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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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B - La suppression de la clause de limitation du mandat du président de la République

La loi constitutionnelle du 14 avril 2008 avait pour objectif principal de faire sauter la clause constitutionnelle relative à la limitation du nombre de mandat que peut briguer le président de la République. Le point relatif à la suppression de la limitation du nombre de mandat présidentiel est de très loin le plus long et le plus argumenté de l'exposé des motifs qui accompagne le projet de loi n° 819/PJL/AN modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996. Ceci nous amène à préciser les motifs relatifs à cette suppression avant d'en déceler les limites et lacunes.

Quatre arguments ont été avancés par le président de la République en faveur de révision de l'article 6 alinéa 2 limitant à deux le nombre de son mandat415(*). De son avis, la rééligibilité du président de la République sans limitation du nombre de mandats participe d'un certain nombre de considérations. Elle participe d'abord de l'affirmation et de la préservation de la plénitude de la souveraineté du peuple en matière d'élection du président de la République. Elle participe ensuite de l'égalité en droits et en devoirs des citoyens face à l'éligibilité aux fonctions de président de la République. Elle participe également de la jouissance par tous les citoyens sans discrimination des droits civils et politiques notamment du droit de participation directe à la gestion des affaires publiques. Enfin, la suppression de la limitation du nombre de mandat présidentiel participe de la continuité de la tradition constitutionnelle de notre pays dont aucune des Constitutions successives ne contenait de dispositions relatives à la limitation du nombre des mandats présidentiels.

La doctrine a fait de ces motifs deux sortes de commentaires. Le premier a trait à l'explication selon laquelle il était question d'assurer la continuité de la tradition constitutionnelle de notre pays. Ainsi, comme le relève le Professeur Alain-Didier OLINGA, si ce souci était réel, il aurait dû conduire à revenir au quinquennat. En 1995, lors du débat constitutionnel, si l'on avait allongé la durée du mandat présidentiel, ainsi que cela ressortait clairement du rapport de la Commission des lois constitutionnelles, c'est parce que la discussion parlementaire avait abouti à la limitation du nombre de mandats à deux. Un tel consensus est ce qui s'était précisément formé entre décembre 1995 et janvier 1996, période au cours de laquelle la limitation des mandats qui n'était pas présente dans le projet gouvernemental de révision de la Constitution, y a été inscrite, avec l'accord du pouvoir central suite à un compromis qui offrait en contrepartie l'allongement du mandat présidentiel de 5 à 7 ans416(*). Cette limitation figurait au demeurant dans l'avant-projet de Constitution OWONA et dans le projet rendu public en 1990 par le Professeur Maurice KAMTO. Il en résulte donc que si l'exposé des motifs du projet de révision soulignait à juste titre que la limitation des mandats présidentiels ne fait pas partie de l'histoire constitutionnelle du Cameroun, on peut s'étonner que ce même exposé des motifs ne souligne pas le fait que le septennat ne fait pas partie de l'histoire constitutionnelle du Cameroun ! La tradition constitutionnelle n'est pas bonne à invoquer que lorsqu'elle est favorable au renforcement du pouvoir présidentiel, elle doit l'être également lorsqu'il faut l'encadrer, le limiter dans la durée.

Mais, au-delà de cette incohérence qui caractérise la référence à la tradition constitutionnelle camerounaise en matière de révision constitutionnelle, une question de pure logique juridique se pose : celle de la rétroactivité de la loi constitutionnelle de 2008, cette question n'étant pas résolue par cette dernière. A cet égard, il convient de faire un certain nombre de constatations. Certaines sont relatives à l'origine ou le point de départ de l'initiative de la révision (projet), au moment choisi pour y procéder. A ces éléments extérieurs au projet de révision s'ajoute un autre qui est plutôt contenu dans les motifs du projet de révision : il s'agit de l'expression « mandat du président de la République en fonction ». Par ailleurs, le président actuellement en fonction a été élu en 1997, puis réélu en 2004 par le peuple camerounais sur la base d'éléments normatifs précis, parmi lesquels la limitation à deux du nombre de mandats. Il en résulte logiquement que le mandat qui court de 2004 à 2011 est un mandat qui se situe dans le cadre de la limitation constitutionnelle à ces deux mandats. Peut-on en transformer la nature en cours d'exécution ? Le mandat électif de 7 ans obtenu en 2004 pour ne pas être renouvelable en 2011 peut-il devenir, à partir de 2008 par la grâce d'une révision constitutionnelle, et sans précision explicite dans la nouvelle mouture de la Constitution, un mandat de 7 ans renouvelable en 2011 et indéfiniment ?

