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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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C - La justiciabilité du président de la République devant la Haute Cour de Justice

Il ressort de l'article 53 alinéa 1er que la Haute Cour de Justice est l'instance compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par certaines autorités relevant de la haute Administration d'Etat. De manière générale, on distingue la justiciabilité du président de la République d'une part et celle des autres autorités également justiciables devant la Haute Cour de Justice d'autre part.

S'agissant de la justiciabilité de ces dernières, les règles qui la régissaient n'ont pas connues de modifications. Il s'agit du premier ministre, et des autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l'Administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12 ci-dessus en cas de complot contre la sûreté de l'Etat.

S'agissant en revanche de la justiciabilité du président de la République, les règles y relatives ont été revues dans le sens d'une mise en oeuvre plus difficile. Elles apparaissent à l'analyse et comparativement à celles instituées par la loi constitutionnelle de 1996 comme traduisant un recul.

La première difficulté vient de l'absence de définition de la notion même de haute trahison, l'alinéa 1er de l'article 53 nouveau s'étant contenter de reprendre la formule vague selon laquelle la « Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par : le président de la République en cas de haute trahison (...) ». Mais certains éléments tirés du texte constitutionnel permettent de s'en faire une idée. Ainsi par exemple, lorsque le président de la République est chargé de veiller au respect de la Constitution, assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et est le garant de la continuité de l'Etat (article 5 de la Constitution alinéa 2), sa responsabilité peut être engagée pour haute trahison. Le problème réside donc dans la difficulté d'intégrer les éventuels et possibles manquements à ces obligations constitutionnelles du président de la République dans la seule hypothèse de responsabilité présidentielle retenue, à savoir la haute trahison. Elle n'est pour autant pas insurmontable dans la mesure où l'absence d'une définition textuelle même limitative de la haute trahison, autorise une extension de cette dernière à « toute faute manifeste, accomplie par le président de la République dans l'exercice de ses fonctions »420(*). Car, en définitive, c'est à la Haute Cour de Justice de juger si ces manquements sont constitutifs ou non de haute trahison. Toutefois, même si la haute trahison est un délit d'ordre politique à contenu variable, le terme de trahison ne doit pas, selon Benoît JEANNEAU, s'entendre au sens courant du mot comme un acte commis au bénéfice d'une puissance étrangère et préjudiciable à la défense nationale ; mais plutôt comme un « manquement grave du président de la République aux devoirs de sa charge »421(*).

Le recul de la justiciabilité du président de la République que consacre la révision de la Loi fondamentale réside surtout dans sa protection aussi bien durant l'exercice de son mandat qu'au terme de ce mandat. Il se matérialise par une immunité posée pour certains actes et par les conditions de déclenchement des poursuites quasiment irréalisables.

Sur le premier point relatif à l'immunité présidentielle, l'article 53 alinéa 3 nouveau pose en effet que « Les actes accomplis par le président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 de la Constitution sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat ».

Cette disposition qui fait ainsi son entrée dans la Loi fondamentale consacre incontestablement une immunité au profit du président de la République. Mais ce régime d'immunité ne devrait pas surprendre dans un régime présidentialiste, le Professeur Jean GICQUEL y voyant même une « conséquence banale du régime présidentialiste »422(*).

Par ailleurs, cet alinéa ne précise pas ce que l'on doit considérer comme « les actes de la fonction présidentielle » insusceptibles d'engager la responsabilité du président de République. De l'avis du Professeur Alain-Didier OLINGA, cette disposition doit être examinée par rapport aux engagements internationaux de la République et par rapport aux obligations qui découlent pour elle et ses dirigeants ainsi que, de manière générale, des tendances actuelles de l'ordre juridique international. Elle doit l'être, par ailleurs, quant à son applicabilité ratione temporis. Les actes constitutifs de haute trahison accomplis par le président de la République lorsqu'il était en fonction mais découverts après la cessation de ses fonctions et qui auraient été dissimulés par lui engagent-ils sa responsabilité ou tombent dans le domaine temporel des actes immunisés ?

Sur le second point relatif aux conditions de mise en accusation du président de la République pour haute trahison, la même disposition ajoute que ce dernier ne peut être mis en accusation « que par l'Assemblée nationale et le Sénat, statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des 4/5e des membres les composant ».

Cette disposition qui n'était pas incluse dans la loi constitutionnelle de 1996, vient consolider la base juridique de la mise en accusation éventuelle du président de la République, en la sortant du cadre législatif, beaucoup moins compliqué a priori à modifier. Ce faisant, le pouvoir constituant dérivé, à travers l'article 53, a fait de la protection pénale du président de la République la valeur absolue du droit constitutionnel camerounais, loin devant la Loi fondamentale elle-même qui peut être modifiée à la majorité absolue des parlementaires et, en cas de demande de seconde lecture, à la majorité des 2/3 des membres composant de Parlement (article 63 alinéa 3). De même, les amendements tendant à remplacer le scrutin public par le scrutin secret à la majorité des 2/3 et à introduire le scrutin secret à la majorité absolue avaient été rejetés en Commission423(*). Pour le Gouvernement, cette majorité qualifiée renforcée se justifie « au regard de l'importance des questions que constituent la haute trahison et le complot contre la sûreté de l'Etat »424(*).

Ces conditions de mise en jeu de la responsabilité du président de la République devant la Haute Cour de Justice lui garantissent littéralement une immunité perpétuelle. Les modalités de cette mise en accusation du président de la République sont en effet volontairement lourdes et compliquées à mettre en mouvement avec du reste un scrutin public, ce qui traduit certes le souci de ne pas engager une telle procédure à la légère, mais également le souci de mettre le président de la République à l'abri d'une action en responsabilité, la majorité des 4/5e du Parlement étant difficile à réunir. D'autant plus que 30% des sénateurs seront nommés par le président de la République et qu'en tout état de cause, il ne manquera pas d'alliés parmi les 70% restants. C'est donc à bon droit que le Professeur Augustin LOADA a pu conclure que « la mise en accusation d'un président de la République coupable de crimes, selon les procédures de droit commun ou devant la Haute Cour de Justice ne peut qu'être improbable »425(*).

Ce régime de protection ultra sophistiqué du président de la République est légitimé par au moins un représentant de la doctrine africaniste française. S'inspirant du cas de Madagascar où le malaise provoqué par la destitution du président ZAFI avait contribué à reposer dans son ensemble le problème constitutionnel au cours de la campagne électorale qu'elle avait provoquée, le Professeur Gérard CONAC est en effet d'avis que « si des mécanismes de mise en jeu de sa responsabilité pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions doivent être prévus par la Constitution, il est souhaitable qu'ils ne puissent être déclenchés que pour des raisons graves et selon des procédures exceptionnelles se différenciant nettement des procédures de censure du gouvernement parlementaire. Dans les démocraties récentes, le risque est qu'en déstabilisant le Chef de l'Etat, le régime constitutionnel qu'il incarne soit lui-même déstabilisé »426(*).

La nouvelle loi constitutionnelle a donc conceptualisé, au profit du président de la République, un verrou sophistiqué. Mais la loi constitutionnelle est muette sur la responsabilité du président de la République par intérim qui n'exerce la fonction présidentielle que quand il y a vacance du pouvoir.

* 420 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale... », op. cit., p. 53.

* 421 Cf. JEANNEAU (B.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 191.

* 422 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ?», op. cit., p. 292.

* 423 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ?», op. cit., p. 292.

* 424 Ibid., p. 292.

* 425 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., p. 292.

* 426 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ?», op. cit., pp. 292-293.

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