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Les jeunes mahorais et comoriens à  la Réunion : Stratégies d'adaptation et moyens de communication

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par Jean Kraemer
Université de la Réunion - Master Sciences et techniques de l'Information et la Communication 2012
  

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PARTIE I - PROBLEMATIQUE

Chapitre 1- LA MIGRATION

1. La problématique de la migration :

1.1. Migrant ou immigrant, définitions liminaires

L'INSEE définit dans ses études qu'une personne immigrée en France (ayant migré vers l'intérieur) est « née étrangère à l'étranger ». Pour cet organisme, la famille immigrée étant celle « dont les deux parents sont immigrés, ou famille monoparentale où le seul parent connu à l'enquête est immigré ».

Les couples ou familles mixtes, sont « constitué(es) d'un conjoint immigré et d'un conjoint non immigré » et notées comme ayant une dynamique distincte de celle des immigrés.

Le dictionnaire de l'Académie Française précise simplement qu'il s'agit de « Venir dans un pays étranger pour s'y établir ».

Ces définitions ne contiennent aucune indication sur la durée de séjour en France, ni sur l'intention ou non de s'y installer plus ou moins définitivement, ou à l'inverse de repartir pour une « migration secondaire » vers un autre pays.

L'immigrant arrivant est logiquement un émigrant, (ayant migré vers l'extérieur) pour le pays qu'il quitte.

Quant au migrant, il est simplement défini par l'Académie Française comme celui qui « effectue une migration», membre d'une « population qui passe d'un territoire dans un autre pour s'y établir, définitivement ou temporairement ».

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1.2. De l'exil à l'intégration, de l'aliénation au migrant connecté

Pour le migrant, l'émigration volontaire ou subie représentait d'abord un exil, un « saut au dehors », un déracinement ; étymologiquement un être arraché à son sol. En ancien français (XXIIème siècle), l'exil était un bannissement.

L'exilé volontaire ou non, en migrant était désormais aliéné (devenu étranger) d'après les définitions du dictionnaire de l'Académie Française. L'émigré ne pouvait manquer d'éprouver un sentiment de manque et d'abandon de son « pays » d'origine. « La migration est toujours un passage de frontière entre deux mondes. Passer la frontière, c'est franchir les limites, les barrières, c'est déborder du cadre prescrit par le groupe qui protège, met à l'épreuve, exige, porte. Loin du groupe qui nous soutient et nous porte on est à la dérive, marginalisé, rejeté, on se sent aussi comme un traître qui a été déloyal, qui a affaibli le groupe. » (Goguikian Ratcliff B., 2012)

C'était et c'est encore parfois le cas des villageois poussés en ville par les famines, le manque de travail ou l'incapacité à nourrir l'ensemble de la famille, enfin par la révolution industrielle et le chômage.

A une autre échelle géographique, poussés par de mauvaises conditions de vie, les émigrants étaient obligés d'abandonner leur pays, leurs attaches, une partie de leur culture, leur mode de vie, souvent leur langue.

De Victor Hugo, le combattant, exilé politique à Jersey puis Guernesey, à Miguel de Unamuno le tragique opposant aux phalangistes espagnols en 1936, ou Eugène Ionesco le roumain à l'humour douloureux, réfugié à Paris, l'histoire et la littérature de l'exil foisonnent de références de la nostalgie à la souffrance, tout au long de l'histoire des peuples.

Souffrance que les cliniciens considèrent comme traumatique et susceptible d'entrainer de graves pathologies psychiques et physiques (Goguikian Ratcliff B., 2012).

L'émigration représentait souvent (ou du moins était ressenti) comme un échec, économique, social ou politique dans leur pays d'origine et l'espoir, pas toujours réalisé, d'une vie moins dure, d'un véritable avenir pour leurs enfants. La migration représente souvent ainsi le sacrifice plus ou moins volontaire d'une génération, dans l'espoir d'une vie meilleure pour les descendants.

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Pourtant les très nombreux exemples d'émigrations réussies montrent que ce traumatisme peut aussi être fécond et salutaire, la différence se situant dans la qualité du lien social à l'origine comme à l'arrivée. « L'issue du processus migratoire se trouve influencée aussi bien par des éléments individuels, familiaux et collectifs qui ont précédé la migration que dans la possibilité de se recréer, dans le pays d'arrivée, un cadre de vie «suffisamment bon», secure, signifiant et contenant. » (Goguikian Ratcliff B., 2012)

En d'autres termes, pour le migrant comme pour tout autre, c'est l'insertion sociale dans son pays d'origine comme dans le pays d'accueil qui détermine la réussite ou l'échec de sa migration, au delà des représentations plus ou moins idéalisées ou fantasmées du pays d'accueil comme de celui d'origine.

Entre le migrant et le pays d'accueil, les relations peuvent être complexes, entre un besoin de nouveaux citoyens, une éventuelle tradition d'accueil et la crainte de perdre son espace vital, les réactions des autochtones sont souvent ambivalentes, parfois hostiles.

Zygmunt Bauman (2000) prône l'intégration par l'interaction, loin des communautarismes, en la décrivant féconde d'expériences humaines « Les villes d'aujourd'hui sont comme des décharges où les sédiments des processus de mondialisation se déposent. Mais ce sont aussi des écoles ouvertes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 où l'on apprend à vivre avec la diversité humaine et où peut-être on y prend plaisir et on cesse de voir la différence comme une menace » : Il prône ainsi la mixité sociale. « Il revient aux habitants des villes d'apprendre à vivre au milieu de la différence et d'affronter autant les menaces que les chances qu'elle représente. Le « paysage coloré des villes » suscite simultanément des sentiments de « mixophilie » et de « mixophobie ». Interagir quotidiennement avec un voisin d'une « couleur culturelle » différente peut cependant permettre d'apprivoiser et domestiquer une réalité qui peut sembler effrayante lorsqu'on l'appréhende comme un « clash de civilisation »...

Comme on le constate, l'acceptation de l'autre ne va pas de soi, elle implique contact, interaction et connaissance. Cette démarche de réduction de l'altérité doit se faire de part et d'autre, intégreur et intégré, pour surmonter le clash de civilisation redouté par Baumann.

Le migrant a ainsi un double problème à surmonter, avec lui-même et son rapport à ses origines, en termes d'équilibre interne, mais aussi avec son nouvel environnement, en termes d'équilibre externe, plus précisément d'intégration sociale.

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1.3. L'histoire de l'immigration française

Il ne s'agit pas d'un phénomène récent, la France devient dès le XIXe siècle un pays d'immigration. À partir de 1830, arrivent des exilés politiques européens (Polonais, Italiens, Espagnols, Allemands), puis une immigration liée aux besoins de l'économie. En 1881, un million d'étrangers sont présents en France, venus très majoritairement des pays voisins : Belges, Anglais, Allemands, Suisses, Italiens, Espagnols. Mais aussi Russes et Polonais (juifs persécutés, opposants politiques, savants, artistes). (Site de la Cité Nationale de l'histoire de l'immigration, 2012)

Entre 1914 et 1944, l'État intervient dans le domaine, jusqu'alors privé, du recrutement de la main-d'oeuvre étrangère, par des conventions signées avec les pays concernés (Pologne, Italie, Tchécoslovaquie). La France devient aussi la principale terre d'accueil des exilés politiques Arméniens, Italiens antifascistes, Russes chassés par le bolchevisme, Allemands antinazis ou Espagnols rejetant le franquisme. En 1931, les étrangers (près de 3 millions) constituent 7% de la population totale, une proportion jamais dépassée depuis. L'Occupation, de 1940 à 1944, a entraîné le quasi-arrêt de toute immigration. Le recensement de 1946, constate la diminution des étrangers (1.7 millions), avec les retours aux pays et les naturalisations. Avec les Trente Glorieuses, un nouveau cycle d'immigration commence correspondant aux besoins en main-d'oeuvre de l'économie. Lors de la Guerre Froide, de nouveaux réfugiés arrivent en France venant soit de pays communistes, soit d'États à dictature militaire, de manière légale ou clandestine. La France compte 3,4 millions d'étrangers en 1975. (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration, 2012)

Les flux migratoires se réduisent considérablement avec la crise des années 1970. Les seuls étrangers autorisés à s'installer en France, le sont par le regroupement familial, et les bénéficiaires du statut de réfugié. Le chômage structurel que connaît l'économie ainsi que les évolutions qualitatives de l'emploi rendent peu plausible une nouvelle immigration de masse. Les besoins en main-d'oeuvre dans certains secteurs particulièrement déficitaires, tels le bâtiment, les travaux publics ou l'hôtellerie, ainsi que le vieillissement de la population impulsent néanmoins un recours à des travailleurs étrangers, au-delà des pays frontaliers. (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration, 2012)

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Comme d'autres pays, la France éprouve un besoin d'immigration, qui n'est pas nécessairement ressenti par la population. La connexion avec la société du pays hôte ne va pas de soi pour le migrant, surtout s'il se retrouve déconnecté de ses origines.

1.4. La notion d'immigré : une origine étrangère, des situations différentes.

En France, un immigré est né à l'étranger de parents étrangers, quel que soit son âge à l'arrivée. Cette double condition ne concerne donc en toute logique que les immigrants de première génération. Cela exclut en principe les jeunes nés en France, quelle que soit leur nationalité et celle de leurs parents, et à fortiori les français ultramarins. (INSEE 2011)

Laetitia Van Eeckhout (2006) précise que « Certains immigrés deviennent français par acquisition de la nationalité française, les autres restent étrangers. La qualité d'immigré est permanente .
· un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par acquisition. »

« En revanche, on parle souvent d'immigrés de la deuxième ou troisième génération pour désigner les enfants dont les parents ou les grands-parents sont immigrés. Pour ceux, nombreux, qui sont nés en France, c'est un abus de langage. Les enfants d'immigrés peuvent cependant être étrangers, s'ils choisissent de garder la nationalité d'origine de leurs parents. » (Van Eeckhout L., 2006)

1.5. La place des immigrés et étrangers en France

Selon les données du recensement 2007 de l'Insee « La France compte 5,2 millions d'immigrés et 3,7 millions d'étrangers vivant sur son sol. Les premiers représentent 8,3 % de la population, les seconds 5,8 %." « Une partie (des immigrés) a pu acquérir la nationalité française .
· 40 % des immigrés sont Français. Ce qui les caractérise, c'est la migration. » « Une partie (des étrangers) née en France de parents étrangers, deviendra française à l'âge de 16 ans. En 2007, 16 % des étrangers étaient nés dans l'Hexagone. »

La part des immigrés dans la population française connaît une augmentation constante depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. La proportion était de 5,4 % en 1954, de 7,4 % au milieu des années 1970, de 8,3 % aujourd'hui. Cette progression est très modérée par rapport à d'autres pays d'Europe. Pour sa part, la proportion d'étrangers en France est irrégulière, entre 4,5 et 6,8

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% selon les périodes. « Depuis le début des années 1980, la part des étrangers a diminué, de 6,8 à 5,8 aujourd'hui. »(INSEE 2011)

Les données de la banque mondiale, reprises par l'INSEE, précisent que pour la période 2007/2011, le solde migratoire est de 50.000 individus (+immigrants - émigrants). La France occupe ainsi la 14e place du classement des pays d'immigration, juste derrière l'Allemagne ; très loin derrière l'Espagne et l'Italie qui frôlent ou dépassent un solde migratoire de 2 millions, ou encore le Royaume-Uni, dont le solde migratoire dépasse le million de personnes.

