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« Comment notre héritage culturel et historique influence-t-il encore notre monde actuel ? A travers l'exemple du luxe en France. »

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par Ambre Saclier
BBA INSEED - Master 1, Diplôme dà¢â‚¬â„¢école de commerce BBA INSEEC (reconnu et visé par là¢â‚¬â„¢État) 2016
  

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CHAPITRE 11 : Le cercle vertueux de la démocratisation

Tout ce qui paraît luxueux aujourd'hui a pour vocation de se vendre demain à une grande échelle et à un prix modéré. Ces dernières années ont vu le luxe descendre dans la rue. L'inaccessible est devenu accessible. C'est l'apparition du nouvel oxymore du luxe qui se vend bien. Ce nouveau cycle de démocratisation du luxe se souligne d'autant plus que par l'effondrement du pôle sur mesure dans les marques de luxe, supplantés par l'essor considérable des biens de première catégorie comme le parfum, le maquillage, les accessoires ou encore le prêt à porter.

Néanmoins, l'inaccessible est-il vraiment devenu accessible ? N'en n'est-il pas moins qu'une illusion ? Quand les marques dites de luxe acceptent de dessiner des choses plus abordables pour des enseignes de grande diffusion (à l'instar de Balmain pour H&M), certains pensent que cela dévalorise la marque. J'appartiens à l'autre école. A mon sens, les marques de luxe qui se prêtent à ce jeu ne perdent sans doute pas leurs clients habituels. Ses acheteurs vivent trop haut perchés pour voir l'écume du commerce de proximité du commun des mortels. Le nom sur l'étiquette ne fait pas tout : les vêtements Balmain vendus chez H&M ne sont pas des produits de luxe, à la différence des vêtements Balmain qui se trouvent dans la boutique Rue François 1er à Paris. Non seulement à cause du prix, mais aussi par la qualité des matériaux, les finitions et le travail engagé dans les créations. Le luxe réside dans l'art des détails.

Le beau attire, c'est bien connu. Les clients qui achètent de la Haute Couture ne permettent pas forcément à la marque de prospérer économiquement. C'est en effet sur ce segment que les marques margent le moins, car les matières premières et le travail fait main coûtent extrêmement cher. Pourtant, les enjeux de croissance sont devenus essentiels pour la survie d'une marque. Alors elles font en sorte que l'enthousiasme généré par les produits d'exception découle sur d'autres produits, plus accessibles. En effet, même acheter un petit objet signifie l'adhésion du client, une entrée dans l'univers de la marque, puisque sa communication déploie des réseaux d'appartenance à des mondes communs. En effet, la jouissance esthétique rend plus facile le fait d'aimer et de sympathiser. Et la sympathie abolit les distances.

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De plus, l'augmentation de quantités des produits et l'amélioration de la qualité de ces mêmes produits apportent une satisfaction toujours plus complète aux désirs de consommation.

Dès lors que les biens deviennent plus disponibles et plus adaptés à l'époque en question, le bien-être se développe dans les différentes classes sociales. C'est ainsi que des produits qui étaient autrefois réservés à une certaine élite atteignent les classes moins fortunées. Cette vulgarisation des jouissances raffinées entraine forcément la manifestation d'un luxe plus « populaire », loin de celui des gens privilégiés.

Comme à la fin du Moyen-Âge, lors de l'invention de la mode, l'importance de l'innovation et des changements joue un rôle primordial dans nos sociétés. Il y a 500 ans, les nouveaux systèmes bancaires, le goûts pour les grands voyages (rendues possibles par des innovations) et tout ce renouvellement a pris le pas sur les traditions ancestrales : on accorde plus de place au nouveau.

De même, avec l'essor de la consommation des loisirs et du bien-être dans les années 1950-1960, le superflu est non seulement devenu nécessaire, mais il est surtout logiquement devenu une aspiration de masse. Ainsi, le caprice se vit remplacé par la coutume.

Il est aussi intéressant de mettre en lumière un autre phénomène. En 1670, le point central des gravures de mode, que les créateurs français diffusaient dans le monde, était le vêtement en lui-même. Quelques années plus tard, aux alentours de 1690, l'accès était en revanche plutôt mis sur le style de vie que procuraient ces vêtements. Le message que voulaient faire passer ces gravures était que si le client lambda ressemblait aux dames de la Cour, alors il partagerait un petit bout de leur style de vie. Cette évolution fut exactement la même dans la photographie du siècle dernier. En effet, dans les campagnes de publicité des grandes marques, il est plus question de montrer l'univers, l'ambiance de la marque que de flatter les produits en eux-mêmes. Ils sont incorporés à un décor particulier, qui véhicule lui aussi des messages de grandeur. Le message est exactement le même quand les marques

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d'aujourd'hui en choisissant des égéries célèbres. Les gens célèbres ont de tout temps étaient privilégiés. En effet, ils parlent déjà à l'imaginaire des masses.

