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L'expérience comme interprétation des faits dans la " théorie physique " de Pierre Duhem

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par Héritier Mbulu
Université catholique du Congo - Gradué en philosophie 2010
  

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I.2.2. De la représentation à la classification naturelle

Pour qu'une théorie atteigne son but, il faudrait écarter au préalable toutes considérations métaphysiques en son sein, puisque le but de la théorie physique n'est pas d'expliquer les phénomènes de la nature ni les lois expérimentales, mais bien plutôt de les représenter. P. Duhem récuse l'idée que le but de la physique puisse être de découvrir l'essence cachée des phénomènes. Comme nous l'avons vu, la théorie est une synthèse des propositions mathématiques. Ces symboles abstraits n'ont aucune prétention d'expliquer la réalité non perceptible par nos sens. Ils nous aident seulement à la représentation simple et exacte de la réalité qui se cache à nos perceptions. Ce formalisme mathématique qui représente le « réellement réel » n'entretient qu'une relation de signifiant à chose signifiée. Comme le dit P. Duhem, « Le symbole mathématique forgé par la théorie s'applique à la réalité comme l'armure au chevalier... Si nombreux que soient les fragments qui la composent, jamais l'armure n'épousera exactement le modelé du corps humain »27(*). C'est ainsi que les théories physiques ont une exigence de s'exprimer en langage mathématique28(*) afin d'aider à l'interprétation théorique des résultats symboliques de l'observation.29(*)

Il est clair, en effet, que la théorie physique est comprise comme une représentation du réel en tant que tel. Cela a été déjà conçu par Galilée qui, à la seule différence de P. Duhem, pense que les propriétés qu'elle distinguera seront distinctes dans le monde et celles qu'elle identifiera seront identiques. C'est ce qui crée le problème avec la conception conventionnaliste30(*) qui stipule que telle représentation du réel est la seule possible.31(*) C'est pourquoi, nous soutenons qu'une théorie physique représente la réalité étant donné qu'elle ne peut la saisir dans sa nudité.

En fait, P. Duhem pense qu'une réflexion poussée au fond d'une théorie physique renvoie à parler aussi de la théorie comme classification naturelle. Pour lui, si les lois élaborées par la physique expérimentale sont toutes développées dans un ensemble sans les synthétiser selon leurs domaines respectifs, la physique théorique, quant à elle, se donne comme objectif de regrouper les lois expérimentales pour les soumettre à un ordre et à une classification. Pour ce faire, la théorie range chaque loi avec d'autres qui s'insèrent dans la même optique en vue de permettre au physicien de résoudre sans trop de difficultés un problème donné. Ainsi, on peut dire d'une théorie qu'elle ne représente pas seulement les lois expérimentales, elle les classe aussi, du fait que c'est déjà pendant sa construction que ressortent des traits spécifiques d'une belle oeuvre d'art. Cette impression esthétique que la construction d'une théorie offre ne suffit pas parce qu'elle renferme l'idée d'une classification naturelle32(*).

Or, qu'est-ce qu'une classification naturelle ? Par classification naturelle, P. Duhem entend : « (...) un ensemble d'opérations intellectuelles, (...) des rapprochements purement idéaux, ne portant point sur les organes réels, mais sur les conceptions généralisées et simplifiées »33(*). La classification est donc un regroupement, mieux un rapprochement des propriétés qui auraient des ressemblances de par leur forme abstraite, schématique et symbolique. C'est pourquoi, notre auteur pense que la théorie est appelée à devenir une classification naturelle, puisque « (...) les théories n'ont aucun pouvoir pour saisir la réalité, elles servent uniquement à donner des lois expérimentales une représentation résumée et classée »34(*). Cette impression de classification naturelle que suggère la théorie physique chez P. Duhem s'affirme en ce qu'elle est susceptible de fournir même des prédictions des phénomènes non encore observés.

Certes, à l'instar de la théorie vibratoire de la lumière, le physicien qui pensera que ces vibrations sont des explications s'enfonce dans l'illusion que nous ne saurons partager. Car nous considérons ce mouvement lumineux sous sa forme abstraite et générale. C'est pourquoi, au lieu d'expliquer, cette vibration lumineuse représente le mouvement réel de la lumière. Avec P. Duhem, nous comprenons que la marque d'une classification naturelle se reconnaît dans une théorie physique aussi, parce qu'elle n'a pas la prétention d'expliquer la réalité, mais entretient une relation référentielle dans laquelle les représentations théoriques concordent avec la réalité. C'est pourquoi notre auteur affirme : « la physique théorique ne saisit pas la réalité des choses ; elle se borne à représenter les apparences sensibles par des signes, par des symboles. Or nous voulons que notre physique théorique soit une physique mathématique, partant que ces symboles soient des symboles algébriques, des combinaisons de nombres »35(*). Les théories physiques n'atteignent pas les causes des phénomènes, elles n'expriment que les rapports fonctionnels qui lient algébriquement les résultats des mesures. Ceux-ci sont des nombres concrets fournis par des procédés qui définissent les propriétés physiques.

Pour ce faire, le physicien devrait abandonner son souci d'expliquer la nature, puisque cette explication subordonne la physique à la métaphysique, comme la réalité non perceptible fait l'objet de la métaphysique. Nous pouvons confirmer notre première hypothèse en disant : « (...) la théorie physique ne nous donne jamais l'explication des lois expérimentales ; jamais elle ne nous découvre les réalités qui se cachent derrière les apparences sensibles »36(*) ; mais plus elle se perfectionne, plus elle représente et classe les lois expérimentales. C'est pourquoi, selon P. Duhem, les théories qui se laissent apercevoir comme classification naturelle ne peuvent pas se poser en explication des lois expérimentales.

Ainsi, nous pensons que pour notre auteur, la véritable « classification naturelle » vers laquelle doit tendre la physique ne peut pas être un « mécanisme général », mais bien une « thermodynamique générale » pure de tout élément métaphysique, et donc acceptable par tous37(*). Ainsi, étant une représentation et une classification naturelle, la théorie doit savoir prévoir l'expérience.

* 27 P. DUHEM, o. c., p. 287.

* 28 Cf. Ib., p. 158.

* 29 Cette thèse sera développée plus amplement dans le prochain chapitre.

* 30 Le conventionnalisme est une doctrine qui considère tous les principes comme des conventions. (Cf. A. LALANDE, o.c., p. 188).

* 31 Cf. S. AUROUX (dir.), Encyclopédie philosophique universelle. Tome II. Les Notions philosophiques. Dictionnaire, Paris, 1990, p. 2316.

* 32 Cf. P. DUHEM, o. c., p. 30-31.

* 33 Ib., p. 32.

* 34 Ib., p. 36.

* 35 P. DUHEM, o. c., p. 170.

* 36 Ib., p. 35.

* 37 Cf. P. DUHEM, o. c., p. 471.

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