« Les chiffres ne donnent qu'une vision très globale du phénomène (de l'immigration). Une part plus importante de la population - et notamment parmi les élites françaises - a des ancêtres venus de l'étranger. L'Insee estime ainsi que 6,5 millions de personnes sont des enfants (descendants directs) d'immigrés, soit 11 % de la population.

L'immigration ne se résume pas au nombre d'étrangers, l'Enquête Emploi en Continu de l'INSEE (EEC-2008) considère que sur la population totale de 15 ans et plus résidant en France, 9,3 millions d'individus ont un lien direct ou indirect avec la migration : 4,5 millions sont immigrés et 4,8 millions sont non immigrés mais avec une ascendance immigrée (dont 500 000 nés à l'étranger). Si l'on prend en compte également les moins de 15 ans, le nombre total d'individus ayant un lien avec la migration en France est de 19 % de la population résidant en France (soit un peu moins d'1 personne sur 5). Infos migrations Numéro 15 - juillet 2010.

Le Centre d'Observation de la Société indique que « Les immigrés et les étrangers sont régulièrement utilisés comme bouc-émissaires des difficultés de la société française. » Leur intégration ne se fait pas sans problèmes : « En particulier, la question de la concentration de populations dans les quartiers les plus défavorisés est réelle : les immigrés descendants du Maghreb, d'Afrique Sub-saharienne ou de Turquie représentent 18 % des 10 % des quartiers qui comptent le plus de chômeurs. » Centre d'Observation de la Société - août 2011

Au delà de la définition administrative, il ne faut pas oublier que la notion d'immigration a également une valeur sociale. Le Centre d'Observation de la Société note que immigration est d'abord perçue dans l'espace public (opinion publique, médias, discours politiques) comme une différence perceptible apportée de l'extérieur ; qui se transmet aux générations suivantes tant qu'elle est perceptible (comme pour les types physiques, les pratiques linguistiques ou religieuses affichées).

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Le Centre d'Observation de la Société (2011), explique que cette différence perceptible est parfois considérée comme susceptible de constituer une menace pour la culture ou le mode de vie du pays d'accueil.

Il semble que c'est bien le caractère ostensible de la différence qui est perçu comme une menace ou une remise en cause, et stigmatisée.

1.6. Un migrant protéiforme

La migration comporte un choc de départ qui peut être structurant comme destructeur. Les situations sociales passées et présentes qui forment ce ressenti influencent également la perception que les autochtones peuvent avoir du migrant, en fonction de son origine géographique, ethnique, de son niveau culturel et social. Autant d'éléments qui conditionnent également sa proximité physique et culturelle, c'est à dire son altérité.

Ce qui effraie, c'est la différence, qui est d'abord perçue comme un gouffre d'autant plus difficile à franchir (bridging the gap) qu'il est large et profond.

Les ressources de communication, d'adaptation, d'évolution ainsi que la capacité de saisir les opportunités sont inégales entre les groupes sociaux comme à l'intérieur de ceux-ci.

Pour le dire simplement, il est d'autant plus facile de migrer que les pays sont géographiquement proches et qu'on a un niveau élevé. La migration a plus de chances de réussir s'il s'agit d'un choix d'opportunité et non d'une contrainte, que ce choix est perçu comme réversible.

Il est donc naturellement impossible ou très abusif de prétendre dresser un portrait type du migrant, même si le discours politique choisit parfois de globaliser l'immigration pour mieux la faire peser comme une menace, par une série d'amalgames et de syllogismes aussi commodes qu'inexacts, notamment en termes de délinquance de chômage ou de financement des soins.

1.7. Du migrant sous contrainte au migrant connecté

Depuis la diffusion des télécommunications, d'abord filaires puis numériques, les conditions de vie du migrant ont beaucoup évolué. D'un individu arraché à ses racines et sa culture, souffrant d'autant plus de ce vide qu'il est victime d'un déficit d'information et de communication avec

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son pays d'origine ; mal intégré et stigmatisé par le pays d'accueil, « ni ici, ni là », les TIC, technologies de l'information et de la communication, ont fait un « migrant connecté » (Diminescu D., 2005), idéalement un être mutant capable d'être « ici et là ».

Ceux qui ont réussi à surmonter la fracture numérique (condition importante également pour pouvoir occuper un emploi non dévalorisé) peuvent interagir avec les autochtones comme avec les représentants de leur communauté d'origine par la voie des réseaux sociaux, garder le contact et intervenir dans les affaires de leur pays d'origine.

Représentant d'une « minorité », le migrant « pré-connectique » était contraint de s'intégrer, dans des conditions plus ou moins favorables, à la société de son nouveau pays. S'il n'y parvenait pas, il revenait à l'école intégrer ses enfants (immigrés de 2ème génération). Ses petits enfants (3ème génération) étant considérés par l'INSEE comme des représentants de la « population majoritaire », en d'autres termes des français sans autre précision.

Pour un migrant « connecté », notion proposée par Dana Diminescu, que nous étudierons en part disposant des modes de communication numériques actuels, la contrainte de l'intégration ou du rejet est donc moins prégnante et permet une étendue de solutions intermédiaires entre l'assimilation et le communautarisme. Le paradoxe de ce choix est que nombre de ces alternatives ne sont pas exclusives.

Un individu fait partie de plusieurs groupes sociaux, il peut donc être à la fois intégré, partager les activités sociales de la population majoritaire, et communautaire en ayant des échanges et pratiques spécifiques avec les ressortissants de son groupe identitaire.

Il peut aussi jouer un rôle politique ici et là bas, rassembler dans ses réseaux sociaux des autochtones comme des migrants et des gens restés au pays, ou encore partis ailleurs.

Il peut même créer des rassemblements diasporiques sur des thèmes identitaires relativement inédits, tels que la créolité partagée Antillaise, Haïtienne, mais aussi Réunionnaise et Mauricienne ( http://www.potomitan.info/)

Zygmunt Bauman (2000) avertit néanmoins que « se sentir partout chez soi signifie n'être jamais chez soi nulle part. » La culture de la migration, et tant que choix de changement permanent ou répétés ne semble pourtant pas être le lot commun des immigrés, qui se stabilisent dès que les conditions d'accueil deviennent acceptables, et ne concrétisent pas toujours leurs souhaits de retour.

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2. Les relations entre le migrant et le pays d'accueil

Dans un entretien accordé au journal genevois Le Temps (2009), Dana Diminescu indique que « L'immigré est traditionnellement perçu comme une personne qui a quitté son pays d'origine pour trouver du travail et en a trouvé dans son pays d'accueil. Cela l'a obligé à briser ses liens familiaux et sociaux d'origine sans pour autant réussir à s'intégrer dans son nouveau pays. Il est donc absent physiquement de son pays d'origine et absent socialement de son pays d'arrivée « ni ici, ni là-bas ». Il n'a d'existence que dans son travail, pas toujours officiellement déclaré. Le migrant est un déraciné, devenu un nomade par la migration, il doit donc être sédentarisé, stabilisé, et pour cela identifié, officialisé ou renvoyé. Si cette vision était juste quand les moyens de transport et de communication étaient lents et chers, elle ne correspond plus vraiment à la réalité actuelle des migrants, de plus en plus insérés dans une nouvelle culture de la mobilité. »

2.1. Une dialectique d'acceptation-rejet réciproque : double jeu de « l'inclusion-exclusion »

Assimilation, intégration ou insertion, « Ces trois termes ne sont pas neutres et reposent sur des

philosophies politiques (très) différentes. » explique Laetitia Van Eeckhout (2006)
« L'assimilation se définit comme la pleine adhésion par les immigrés aux normes de la société d'accueil, l'expression de leur identité et leurs spécificités socioculturelles d'origine étant cantonnée à la seule sphère privée. Dans le processus d'assimilation, l'obtention de la nationalité, conçue comme un engagement "sans retour", revêt une importance capitale.

L'intégration exprime davantage une dynamique d'échange, dans laquelle chacun accepte de se constituer partie d'un tout où l'adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de la société d'accueil, et le respect de ce qui fait l'unité et l'intégrité de la communauté n'interdisent pas le maintien des différences.

Le processus d'insertion est le moins marqué. Tout en étant reconnu comme partie intégrante de la société d'accueil, l'étranger garde son identité d'origine, ses spécificités culturelles sont reconnues, celles-ci n'étant pas considérées comme un obstacle à son intégration dès lors qu'il respecte les règles et les valeurs de la société d'accueil. » Van Eeckhout L. (2006)

D'un pays, d'un groupe social à l'autre, on attend de l'immigré une adhésion plus ou moins absolue à la culture et au mode de vie du pays d'accueil, et un renoncement correspondant à ses attaches et pratiques d'origine.

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La crise économique, conjuguée à une remise en cause des valeurs et équilibres sociaux en France comme dans de nombreux pays, a entraîné une crispation des relations et une moins bonne tolérance des différences visibles, considérées par certains comme une remise en cause du mode de vie majoritaire et comme une menace pour la cohésion sociale, accompagnée par une hausse stigmatisée de l'insécurité perçue. Tout cela concourt naturellement à faire de l'immigré un bouc émissaire des problèmes sociaux et particulièrement du chômage et de la baisse des prestations sociales. (IPSOS, 2011)

2.2. L'immigration, bouc émissaire international

« Une enquête mensuelle conduite simultanément dans 23 pays via le panel online d'Ipsos, révèle une crispation de l'opinion publique sur les questions d'immigration commune à tous les pays. Une inquiétude devenue majoritaire dans la société française : 79% des Français estiment que la proportion d'immigrés dans la population a augmenté ces cinq dernières années, 54% d'entre eux pensent que l'immigration a un impact négatif pour le pays et 52% jugent "qu'il y a trop d'immigrés".

Le niveau d'inquiétude relevé en France est dans la moyenne des 23 pays testés. Partout, la majorité des interviewés estime que l'immigration a augmenté ces cinq dernières années et a un impact plutôt négatif pour le pays. » Ipsos Public Affairs, ipsos.fr, 12 août 2011

Le discours politique s'en empare volontiers comme argument électoral, au point que certains observateurs voient dans les récents débats sur l'identité nationale un glissement « du bouc émissaire à l'ennemi de l'intérieur » expliquant qu'on voit « apparaître la construction progressive d'une conception raciste, sanguine, essentialiste de l'identité nationale »« conduisant à rechercher désormais l'ennemi non plus seulement dans l'étranger de nationalité mais aussi dans le français d'origine étrangère » (Bouamama S. 2011).

Même si son propos est partisan, il confirme les études et observations statistiques (INED, INSEE) qui relèvent les discriminations à l'encontre des populations migrantes, comme de celles « issues de l'immigration » ou immigrés de deuxième génération.