Comme dans cela s'est déjà produit dans le passé, le luxe emprunte des chemins différents : l'exceptionnel et l'accessible. D'où l'essor d'une nouvelle tendance, celle du mixage des produits d'exceptions avec des produits beaucoup moins coûteux dans les boutiques de luxe.

Compte tenu de tous les éléments évoqués au fil des chapitres, le luxe suit une

continuité historique. Le phénomène de « démocratisation » semble
indéniablement se répéter, au moins depuis la Renaissance. Il n'y a rien de nouveau dans cette causalité des hommes avec la consommation de biens onéreux.

Ce que démontre cette étude, c'est que la passion du luxe ne veut pas forcément dire étaler ses richesses, mais plutôt s'admirer soi-même. De nos jours, la montée de l'individualisme est telle que l'importance du regard des autres est moindre : le public veut être indépendant et différent. En effet, si les motivations d'ostentation et d'étalage de richesse sont devenues modiques, le néo-narcissisme s'accompagne d'une promotion d'une image personnelle plutôt que d'une image de classe. Le client aspire désormais à jouir de moments de volupté, pour se satisfaire lui-même avant tout. L'heure est à la primauté des sensations intimes, à la fête privée des sens plutôt qu'à la théâtralité sociale et à l'exigence de reconnaissance. Ce qui compte dorénavant, c'est l'épanouissement personnel, le frisson de l'aventure, le sentiment d'un soi victorieux, l'intensité des sensations intimes ... Si la réfection se positionne de ce point de vue, tout devient très logique, car même le fait de flamber vient s'inscrire dans le temps. Pourquoi ? Pour faire du présent un moment tellement fort qu'il en deviendra inoubliable.

Cela se confirme par la conservation d'une consommation assez cérémonielle des produits de luxe. Dans l'opinion publique, encore aujourd'hui serait considéré comme un véritable sacrilège de consommer un Grand Cru dans la précipitation dans des gobelets en plastique, sans avoir pris le temps d'admirer la robe et d'humer le bouquet. Pareillement, le chef d'un grand restaurant gastronomique fait office de « maître de cérémonie ». C'est à s'en demander s'il est peut-être là, tout

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le charme du luxe : il est capable de ressusciter une aura de sacré, de fournir une tonalité cérémonielle à l'univers des choses, de réinscrire la ritualité dans le monde désenchanté.55

Si le luxe est question d'adhésion à des valeurs, de style de vie et d'émotions plus que de prix, alors la « démocratisation du luxe » ne veut rien dire. Si le luxe en France est étudié d'un point de vue historique, alors il apparaît clairement que de tous temps, le luxe s'est toujours adressé aux classes montantes aussi bien qu'à la haute société. Il apparaît aussi que ces classes montantes ont toujours aspiré à accéder à une vie sans contraintes, où le raffinement est roi. Le luxe sera toujours le contraire de l'égalité, mais il participe paradoxalement aussi à réduire les distances entre riches et pauvres. Louis Vuitton et Gabrielle Chanel étaient d'origine très modeste, mais leur bon goût les a établis ambassadeurs du luxe et ce statut reste inchangé depuis des générations.

Que la France soit le pays du luxe et des Droits de l'Homme n'est peut-être pas anodin. Elle est peut-être le seul pays qui a assumé ses paradoxes et ses contradictions. Le luxe a probablement réussi à réduire les différences en riches et pauvres, en proposant à toutes les parties de sa population de cultiver un certain art de vivre. Et il s'est aussi imposé comme un formidable ascenseur social pour les talentueux qui ont osé tenter leur chance. Comme disait si bien Victor Hugo : « Le luxe est un besoin des grands états et des grandes civilisations. Cependant il y a des heures où il ne faut pas que le peuple le voie. Mais qu'est-ce qu'un luxe qu'on ne voit pas ? Problème. Une magnificence dans l'ombre, une profusion dans l'obscurité, un faste qui ne se montre pas, une splendeur qui ne fait mal aux yeux à personne. Cela est-il possible ? Il faut y songer pourtant. » 56

55 LIPOVETSKY Gilles, Le Luxe Éternel, Paris, Éditions Gallimard, 2003

56 HUGO Victor, Aux Tuileries dans Choses Vues, Paris, 1847, p.225.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault