Au fur et à mesure des années, les
Français ont découvert des terres pourtant peu propices à
la culture, mais qui semblaient ouvertes à la culture des vignes, et
ainsi à produire du grand vin. Le Médoc émerge des
marécages au 17ème siècle. Les domaines Saint
Emilion, Saint Estèphe et Sauternes font prospérer la
région jusqu'à la Révolution. Au milieu du
19ème siècle, le comble de la mode est d'être
propriétaire d'un vignoble en Médoc : les vendanges sont
l'occasion de rassemblements mondains. C'est de là que naquit
l'idée de château, avec des règles, des codes et des
charmes qui n'appartiennent qu'à lui.
Le champagne baptise tous les moments marquants de la vie :
c'est la boisson de la fête et des paillettes. Scintillant, le champagne
est aimé de tous. Il se doit de remercier l'abbé Dom
Pérignon, qui découvrit l'assemblage des cépages
nécessaire pour faire du Champagne. Il paraît peu inattendu que ce
soit un religieux qui le découvre, puisque depuis le Moyen-âge,
les plus gros producteurs de vins étaient les monastères. S'il
est certain que le moine fut le premier à trouver les ingrédients
propices pour donner ce goût si unique au vin doré, le secret
plane autour de la découverte du processus dans son ensemble. Certains
écrits laissent penser que ce sont les Anglais qui auraient
trouvé comment faire pétiller un vin tranquille, d'autres
prétendent que c'est Dom Pérignon qui inventa la méthode
Champenoise. La légende raconte que Dom Pérignon avait
laissé des notes de ses recherches à son ami Dom Ruinart
après sa mort en 1715. Son neveu, Charles Ruinart fonde en 1729 la plus
vieille maison de champagne. Quoiqu'il en soit, le processus qui permet au vin
de devenir effervescent ne fut complètement maitrisé qu'en 1880
avec la découverte de Pasteur sur la fermentation. Cela explique aussi
pourquoi le Champagne était aussi cher : la demande dépassait
largement l'offre parce que les pertes liées au problème de
maitrise des bulles étaient gargantuesques (de 30 à 90% des
productions).16 Aujourd'hui encore, le risque est présent
lors du remuage des bouteilles et certaines continuent d'éclater.
16 DEJEAN Joan, Du Style, Editions Grasset, 2006,
p.173
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Les grands vins et les champagnes sont de véritables
repères culturels pour leur clientèle, et il demeure encore de
grandes traditions dans ce domaine. L'élaboration d'une bouteille de vin
passe d'ailleurs par l'histoire, la civilisation, les paysages : c'est une
culture ancrée dans un terroir. Pour protéger ce patrimoine et
lutter contre la fraude, il fallait prendre des mesures et mettre en place des
réglementations. C'est ainsi que sont créées les
appellations. En France, on parle déjà de Bordeaux et de
Bourgogne depuis le Moyen-âge. Au XVIIIème
siècle, l'Américain Thomas Jefferson distingue 4 grands crus :
Lafite, Latour, Margaux et Haut Brion. La notion de cru s'établit en
Bourgogne en 1825 à l'initiative du Docteur Morelot qui analyse et
classifie le vin selon des critères bien précis : couleur, corps,
bouquet et finesse. Il faudra néanmoins attendre 1905 pour qu'une
première délimitation géographique ne soit tracée
pour les vins les plus réputés. Ce ne sera qu'à partir du
30 juillet 1935 que la qualité ne sera complètement
assurée, avec la création du Comité National des
Appellations Contrôlées.
Si rouler en Bentley et s'inonder de «N°5» de
Chanel est à la portée du premier gagnant au Loto,
déguster un grand cru ou un champagne exceptionnel n'est accessible
qu'aux palais initiés. Mais pour intégrer ce cercle d'amateurs
éclairés, il faut d'abord pouvoir en reconnaître les
symboles et surtout avoir la culture du plaisir de la dégustation,
propre à la France. Argentine, Californie ou Australie : le vin n'est
pas à l'abri des effets de la mondialisation. Si ces concurrents sont de
plus en plus soucieux de qualité et de renommée, c'est toujours
dans l'Hexagone que l'on produit les crus mythiques cités auparavant, ou
encore les Cheval Blanc, Pétrus ou autres Romanée-Conti. Tous
sont devenus des icônes au même titre que le sac Birkin
d'Hermès. La culture française a su faire grandir la
légende de ces précieux breuvages que le monde s'arrache. Toutes
les caves des plus grandes tables étoilées et des plus grands
palaces de notre pays affichent fièrement les étiquettes des
meilleurs domaines, augmentant la visibilité des bouteilles et surtout
en leur donnant une légitimité. En effet, l'important
propriétaire de vignobles internationaux, le caviste Bernard Magrez,
s'associe aux grands chefs pour corréler leurs efforts à faire
rayonner la France en terme d'art de vivre. Le restaurant de son hôtel
bordelais cinq étoiles, la Grande Maison, a vu passé des grands
noms comme Joël Robuchon (le chef le plus étoilé du monde),
et est maintenant tenu par Pierre Gagnaire, un des papes français de la
gastronomie.