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2.3. L'incidence économique de l'immigration : des lieux communs et des discours politiques à l'épreuve de la réalité

« J'aime pas les étrangers, ils viennent manger le pain des français » In « le douanier » de Fernand Raynaud, 1972

Chaque année, environ 200 000 étrangers s'établissent en France. Cela peut sembler beaucoup, pourtant avec ce taux d'immigration, la France est l'un des pays les plus fermés de l'OCDE. En effet, le solde migratoire 2010 (différence entre les entrées et les sorties du territoire) se situe aux environs de 75 000 personnes. Rapporté à la population totale, le solde est de 1,2 pour mille, deux fois moins que celui des années 1960 dans notre pays, et sans comparaison avec ceux de l'Allemagne (10 pour mille au début des années 1990) ou avec celui de l'Espagne (15 pour mille entre 2002 et 2007). Xavier Chojnicki et Lionel Ragot (avril 2012) indiquent qu'on peut difficilement y voir une invasion migratoire.

En ce qui concerne les effets, l'immigration agit effectivement sur l'offre de travail (ce qui causerait une pression sur le chômage), mais également sur la demande : Les immigrés contribuent à augmenter la demande finale de biens et de services, ce qui stimule l'activité, donc l'emploi.

De plus, le travail des immigrés est plus complémentaire que substituable par rapport à celui des autochtones ; en effet, ils fournissent le gros des effectifs des secteurs dévalorisés (hôtellerie-restauration, bâtiment, sécurité, nettoyage).

L'autre argument communément avancé est que l'immigration constituerait un poids pour les finances publiques : l'immigré en France est une personne en moyenne moins qualifiée qu'un natif, plus souvent au chômage, et avec un plus grand nombre d'enfants. Toutes les études économiques démontrent que l'immigration ne représente pas un coût pour l'économie française. (Chojnicki X., Ragot L. avril 2012)

« Plus jeunes, les immigrés contribuent au financement des retraites, ce qui fait plus que compenser les allocations qu'ils perçoivent. Ainsi, en 2007, les immigrés ont apporté 12 milliards d'euros nets à la collectivité (soit en gros 2 200 euros par personne, enfants compris)» indique Gilles Raveaud, en avril 2012

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L'immigration peut aussi apporter un avantage de flexibilité pour les emplois. La recommandation de favoriser la venue de travailleurs déjà qualifiés est plutôt une menace pour les pays d'émigration en termes d'exode de cerveaux et de compétences. En termes d'avenir, l'immigration peut aider à limiter les répercussions liées au vieillissement des populations et leur incidence sur les finances publiques. (OCDE 2000)

Xavier Chojnicki et Lionel Ragot (avril 2012) précisent que l'immigration ne saurait pas pour autant être la solution attendue aux problèmes des économies vieillissantes. Les problèmes comme les solutions de l'économie ne se trouvent pas dans l'immigration. Les enjeux de l'immigration sont d'ordre politique et identitaire.

2.4. Deux types d'origines, deux images, deux catégorisations

Les européens représentent 40,4% des étrangers présents en 2007 en France métropolitaine (dont 35% de l'UE à 25), leur situation -professionnelle, logement- est comparable à celle des natifs, et même légèrement plus favorable. Les Africains (dont Maghreb 30%) sont 41.8% auxquels il convient d'ajouter les Turcs (6.4%) d'après le bulletin Infos migrations N° 20 de février 2011 (Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration). C'est à ce groupe que font référence la plupart des études récentes sur l'immigration.

Si on rapproche ces chiffres de ceux des discriminations et de la ségrégation, force est de constater que les immigrés ne connaissent pas les mêmes situations suivant leur origine. Au delà d'une possible différence de qualification (à relativiser dans la mesure où les discriminations touchent tous les niveaux sous forme d'exclusion ou de plafond de verre) c'est bien l'altérité perçue (ethnique, culturelle, linguistique, religieuse) et non la nationalité qui pose problème.

La France a digéré les flux d'immigration polonais, italiens, espagnols, portugais (ces derniers sont encore 13.7% des étrangers) venus d'Europe, mais stigmatise les autres origines plus lointaines par la géographie et plus étrangères à l' « identité nationale » perçue et politisée.

Géographiquement, culturellement et physiquement différents de la population majoritaire, les Mahorais et Comoriens présents sur le territoire national sont naturellement rangés dans cette dernière catégorie.

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2.5. Les discriminations et les minorités visibles

L'INED (2010) indique que « La mesure des discriminations demeure un sujet sensible sur le plan politique et compliqué d'un point de vue méthodologique. Les testings, réalisés depuis le début des années 2000, montrent que les candidats d'origine maghrébine ou d'Afrique subsaharienne ont, à formation, qualification et éléments de carrière comparables, 3 à 5 fois moins de chances d'être convoqués à des entretiens d'embauche que les candidats d'origine européenne. Au-delà de ces mesures obtenues dans le cadre d'expérimentations portant sur des échantillons non représentatifs, des études statistiques de dimension nationale montrent que les immigrés et les fils ou filles d'immigrés connaissent, selon leur origine, un risque de chômage de 20 % à 50 % plus élevé que le reste de la population, toutes choses égales par ailleurs ».

Interrogés sur la cause des discriminations « les enquêtés citent avant tout leur origine (ou nationalité) (37%), puis la couleur de leur peau (20%) » INED 2010

Sur ce dernier point L'INED précise qu'il s'agit d'une étude de perception effectuée auprès des immigrés, et que ceux qui s'estiment le plus discriminés (les jeunes issus de l'immigration) font rarement la démarche de dénoncer les discriminations qu'ils subissent.

Pour les personnes concernées, il ne fait aucun doute que la discrimination porte sur le patronyme, révélateur d'une origine étrangère (indépendamment d'être de nationalité française ou non), la couleur de la peau (particulièrement sensible pour les africains et Domiens), le lieu d'habitation (en particulier quartiers « sensibles »), voire l'accent, bien avant l'âge ou le sexe. Difficiles à mesurer avec précision et peu dénoncées par les voies légales, elles sont certainement sous-estimées par les statistiques officielles. INED 2010

2.6. La ségrégation (géographique, donc sociale)

Les migrants sont souvent confrontés à la ségrégation, à leur arrivée, faute de choix, ils doivent se contenter des espaces urbains que les populations en place veulent bien leur laisser. L'INED définit la ségrégation comme « la concentration de populations défavorisées en des lieux circonscrits. Elle s'accompagne de l'idée implicite de mise à l'écart, qu'elle soit volontaire ou résultant de décisions individuelles ou institutionnelles aboutissant à la ségrégation (par exemple : les comportements d'entre-soi, les politiques d'emplacement et d'attribution de logements sociaux, etc.). » «Les Maghrébins, les Africains subsahariens, les Turcs et les

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Asiatiques représentent des populations immigrées faisant l'objet d'une ségrégation spatiale importante. »

L'Ined montre dans son enquête Trajectoires et origines (TeO - 2008), que 42 % des immigrés d'Afrique, du Maghreb et de Turquie se situent dans les 10 % des quartiers où le taux de chômage est le plus élevé, et constituent 28 % de la population des « quartiers sensibles ». Les fils et filles de ces immigrés sont toutefois moins concentrés dans les quartiers défavorisés, montrant ainsi une dynamique d'intégration résidentielle » signale l'INED (2011)

Moins bien localisés en termes de conditions de vie, mais aussi de recherche d'emploi, de temps de trajet et de scolarisation, les migrants accumulent des handicaps qui seront autant d'obstacles à surmonter pour leur intégration professionnelle et sociale.

2.7. Immigration et délinquance

Pour présenter la situation de manière objective, il est nécessaire de faire un détour par un des lieux communs les plus prisés du discours identitaire.

« En France, comme dans la plupart des pays occidentaux, la figure de l'immigré est fortement associée à celle du délinquant, dans les représentations collectives et dans les discours médiatico-politiques sur l'«insécurité » explique Laurent Mucchielli (2003)

« Les stéréotypes particulièrement dévalorisants sont une source de difficultés supplémentaires pour une population issue d'une vague d'immigration ouvrière déqualifiée et qui s'est retrouvée « piégée » par la crise économique au moment même où elle se stabilisait en France, par l'entremise notamment du regroupement familial. En orientant les pratiques des institutions et les représentations que les acteurs ont d'eux-mêmes, ces stéréotypes s'apparentent à des prophéties autoréalisatrices. Les éléments déterminants de la délinquance juvénile des étrangers résidant en France et des Français nés de parents étrangers demeurent des problèmes familiaux et scolaires qui ne sont pas propres à ces populations, mais qui semblent au contraire comparables aux problèmes posés jadis par des populations françaises issues de l'exode rural ou par d'autres populations ouvrières étrangères en période de crise économique. » (Mucchielli L. 2003).

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3. Le migrant dans l'espace public

Nous retiendrons ici la notion d'espace public médiatique tel que décrit par J. Habermas, et non celle de l'espace public physique (espace multiculturel et ouvert, sans appropriation) dans lequel le phénomène de l'immigration ne se retrouverait pas.

« L'immigration constitue, pour les sociétés des pays du Nord, l'un des grands enjeux politiques, économiques et socioculturels en ces débuts du XXIème siècle » explique Ramón Marti-Solano (2012) « Elle est fondamentalement la conséquence de grandes inégalités de toutes sortes qui divisent le monde et les êtres humains en deux, à savoir ceux qui ont tout ou presque tout et ceux qui n'ont rien ou presque rien. »

« Le traitement que les médias donnent de l'immigration a une influence directe sur l'image et l'opinion qu'une société se construit autour de ce phénomène. La façon dont les informations sont traitées, le recours systématique à des stéréotypes et la répétition abusive de certains éléments informatifs guident et finissent par créer une sorte de pensée unique sur la question. » (Marti-Solano R., 2012)

Dès les années 1980, la presse écrite consacre de nombreux titres à l'immigration. La politisation du thème a favorisé sa médiatisation. Chef du Service Société au quotidien Le Monde, Robert SOLE, présentait les tendances du traitement de l'information sur l'immigration, déjà en 1988 : «victimisation» des immigrés, accent mis sur le racisme, dramatisation et vision hexagonale du phénomène... « On a tendance à ne parler des immigrés que sous l'angle du fait divers ou du misérabilisme, à ne les voir que comme des agresseurs ou des victimes » expliquait t'il dans « Le journalisme et l'immigration. In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 4 N°1-2. 1er semestre 1988 - L'immigration en France. pp. 157-166. »

D'après Fred Hailon, la tendance est toute autre actuellement, les supports de la presse écrite font circuler des représentations idéologiquement ambiguës. « Le processus de commentaire dans l'énonciation tient à la volonté du journaliste-scripteur d'imposer sa représentation du réel, son réel. » Avec l'émergence de termes tels que le « beur », ou le « grand-frère », la médiatisation s'est focalisée sur une image des jeunes, immigrés de deuxième génération, vivant dans des « zones de non-droit » musulmans et « responsables de la délinquance ». A cette image réductrice sont abusivement assimilés l'ensemble des migrants quelles que soient leurs origines

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et conditions. Il explique que ce construit fait le pendant à l' « autre », français « identitaire », porteur de valeurs sociales réelles ou supposées, mises en avant par les discours politiques sécuritaires. En d'autres termes, le discours médiatique diffuse et banalise une représentation de la réalité correspondant au discours politique auquel il adhère ; actuellement l'auteur indique que le discours médiatique dominant est proche de celui du FN, donc stigmatisant pour le migrant. DIRE n°1 | 2012 : Analyse du discours médiatique sur l'immigration http://epublications.unilim.fr/revues/dire

L'ethno-psychologue Abdellatif Chaouite , rédacteur en chef de la revue Ecarts d'Identité, analyse dans son N°104 (2004) un article du Monde du 6 juillet 2004 présentant un rapport de la Direction Centrale des Renseignements Généraux, remis au Ministre de l'intérieur, « qualifié de « particulièrement alarmant ». Il l'était dans ses termes. Il décrivait le « repli communautaire » qui semblait sévir dans un certain nombre de quartiers populaires. Les mots « communauté » et « communautaire » y étaient associés à des mots spectres : « repli », « banlieues », « violences », « religion », « rapports hommes-femmes s'éloignant des pratiques admises ». « Le spectacle ainsi décrit, ainsi construit plus exactement, à partir de ces associations était effectivement « alarmant » au regard d'une certaine idéalité sociale-citoyenne qui en constituait, en creux, la dimension référentielle. Le registre de discours s'y voulait descriptif mais, de fait, prenait valeur performative : il construisait ce qu'il décrivait. Mieux, il construisait le sentiment d. « alarme » qui en constituait le véritable objectif. » L'auteur dénonce ici le relais par les médias d'un discours officiel alarmiste, qui permet de justifier des mesures sécuritaires et de signaler les populations d'origine immigrée comme fauteuses de troubles sociaux.

L'aspect performatif de ce discours officiel et ses relais médiatiques et politiques ne peut qu'induire des effets d'autoréalisation et conduire les populations immigrantes à un repli défensif.

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4. Le jeune issu de migrants

4.1. La deuxième génération et les migrants d'âge tendre

« La notion de descendant d'immigré (appelée aussi seconde génération) n'a pas fait l'objet d'une définition officialisée. La définition couramment utilisée par l'INSEE et l'INED est la suivante : est descendant d'immigré toute personne née en France ayant au moins un parent immigré. » Le terme statistique de descendants d'immigrés utilisé par Infos migrations Numéro 15 - juillet 2010 « ne correspond généralement pas aux représentations médiatiques de ce terme. Le terme de seconde génération, historiquement utilisé à l'origine pour parler des enfants d'immigrés maghrébins, comprend, dans l'inconscient collectif, tout jeune ayant des parents immigrés d'origine extra-européenne, qu'il soit né en France ou non. »

L'INSEE explique qu'un descendant d'immigré n'est pas nécessairement un jeune : « une personne née en France d'au moins un parent immigré reste un descendant d'immigré toute sa vie. Ainsi, chez les plus de 14 ans, 34 % de la population des descendants d'immigrés a 50 ans et plus (contre 44,5 % des Français de parents français) »

En termes de formation, «le niveau de diplôme des descendants d'immigrés est légèrement plus faible que celui des Français de parents français. 9 % des descendants sont diplômés du supérieur (au moins licence), alors que 65 % n'ont pas le Bac (30 % n'ayant aucun diplôme). Cette situation s'améliore, mais lentement, « Ce niveau de diplôme est plus élevé chez les générations de descendants plus jeunes, mais a évolué moins positivement que celui des Français de parents nés français. » (INSEE 2010)

La composition de la population immigrée évolue aussi, « la population des descendants d'immigrés est essentiellement issue des anciens flux migratoires venant du Portugal, d'Italie et d'Espagne. Près de 65 % des descendants d'immigrés sont ainsi originaires d'Europe, et 44 % spécifiquement d'Europe du sud. Les descendants d'immigrés du Maghreb représentent 23 % du total. Cette composition est en train de changer. Chez les descendants d'immigrés de 15-24 ans, l'Europe ne représente plus que 34 % des origines alors que le Maghreb en représente 36 %. En outre, la part de ces jeunes d'origine des autres pays d'Afrique est plus du double par rapport à l'ensemble des descendants.» (INSEE 2010)

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Cette évolution, couplée avec la plus grande visibilité des jeunes dans l'espace public peut expliquer en partie les amalgames observés entre immigration, jeunesse et origine maghrébine ou subsaharienne.

Des gens aux situations familiales très distinctes sont regroupés statistiquement : « Il existe deux grandes catégories de descendants d'immigrés : ceux issus d'un couple mixte, c'est à dire avec un parent immigré et un parent non-immigré, et ceux issus de deux parents immigrés. » (INSEE 2010). Le cas des binationaux est encore plus épineux, en fonction de la nationalité retenue pour les parents et pour les enfants dans les recensements, la situation pourra être enregistrée différemment.

Migrants ou issus de migrants ne vivent pas les mêmes situations, « Egalement appelés seconde génération d'immigrés, les descendants d'immigrés s'inscrivent dans des processus d'intégration différents de leurs parents compte tenu de leur naissance en France. » (INSEE 2010)

Les processus d'intégration passent par l'acquisition de la langue et sont conditionnés par le fait d'avoir effectué sa scolarisation maternelle et primaire en France. « Le profil des descendants d'immigrés et celui des immigrés arrivés en bas âge est donc très proche. C'est pourquoi ces derniers sont parfois nommés génération « un et demi » : ils sont immigrés mais sont plus proches des descendants que des primo-arrivants. Faute d'accord sur la durée et le niveau de scolarisation effectué en France pour être considéré comme membres de la génération « un et demi », les chiffres diffèrent : 360 000 sont arrivés avant 4 ans (scolarisation complète), jusqu'à 850 000 si on compte ceux arrivés avant 12 ans (INSEE - Enquête Emploi en Continu, EEC 2008).

Nous retiendrons pour notre recherche la notion de jeunes issus de la migration, comprenant les jeunes immigrés, génération « un et demi » comme les jeunes de deuxième génération. Le qualificatif « jeune » s'appliquant ici à ceux qui se trouvent encore en situation scolaire et non d'actifs, et n'étant pas adulte référent d'un ménage.

Dans « Le dilemme identitaire de la deuxième génération d'immigrants » (Mai 2010), Vitraulle Mboungou propose un éclairage sur les paradoxes comportementaux des jeunes immigrés. « Certains de ces jeunes s'identifient à la communauté ethnoculturelle du pays d'origine des parents, d'autres ont exclusivement un sentiment d'appartenance envers la société d'accueil de ces derniers tandis que d'autres encore se reconnaissent dans les deux pays et cultures. »

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Elle explique que « Le sentiment d'attachement de ces jeunes envers la culture du pays d'origine des parents, vient en grande partie de leur éducation. En effet, beaucoup de parents qui ont conservé certains aspects de leur culture et traditions telles que la langue, les valeurs, la nourriture, la musique, etc. les transmettent à leur enfant. À l'inverse, une autre partie de ces jeunes n'ont pas été élevés dans une double culture et très souvent, ils ne se sont jamais rendus dans le pays d'origine de leurs parents immigrants. »

Vitraulle Mboungou estime donc qu'il est « presque normal qu'ils aient moins tendance que les autres à s'y identifier. Ainsi, les facteurs qui mènent un jeune immigrant de deuxième génération à considérer que l'origine ethnoculturelle de ses parents immigrants est une composante essentielle de sa propre identité, sont donc fortement liés à son éducation. Si beaucoup des jeunes immigrants de deuxième génération s'identifient plus ou moins au pays ou à la région d'origine des parents, ils ne le font pas tous. »

Elle remarque que « tout cela entrave rarement l'appartenance de ces jeunes, dans leur ensemble, à la société qui a accueilli leurs parents et dans laquelle ils ont grandi. »

Évelyne Ribert présente une analyse proche de celle de V. Mboungou dans son livre « Liberté, égalité, carte d'identité, les jeunes issus de l'immigration et l'appartenance nationale », (éd. La Découverte 2006), et montre que la référence à la nation n'est plus aujourd'hui aussi structurante pour l'identité des jeunes que pour leurs parents.

Pour les jeunes issus de l'immigration, l'origine prime sur la composante nationale. La nationalité permet simplement de bénéficier des mêmes droits que les autres, et ne garantit en aucun cas l'égalité réelle à l'école et sur le marché du travail. Ils ne sont pas écartelés entre deux cultures, leur identité est plurielle. L'appartenance nationale fait l'objet d'un « bricolage » dans lequel les liens avec chacun des deux pays de référence sont vécus et utilisés de façon pragmatique. (Ribert E. 2006)

Cela n'exclut pas pour autant un attachement au pays d'accueil. Ils ne sont que les interprètes (et non les fautifs) d'une évolution de la notion même d'identité nationale, secondaire par rapport à d'autres critères socioculturels, qui ne se limite pas à la France mais peut s'observer dans de nombreux pays. (Ribert E. 2006)

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Les jeunes issus de l'immigration n'ont pour horizon géographique et social que leur quartier et plus largement leur pays d'accueil, quelle que soit l'importance de leur allégeance identitaire. Sommés de « rentrer chez eux », ils ne peuvent que se diriger vers leur lieu de vie, celui dont précisément on voudrait les chasser.

4.2. Une identité socialement intégrante, individuellement structurante

Dans leur article « Etranger ici, étranger là-bas, le discours identitaire des jeunes issus de l'immigration en France», publié dans la revue Synergies Monde (n° 5 - 2008 pp. 17-27) de l'Université de Rouen, Laëtitia Aissaoui et Myriam De Sousa indiquent que l'identité se construit par rapport à l'autre. Et précisent que « Se trouver en situation d'appartenance biculturelle est très difficile à vivre pour les jeunes issus de l'immigration. Leurs discours laissent apparaître un malaise identitaire plus ou moins profond selon leur capacité individuelle à gérer cette situation. »

Plus encore que par l'obligation de gérer une double affiliation culturelle, c'est du rejet par le groupe majoritaire du pays d'accueil, de naissance, de socialisation, que provient la crise identitaire. Plus le différentiel culturel est fort, plus la synthèse est délicate, plus l'intégration est difficile de part et d'autre. Ils ont à gérer aussi un rejet de la part des habitants de leur pays d'origine : pas français ici, pas du « bled » là-bas. Ce qui pourrait constituer une richesse par le métissage culturel devient souvent une souffrance.

Si repli il y a, il est surtout local, l'intégration se réalise au sein de la communauté, du quartier où ils ont grandi, expliquent Laëtitia Aissaoui et Myriam De Sousa « Nous recherchons toujours à nous identifier par rapport à quelqu'un, à quelque chose ou à un groupe. Cela nous réconforte, nous nous sentons accueillis et compris. » « En fait, l'individu se raccroche au groupe avec lequel il s'identifie et peut se faire accepter ».

Le quartier est souvent le seul terrain d'expression identitaire qui peut accepter, voire valoriser les pratiques sociales et linguistiques métissées, parfois créatrices.

