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La notion de fonds libéral en droit camerounais

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par Sébastien AGBELE NTSENGUE
Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies en droit des affaires 2008
  

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Paragraphe II : la sanction du non respect de la prohibition de cession de clientèle civile.

89. Pour rester fidèles à une conception jugée surannée des professions libérales, les juges prononcent une sanction particulièrement lourde à l'égard des conventions de cession de clientèle civile. Mais avant d'examiner les effets de cette sanction (B), il importe d'en déterminer préalablement sa nature (A).

A/ la nature de la sanction des opérations de transfert de clientèle civile

90. C'est sans doute dans le dessein de marquer son hostilité à l'égard du mouvement de patrimonialisation des activités libérales que la jurisprudence a posé le principe d'incessibilité des clientèles civiles. Pour garantir le respect de ce principe, les juges ont prévu à cet égard une sanction particulièrement lourde : la nullité228(*).

Il faut bien préciser ici qu'il s'agit d'une nullité absolue et non d'une nullité relative229(*). Si les juges ont opté pour la nullité absolue plutôt que pour toute autre sanction, c'est parce qu'elle semble être la plus appropriée, dans la mesure où c'est celle qui est habituellement prononcée pour tout type de contrat qui ne satisfait pas à certaines exigences de fond relatives à la cause ou à l'objet230(*). C'est donc fort logiquement que le juge prononce le plus souvent la nullité absolue des conventions de cession de clientèle civile au motif qu'elles sont dépourvues d'objet et de cause. Ces conventions n'ont pas d'objet, donc de cause tout simplement parce que la clientèle n'est pas une chose, elle n'est pas objet d'obligations.

Les juges ne prononcent pas la nullité relative parce qu'elle sanctionne l'inobservation des conditions relatives aux parties telles que le consentement et la capacité, et dans une moindre mesure les contrats lésionnaires. De même, la jurisprudence ne choisit pas la résolution, parce qu'elle constitue la sanction de l'inexécution du contrat. Il faut, pour mieux s'en convaincre, lire les motivations des décisions relatives aux conventions de cessions de clientèle civile. Le juge sanctionne de pareilles conventions non parce qu'il s'y pose un problème d'exécution ou que le consentement de l'une des parties est vicié, c'est parce que l'objet et la cause y sont inexistants.

Si les juges ont choisi la nullité d'ordre public plutôt que toute autre sanction, c'est parce qu'elle produit des effets importants et suffisamment dissuasifs de toute velléité de transgression de la prohibition de cession de clientèle civile231(*)

B/ les effets de la nullité des conventions de cession de clientèle civile

91. En se fondant sur les articles 1128 et 1131 du Code civil, le juge annule les conventions de cession de clientèle civile pour absence de cause et d'objet. Cette sanction particulièrement lourde, entraîne l'anéantissement rétroactif, voire l'effacement du contrat. D'ailleurs, l'effet rétroactif de la nullité ne joue pas exclusivement à l'égard des conventions de cession de clientèles civiles, il joue aussi pour toutes les conventions qui n'auront pas satisfait aux exigences, posées par l'article 1108 du Code civil. C'est ce qu'exprime la maxime latine : « quod nullum est, nullum effectum pooducit », c'est-à-dire : « ce qui est nul ne produit aucun effet ».

Le contrat n'ayant jamais été formé, il ne saurait produire des effets. Les parties doivent par conséquent se restituer les prestations qu'elles s'étaient mutuellement dues. Ainsi, le cédant est-il tenu de restituer les sommes reçues, le cessionnaire étant en principe de son côté tenu de restituer la clientèle. Mais la clientèle n'étant pas une chose, l'exécution de l'obligation du cessionnaire ne pourra pas être exécutée de manière satisfaisante, à moins qu'elle ne se fasse à travers la restitution des éléments attractifs de la clientèle, que sont par exemple les matériels d'exploitation.

92. La nullité apparaît ainsi comme une sanction grave non seulement parce qu'elle entraîne la disparition de la convention de cession - contrat principal - mais également parce qu'elle provoque l'effacement de la scène juridique de tous les contrats qui lui sont accessoires232(*). Il s'agit entre autres des contrats passés entre le cédant et le cessionnaire, tel que le contrat de bail dans l'hypothèse où le cédant est en même temps propriétaire des murs233(*). Parfois même, la cession ne tient qu'à une seule clause du contrat, et la nullité de cette clause entraîne celle des autres clauses de la convention234(*).

93. Mais il faut préciser ici qu'il n' y a pas que les contrats passés entre le cédant et le cessionnaire qui sont annulés, il y a aussi ceux passés entre ce dernier et les tiers235(*). Ces hypothèses de nullité, source d'insécurité juridique236(*) touchent surtout les contrats de prêt passés entre un jeune praticien et un établissement financier. Héritant parfois d'un cabinet sinistré et suffisamment éprouvé, le praticien cessionnaire aura pour objectif premier la réhabilitation de son poste professionnel afin de le rendre productif et compétitif. Il devra, pour ce faire contracter des prêts pour disposer d'une trésorerie suffisante à même de couvrir les travaux que suppose une telle entreprise.

Si les jeunes praticiens peuvent aller jusqu'à consentir de tels sacrifices financiers, c'est parce qu'ils ont «  ...compris depuis longtemps que la véritable source de richesse se trouve davantage dans la patrimonialisation du cabinet que dans la capitalisation des revenus de l'activité »237(*). A l'analyse donc, le contrat de prêt participe à la réalisation de l'opération de cession dont il n'en est que l'accessoire. Le contrat de prêt est annulé en conséquence du contrat de cession parce qu'il est dépourvu de cause. Il ne s'agit pas de la cause abstraite ou cause de l'obligation, il s'agit de la cause concrète ou cause du contrat qui est ici la réalisation de l'opération litigieuse et non la remise des fonds. C'est dans ce sens que la Cour de cassation française238(*) a estimé dans une espèce que « ... le prêt ayant pour objet le financement partiel du rachat de la clientèle de M. Gelbart, sa cause qui n'était pas seulement la remise des fonds, mais cette remise en vue d'une opération illicite était elle-même illicite ».

94. Cette solution rigoureuse, si elle se justifie par une volonté des juges de maintenir une certaine pureté des professions libérales à l'heure où quantité d'activités civiles se commercialisent239(*), elle n'en suscite pas moins quelques inquiétudes. De tous les griefs qui lui sont faits, l'atteinte au principe de la relativité des conventions, apparaît comme étant le plus corrosif240(*). En prévoyant même la nullité des contrats de prêt, le juge limite aussi l'accès des jeunes praticiens au prêt bancaire241(*). Parce qu'ils sont d'abord des commerçants, les banquiers hésiteront à financer de pareilles opérations s'il existe un risque d'annulation du prêt242(*). Bien plus, en prévoyant la nullité des contrats satellites, la jurisprudence crée un risque d'insécurité juridique243(*) qui ne serait pas né si les contrats accessoires liant le cessionnaire aux tiers avaient été traités comme des contrats autonomes.

95. La nullité de la convention de cession et des contrats qui lui sont accessoires semble être une sanction forte non seulement à cause du désagrément qu'elle cause aux parties mais également à cause de l'insécurité juridique qu'elle génère auprès des tiers. La nullité est donc l'arme que le juge utilise contre les opérations de transfert de clientèle civile.

Mais il faut dire que cette hostilité du juge n'est qu'apparente puisqu'il affiche le plus souvent une position réellement tolérante à l'égard des opérations de cession de clientèles civiles. Si la jurisprudence adopte une position aussi « hypocrite » c'est certainement parce qu'elle est consciente que l'hostilité à l'égard de la notion de fonds libéral apparaît du reste démesurée si l'on tient compte des vertus possibles de cette notion.

* 228 Tribunal civil de la Seine, 25 Février 1846 ; VIALLA (F), op. cit., n°142 p. 174 et s.

* 229 VIALLA (F), Ibid.

* 230 TERRE (F) et WEIL (A), Droit civil les obligations, Paris, Dalloz, 4e Ed. , 1986, pp. 298-349

* 231 La convention est anéantie rétroactivement, ce qui pose à l'évidence un problème de restitution entre les prestations que s'étaient mutuellement dues les parties.

* 232 VIALLA (F), op. cit., n°145 p. 178.

* 233 VIALLA (F), op. Ibid.

* 234 VIALLA (F), op. Ibid.

* 235 VIALLA (F), op. Ibid. n°147 p. 179,

* 236 Pour une définition de la sécurité juridique, voir notamment, BERGEL (J-L), Théorie générale du droit, PUF, paris, 1985, p. *******

* 237 VIALLA (F), Ibid n° 149 p. 180.

* 238 Civ. 1er octobre 1996.

* 239 JAUFFRET (A), op. cit.

* 240 VIALLA (F), op. cit. p. 183.

* 241 VIALLA (F), Ibid

* 242 VIALLA (F), Ibid.

* 243 LAGARDE (X), Jurisprudence et insécurité juridique, Recueil Dalloz, 2006, n°10, p. 678 et S.

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