Du strict point de vue juridique, une réponse négative s'impose. Cependant, en dépit du silence du texte de révision sur ce point précis, une réponse affirmative n'est pas à exclure au regard des remarques relatives au projet de révision ci-dessus exposées. A la vérité, comme le démontre les expériences en cours dans plusieurs Etats africains où la limitation du nombre de mandats à été également supprimée417(*), une telle démarche ne serait pas nouvelle. L'expérience a en effet démontré que les suppressions de la clause de limitation du nombre de mandat ont généralement bénéficié immédiatement à leurs initiateurs.

La doctrine a esquissé une liste d'autres motifs qui constituent le véritable enjeu de la révision de la clause limitative du nombre de mandats du président de la République. Ainsi, selon Monsieur Jérôme Francis WANDJI K. par exemple, l'inflation révisionniste de la clause de limitation des mandats du président de la République est justifiée par des motivations que l'on peut répertorier et qui oscillent autour d'une constance : un goût démesuré pour les privilèges du pouvoir et la peur. En premier lieu, l'auteur évoque la faiblesse ou l'absence d'un statut d'ancien Chef d'Etat induisant des droits et des privilèges à la mesure de la charge présidentielle. Il y a ensuite la peur obsessionnelle de l'exil. Enfin, il y a la peur des représailles populaires418(*) et judiciaires internes et internationales qui impliquent mort, humiliation et probablement condamnation suivie d'incarcération.

Cette crainte est animée chez les uns par les circonstances de leur prise de pouvoir à l'envers des procédures démocratiques, parfois violentes et sanglantes419(*) et chez les autres par la profusion d'abus ayant jalonné la durée en fonction, notamment : crimes contre l'humanité et crimes économiques tels que les détournements des deniers publics et la corruption à grande échelle. Or, aussi longtemps qu'ils demeurent en fonction, ces Chefs d'Etat africains n'ont pas à redouter la perte d'immunité et d'autres privilèges, encore moins l'exil ou les représailles populaires ou judiciaires.

* 415 Nous avons préféré l'expression « de son mandat » par rapport à celle plus objective « du mandat présidentiel » en raison du fait que c'est celle-là même qui était contenue dans le projet initial déposé devant l'Assemblée nationale. Car, elle semble plus conforme à l'objectif visé par son auteur, à savoir être, le cas échéant, le principal bénéficiaire de la réforme projetée.

* 416 Cf. OWONA NGUINI (M. E.), « Controverse autour d'une révision constitutionnelle : Mathias Eric OWONA NGUINI répond à Stéphane BOLLE », op.cit., p. 6.

* 417 Tels la Tunisie (mai 2002), le Togo (décembre 2002), le Gabon (juillet 2003), le Tchad (2005) pour ne retenir que ces quelques exemples en l'Afrique francophone. Pour les autres Etats ayant supprimé la clause de limitation du nombre de mandats présidentiels, V. WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., pp. 91 et suiv.

* 418 Les images du dépeçage de KANYON DO (S.), président du Libéria d'avril 1980 sont encore présentes dans les mémoires.

* 419 Par exemple M. COMPAORE (B.) accède au pouvoir au Burkina Faso le 17 octobre 1987 en tuant son prédécesseur SANKARA (Th.). V. à ce propos WANDJI K. (J. F.), «Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., p. 98, en note de bas de page.

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