Au niveau national, il est vain de vouloir imposer à des individus et des groupes sociaux biculturels un choix d'exclusivité alors même que leur identité est plurielle. Quand ils s'y risquent ils ne sont guère crédibles dans un rôle où le groupe majoritaire s'empressera de stigmatiser la moindre différence. C'est donc bien de l'acceptation de cette bivalence par les uns

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et les autres que peut venir une véritable intégration, et un enrichissement culturel mutuel. (Aissaoui L., De Sousa M. 2008)

4.3. Dialectique : de la conformité à la conformation

Les jeunes issus de l'immigration sont tiraillés entre deux pressions antagonistes. La pression familiale voudrait imposer une conformité aux rôles traditionnels, qui n'est pas toujours en cohérence avec les évolutions sociales que les jeunes observent et qu'ils vivent, parfois qu'ils subissent. (Ministère de la parité et de l'égalité professionnelle « Femmes de l'immigration » mars 2005)

Les jeunes issus de l'immigration sont aussi tenus à une conformation aux attentes de leurs groupes sociaux de référence école, quartier, emploi ; qui constituent autant de conditions d'une intégration souvent difficile. Ils se retrouvent dans une situation d'exil dans le sens de non-lieu, étrangers ici et étrangers là-bas, devant s'accommoder d'une situation dont ils ne sont pas responsables, stigmatisés par l'une et l'autre culture. (Aissaoui L., De Sousa M. 2008)

Difficile dans ces conditions de vivre et faire reconnaître leur identité spécifique comme une force et une richesse. La part de « déviance » socialement acceptable par l'une et l'autre communauté ne permet pas toujours une solution symbiotique, mais comporte souvent la confrontation à des stéréotypes auxquels il leur est difficile d'échapper. (Aissaoui L., De Sousa M. 2008)

4.4. Une France intégratrice ?

L'intégration est un processus interactif qui "demande un effort réciproque [à l'immigré et à la société du pays d'accueil], une ouverture à la diversité qui est un enrichissement mais aussi une adhésion et une volonté responsable pour garantir et construire une culture démocratique commune". C'est la question que s'est posée le Haut Conseil à l'Intégration (HCI): « la France sait-elle encore intégrer les immigrés ? » dans son « Bilan de la politique d'intégration en France depuis vingt ans et perspectives » (HCI 2011).

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Le HCI commence par rappeler que l'intégration n'est pas un problème à résoudre, mais un processus toujours renouvelé, au fur et à mesure que des immigrants sont intégrés, il en arrive d'autres qui devront l'être (180 000 par an).

Le HCI souhaite aussi pointer quelques chiffres révélateurs de l'efficacité de l'intégration : « 65% des descendants d'immigrés vivent en couple avec des personnes de la "population majoritaire" », et plus particulièrement les hommes.

Ils indiquent que le sentiment national est loin d'être absent, « seuls 16% d'immigrés ayant la nationalité française ont peu ou pas le sentiment d'être Français, ce qui est bien inférieur, semble-t-il à d'autres enquêtes effectuées à l'étranger ». (HCI 2011).

A l'inverse, le HCI note également que « les ratés de l'intégration, même minoritaires, sont particulièrement graves et douloureux. Lorsqu'une partie de la jeunesse des banlieues développe une contre-culture hostile à la France, se montre violente, les dégâts sont impressionnants. Lorsque certains revendiquent des droits particuliers qui heurtent la laïcité et la conception que nous avons de l'égalité homme-femme, les frictions sont fortes. La méfiance s'installe. Et ce terreau nourrit les craintes et les extrémismes. »

Le Haut Conseil à l'Intégration recommande de s'attaquer aux « ghettos communautaires » : « les concentrations communautaires se renforcent dans le logement social. On rencontre beaucoup plus de familles africaines, ou maghrébines dans les ensembles les plus dégradés. Ce qui alimente grandement le communautarisme, subi ou revendiqué. » Or signalent-ils, des études menées par le Comité pour l'Egalité Raciale en Grande-Bretagne, ont montré qu'au-delà de 20% de personnes de la même origine dans un quartier, l'intégration se faisait difficilement.

Cet organisme recommande également une politique d'immigration qui maîtrise mieux les flux migratoires, différenciée par régions pour tenir compte des capacités d'accueil et d'intégration, ainsi qu'une politique d'intégration qui ne se limite pas aux primo-arrivants mais prenne en compte un suivi jusqu'aux enfants en cas de besoin, notamment pour l'apprentissage de la langue.

Le HCI Précise les enjeux qu'il identifie, et particulièrement ne pas laisser se durcir « des zones où se développent au mieux l'ignorance, au pire la détestation de la France, de la part de jeunes Français issus de l'immigration », le Haut Conseil à l'Intégration qualifie ces situations de «désintégration». « Cette situation créé un risque supplémentaire d'une crispation identitaire

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d'une large partie de la société française et d'un rejet de l'ensemble des immigrés, à l'image des dérives populistes de plusieurs pays européens.» (HCI 2011).

4.5. La dynamique des relations familiales

4.5.1. Lien familial et structuration de l'identité

Dans « Rupture, filiation, transmission : Les jeunes issus de l'immigration maghrébine » Edwige Rude Antoine (2001) recueille des récits de vie auprès de jeunes dont l'histoire commence dans la cité, à Paris, en banlieue parisienne, ou en province. « Qu'ils soient nés dans un petit village de Tunisie, du Maroc, ou d'ailleurs, ces jeunes se disent avant tout les descendants d'un immigré venu apporter sa contribution à l'économie d'un pays, anciennement colonisateur. Par ailleurs, ces jeunes appartiennent à des familles touchées par le chômage où les solidarités collectives ont été rompues. Ces jeunes sont là dans une cité, dispersés au milieu d'autres immigrés. Ils n'ont pas une place dans du collectif, encore moins dans du communautaire. Ils sont seulement des jeunes de la cité, de parents "immigrés". Ainsi, la cité est leur seul territoire comme principe structurant, leur seul groupe d'appartenance. »

Acteurs de la rupture avec le groupe d'appartenance, leurs parents ont un fantasme d'illégitimité. Ils vivent le déplacement comme une indignité, une malédiction, une chute infinie, sans aboutir nulle part. Ce déni de mémoire constitue une rupture qui efface l'histoire familiale et interdit aux jeunes de s'y inscrire. Or c'est au sein et dans sa relation à la famille que le sujet se construit et se structure en tant qu'individu. (Rude Antoine E. 2001).

Le contexte de l'immigration modifie l'image d'un père à l'autorité et au prestige hérité de la tradition ; arrivés en France ils n'ont plus d'autre identité que celle du travailleur, qu'ils peuvent perdre avec le chômage en même temps que leur poids dans la famille. Fils de pères dépossédés de leur rôle, « le domicile familial n'est plus le domicile du père et de la mère, mais celui de la mère et de son fils. Le père n'a plus de lieu.» ils auront d'autant plus de mal à se structurer en tant qu'hommes et que pères. (Rude Antoine E. 2001).

Ces observations ne sont pas sans rappeler celles effectuées par Eliane Wolff (1991) sur les quartiers déshérités de la Réunion et correspondent à une culture de misère telle que décrite par Oscar Lewis en 1961

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La perte du lieu identitaire (symbolique plus que physique), « lorsqu'elle est vécue de façon tragique, peut entraîner un véritable processus de désidentification : honte, humiliation, tendances auto-destructrices, voire transgressions de la loi. » « Lorsque ces jeunes commettent un acte délictueux, les récits montrent que surgit une culpabilité qui est en lien avec l'histoire que leurs parents portent et dont ils sont héritiers, notamment le sentiment d'une double faute, celle liée à l'acte d'émigrer et celle de la communauté d'origine qui les a laissés partir. Si l'acte délinquant peut s'expliquer chez certains jeunes comme une vengeance contre une société qui n'a pas donné une place à leurs parents et chez d'autres comme la recherche de la limite, de la loi face à un père défaillant, il est pour quelques-uns une manière de couper avec la faute des parents en commettant sa propre faute. » (Rude Antoine E. 2001).

La France s'enorgueillit d'être une terre d'accueil, mais il semble que pour une partie importante de l'opinion publique, la machine à intégrer s'est grippée avec la crise économique, déchaînant d'autant plus de passions que les craintes des uns font écho aux désillusions des autres.

La relation entre la France et les enfants d'immigrés peut ainsi être caractérisée par des appréciations diamétralement opposées de la situation de l'immigrant : en dette envers le pays qui l'accueille, compte tenu des contraintes sociales et économiques qu'il représente pour les tenants de cette analyse ; pour les autres c'est au contraire la Nation qui a fait venir les immigrants pour satisfaire ses besoins de travail ou démographiques et qui leur est donc redevable (Rémy J. 2010).

Dans le premier cas on attendra des jeunes issus de l'immigration qu'ils se montrent dignes de l'honneur et de la chance dont ils bénéficient ; dans la seconde analyse on estimera que c'est à la Nation de donner une vraie chance de réussite et d'intégration aux jeunes issus de l'immigration. Il convient de noter que dans ce cas comme dans d'autres les situations et comportements les plus choquants sont ceux que les médias et les discours politiques exploitent le plus.

Cette opposition se solde selon Julien Rémy (2010) par une « crise du don » jouant sur un plan symbolique et mettant en scène deux représentations opposées : celle d'une France qui se présente comme une créancière absolue ; celle des enfants d'immigrés pour qui c'est au

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contraire la France qui est en dette. Dans ce contexte, où chaque partie pense avoir plus donné que reçu, le don, ciment social sur lequel est bâtie chaque société, n'apparaît plus possible. »

4.5.2. Les femmes dans l'immigration

Dans un rapport du Ministère de la parité et de l'égalité professionnelle, les représentants de l'Etat réaffirment qu' « Aucune pratique traditionnelle ni religieuse ne saurait justifier l'atteinte à la dignité de la personne et l'histoire des femmes de l'immigration doit s'écrire dans le respect de nos valeurs républicaines, au premier rang desquelles se place l'égalité.» Ils signalent également que dans l'histoire de la population française, l'image de la femme de l'immigration, est celle d'une femme rejoignant son conjoint ou confinée dans la sphère domestique, considérée presque toujours par référence au père, à l'époux, au frère, à travers le prisme des traditions. Elle en devient presque invisible. (Ministère de la parité et de l'égalité professionnelle « Femmes de l'immigration » mars 2005)

Le rapport pointe cinq difficultés vécues par les femmes de l'immigration : accès aux droits, alors qu'elles se heurtent à des conflits entre les codes de la famille étrangers et les valeurs républicaines de la France ; difficulté d'être pleinement actrices de leur vie, quand elles se voient imposer une vie maritale et subissent la volonté de leur mari ; de faire respecter leurs droits fondamentaux, en particulier leur intégrité physique (mariages forcés, excision) ; participation, à parts égales, à la vie de la cité, alors que les femmes sont victimes de discriminations spécifiques à l'embauche ; enfin, la difficile reconnaissance par l'ensemble de la société, quand celle-ci véhicule des images stéréotypées ou fausses à leur égard. (Ministère de la parité et de l'égalité professionnelle « Femmes de l'immigration » mars 2005).

Au cours de notre recherche, nous tenterons de déterminer si les jeunes Mahoraises et Comoriennes de la Réunion connaissent des situations similaires.

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5. Les stratégies d'intégration ou de repli identitaire des migrants

Comme nous l'avons montré, les deux stratégies, intégration et repli identitaire coexistent. La première étant la condition de l'acceptation du migrant par la communauté du pays d'accueil, l'autre étant la nécessaire conservation et transmission de la culture pour préserver une identité mise à mal par l'exil, fût-il choisi.

Au delà de ces tendances que l'on pourrait qualifier de naturelles on peut également observer des stratégies plus jusqu'au-boutistes d'assimilation à la société d'accueil, qui tourneraient le dos (ou la page) du passé et du pays d'origine. A l'inverse, par une incapacité ou un refus de s'adapter, ou encore par réaction à un accueil ressenti comme excessivement hostile et dévalorisant, certains peuvent être tentés de se replier localement ou à distance dans la culture d'origine en vivant « hors du temps et de l'espace » de la société d'accueil. Les travaux évoqués ci-dessus indiquent que ces deux cas extrêmes sont rares, voire marginaux.

Ces choix exclusifs peuvent être vécus dans la plus grande discrétion, l'invisibilité presque absolue ou au contraire revendiqués de façon militante voire violente. Ces derniers cas sont naturellement les plus visibles dans l'espace public médiatique et contribuent à façonner et renforcer les lieux communs les plus négatifs. Il est effectivement plus facile de condamner des déviances que de s'interroger sur leurs sources et participer à éviter leur survenance par une plus grande ouverture mutuelle.

5.1. L'intégration économique et sociale

L'intégration des jeunes issus de l'immigration se heurte souvent à des comportements discriminatoires, parfois d'exclusion. Bernard LAHIRE (2000) définit le racisme comme « cette somme de petites décisions, de comportements ou d'appréciations qui, enchaînées et répétées de façon routinières quasiment invisibles, composent un système dense d'actes discriminatoires et empêchent l'accès plein et entier à la jouissance des droits d'individus définis par leurs origines ethniques et raciales. »

C'est effectivement à ce type de racisme « ordinaire » que sont confrontés les jeunes issus de la migration dans leur vie quotidienne et plus particulièrement dans leur scolarité comme dans leur insertion professionnelle. Jean-François Amadieu (2004) indique qu'il est d'autant plus difficile à combattre au quotidien, et même sur le plan légal qu'il n'est pas toujours avoué ni même conscient.

Or l'intégration sociale passe avant tout par l'intégration économique, rendue plus difficile par les discriminations liées aux perceptions et attitudes négatives de la population majoritaire envers les migrants.

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5.1.1. Emploi, entreprise, aides sociales

Le premier mode d'intégration est effectivement économique ; pour être intégré, il faut être un acteur économique, pour cela il faut « être » ; c'est à dire avoir une existence légale. Cela implique d'avoir une identité officielle pour accéder à l'emploi déclaré, pour bénéficier des aides sociales, pour éventuellement créer sa propre activité économique.

Cette intégration donnera la place sociale du migrant comme de l'autochtone : salarié, allocataire ou entrepreneur. Si le migrant ne dispose pas du sésame administratif pour être en règle avec le pays d'accueil, il disparaît de la scène et tombe dans le côté obscur dont il ne sortira que lors d'évènements dramatisés par les organisations humanitaires et la presse, le plus souvent de façon anonyme et collective. « Sans papiers », clandestin, il sera condamné aux emplois non déclarés, à la précarité et à l'exploitation qui participent de la flexibilité du système officiel.

Dans tous les cas, la situation économique des immigrés, particulièrement Africains, est moins favorable que celle de la population majoritaire française. Les statistiques indiquent en effet qu'« En 2010, 2,6 millions d'immigrés sont actifs (employés ou demandeurs d'emploi) en France, dont deux tiers originaires des pays tiers (hors Europe). Les descendants d'immigrés sont 2,4 millions d'actifs en 2010, dont 40 % avec des parents originaires des pays tiers. » (Ministère de l'Intérieur - Infos migrations - janvier 2012)

Les taux d'activité (pourcentage des salariés, ou demandeurs d'emploi) des hommes originaires de pays tiers (hors Europe) sont supérieurs à ceux des Français de naissance (plus de 80 % pour les Algériens et Turcs), mais le taux d'activité des femmes est inférieur de plus de 10 points (28,7 % chez les Turques et 48 % chez les Maghrébines) à l'exception des femmes originaires d'Afrique hors Maghreb (+ 5 points depuis 2007) dont le taux d'activité dépasse celle des Françaises de naissance. (Ministère de l'Intérieur - Infos migrations - janvier 2012)

Les immigrés des pays tiers représentent en France 6 % des actifs (employés ou non) mais 13 % des chômeurs. Au sein de la population immigrée, les immigrés d'Afrique représentent 45 % de la population active mais 61 % des immigrés chômeurs. A l'inverse, les immigrés de l'Espace Economique Européen (EEE) ne représentent que 17 % des chômeurs immigrés pour 33 % des actifs.

La publication Infos et Migrations (2012) précise encore que « Entre 2007 et 2010, le chômage a augmenté de 1,4 point pour l'ensemble de la population. Les descendants d'immigrés ont été

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deux fois plus touchés (+ 3% et +4% pour les originaires des pays tiers). Les immigrés et les descendants des pays tiers gardent un taux de chômage deux fois supérieur au reste de la population. Les femmes immigrées des pays tiers en ont moins souffert, surtout celles ayant la nationalité française.» Le taux de chômage s'est fortement dégradé chez les descendants de ces pays (+ 4 points par rapport à 2007). Il s'établit à 24,2 % contre 20,2 % chez les immigrés de même origine.

Même dans le cas où ils sont employés, que ce soit en termes de catégories socioprofessionnelles (CSP), de statuts précaires (contrat à durée déterminée ou intérim), de travail à temps partiel subi ou de secteurs d'activité, la situation des immigrés et de leurs descendants est encore moins favorable que pour le reste de la population. (Ministère de l'Intérieur - Infos migrations - janvier 2012)

5.1.2. Les jeunes issus de l'immigration dans les pays occidentaux

Vitraulle Mboungou constate que « L'une des principales raisons qui poussent beaucoup d'immigrants africains à s'installer dans les pays occidentaux, est d'offrir de meilleures possibilités économiques à leurs enfants en leur assurant une meilleure éducation. Aussi, leur réussite scolaire et par corrélation professionnelle est primordiale pour ces parents, et particulièrement lorsque ces derniers possèdent un niveau d'éducation assez faible et ont dû faire de nombreux sacrifices pour cette réussite. » (Mboungou V. mars 2011)

« Par ailleurs, la place que peuvent occuper ces immigrants de la « deuxième génération » comme on a l'habitude de les appeler, reflète souvent le processus à long terme d'intégration de leurs parents. En effet, les performances sur le marché du travail de ces enfants d'immigrants élevés et éduqués dans les pays d'accueil des parents, servent souvent de point de référence en matière de réussite des politiques d'intégration. » (Mboungou V. mars 2011)

Des études réalisées en Europe, au Canada et aux États-Unis, pays d'accueil des migrants africains, et confirmées par un rapport OCDE de 2009, montrent que leurs enfants ont plus de difficultés à s'intégrer sur le marché du travail que les enfants de parents nés dans ces mêmes pays. De plus le niveau de salaires perçus est inférieur à niveau scolaire égal, ce qui n'est pas vrai pour les immigrés issus des pays développés. Les sacrifices consentis pour les études (chères en Amérique du Nord) ne constituent pas toujours à cet égard, un bon investissement.

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En France, comme ailleurs, le taux de chômage diminue avec le niveau de diplôme, mais celui des immigrés des pays tiers est toujours supérieur (10 % ou plus) à celui des Français d'origine, quel que soit le niveau de diplôme. Les descendants d'immigrés des pays tiers ont, pour tous les diplômes, des niveaux de chômage encore supérieurs. Leur niveau élevé de chômage s'explique en partie par la part des jeunes de moins de 25 ans sans diplôme, trois fois plus nombreux au sein de ces descendants que dans le reste de la population. Leur taux de chômage atteint 40,5% pour les non diplômés (45,6% chez les hommes). (Ministère de l'Intérieur - Infos migrations - janvier 2012)

Les jeunes d'origine étrangère peinent à trouver un emploi, comme le signale l'Observatoire des Inégalités (chiffres CEREQ 2004, publication INSEE 2009). Trois ans après la fin de leurs études, les jeunes diplômés occupent un emploi dans 80% des cas pour les français de naissance, ce chiffre tombe à 66% pour les enfants issus de deux parents nés à l'étranger. Et ce constat masque encore une inégalité en fonction des origines, le taux tombe à 60% pour les maghrébins et sub-sahariens.

Cet article reconnaît l'existence de discriminations ethniques sur le marché de l'emploi et rappelle que jusqu'à une date récente, le principe d'égalité des citoyens ne permettait pas de reconnaître les origines ethniques des citoyens et masquait les discriminations que subissent les personnes issues de l'immigration, contrairement au principe de discrimination positive « affirmative action » à partir de 1964 aux Etats Unis.

« La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) indique que le recueil de données relatives à l'origine raciale ou ethnique n'est pas possible, aucun référentiel national de typologies « ethno-raciales » n'existant aujourd'hui. Dans le cadre d'une politique de diversité, seuls peuvent être recueillis et traités le nom du candidat à l'emploi ou de l'employé, son prénom, sa nationalité, sa nationalité d'origine le cas échéant, son lieu de naissance, la nationalité ou le lieu de naissance de ses parents, son adresse. » Ce sont ces données qui sont utilisées par le CEREQ pour ses études. (INSEE 2009)

Patrick SIMON, (INED 2005) explique ces écarts en grande partie (les deux tiers) par une discrimination liée à des différences dites de dotation (niveau de diplôme, profession des parents, stages...), mais qu'un tiers peut être expliqué par une discrimination liée aux origines ethniques « un critère illégitime et illégal dans le recrutement » susceptible de s'appliquer encore à la génération suivante.

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Jean-François Amadieu, dans une étude pour l'Observatoire des Discriminations (2004) a vérifié l'incidence des variables de discrimination à l'embauche par rapport à un candidat (fictif) de référence (Homme, nom et prénom français, réside à Paris, blanc de peau, apparence standard) en faisant varier une seule caractéristique (sexe, âge, origine ethnique, handicap, physique disgracieux, quartier difficile). Le candidat domicilié dans un « mauvais » quartier n'obtient que 60% de réponses, celui dont le nom révèle une origine « ethnique » (marocaine en l'occurrence) 19%.

La barrière se trouve au niveau du CV, donc des préjugés, puisqu'à l'entretien, les recruteurs se laissent séduire par les « bons profils » ethniques. Ce qui montre que c'est de la méconnaissance que naissent la méfiance et le rejet. Le rapport se conclut en ces termes « Il est évident que le cumul de plusieurs facteurs de discrimination (lieu de résidence, origine maghrébine par exemple) conduit à une exclusion considérable du marché du travail ».(Amadieu JF. Observatoire des Discriminations2004)

De manière générale, le CEREQ (relief N°34, 2011) relève quatre grandes catégories de ségrégations et de discriminations. Les ségrégations spatiales, liées au lieu d'habitation, les ségrégations sociales, et particulièrement scolaires (voir ci-dessous), des ségrégations liées à la segmentation du travail (type d'emplois, différentiels salariaux, accès aux responsabilités), et des ségrégations de genre (voire d'orientation sexuelle) s'appliquent toutes aux populations issues de l'immigration avec souvent un effet cumulatif.

