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La notion de fonds libéral en droit camerounais

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par Sébastien AGBELE NTSENGUE
Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies en droit des affaires 2008
  

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INTRODUCTION GENERALE

1. La notion de fonds libéral n'évoque a priori rien pour certains juristes - «commercialistes»; elle fait au plus penser à une excroissance de la notion de fonds de commerce. Et pourtant, cette notion alimente aujourd'hui tous les débats, spécifiquement ceux portant sur la distinction droit civil, droit commercial. Il ne s'agit donc pas d'un « concept-éprouvette », c'est-à-dire d'une notion issue tout droit d'un laboratoire juridique1(*). L'apparition de cette notion en doctrine est fortement tributaire des mutations sociales, notamment du mouvement de matérialisation des activités libérales2(*) .

2. A l' origine, les activités libérales étaient exclusivement exercées par des hommes riches et libres ; en revanche, les professions manuelles jugées viles et dégradantes, étaient réservées aux pauvres et aux esclaves. Etant à l'abri des ennuis matériels, les praticiens libéraux n'exigeaient pas en contrepartie de la prestation fournie, une véritable rémunération, leur mission étant essentiellement philanthropique. Toutefois, pour leur faire honneur, les clients leur versaient une libéralité pudiquement appelée « honoraire »3(*). En outre, comme particularité de cette conception classique, les praticiens libéraux n'avaient pas de matériels pour l'exercice de leur art. Pour le client, le praticien était un confident à qui on pouvait se confier ; les professions libérales étaient donc fortement marquées par l'intuitu personae4(*).

Mais aujourd'hui, cette conception des professions libérales est en nette décadence. Les principes autour desquels elle s'était bâtie perdent déjà en solidité et en rayonnement, l'érosion de ceux-ci est dû à la matérialisation. En effet, pour fournir une prestation conforme aux avancées de la science et de la technique, les professionnels libéraux ont de plus en plus recours aux matériels sophistiqués 5(*) mais dont le coût est souvent assez élevé pour être supporté par une seule personne.

3. La matérialisation ainsi présentée n'améliore pas seulement la prestation fournie, elle a aussi pour inconvénient de créer de nouveaux besoins pour la clientèle libérale au point qu'il n'est plus possible pour un seul praticien de les satisfaire. Il faudrait pour ce faire toute une équipe où chacun des membres est spécialisé dans l'exécution d'une tâche précise6(*).

Il faudrait en outre signaler que le caractère intellectuel n'est plus aujourd'hui suffisant pour caractériser les professions libérales parce que plusieurs professions manuelles exigent de plus en plus l'intellect ; de même, plusieurs professions libérales sont aussi devenues manuelles. On peut à ce titre citer les professions de chirurgien et de radiologue qui mêlent maniement des appareils et l'intellect. Toutefois, il n'y a pas que le lien de confiance et le caractère intellectuel qui connaissent de sérieuses attaques, il y a aussi les caractères de désintéressement et d'indépendance7(*).

Malgré l'attachement des textes et la jurisprudence au caractère de désintéressement, il se dégage aujourd'hui un constat dans la pratique, celui de l'exercice intéressé des professions libérales. Pour mieux s'en convaincre, il suffit simplement de considérer le coût des honoraires perçus par les praticiens libéraux de nos jours, auxquels s'ajoutent parfois d'autres types de rémunérations, telles que les dépens, les débours et les émoluments8(*). La recherche du lucre apparaît comme l'une des conséquences de la matérialisation des professions libérales : voulant amortir les investissements consentis pour l'acquisition des équipements, les praticiens sont conduits à répercuter les coûts sur les honoraires.

Pareillement, il convient de signaler que, le recours au salariat apparaît aujourd'hui comme la règle dans les professions libérales, surtout celles exercées en équipe9(*). Ceci contribue à rogner considérablement l'autonomie des praticiens libéraux, ce qui est évidemment contraire à la conception classique des professions libérales. Mais l'érosion des critères classiques des professions libérales qui s'opère en pratique, est parfois appuyée par le législateur ou le juge.

4. Les mesures d'origine textuelle ou jurisprudentielle entraînant la commercialisation des professions libérales sont assez nombreuses, mais pour l'instant nous ne pouvons que les évoquer. Il s'agit notamment de l'extension du statut des baux commerciaux à tous les professionnels, de l'extension des procédures collectives à toutes les personnes morales de droit privé, de l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) faite à tous les groupements d'intérêt économique (GIE), y compris ceux à objet civil, des obligations comptables et fiscales faites aux praticiens.10(*) Cependant nous ne saurions terminer cette énumération sans faire mention de la validation jurisprudentielle des opérations de transmission de clientèles civiles et de l'intégration du cabinet dans la communauté conjugale11(*).

Ces mutations ont conduit les praticiens à exiger du législateur l'achèvement de ce mouvement de patrimonialisation. Tout ceci nous suggère quelques interrogations essentielles : la patrimonialisation des activités libérales amorcée dans la pratique ne devrait-elle pas se traduire sur le plan juridique par la reconnaissance en droit camerounais d'une notion de fonds libéral ? En d'autres termes, la matérialisation et la dépersonnalisation des activités libérales ne justifient--elles pas que soit aujourd'hui consacrée en droit camerounais une notion de fonds libéral ?

5. Afin d'éviter tout malentendu, il importe avant tout de préciser les termes de notre sujet, particulièrement celui de notion. La définition de la notion de « notion » est particulièrement malaisée ; cela est non seulement dû au fait que ce mot est un outil de sa propre connaissance, mais également parce que la pluralité et la variété d'études y relatives ne permettent pas toujours d'entreprendre une synthèse12(*). Quoiqu'il en soit, on peut néanmoins retenir quelques définitions qui ont de longue date été proposées par certains auteurs, particulièrement celle de Madame PARAIN-VIAL13(*) pour qui la notion (ou le concept) est :

« Le résultat d'un double acte de généralisation et d'abstraction symbolisé par un mot, qui nous permet de penser les choses absentes soit par leur éloignement dans l'espace, soit par leur éloignement dans le temps».

Il apparaît de cette définition que l'élaboration d'un concept qui relève de la compétence de la doctrine, commande un mouvement ascendant et descendant14(*), de la réalité au concept, puis du concept à la réalité.

Mais cette définition d'essence théorique et doctrinale, se heurte à plusieurs écueils. On peut notamment citer la difficulté de distinguer la notion de notion des autres qui lui sont voisines, telles que l'idée, le concept et les catégories juridiques.

6. L'idée n'est pas synonyme de notion, l'idée est la façon dont l'esprit perçoit la réalité et le concept la façon dont l'esprit présente la réalité15(*). Nous ne parlerons donc pas dans le cadre de cette étude de l'idée de fonds libéral. Mais au contraire nous utiliserons volontiers tout au long des développements qui vont suivre le concept de fonds libéral, puisque les notions de notion et de concept sont considérées en théorie comme des synonymes, même si en pratique on estime que ces deux notions sont distinctes. Le terme notion est utilisé de façon superfétatoire, c'est-à-dire qu'il n'ajoute rien à ce qui suit. En revanche, le terme « concept » renvoie davantage à l'essence qu'au régime 16(*) ; cette distinction est trop ténue pour être retenue, c'est la raison pour laquelle nous allons utiliser indistinctement les termes de « notion » et de « concept ».

7. De même, il est important de distinguer la notion de la catégorie juridique. Certes ces deux notions ont ceci de commun qu'elles sont toutes les éléments du système juridique17(*), mais elles s'en distinguent nettement, dans la mesure où, contrairement aux catégories juridiques, les notions ne sont pas figées18(*) . Ainsi, dans un article au titre fort évocateur, le Professeur Jean-Louis BERGEL19(*) définit les catégories juridiques comme : « ...des ensembles de droits, de choses, de personnes, de faits ou d'actes ayant entre eux des traits communs caractéristiques et obéissant à un régime juridique commun ». Les catégories juridiques ont donc pour rôle de discipliner le désordre et l'hétérogénéité des faits sociaux.

Ces définitions nous amènent à faire quelques précisions d'importance à savoir que l'étude des notions juridiques postule deux attitudes : soit la juriste qui s'y adonne démontre l'existence de la notion et son élaboration à partir de ce qui a été découvert, soit au contraire cette étude le conduit simplement à connaître et à maîtriser son domaine20(*). Notre travail ne vise pas à étudier le domaine et le contenu de la notion de fonds libéral, tout simplement parce que cette notion n'a pas encore été consacrée ; il a plutôt pour objet principal l'étude de la notion de fonds libéral dans son essence. Il vise donc à démontrer que la notion de fonds libéral peut être consacrée au regard des mutations qui s'opèrent aujourd'hui dans le monde libéral.

8. De même, faudrait-il le préciser, ce travail n'est pas intitulé « Le fonds libéral en droit camerounais », mais plutôt « la notion de fonds libéral en droit camerounais ». Ce premier intitulé ne conviendrait pas à la matière de notre sujet, tout simplement parce que la notion de fonds libéral n'a pas encore été consacrée.

Le sujet dont les termes ont été précisés n'est pas dénué de tout intérêt scientifique. Son examen permettra de savoir si la valorisation de l'activité humaine déjà admise en matière commerciale peut être étendue en matière civile, notamment avec la consécration de la notion de fonds libéral. De même, il permet de saisir l'ampleur de l'effritement de la distinction classique droit civil, droit commercial. Il faudrait enfin évoquer le fait que ce travail pourrait permettre d'apporter une réponse à la question de l'adaptation du droit camerounais aux mutations sociales tendant à la patrimonialisation des activités libérales21(*).

Certes, la pratique contribue fortement à la patrimonialisation des activités libérales, donc à l'apparition sur la scène juridique de la notion de fonds libéral (Titre I), mais le droit camerounais semble quelque peu en retard sur ces mutations sociales, il ne s'est pas encore adapté aux faits, auxquels il semble d'ailleurs opposer une certaine résistance (Titre II).

* 1 JARRASSON (Ch), La notion d'arbitrage, Paris, LGDJ, Bibl. de droit privé, tcxcvIII , n°35, p. 25.

* 2 VIALLA (F) L'introduction du fonds libéral en droit positif français, Paris, LITEC, coll. Biblio. Dr entreprise, T 39, 1999, Passim.

* 3 Ibid. , n°33 , p28.

* 4 VIALLA (F), ibid., n°32, p. 36.

* 5 CHAPLET (P), Ce qu'il faut entendre par la patrimonialité du cabinet de l'avocat, Dalloz 1987, chron.185 ; p. 186

* 6 TOULEMON (A), L'organisation d'une profession libérale, Gaz. Pal. 1968 ,II, .doctr.p.96.

* 7 BATHELEMY (J), Contrat de travail et activité libérale, JCP 1990, chron., 3450.

* 8 DAIGRE (J-J), Patrimonialité des clientèles civiles : du cabinet au fonds libéral, droit et patrimoine, déc .1995, n°33, p.36 et s.

* 9 BATHELEMY (J), ibid.

* 10 LYON- CAEN (Ch), De l'influence du droit commercial sur le droit civil depuis 1804, Livre du centenaire du Code civil, p.205 et s. ; MARTY(J.P.), La distinction du droit civil et du droit commercial dans la législation contemporaine, RTD.com. 1981, p.681 ; JAUFFRET (A), L'extension du droit commercial à des activités traditionnellement civiles, Mélange Kayser 1979, p.59 et s. CABRILLAC (M) , Vers la disparition du droit commercial ? Mélanges Jean Foyer, Paris, PUF, 1997, p.331 et s.

* 11 LAMBERT-PIERI (M-C), L'avenir de la distinction du titre de la finance dans la communauté légale, Dalloz. 1982, chron. , p. 65 et s.

* 12 JARROSSON (Ch), op.cit., n°451 p.216.

* 13 PARAIN-VIAL (J), Note sur l'épistémologie des concepts juridiques, arch. de philo. du droit, 1959, p.131.

* 14 BERGEL (J-L), Différence de nature (égale) différence de régime, RTDciv. 1984, p.225.

* 15JARROSON (Ch), op.cit., n°453, p. 217 ; l'auteur souligne que notion et idée peuvent parfois être considérées comme des synonymes.

* 16 Ibid., n°454.

* 17 VAN DE KERCHOVE (M) et OST (F), Système juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, Coll. « les voies du droit », 1988, pp. 47-147.

* 18 WALINE (M), Empirisme et conceptualisme dans la méthode juridique : faut-il tuer les catégories juridiques ?. Mélanges J. Dabin, T 1, 1963. Malgré les nombreuses critiques adressées au conceptualisme, celui-ci n'en a pas moins été maintenu, voire parfois magnifié en doctrine. V. dans ce sens RIVERO (J), Apologie pour les faiseurs de systèmes, Dalloz. 1951, Chron., p. 99.

* 19 BERGEL L (J-L), Différence de nature (égale) différence de régime, RTDciv 1984, n°3 p.258.

* 20 JARROSSON (Ch), Ibid, n° 33 pp.24-25.

* 21 ATIAS (Ch) et LINOTTE (D), Le mythe de l'adaptation du droit aux faits, Dalloz. 1977, Chron. 35, pp. 251-258

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon