme des Etats unitaires ou politique. Le bicaméralisme fédéral, en vigueur dans les Etats fédéraux comme les Etats-Unis d'Amérique, est lié à la structure composite de l'Etat qui comporte une double catégorie d'organes gouvernementaux, les uns propres aux Etats membres, les autres propres à l'Etat fédéral. Ce type de bicaméralisme répond donc à la nécessité d'une représentation particulière des Etats membres de l'Etat fédéral au sein du Parlement de l'Etat fédéral. D'où la dualité de la représentation au niveau du Parlement fédéral par l'existence de deux Chambres dont l'une représente l'ensemble de la population de la fédération tandis que l'autre représente chaque Etat en tant que tel et dans son autonomie.

On ne saurait donc concevoir de fédéralisme sans le bicaméralisme. Le bicaméralisme, dans les Etats unitaires, n'est pas indispensable. Il est ici une question d'opportunité et d'ingéniosité politiques. Dans ce contexte, le rôle assigné à la seconde Chambre est d'ordre politique. Il s'agit de faire contre poids à la Chambre basse et de freiner son action.

De ce qui précède, on est fondé à nous interroger sur les raisons ayant motivé l'institutionnalisation récente voire tardive du bicaméralisme au Cameroun (A) avant d'examiner sa consistance (B).

A - Les raisons de la consécration récente du bicaméralisme au Cameroun

Si les constituants camerounais n'ont pas en général cédé à la tentation bicamériste à laquelle les exposaient pourtant les modèles européens dès les premières années de l'indépendance, c'est parce que le pouvoir avait manifesté une certaine méfiance vis-à-vis de sa consécration jusque dans les années 1996 (1). Depuis lors cependant, il en va autrement et la tendance s'était même inversée bien avant car dès 1990, les facteurs de la consécration d'une seconde Chambre étaient devenus prééminents (2).

1 - La méfiance du pouvoir vis-à-vis du bicaméralisme jusqu'en 1996

Il convient d'emblée de préciser que la méfiance du pouvoir à l'égard du bicaméralisme envisagée ici concerne l'institution du bicaméralisme en rapport avec la République du Cameroun. En effet, pendant la période fédérale (1961-1972), elle avait conservé le monocaméralisme mais seulement au niveau fédéral. Car dans l'Etat fédéré du Cameroun occidental (anglophone), la Constitution de cet Etat fédéré adoptée le 26 octobre 1961 instituait un Parlement bicaméral. Il comprenait une Chambre législative de 37 membres et une Assemblée des chefs traditionnels de 18 à 22 membres qui pouvait exercer certaines compétences législatives290(*). Quant au Parlement fédéral, il était constitué d'une seule Chambre alors que l'on aurait pu s'attendre à ce que l'avènement de la fédération s'accompagnât d'une représentation politique des entités fédérées. Or, tel ne fut pas le cas.

C'est qu'en fait, chaque fois que l'idée de la création d'une seconde Chambre était évoquée, les adversaires du bicaméralisme avançaient des raisons budgétaires pour l'écarter même si une raison plus vraisemblable serait à chercher dans la volonté de centralisation des premiers exécutifs africains291(*). Ainsi par exemple, à la conférence constitutionnelle de Foumban où se négociaient les termes de l'instauration d'une fédération entre les deux parties francophone et anglophone du territoire292(*), la délégation de la Southern Cameroon avait formulé plusieurs exigences dont le remplacement de l'expression « Assemblée nationale » contenue dans l'avant-projet soumis par la délégation du Cameroun francophone par celle de « Parlement fédéral consistant en une Assemblée législative fédérale et un Sénat fédéral »293(*). C'est du reste ce qu'écrit Victor Julius NGOH : « The words ``The Federal Assembly'' in Article 4 should be deleted and substituted with ``The Federal legislative consisting of a ``Federal legislative Assembly'' and a ``Federal Senate'' »294(*). Le président AHIDJO avança alors la raison de surcharge budgétaire que constituerait selon lui l'entretien de plusieurs Assemblées tant au niveau fédéral qu'au niveau des Etats fédérés pour soutenir l'inopportunité d'un bicaméralisme dans la fédération295(*). En réalité, comme l'on devait s'en rendre compte plus tard, son option pour le monocaméralisme tenait surtout à son projet alors secret d'instaurer un fédéralisme très centralisé. Certains auteurs ont pu y voir un corollaire de l'option des constituants africains pour la forme unitaire de l'Etat296(*).

L'Etat postcolonial a en effet fait sienne la thèse de l'incompatibilité entre le bicaméralisme et la théorie de la souveraineté nationale réputée indivisible. Cette explication devait pourtant essuyer au plan doctrinal une critique sévère. Pour Georges BURDEAU par exemple, « l'idée de lier l'unité de l'Assemblée à l'unité et à l'indivisibilité de la souveraineté procède d'une confusion intellectuelle difficilement défendable ; la division du Parlement en deux Chambres n'implique nullement le morcellement de la souveraineté. La structure bipartite de l'organe représentatif n'influe pas plus sur l'unité d'expression de la volonté populaire que la pluralité des membres d'une assemblée unique »297(*). L'auteur en conclut que le bicamérisme se recommande du point de vue rationnel.

Par ailleurs, d'autres auteurs avaient constaté que le monocaméralisme en Europe se rencontrait surtout dans les Etats de petite dimension territoriale ou démographique qui facilite la réalisation et la conservation d'une stabilité et d'un équilibre politiques (Finlande, Suède, Danemark, etc.). Une deuxième Chambre parlementaire dans ce contexte n'a pas grande utilité. CARRE de MALBERG pouvait donc en conclure, et quoi qu'en pensait Georges BURDEAU, que « le système français de deux Chambres n'est (...) pas imposé par des nécessités d'ordre juridique. Il a été établi seulement en raison de ses avantages politiques »298(*). Le cri de Michel DEBRE devant le conseil d'Etat français le 27 août 1958 confirme cette thèse : « Ah ! Si nous avions la possibilité de faire surgir demain une majorité nette et constante, il ne serait pas nécessaire de prévoir un Sénat dont le rôle principal est de soutenir, le cas échéant, un Gouvernement contre une assemblée trop envahissante et trop divisée »299(*).

Ces raisons politiques dont parle CARRE de MALBERG expliquent-elles a contrario pourquoi l'instabilité politique chronique de certains Etats africains durant les premières décennies des indépendances n'a pas suggéré l'instauration du bicaméralisme parlementaire ? On sait que la seconde Chambre, depuis ses origines, n'a pas été instituée pour limiter l'hégémonie d'un pouvoir exécutif, mais bien pour atténuer la montée en puissance du Parlement lui-même avec la consécration de la loi comme seule manifestation de la volonté populaire. En effet, le Parlement issu de la révolution française de 1789 manifeste le suffrage universel direct secret et surtout égalitaire. Il célèbre ainsi les obsèques des privilèges nobiliaires. Aussi, le Baron de Montesquieu qui avait toujours regardé d'un oeil soupçonneux les avancées de la révolution, voyait dans l'institution de l'Assemblée nationale un grand danger pour la cohésion de l'Etat : « il y a toujours dans l'Etat, écrivait-il, des gens distingués par la naissance, la richesse ou les honneurs ; mais s'ils étaient confondus avec le peuple et s'ils n'y avaient qu'une voix comme les autres, la liberté commune serait leur esclavage (...). Aussi, la puissance législative sera confiée et au corps des nobles, et au corps qui sera choisi pour représenter le peuple, et qui auront chacun leurs assemblées et leurs délibérations à part, et les intérêts séparés »300(*). Il fallait donc contrebalancer la puissance du peuple représenté par l'Assemblée nationale par l'instauration d'une seconde Chambre concurrente : le Sénat.

Le Cameroun postcolonial n'ayant pas connu de Parlement fort, il ne s'est donc pas posé la question d'affaiblir le pouvoir législatif devant un pouvoir exécutif turgescent.

Comment s'explique alors cette option bicamériste dans un contexte de transition qui ne consacre pas expressément une montée en puissance de la Chambre unique existante ?

* 288 Il en est ainsi notamment du Gabon, du Burkina Faso, etc. Lire à ce sujet, Documents du Sénat français. Le bicaméralisme en Afrique et dans le monde Arabe. Forum des Sénats et des secondes Chambres d'Afrique et du monde Arabe, février 2001, disponible sur http://www.sénat.fr/sénatsdumonde/bicamafrique2001. html, 7 pages (13/09/2002).

* 289 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 56.

* 290 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 12.

* 291 KIEMDE (P.), « Le bicaméralisme en Afrique et au Burkina Faso », Revue Burkinabé de droit, n° 2, janvier 1992, pp. 27-30, cité par NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », SOLON, Vol. 1, n° 1, Douala 1999, pp. 107-134, notamment p. 108.

* 292 Depuis 1916, la colonie allemande était passée sous les administrations française et britannique qui appliquaient chacune son système dans chacune des deux parties du territoire qui lui revenait.

* 293 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., pp. 108. 

* 294 Cf. NGOH (V. J.), Constitutional developments in Southern Cameroons, 1946-1961 (from trusteeship to Independence), Yaoundé, CEPER, 1990, p. 206, cité par NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », SOLON, Vol. 1, n° 1, Douala 1999, pp. 107-134, notamment p. 108, en note de bas de page.

* 295 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 108.

* 296 Ibid., p. 108.

* 297 Cité par NACH MBACK (Ch.), Ibid., pp.108-109.

* 298 Ibid., p. 109.

* 299 Ibid., p. 109.

* 300 Cité par NACH MBACK (Ch.), Ibid., p. 110.

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