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La notion de fonds libéral en droit camerounais

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par Sébastien AGBELE NTSENGUE
Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies en droit des affaires 2008
  

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B/ De l'extracommercialité à l'impossible commercialité de la clientèle civile

83. Malgré son apparente jeunesse, le principe de l'incessibilité des clientèles civiles est très ancien, il a en effet été affirmé dès le 19ème siècle avec l'arrêt rendu le 25 février 1846 par la troisième chambre du tribunal civil de la Seine213(*). Et s'il fait aujourd'hui l'objet d'une réaffirmation constante en jurisprudence, c'est grâce au fondement classique de l'extracommercialité des clientèles civiles qui le sous-tend.

Toutefois, il faut souligner qu'en dépit de l'invocation récurrente de l'argument de l'extracommercialité, celui-ci n'en subit pas moins de sérieuses attaques doctrinales, ce qui à l'évidence entame sa solidarité et contribue à faire émerger un autre fondement - celui de l'impossible commercialité214(*).

84. La jurisprudence a de tout temps considéré la clientèle civile - notamment libérale, comme un «  res extracommercium », c'est-à-dire une chose hors du commerce juridique, mieux encore, comme un objet illicite215(*). Mais il faut noter que l'exigence d'un objet licite n'est pas spécifique aux seules cessions de clientèles civiles, elle est traditionnelle pour la validité de toutes les conventions. L'article 1128 du code civil est à ce sujet assez éloquent lorsqu'il dispose « qu'il n' y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions ». C'est en se fondant sur la subjectivité des liens qui unissent le professionnel aux clients et sur la liberté de ces derniers que la jurisprudence en vient à annuler les conventions de cession de clientèle civile. La confiance est donc indétachable de la personne même du professionnel, elle est insusceptible d'appropriation, elle n'est pas monnayable et ne peut à ce titre faire l'objet de transmission216(*).

85. Même si l'argument de l'extracommercialité est abondamment utilisé en jurisprudence, il semble aujourd'hui de plus en plus contesté par une grande partie de la doctrine, et ceci pour plusieurs raisons.

Pour certains auteurs217(*), l'argument de l'extracommercialité utilisé par les juges pour invalider les conventions de cessions de clientèles civiles est contestable, parce que la jurisprudence invoque au soutien de ses solutions uniquement l'article 1128 du Code civil applicable à l'ensemble des conventions, au lieu de l'article 1598 du Code civil spécifique à la vente. Ce qui devrait logiquement conduire à l'annulation de toutes les conventions portant sur la clientèle libérale ; or, tel n'est pas le cas, puisque le droit reconnaît un certain nombre d'opérations de clientèles. C'est le cas notamment du droit des sociétés qui autorise les apports d'éléments incorporels dans des sociétés d'exploitation libérale, c'est aussi le cas des cessions indirectes de clientèles civiles.

86. Pour d'autres auteurs en revanche, affirmer qu'une clientèle libérale est hors du commerce, c'est admettre qu'elle est une chose, ce qui est contestable218(*). Comme le remarque Monsieur BEIGNIER : « pour qu'une chose soit classée hors commerce, encore faut-il qu'elle existe en tant que chose », qu'elle puisse être, au sens de l'article 1128 du Code civil un bien juridique ; aussi bien, dire que la cession d'un bien est prohibée, c'est admettre implicitement que « ...cette cession n'est pas impossible, mais seulement non souhaitable et que son objet constitue un bien »219(*). Il serait donc superflu de raisonner à partir de l'extracommercilité pour justifier l'incessibilité des clientèles civiles, il serait beaucoup plus commode de recourir à l'argument de l'impossible commercialité de la clientèle civile220(*).

La clientèle civile ne serait donc pas cessible parce qu'elle n'est ni un bien juridique ni une chose. Le bien est traditionnellement défini comme « tous les éléments mobiliers et immobiliers qui composent le patrimoine d'une personne... »221(*). En revanche, la chose désigne tout ce qui est perceptible par les sens, tout ce qui a une existence matérielle222(*). Il en résulte de ces définitions que le client pris individuellement ou la clientèle en tant que groupe de personnes autonomes et libres ne peuvent donc être assimilés à des choses : les personnes ne sont pas objets de droits, elles sont sujets de droits.

87. La clientèle civile ne peut donc pas faire l'objet d'un droit réel, personnel ou intellectuel223(*) . Aucun praticien ne dispose, à ce titre ni d'un droit privatif, ni d'un droit direct sur sa clientèle ; celle-ci n'est pas l'objet de la convention de cession224(*) comme le laisse supposer les jurisprudences qui s'appuient sur l'argument de l'extracommercialité, elle est plutôt la cause225(*).

88 Sur le point de savoir si la clientèle est identifiable à la causa proxima ou la causa remotae autrement appelée cause objective ou cause de l'obligation et cause subjective ou cause du contrat, la doctrine penche pour la cause du contrat et exclut la cause concrète parce que l'opération de cession est un contrat synallagmatique, qui a ceci de particulier que les obligations réciproques se servent mutuellement de cause, la cause de l'obligation de l'un étant l'objet de l'obligation de l'autre226(*).

Or, la clientèle n'étant pas une chose, elle ne saurait être l'objet des obligations assumées par l'ancien titulaire de la clientèle. L'obligation du cessionnaire se trouve ainsi dépourvue de cause. Il ne peut donc s'agir dans ce cas que d'une cause subjective qui conduit à interroger les mobiles réels des parties contractantes227(*).

L'étude des fondements du principe d'incessibilité des clientèles civiles apparaît assez éclairante sur l'hostilité du droit à l'égard de la notion de fonds libéral. Toutefois, cette étude s'avère limitée tant que nous n'avons pas encore examiné les sanctions qui peuvent être prononcées en cas de violation de la prohibition jurisprudentielle de cession de clientèle civile.

* 213 AUGUET (Y), Ibid. , n°197 p.210.

* 214 Ibid., p. 256 et S.

* 215 Ibid., n°200 p. 215.

* 216 Civ. 1ère, 29 Avril 1954, RTDCiv. 1954, p.471, Obs. J. LAGARDE ; AUGUET (Y), Ibid., n°205 p.218.

* 217 AUGUET (Y), Ibid. , n°207 p.219; Civ. 7 juin 1995, D. 1995,p.561, note B. BEIGNIER, JP 560 « il faut donc être très clair. L'extracommercialité de la clientèle civile est un faux débat. Avant de se poser la question de la qualité, il faut résoudre celle de la nature : la clientèle n'est pas un bien » ; ZENATI (F), les clientèles, RTDCiv, 1991, p.561 : « cette justification (...) est contestable au plan théorique et dépassée sur le plan pratique, dire que la cession d'un bien est interdite, c'est admettre implicitement que cette cession n'est pas impossible mais seulement non souhaitable et, que son objet constitue un bien ».

* 218 BEIGNIER (B), op. cit. ; ZENATI (F), Ibid.

* 219 ZENATI (F), op. cit.

* 220  ZENATI (F), Ibid.

* 221 Ass-H Capitant sous Dir. De G. CORNU, op.cit. p.111.

* 222 Idem.

* 223 AUGUET (Y), op. cit., n° 254 p. 258.

* 224 AUGUET (Y), Ibid.

* 225 AUGUET (Y), ibid., p.266.

* 226 AUGUET (Y), Ibidem., p. 267.

* 227 AUGUET (Y), op. cit., p.267.

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