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La conception de l'éducation chez les betsimisaraka: analyse à  travers les proverbes. Cas du village de Rantolava

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par Anonyme
Université de Rouen - Master 2 en Sciences de l'éducation 2014
  

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III.2. Société betsimisaraka : une école de la vie par les proverbes

A travers les proverbes, nous pouvons apprendre le mode de fonctionnement de la société, la structure sociale, les attitudes et les comportements qui devraient être adoptés. Dans la présente section, nous présenterons le mode de fonctionnement de la société betsimisaraka, en particulier sur les formes des relations sociales qui existent entre ses membres. Ensuite, nous analyserons les priorités éducatives des Betsimisaraka.

III.2.1. L'importance du statut social

La société betsimisaraka est une société hiérarchisée. C'est une société qui accorde une importance majeure aux aînés et à toute personne de sexe masculin. Nous allons analyser successivement ces deux points évoqués.

III.2.1.1. Relations cadets/aînés

L'aîné, soulignent MERIOT et MANGALAZA, est censé avoir une longueur d'avance sur les choses de la vie par rapport à son cadet45. C'est la raison pour laquelle ce dernier lui doit respect, soumission et obéissance. « Tsy zana-gisa [zahay] ka hitarika ny reniny » (on n'est pas des oisons qui dirigent leur mère), soutiennent les Betsimisaraka. De plus, il faut faire preuve d'autant d'humilité que de soumission: « tsy angady [zahay] ka hilöha lela na filo hilöha rañitra » (on n'est pas

45 MANGALAZA Eugène, MERIOT Christian, Anthropologie générale n°04 (Cours du premier semestre 2012-2013). Disponible sur : http://www.anthropomada.com/bibliotheque/Anthropologie-Generale-4.pdf , p.20

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comme la bêche, précédée par sa langue ou de l'aiguille, par sa partie pointue). Ces proverbes sont des introductions qu'on entend et qu'on utilise souvent dans les discours traditionnels, tel que le rasavolaña. Consciemment ou inconsciemment, celui qui parle transmet une norme sociale à son auditeur, ce qui peut influer par la suite sur le comportement de ce dernier. A côté de cette obéissance soi-disant inconditionnelle, s'ajoute une exploitation apparente du cadet par l'aîné. MANGALAZA et MERIOT ont fait une analyse à ce propos lorsqu'ils ont développé la signification du proverbe : « Manan-jandry, afaka olan'entana ; manan-joky afaka olan-teny » (Qui a un cadet est déchargé des bagages et aîné, de la parole)46. C'est-à-dire que lorsqu'on est accompagné par un cadet, on est déchargé des bagages car c'est lui qui doit les porter. Et quand on est avec l'aîné, on est déchargé de la prise de parole car cela lui revient de droit.

Au tant de questions que de réponses : quelle signification ? Pour quelles raisons? Au cours de ce travail, on tentera d'apporter quelques pistes de réponse à ces questions méritant sans aucun doute, de profondes réflexions.

a) Une question d'affection et de protection

D'une simple observation de l'extérieur, il semble difficile de parler d'affection, et encore moins de protection à travers de cette culture. Effectivement, on se référant aux différentes traditions, l'hésitation semble trouver sa raison d'être. Le plus remarquable de cette vision est le cas de construction d'une maison. Ainsi par exemple, lorsque le père est encore en vie, le fils ne pourra construire une maison qui est plus vaste et plus haute que celle de son père. Cette culture est apparemment strictement opposé à celle de l'Imerina47: « Adala izay toa an-drainy » (Anormal,

46 Ibid., p. 21

47 Une autre région de Madagascar qui se situe dans les hautes terres centrales. Le groupe de population qui y occupait fut les Merina.

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celui qui ressemble à son père). L'idée est que l'enfant devrait faire mieux que son père, notamment dans la question économique que sociale.

Quoi qu'il en soit, souvenons-nous d'une chose : « aucune culture (parce qu'elle est l'expression de l'humanisation du monde, tant sur le plan individuel que collectif) ne vaut pas plus qu'une autre 48». En fait, notre analyse tient compte de plusieurs aspects. Reprenons, par exemple, le cas des oisons qui se promènent en passant avant les oies, le risque est tout à fait présent. N'ayant que peu de connaissances sur le milieu où ils vivent, les oisons ne maîtrisent pas encore l'environnement, l'endroit à risque où se trouvent les animaux sauvages ou encore l'endroit idéal pour trouver de quoi à manger, les bösaka ou ankirendriñy. Il en est de même dans : « Tsy tsiatsiapiaña [zahay], hirômbaka öfaña » (lorsqu'on pêche avec de la canne à pêche, il est souvent constaté que seuls les petits poissons se pointent ; mais les anguilles et les gros poissons ne sont que rarement pris de cette manière). Les expériences de l'aîné par rapport à la vie obligent le cadet de se mettre dans une posture du « silence-apprentissage » comme l'ont signalé MERIOT et MANGALAZA.

D'autres faits sociaux qui justifient cet esprit d'affection et de protection se manifestent lorsqu'un membre de la famille (généralement des enfants) quitte le foyer pour des raisons quelconques : travail, mariage, étude... Le chef de famille (père) donne le « tso-drano » ou le « fafy rano » (bénédiction) à l'intéressé en prononçant des expressions comme « irin'ôlo fö tsy hañiry ôlo » (inspiré par autrui, et non s'inspirer d'autrui), « ho mamy hoditra amin'ny fiarahamonina » (littéralement, avoir une « peau sucrée » dans la société, c'est-à-dire être admiré par l'ensemble de la

48 MANGALAZA Eugène, MERIOT Christian, Anthropologie générale n°02 (Cours du premier semestre 2012-2013). Disponible sur http://www.anthropomada.com/bibliotheque/Anthropologie-Generale-2.pdf , p. 10

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société). Dans ce concept, peut-on vraiment parler d'une exploitation et d'une soumission ?

En fait, la désapprobation sociale a toujours été une honte pour la famille traditionnelle betsimisaraka. Il appartient alors au chef de famille (père) ou l'aîné (le cas échéant) de sauvegarder, de protéger l'honneur et le prestige familial. L'aîné ne peut agir qu'en fonction de la logique de la société : « Aza mañano karaha fary, lohany ndraiky matsatso » (Ne soit pas comme la canne à sucre, c'est la tête qui est la moins sucrée de toutes les parties). L'idée est la suivante : l'aîné devrait mener une vie exemplaire, avoir un comportement digne de son nom et ne devrait agir qu'en fonction de la norme acceptée par la société.

b) Une question de soutien et de la solidarité familiale

La question de protection va vers un double sens. Verticalement, entre les membres de la famille; et horizontalement, dans la famille elle-même car l'aîné est responsable vis-à-vis d'elle et des autres membres de la société. Face à cette importante responsabilité de l'aîné, le cadet pense avoir l'obligation de le soutenir. Il n'y a guère d'exploitation car l'aîné « ne devrait pas faire comme le moineau rouge : interdire aux autres de ne pas consommer d'une nourriture que lui-même n'arrive pas à se priver » : « Aza mañano fodilahimena, mandrara hômaña », disent les Betsimisaraka.

Dans toutes ses actions et en fonction de ses expériences, l'aîné prend tous les moyens par rapport à son modèle du monde pour assurer le bien-être social et individuel de son cadet. La réciprocité implique que le cadet a l'obligation d'encourager et de soutenir l'aîné dans ses tâches difficiles. En fait, la soumission, si l'on peut l'appeler ainsi, n'est qu'une forme de participation du cadet au fonctionnement de la vie familiale. De toute façon, pour qu'il y ait vraiment une soumission, il faut qu'elle soit ressentie par l'intéressé. Or, dans la société

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traditionnelle, les cadets ne sont pas gênés par ce système, du moins d'après notre propre hypothèse. C'est une manière de garantir l'harmonie au sein de la famille qui est d'ailleurs la première image de la société. Les sociétés durent, disait EVANS-PRITCHARD49, parce que leurs membres sont liés par une obligation morale. Et c'est dans ce sens que nous voyons l'image de cette relation.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery