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L'expérience comme interprétation des faits dans la " théorie physique " de Pierre Duhem

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par Héritier Mbulu
Université catholique du Congo - Gradué en philosophie 2010
  

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II.2. L'importance de l'interprétation théorique

L'importance de l'interprétation théorique s'avère énorme dans la Physique. Cette interprétation ouvre la voie, d'un côté, à un résultat expérimental précis et concis, parce qu'elle conduit à une substitution abstraite et symbolique dans la présentation des résultats de l'expérience ; et de l'autre côté, elle rend possible l'usage des instruments au laboratoire.

II.2.1. L'interprétation dans la substitution abstraite et symbolique

Pour P. Duhem, l'interprétation théorique permet de distinguer l'expérience de physique de l'« expérience vulgaire », cette dernière consiste en « (...) la constatation d'une relation entre divers faits concrets ; tel fait ayant été artificiellement produit, tel autre fait en est résulté »58(*). Servons-nous de l'expérience de physiologie sur une grenouille : « On a décapité une grenouille ; on a piqué la jambe gauche de cet animal avec une aiguille ; la jambe droite s'est agitée et s'est efforcée d'écarter l'aiguille »59(*). C'est bien tout un récit d'une expérience physiologique. Cette expérience ne nécessite aucune connaissance préalable des concepts de physiologie pour qu'un individu en donne un résultat. Les faits observés ne font pas un quelconque appel à une théorie pour leur compréhension, ni même à une interprétation théorique. Ces faits correspondent immédiatement à la réalité concrète. A ce sujet, G. Bachelard dit : « L'expérience commune n'est pas vraiment composée, tout au plus elle est faite d'observations juxtaposées et il est très frappant que l'ancienne épistémologie ait établi un lien continu entre l'observation et l'expérimentation, alors que l'expérimentation doit s'écarter des conditions ordinaires de l'observation »60(*). Il voulait, en fait, montrer que l'expérience de physique ne peut pas être une correspondance d'un simple récit des faits observables.

Dans le résultat d'une expérience de physique, c'est le jugement abstrait et symbolique qui fournit la correspondance avec les faits observés. Cela se fait par le biais de tout un ensemble théorique. Ainsi, ces jugements symboliques et abstraits ne sont que des images substituées aux objets réels, que la nature nous cachera éternellement. C'est le cas d'un corps qui présente une certaine qualité que l'on pourrait nommer chaud. Cette qualité devrait être remplacée dans le résultat d'une expérience par un symbole : « (...) nous allons substituer à la considération de cette qualité, le chaud, celle d'un symbole numérique, la température »61(*). Les rapports véritables entre ces objets réels et leurs représentations sont la seule réalité que nous puissions atteindre ; et la seule condition, c'est qu'il y ait les mêmes rapports entre ces objets et les images que nous posons à leur place.

C'est pour cela que nous avons, avec P. Duhem, distingué deux moments dans toute expérience - l'observation des phénomènes et leur interprétation - pour affirmer que l'expérience de physique est, en outre, une interprétation de faits observés. Cette distinction est faite, aussi, pour montrer qu'il existe en physique une nette différence entre le résultat expérimental et le fait concret, puisque le résultat expérimental est un énoncé abstrait et symbolique, mieux un énoncé théorique, tandis que le fait concret est une donnée sensible, un empirie. Pour ce faire, nous pouvons confirmer l'idée selon laquelle l'expérience de physique n'explique pas la réalité concrète ; mais plutôt, elle l'observe et l'interprète en vue de retrouver les correspondances qui puissent exister entre les hypothèses théoriques et les faits concrets. S'il arrive que cette correspondance soit établie, l'on pourra alors s'en servir pour l'élaboration des lois expérimentales. C'est P. Duhem qui le dit : « Entre les phénomènes réellement constatés au cours d'une expérience et le résultat de cette expérience, formulé par le physicien, s'intercale une élaboration intellectuelle très complexe qui, à un récit de faits concrets, substitue un jugement abstrait et symbolique »62(*). Ainsi, selon P. Duhem, lorsqu'on se contente de lire un mémoire de physique expérimentale, on ne trouvera rien de récit des observations, mais plutôt « (...) des énoncés abstraits, auxquels on ne pourrait attacher aucun sens si on ne connaît pas les théories physiques admises par l'auteur »63(*). La signification de ce résultat ne correspond à la réalité contrainte que par le biais théorique.

C'est pourquoi l'énoncé d'une expérience de physique sera aussi différent de l'énoncé d'une autre expérience vulgaire, malgré certaines similitudes qui puissent exister. Cette différence se remarque du fait qu'un langage technique comme énoncé d'une expérience vulgaire représente une et une seule opération déterminée sur un objet concret défini ; par contre, un énoncé du langage physique représente une infinité d'opérations sur un même objet. Même ici, tout tourne autour de l'interprétation théorique, car elle a une part importante dans l'énoncé d'un fait d'expérience.

Certainement, c'est contre l'idée d'une « explication réelle » du fait concret que P. Duhem pense que l'expérience ne peut qu'interpréter la réalité invisible à nos sens, puisque « (...) ce que le physicien énonce comme le résultat d'une expérience, ce n'est pas le récit des faits constatés ; c'est l'interprétation de ces faits, c'est leur transposition dans le monde idéal, abstrait, symbolique, créé par les théories qu'il regarde comme établies »64(*). Nous comprenons que ce jugement n'a pas l'intention d'être une correspondance adéquate, équivalente de la réalité concrète. Le compte rendu d'une expérience de physique est un ensemble des concepts théoriques qui ne recouvrent pas directement des réalités concrètes. Nonobstant, cette relation, comme pour le cas de la théorie, est une relation de référence. Ainsi donc, supposer que la réalité concrète soit l'exacte réalisation du symbole abstrait serait une absurdité. C'est pourquoi, notre auteur distingue nettement le fait pratique, réellement observé, du fait théorique qui est la formule symbolique et abstraite. Le fait théorique est une représentation du fait pratique et non son exact équivalent.65(*)

Mais si cette élaboration intellectuelle permet au physicien d'interpréter les faits observés, que dira-t-on de l'emploi des instruments utilisés au laboratoire ?

* 58 P. DUHEM, La Théorie physique. Son objet-sa structure, p. 222.

* 59 Ib.

* 60 G. BACHELARD, La Formation de l'Esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, Paris, 1980, p. 10.

* 61 P. DUHEM, La Théorie physique. Son objet-sa structure, p. 172.

* 62 Ib., p. 230.

* 63 Ib., p. 223.

* 64 P. DUHEM, La Théorie physique. Son objet-sa structure, p. 240.

* 65 Cf. Ib., p. 228-229.

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