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L'expérience comme interprétation des faits dans la " théorie physique " de Pierre Duhem

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par Héritier Mbulu
Université catholique du Congo - Gradué en philosophie 2010
  

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I.2.3. La Théorie précédent l'expérience

Cette dernière section se veut être une critique de l'inductivisme. Selon K. Popper, « il est courant d'appeler « inductive » une inférence si elle passe d'énoncés singuliers (parfois appelés aussi énoncés particuliers), tels des comptes rendus des observations ou d'expériences, à des énoncés universels, telles des hypothèses ou des théories »38(*). Les philosophes, qui soutiennent la méthode inductive, pensent que les théories scientifiques découlent de l'expérience. P. Duhem, dans son article sur La Valeur de la théorie physique, considère que selon l'empirisme, « la théorie tout entière sort de l'expérience, et veut être le décalque de l'objet empirique qui la fonde, la modèle, lui donne ses principes, sa direction, son développement pas à pas, ses résultats et sa confirmation »39(*). C'est pourquoi les penseurs empiristes pensent que tout ce qui est théorie physique doit s'appuyer sur l'expérience et doit en être issu directement. Contrairement à cette acception générale des scientifiques, nous nous proposons de préciser que les théories physiques viennent avant l'expérience.

En effet, il convient de dire dès maintenant que, sur base de notre argumentation précédente et même selon la définition de la théorie physique que nous avons proposée, la théorie précède et détermine l'expérience, puisqu'elle se laisse comprendre comme une représentation et une classification naturelle : « (...) de même que les synthèses annoncées d'avance consacrent la notation chimique comme classification naturelle, de même, la théorie physique prouvera qu'elle est le reflet d'un ordre réel en devançant l'observation »40(*). Ainsi, P. Duhem préconise que l'expérience n'a de sens que relativement à la théorie. Il devient alors possible d'interpréter les observations avec des langages mathématiques ou des théories. C'est cette idée même qui est au principe de la présente étude où nous concevons l'expérience de physique comme une interprétation théorique des faits. Mais, cette théorie devançant l'expérience n'accroît sa valeur que si elle représente exactement les lois expérimentales qui régissent les faits. Une loi théorique pourra être alors considérée comme une définition, de sorte que, si des faits la contredisent, cela pourra vouloir dire, non que la loi est fausse, mais que les faits incriminés ne tombent pas sous le coup de la définition.

Certainement, il faut avoir une idée au préalable de ce qu'on recherche. L'observation n'est pas neutre, mais elle doit être dirigée par une hypothèse préalable. L'hypothèse précède donc toujours l'observation. Dès lors, il est faux de dire que la science consiste à collecter des faits afin d'en tirer une généralité. C'est pourquoi A. Chalmers, dans son célèbre ouvrage Qu'est-ce que la science ?, condamne l'idée selon laquelle le physicien procède à des observations pour aboutir à une théorie, puisqu'on ne peut pas observer sans « préjugés ». Le scientifique qui essaierait de le faire n'aboutirait à aucun résultat. Cette critique se base sur l'expérience électrique effectuée par H. Hertz, en 1888, pour tester la théorie électromagnétique de J. Maxwell41(*). Ainsi, F. Renoîrte ne fait qu'affirmer cette idée de la théorie devançant l'expérience, en disant : « La physique théorique ne part pas de l'expérience ; elle cherche à savoir d'où il faut partir pour retrouver un aspect de la réalité. Autrement dit : il ne s'agit pas de parcourir la longue série des expériences particulières dont on peut détailler les éléments sensibles qualitatifs, et à partir de laquelle une adroite induction conduirait à une loi mais on veut définir certaines grandeurs conceptuelles dont les rapports, déduits mathématiquement, reproduisent, avec l'approximation de l'expérience, les rapports entre les mesures effectuées »42(*). Toutefois, P. Duhem pense que pour que la théorie soit féconde et qu'elle suggère des découvertes, elle doit remplir une condition : devenir une classification naturelle. C'est aussi à cette condition qu'elle obtient le droit de précéder l'expérience qui est, d'ailleurs, une interprétation des phénomènes sur base d'un ensemble théorique admis par l'expérimentateur.

Par conséquent, dire que la théorie physique est construite en s'appuyant directement sur les faits est une erreur, puisque la théorie, pour P. Duhem, ne se fonde pas sur l'expérience, elle est plutôt contrôlée par l'expérience. En d'autres mots, la théorie physique ne part pas des faits expérimentaux, elle cherche quelles sont les propriétés fondamentales qu'il faut attribuer aux choses et les relations qu'il faut poser entre les changements de ces propriétés pour pouvoir en déduire des relations équivalentes à celles que donne l'observation.43(*) Même K. Popper, à la suite de P. Duhem, confirme notre point de vue. D'ailleurs, il pousse très loin son analyse en envisageant dès lors que, les résultats des expériences sont des interprétations qui se fondent sur les théories physiques. Pour ce faire, K. Popper estime que la théorie devance les faits, parce que les hypothèses précèdent et orientent l'observation. Son but était celui de montrer que la théorie vient avant l'expérience et qu'elle la guide également. C'est pourquoi, dans son souci de contredire et de réfuter les théories inductives, K. Popper pensent que les énoncés d'observation sont des interprétations faites à la lumière des théories.44(*) Cette conception poppérienne contribue aussi à justifier notre hypothèse de base et, nous projette dans le second chapitre du présent travail. Chapitre dans lequel nous affirmerons clairement, et en d'autres termes que ces-là de K. Popper, que l'expérience de physique est une interprétation théorique de faits, puisque le théorique devance l'expérimental.

* 38 K. POPPER, La Logique de la découverte scientifique, Paris, 1984, p. 23.

* 39 A. REY, La Théorie de la Physique chez les physiciens contemporains, cité par P. DUHEM, La Valeur de la théorie physique. A propos d'un livre récent, dans « Revue des sciences pures et appliquées », 19e année, Paris, 1908, p. 14.

* 40 P. DUHEM, La Théorie physique. Son objet-sa structure, p. 39.

* 41 Cf. A. CHALMERS, Qu'est-ce que la science ? Récents développement en philosophie des sciences : Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend, Paris, 1987, p. 67-68.

* 42 F. RENOIRTE, La théorie physique. Introduction à l'étude d'Einstein, dans Revue néo-scolastique de philosophie 25° année (1923) n. 100, p. 358.

* 43 Cf. P. DUHEM, La Théorie physique. Son objet-sa structure, p. 336.

* 44 Cf. K. POPPER, o. c., p. 24-25.

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