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La notion de fonds libéral en droit camerounais

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par Sébastien AGBELE NTSENGUE
Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies en droit des affaires 2008
  

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1) L'extension par le législateur OHADA du statut des baux commerciaux à tous les professionnels

112. L'histoire est pour le juriste une source d'enseignement et de compréhension des phénomènes couverts par le droit282(*), elle nous enseigne qu'à l'origine, les commerçants ne bénéficiaient d'aucune protection particulière par rapport aux non commerçants. Ainsi, tout commerçant locataire pouvait se voir expulser des locaux qu'il occupait ou même pouvait se voir refuser le renouvellement de son contrat de bail à l'expiration de celui-ci. Une telle législation était de nature à fragiliser la stabilité du poste professionnel du commerçant.

113. C'est surtout avec la deuxième guerre mondiale que l'insécurité prit des proportions inquiétantes. Ayant été contraints de baisser les loyers des immeubles pendant la période de guerre, les bailleurs d'immeubles voulurent, une fois la guerre terminée, revenir aux loyers d'avant guerre ; et pour certains, c'était l'occasion rêvée de toutes les spéculations immobilières les plus inéquitables. Pour réaliser leur dessein mercantiliste, les bailleurs d'immeubles refusèrent, conformément aux règles du Code civil seules applicables à cette époque, de renouveler nombre de contrats de location arrivés à terme. Une telle décision, certes conforme aux règles édictées par le Code civil, était ainsi privée du principal élément physique de ralliement de la clientèle.

Pour y remédier, le législateur à travers une loi consacra un statut particulier pour tous les commerçants. Ce statut leur conférait des prérogatives exorbitantes sur la chose louée à l'instar de l'obligation faite au bailleur soit de renouveler, soit de payer une indemnité d'éviction au commerçant locataire. C'est ce qui a fait dire à certains auteurs que le statut des baux commerciaux confère aux commerçants une véritable « propriété commerciale ». En dépit des controverses suscitées par cette notion, elle n'en a pas moins connu beaucoup d'heurs en droit ; et très vite la question s'est posée de savoir s'il n'était pas opportun d'étendre le statut des baux commerciaux aux professionnels non commerçants dans le mesure où ils exercent, comme les commerçants, dans un local. Et comme ces derniers, ils ont besoin d'une clientèle et d'un local stable.

114. Il faut signaler qu'avant l'Acte uniforme OHADA, le statut des baux commerciaux portait bien son nom puisqu'il n'était réservé qu'aux seuls commerçants. Mais avec l'Acte Uniforme OHADA, ce statut a été étendu à tous les professionnels qu'ils soient commerçants ou non, ce qui constitue une avancée considérable du droit africain par rapport au droit français qui n'a pas encore consacré une telle solution283(*).

Les termes de l'article 69 AUDCG sont à cet égard assez éloquents et il suffit simplement de les évoquer pour mieux s'en convaincre : le statut des baux commerciaux s'applique aux « locaux ou immeubles à usage commercial, industriel, artisanal ou professionnel... ». A l'opposé du Code de commerce, l'Acte uniforme ne fait plus allusion à la qualité de commerçant pour le bénéfice du statut des baux commerciaux. Désormais donc, tout professionnel commerçant ou non peut bénéficier du statut des baux commerciaux284(*). L'Acte Uniforme réalise donc un progrès considérable dans l'oeuvre fédératrice voire unificatrice du droit civil et du droit commercial285(*). Il s'agit sans doute d'un signe prémonitoire de la reconnaissance juridique du fonds libéral par le législateur africain. Toutefois, la pertinence de ces remarques n'épuise pas pour autant toutes les interrogations inhérentes à cette innovation opérée par le législateur OHADA.

115. L'article 69 AUDCG évoque la notion d'usage professionnel mais ne la définit pas286(*), ce qui peut compliquer l'application de ce statut à des non commerçants. Mais à l'analyse, il semble que le terme profession désigne une activité habituelle, indépendante et destinée à fournir à celui qui l'exerce des moyens d'existence. Sur la base de cette définition, nous pouvons dire que les médecins, les notaires, les avocats, les huissiers, les architectes, les agriculteurs, les artisans sont des professionnels parce qu'ils exercent en toute indépendance et de manière habituelle leur activité et en tirent l'essentiel de leur revenu.

Une autre interrogation demeure cependant, c'est celle de savoir si la dénomination des baux commerciaux se justifie encore, si on considère le fait que les commerçants ne sont plus les seuls bénéficiaires de son statut. Ne convient-il pas aujourd'hui de poursuivre l'unification du droit privé même sur le plan terminologique en parlant non plus du statut des baux commerciaux, mais plutôt du statut des baux professionnels ? Une telle dénomination a pour avantage qu'elle vise tous les professionnels. Dans le même sens, il conviendrait peut-être de ne plus parler en doctrine de « propriété commerciale » comme c'est jusqu'ici le cas, il conviendrait de substituer à cette notion celle plus novatrice et précise de « propriété professionnelle », parce que ce statut ne s'applique plus qu'aux seuls commerçants.

116. Comme on peut le constater, l'extension du statut des baux commerciaux à tous les professionnels, constitue le signe que le droit est entrain de s'adapter aux faits, que cette adaptation n'est pas un mythe287(*). C'est dire que le législateur n'est pas totalement opposé à la patrimonialisation des activités libérales qui sont pendant longtemps restées l'un des derniers bastions de résistance à la commercialité.

La contribution législative à la commercialisation des activités civiles n'est pas seulement perceptible au niveau du statut des baux commerciaux, elle l'est aussi lorsque le législateur étend certaines procédures d'essence commerciale aux professionnels libéraux.

* 282 GAUDEMET (J), Etudes juridiques et culture historique, arch. de philo. du droit, T. 4, 1959, p. 15.

* 283 KONE (M), op. cit., n° 368 - 381 p. 231 et s,.

* 284 KONE (M), op. cit., n° 368 - 381 p. 231 et s.

* 285 CABRILLAC (M), op . cit., p. 331 et s.

* 286 KONE (M), Ibid. , n° 378 p. 235.

* 287 ATIAS (Ch) et LINOTTE (D), Le mythe de l'adaptation du droit aux faits, Dalloz. 1977, chron. , pp. 251-258

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