D'après Vitraulle Mboungou (mars 2011), cette discrimination professionnelle expliquerait « le nombre croissant d'enfants d'immigrants africains qui quittent les pays d'accueil de leurs parents pour immigrer ailleurs ou retourner dans les pays d'origine de ces derniers »

Une tentation qu'il conviendra d'analyser chez les jeunes Mahorais et Comoriens de la Réunion à le lumière de leur ressenti sur d'éventuelles discriminations à leur égard.

5.2. L'intégration par l'école 5.2.1. Attentes et réalisations

Les mobiles de migration évoqués par les migrants correspondent souvent à un souhait de meilleures conditions de vie pour eux, mais surtout pour leurs enfants. Ils sont conscients que cette recherche de promotion sociale passe par la scolarisation, condition également importante

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de l'intégration linguistique et culturelle. Ils en perçoivent donc les enjeux et placent souvent de grands espoirs dans le système scolaire français.

Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur de leurs espérances. Peut-être en demande t'on trop à l'école en lui confiant la tâche de faire des « petits français comme les autres » (adopter des « ancêtres gaulois », image pas si lointaine) dès la première génération scolarisée, avec tous les jeunes qu'on lui confie, indépendamment de leurs origines, cultures et aspirations.

Le Haut Commissariat à l'Intégration (HCI -2011, op. cité) présente l'importance de l'école dans l'intégration des immigrés, explique que l'école républicaine constitue un espace d'intégration sociale, de proximité, de voisinage, de village, de quartier pour le niveau primaire; d'accueil de tous les élèves sans s'arrêter à leurs différences ; de transmission des connaissances, qui contribue à l'appropriation des valeurs et des codes du « vivre ensemble » dans une société organisée ; et prépare à l'entrée dans la vie sociale et professionnelle.

Le HCI rappelle que l'intégration passe par deux éléments principaux, l'apprentissage et la maîtrise de la langue française, la transmission des éléments de culture républicaine, démocratique et laïque. Face à ces objectifs, les difficultés ne manquent pas. La précarité, la paupérisation des populations immigrées, leur concentration sur des quartiers défavorisés rendent la mission intégratrice de l'école moins efficace. Les différences d'orientation ou de cursus, le taux de redoublement ou la sortie du système scolaire sans diplôme sont autant de problèmes pour l'école et pour l'insertion sociale et professionnelle des jeunes issus de l'immigration. Le HCI réaffirme que la lutte contre l'échec scolaire est une priorité de l'école et de la société.

Dans sa conclusion, l'analyse du HCI pointe que les élèves immigrés ou issus de l'immigration, sont les révélateurs d'une école qui ne parvient pas à pallier les inégalités sociales et culturelles et qui doit faire face chaque année à de nouveaux migrants ; mais qu'il faut refuser le déterminisme des origines et des cultures ; ne pas sous-estimer ses réussites et le rôle d'ascenseur social qu'elle a pu jouer pour nombre d'entre eux. (HCI 2011)

Louis-André Vallet et Jean-Paul Caille (1999) rappellent que les enfants d'immigrés comptent parmi les élèves qui risquent le plus de connaître des difficultés ou des échecs scolaires, l'orientation vers les filières les moins prestigieuses du système éducatif et des sorties précoces ou sans diplôme.

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Pourtant les trajectoires scolaires des enfants d'immigrés sont plutôt meilleures que celles des autres catégories défavorisées. L'explication principale en est dans les aspirations éducatives plus fortes et les demandes d'orientation plus ambitieuses effectuées par les familles immigrées, par rapport aux autres familles socialement comparables. (Vallet L.A., Caille J.P., 1999)

On peut conclure de leurs travaux que les problèmes de scolarité que connaissent les jeunes issus de l'immigration ne sont pas dus à la migration en elle-même mais au fait qu'ils appartiennent aux catégories sociales défavorisées.

Cette analyse serait plus optimiste si la crise économique que connaissent la plupart des pays n'avait pas sérieusement grippé « l'ascenseur social », pour eux comme pour l'ensemble des populations défavorisées. Il est tout aussi clair que « l'escalier de service » qui permettrait d'accéder aux étages supérieurs de la société est long, raide, et jonché de désagréments.

5.2.2. Des acteurs sociaux critiques et revendicatifs

Jean-Pierre Zirotti (2006) constate que « Quand une expérience scolaire négative est fortement partagée, conséquence des pratiques de regroupement dans des établissement et/ou dans des classes et filières dévaluées, et qu'elle entre en résonance avec d'autres expériences propres à d'autres sphères de la vie sociale où s'expriment aussi, sous d'autres formes, l'inégalité sociale souvent articulée à la stigmatisation d'une identité sociale, comme c'est le cas pour ces jeunes Maghrébins, alors la possibilité de points de vue et de comportements spécifiques est ouverte. »

C'est quand ils sont engagés, par exemple, dans des étapes décisives de leur parcours scolaire, préoccupés d'obtenir des affectations dans des filières conformes à leurs projets et avertis, par le partage de cette connaissance quasi objective au sein du groupe d'appartenance, du fort risque de relégation vers des voies sans issues valorisées, que s'exprime plus fréquemment cette posture revendicative. » (Zirotti J.P. 2006)

Il s'agit de réactions conscientes aux traitements sociaux et scolaires qui leur apparaissent comme injustes, car inégaux, et discriminants. Les élèves maghrébins expriment pour la plupart le projet d'obtenir au moins un titre universitaire de niveau « bac + 2 » (Brevet de technicien supérieur ou Diplôme universitaire de technologie), alors qu'ils sont le plus souvent orientés vers des formations professionnelles non souhaitées. Pour maintenir dans ces conditions leur niveau d'aspiration sociale, ils doivent combattre les catégorisations propres à l'école et les

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conséquences négatives des appréciations scolaires et des décisions d'orientation. Catégorisés en élèves « faibles », « en difficulté », ils s'opposent à ce marquage en contestant les modes d'évaluation. En réclamant une orientation scolaire favorable, ils demandent à l'école la promotion sociale, la correction des inégalités sociales qui les frappent, ce qui les distingue des autres élèves des milieux populaires. (Zirotti J.P. 2006)

Les aspirations professionnelles, des enfants d'immigrés correspondent très majoritairement à l'impératif de bien gagner leur vie (73 % contre 65 % des jeunes de parents non immigrés et 69 % des enfants de famille mixte). Cette plus forte préoccupation financière des enfants d'immigrés peut s'interpréter comme la volonté d'améliorer des conditions matérielles d'existence qui sont en moyenne moins favorable que celles des autres jeunes. (INSEE 2005)

5.3. L'intégration par les réseaux affinitaires : famille, amis, le mouvement associatif

5.3.1. Des relations familiales basées sur la proximité

L'INSEE (2005) indique que pour l'ensemble de la population, les relations familiales sont directement liées à la taille du réseau de parenté et à la position dans le cycle de vie : les rencontres avec la famille se réduisent avec la mise en couple, mais s'intensifient à nouveau avec la venue des enfants.

Pour les immigrés, l'intensité des relations familiales dépend avant tout de la proximité géographique des membres de la famille. Cette proximité est moins fréquente que pour les Français « enracinés ». Le fait d'avoir des membres de la famille dans la région d'origine est lié avec l'âge d'arrivée, plus on arrive jeune, plus la probabilité est forte. Quand des membres de la famille habitent dans la même région, les immigrés ont des relations familiales régulières, (plusieurs fois par mois), beaucoup moins en cas d'éloignement. (INSEE 2005)

La langue joue un rôle également, les immigrés déclarant ne pas bien parler le français ont davantage de contacts avec leur famille, les relations extérieures étant rendues plus difficiles. (INSEE 2005)

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5.3.2. Un ancrage originaire pour les arrivants, spatial pour les natifs, affinitaire ensuite

Les relations avec les amis d'enfance sont plus fréquentes pour les jeunes issus de l'immigration que pour l'ensemble de la population. Pour les migrants, l'amitié entre personnes originaires du « même endroit » est déterminante au moment de l'installation, mais diminuent rapidement avec le temps. (INSEE 2005)

Pour les jeunes issus de l'immigration nés en France, le réseau amical est constitué de « personnes partageant les mêmes valeurs, d'amis d'enfance, de personnes du voisinage et de relations professionnelles. » (INSEE 2005)

A partir de 35 ans, les relations professionnelles ou de voisinage deviennent plus importantes pour tous. Ceux qui maîtrisent bien la langue ont plutôt un réseau amical basé sur les valeurs ou le mode de vie, ceux qui la maîtrisent moins bien ont plus de relations amicales avec leurs voisins. Seuls les cadres ont un réseau amical basé sur des critères professionnels. (INSEE 2005)

5.3.3. Une participation associative moindre, un lien social

Les immigrés, natifs ou non, participent beaucoup moins à la vie associative, et y assument moins de responsabilités que la population générale. Leur engagement constitue une compensation quand les relations familiales sont peu fréquentes. C'est un moyen de rencontrer des personnes qui leur ressemblent et partagent les mêmes goûts. L'engagement augmente avec le niveau d'études, la maîtrise du français, mais aussi quand le migrant est arrivé jeune ainsi que pour les célibataires. (INSEE 2005).

Les natifs issus de l'immigration adhèrent le plus souvent à des associations de loisirs, comme les originaires. Par contre les migrants des pays tiers se tournent plus vers les associations à but humanitaire. (INSEE 2005).

5.3.4. Un lien identitaire local

La Cité Nationale de l'histoire de l'immigration explique sur son site (2012) que « dans un premier temps, hier comme aujourd'hui, quelles que soient les conditions de vie, les immigrés

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cherchent à rejoindre des compatriotes et constituent avec eux des microsociétés. Cette force de l'entre-soi contribue parfois à alimenter stéréotypes et rejet dans la société française. »

« Espaces de rencontres et de convivialité autour de valeurs partagées, voire revendiquées, les associations (communautaires) tiennent une grande place dans la vie des immigrés. On peut y perpétuer les traditions du pays d'origine et y célébrer celles du pays d'accueil. » (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration 2012)

« De nombreuses publications sont éditées en France par et pour les immigrés, dans leur langue, parfois dans celle du pays d'accueil. Bulletins et journaux donnent des nouvelles du pays et font l'objet de lectures collectives pour ceux qui ne peuvent pas lire. Les revues et oeuvres littéraires, politiques et scientifiques, animent la vie culturelle des élites. La presse fait le lien non seulement entre la France et le pays d'émigration, mais aussi entre les groupes d'une même origine, dispersés de par le monde. » (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration 2012)

Ces publications présentent néanmoins la particularité de se montrer fragiles, donc souvent éphémères, comme on pourra l'observer au chapitre 3.

Les comportements identitaires et communautaires décrits ci-dessus seront analysés dans le cas des Mahorais et Comoriens réunionnais.

5.4. Le maintien des liens originels et la communauté identitaire

La plupart des immigrés, de leurs enfants maintiennent des liens plus ou moins serrés avec leur « pays » (dans le sens national ou local) d'origine, partis pour améliorer leur vie, ils sont souvent aussi pourvoyeurs de moyens d'existence de leurs proches restés au pays, qui comptent souvent sur eux pour obtenir des revenus, pour faciliter leur propre immigration, les études des jeunes sur place au dans le pays d'accueil. En retour, les migrants gardent souvent leur place et leur influence dans la famille originelle, participent parfois à la vie économique (investissements) et politique (Manga M. 2011), préparent éventuellement leur retour.

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5.4.1. La famille, le pays : attentes croisées, volonté d'intervention du migrant

« Entre l'envie de reconstituer, ici, la vie de là-bas et le sentiment d'être en suspens entre deux mondes, les immigrés gardent des liens à la fois matériels et immatériels avec leur pays d'origine. Ces liens façonnent la nouvelle vie en France. » (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration 2012)

« Pour faire face à la distance et à l'absence souvent douloureuse, les immigrés qui ont gardé des proches au pays maintiennent le plus souvent des liens avec eux. Dès avant 1914, un événement important peut être partagé par une lettre, voire une photographie. La banalisation du téléphone, puis des moyens de communication les plus modernes, réduisent l'éloignement, jusqu'à donner le sentiment d'une véritable présence, d'un bout du monde à l'autre ». (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration 2012)

« La pratique des transferts financiers est depuis longtemps commune à des millions d'immigrés, de toutes origines. Le plus souvent, ces transferts servent à soutenir les proches restés au pays. Certains contribuent aussi au développement local par le biais de réseaux associatifs. » Par exemple, « depuis les années 1990, les associations de Maliens immigrés en France sont les principaux acteurs de la construction d'infrastuctures : puits, écoles, centres de santé...» (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration 2012)

L'aide à la famille restée au pays constitue la principale motivation de ces envois. Le cabinet SOLIS, spécialisé dans les études marketing ethniques précise que 54.9% de la population originaire d'Afrique du Nord et 66.9% de celle originaire de l'Afrique subsaharienne effectuent des transferts de fonds vers leur pays d'origine. Ces transferts passent principalement par des voies informelles (familiale, affinitaire), mais les réseaux financiers internationaux se développent et captent une partie de ces flux. (SOLIS juin 2009)

« L'immigration n'est pas une histoire figée. Elle s'accompagne, pour ceux qui le peuvent, de mouvements fréquents entre la France et le pays d'origine. Dans certains cas, le retour des immigrés au pays peut devenir définitif : fin du régime d'oppression pour des exilés, volonté de participer à la renaissance du pays d'origine, promesse de travail ou nostalgie ». (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration 2012)

« Une partie des exilés poursuit en France le combat impossible au pays. Les insurgés polonais, les Russes blancs, les antifascistes italiens, les antinazis allemands, les Républicains espagnols,

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les dissidents portugais ou les réfugiés latino-américains trouvent ici le lieu d'un exil militant. Dans l'entre-deux-guerres, les ouvriers et intellectuels venus des colonies trouvent en métropole un espace politique favorable à la création de mouvements nationalistes. Se croisent alors à Paris les futurs dirigeants des indépendances. » (Cité Nationale de l'histoire de l'immigration 2012) on comprendra aisément qu'avec le développement des TIC, ce soit encore plus facile (techniquement) et plus fréquent de nos jours que par le passé.

Loin de promouvoir l'assimilation des immigrants et la rupture avec les pays d'origine, le Comité des Ministres Européens affirme dans une recommandation de 1984, l'importance des liens culturels des migrants avec le pays d'origine, non seulement pour faciliter leur réinstallation en cas de retour aussi le processus d'intégration dans le pays d'accueil. Des recommandations sont présentées dans les domaines de l'éducation, la formation des adultes, la constitution d'associations de migrants, la religion, les médias ainsi que les activités culturelles et de loisirs. La recommandation incite fortement les gouvernements à appuyer les médias utilisées par les migrants, « faciliter la réception des émissions de radio et de télévision, la diffusion des périodiques et des livres des pays d'origine, et à encourager les programmes de télévision conçus pour les migrants. » Ils recommandent aussi « d'encourager la participation des enfants de migrants aux activités de loisirs dans leur pays d'origine. »

La diffusion des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC), largement utilisées par les migrants (Diminescu D. 2005) facilite la constitution de communautés diasporiques, qui seront étudiées dans le chapitre 3.

5.4.2. La dialectique du retour : du souhait à la réalisation (parfois)

Le retour peut-être plus ou moins rapide, plus ou moins définitif ; de nombreux immigrés gardent des liens relationnels et économiques (propriétés, habitations) avec leur pays, par l'entremise de leurs proches restés au pays. Les voyages en allers-retours plus ou moins réguliers sont fréquents.

Lila Belkacem (2012) a étudié deux formes de retour au pays d'origine pour des jeunes maliens : retour forcé pour des jeunes «envoyés au pays» par leurs parents après avoir commis des actes de délinquance, et participation à une « colonie de vacances » au Mali organisée par des immigrés maliens pour leurs enfants dans leur région d'origine. Il s'agit dans un cas de vacances

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identitaires, dans l'autre cas de sanctions qui n'interdisent pas nécessairement un retour au pays d'accueil.

Une étude de l'OCDE (2008) signale que « Selon le pays de destination et la période considérée, 20 % à 50 % des immigrés admis pour plus d'un an quittent leur pays d'accueil dans les cinq ans suivant leur arrivée, soit pour retourner chez eux, soit pour s'installer dans un autre pays (émigration secondaire). Des flux de retour substantiels ont également lieu au moment de la retraite. En général, les retours sont spontanés et se produisent à l'initiative des migrants ».

« Cela suggère que les migrations de long terme sont plus dynamiques qu'on ne le pense habituellement. Les taux de retour mentionnés ci-dessus sont également observés dans des pays comme le Canada, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, qui accordent pourtant le droit de résidence permanente aux immigrants de long terme dès leur arrivée, et où l'accès à la citoyenneté est relativement facile

« Dans la plupart des cas, les déterminants individuels sont primordiaux dans la décision de retour. Les politiques des pays d'accueil et des pays d'origine visant à encourager ou attirer les retours n'ont eu, à ce jour, que peu de succès. » « Quoi qu'il en soit, les immigrés de long terme ont assez peu d'incitations à retourner, en particulier s'ils ont fait venir leurs familles et si leurs enfants sont nés et ont été éduqués dans le pays d'accueil. » « De la même manière, les efforts de certains pays d'origine pour inciter leurs ressortissants résidant à l'étranger à revenir ont eu un impact limité. Les résultats empiriques montrent que les retours vers les pays d'origine se produisent lorsque les conditions économiques sont bonnes et que de nouvelles opportunités existent. » (OCDE 2008)

« Quand les retours se produisent effectivement, les ressources humaines et financières rapportées par les migrants peuvent contribuer à alimenter la croissance, en particulier si les gouvernements favorisent une utilisation efficace de ces ressources.» (OCDE 2008)

Un désir de retour légitime, souvent des projets qui resteront parfois inassouvis ou fantasmés par les évolutions connues de part et d'autre contribuent à la création d'un « mythe du retour » évoqué par William Safran (1991), commun à la plupart des migrants, et que nous tenterons de déceler, ou non, chez les Mahorais et Comoriens de la Réunion.

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5.5. Les pratiques linguistiques et les migrants :

5.5.1. Les langues originelles et l'acquisition du français : langues communautaires, langue intégratrice

Selon l `INSEE (2005), les trois quarts des immigrés arrivés jeunes avec leurs parents, ou adultes ont été élevés exclusivement dans une langue étrangère. Un sur cinq seulement a aussi le français comme langue maternelle. Moins d'un sur dix, natif des anciennes colonies ou arrivé très jeune a été élevé exclusivement en français.

Plus ils sont arrivés jeunes, plus ils ont passé de temps en France et moins ils pratiquent la langue étrangère d'origine. La langue maternelle étrangère est toujours utilisée à l'âge adulte dans près de neuf cas sur dix, avec l'entourage, un peu moins s'ils sont arrivés avant l'âge de 10 ans (4/5). (Les immigrés en France, INSEE 2005)

Les immigrés arrivés avant l'âge de 10 ans considèrent presque toujours avoir une bonne maîtrise du français, ceux arrivés après 25 ans, une fois sur deux seulement. Cette maîtrise est longue à acquérir, si c'est le cas pour deux immigrés sur trois au bout de 25 ans, ce n'est pas le cas pour la moitié des familles arrivées depuis moins de dix ans.

Même s'ils ont été élevés dans une autre langue, dans la majorité des familles immigrées le père comme la mère parlent principalement le français à leurs enfants. Et les enfants éduqués en français l'utiliseront en priorité et le transmettront à leurs propres enfants. Dans pratiquement toutes les familles mixtes, le français est la langue de communication entre parents et enfants. (Les immigrés en France, INSEE 2005)

5.5.2. Un plurilinguisme obligé

Langues d'accueil, nationales ou sociales ; langues d'origine, langues utilitaires (langues étrangères acquises), les jeunes issus de la migration sont rarement unilingues : élevés dans l'une, intégrés dans l'autre, ils ont parfois plusieurs langues originelles et leurs pays sont parfois biculturels comme c'est le cas en Belgique, au Canada, mais également à La Réunion. Ils doivent aussi apprendre des langues étrangères au cours de leur scolarité.

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Stéphanie Condon et Corinne Régnard (2010) constatent que loin de constituer un handicap, pour la plupart des immigrés être bilingue ou plurilingue est une richesse qui lui permet de structurer son identité propre, et de s'intégrer dans le pays d'accueil comme dans sa communauté d'origine.

Pour les immigrés, la maîtrise de la langue du pays d'immigration constitue un facteur d'intégration professionnelle et sociale incontournable. Pour leurs enfants nés et élevés dans ce pays, outre son importance dans la vie familiale, l'acquisition des langues des parents peut parfois représenter une ouverture dans le domaine professionnel, social, culturel. (Condon S. Régnard C. 2010)

Bilingues ou plurilingues, les enfants d'immigrés apprennent à jouer un rôle de médiateur lorsque les parents ne maîtrisent pas suffisamment la langue de l'environnement. Leur héritage plurilingue combine ainsi une pratique du français les insérant dans leur génération, et leur environnement social, et la pratique d'une ou deux langues étrangères qui les ancre dans leur famille élargie. (Condon S. Régnard C. 2010)

La transmission linguistique, le maintien de liens avec les pays d'origine, les séjours réguliers, la volonté de participer (par l'information ou par l'action) aux affaires du pays permettent aux jeunes issus de l'immigration de bénéficier d'un espace de vie transnational. L'étude révèle que la majorité des descendants a un très bon niveau en langues étrangères reçues, à l'oral, mais aussi à l'écrit. Cela démontre des qualités et un potentiel encore très méconnus par la société comme par les intéressés. (Condon S. Régnard C. 2010)

Les différentes langues utilisées dans la migration sont souvent hiérarchisées en termes d'utilité ou de prestige social. Ainsi, certaines langues ou dialectes des pays anciennement sous tutelle française ont été dévalorisés par rapport au français, langue d'intégration et de réussite sociale. (Condon S. Régnard C. 2010)

Nous observerons ces phénomènes linguistique à la Réunion, et particulièrement pour les usages des jeunes Mahorais et Comoriens.

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Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion : Stratégies d'adaptation et moyens de communication

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry