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La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.

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par Joel BONGOLONGONDO
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013
  

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§2ème : Doctrine et Jurisprudence.

Hormis les sources normatives développées dans le premier §, source tirées tant des dispositions constitutionnelles, légales que des instruments juridiques régionaux et internationaux défavorables à l'extension des compétences des juridictions des Forces armées à l'égard des civils, personnes autres que les militaires, les points de vue doctrinaux et jurisprudentiels sont d'une importance irréfutable.

A. Doctrine.

Non seulement qu'elle est une source du droit, mais aussi depuis des temps immémoriaux, la doctrine contribue beaucoup quant à l'interprétation des lois et à la portée essentielle à attacher à la production législative.

S'agissant particulièrement de la compétence des juridictions militaires face aux civils, certains auteurs notamment congolais sont d'avis que les cours et tribunaux des forces armées ne jugent pas les personnes qui n'ont pas la qualité de militaire. C'est ainsi que certains s'expriment en ces termes : 

« l'option levée initialement par la législation congolaise pouvant être perçue comme une réminiscence des expériences de Nuremberg et de Tokyo sus ventées, rien ne peut présentement disculper le flux des civils devant les juridictions militaires pour répondre des actes de violations graves des droits et libertés fondamentaux des humains ou d'atteintes graves au patrimoine. Il est temps que les personnes civiles accusées de ces actes heurtant la conscience universelle soient déférées devant leur juge naturel de principe, non seulement pour se conformer aux prescrits des instruments internationaux et régionaux auxquels la République démocratique du Congo est partie ainsi qu'à la Constitution nationale, mais encore pour décharger les Juridictions militaires d'une surpopulation des incriminés. Le juge militaire aura le mérite d'avoir jeté les jalons d'une jurisprudence nationale de référence et à son collègue civil de la consolider et de contribuer à son amélioration soutenue au regard de l'évolution de la science et de la jurisprudence internationale. »192(*)

Comme on le voit, cet auteur qui est un haut magistrat militaire, n'encourage jamais l'impunité, mais il comprend seulement qu'il y a opportunité pour plusieurs raisons à ce que les civils soient jugés par leur juge de principe qu'est le juge de droit commun en s'appuyant sur la Constitution de 2006 et en militant pour le respect des instruments juridiques régionaux et internationaux. C'est ce qu'il affirme avec vigueur lorsqu'il écrit qu' « il n'y a point de doute que le constituant congolais soustrait les personnes civiles de la compétence des juridictions militaires. »193(*)

Allusion faite à l'article 156 de la constitution de la république en vigueur depuis 2006. L'actuelle incompétence des juridictions militaires face aux civils sur le plan doctrinale tient au fait de la suprématie de la constitution sur les lois existantes peu importe qu'elles aient été élaborées avant la Constitution en vigueur. Car le changement intervenu à l'échelon constitutionnel appelle sans nul doute à un nouvel ordonnancement juridique.

L'illustre Professeur MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA Édouard avait raison lorsqu'en 2001 il notait que : « la suprématie matérielle tient à ce que l'ordre juridique tout entier repose sur la constitution. Étant à l'origine de toute activité juridique qui se déploie dans l'État, elle est nécessairement supérieure à toutes les formes de cette activité puisque c'est d'elle et d'elle seulement, qu'elles tiennent leur validité. Elle est, au sens propre du mot, la règle fondamentale. »194(*)En d'autres termes plus précis, la suprématie matérielle de constitution résulte du fait qu'elle organise des compétences, elle est nécessairement supérieure aux autorités qui en sont investies. Celles-ci ne pourraient pas par conséquent aller à l'encontre de la constitution sans se dépouiller du même coup, de leur titre juridique.195(*)

Or si l'on admet la suprématie de la constitution sur les lois, il faut de tout même admettre celle des traités et accords internationaux qui sont au-dessus de la constitution de par la constitution elle-même. Alors que le Code judiciaire militaire ni le Code pénal militaire n'est conforme aux traités et accords internationaux et à la constitution en vigueur. Ceci parait évident du fait que ces deux lois ont été adoptées sous un contexte et la Constitution en vigueur est intervenue sous un autre contexte en instituant d'ailleurs un nouvel ordre juridique du haut jusqu'au bas de la pyramide.

C'est ainsi que si c'était aux États-Unis, tous les tribunaux militaires congolais depuis le plus modeste (tribunal militaire de police) jusqu'à la cour suprême (Haute Cour Militaire) peuvent contrôler la constitutionnalité des lois (partant de leur compétence). Ils le font à l'occasion de n'importe quel procès. Le problème de la constitutionnalité s'ajoute donc indirectement au procès, le juge est saisi par voie d'exception. Il s'agit d'un contrôle diffus; ce modèle a été transposé au Canada, au Brésil, en Argentine et au Japon.196(*) Ça aurait pu résoudre le problème ici au Congo où la Constitution prévoit clairement la compétence personnelle des Juridictions militaires pour les éléments des Forces armées et de la Police. Le juge militaire allait simplement se déclarer incompétent sans manoeuvre comme il le présentement en cas d'exception d'inconstitutionnalité de sa compétence face aux civils soulevée.

De ce qui est de la valeur des traités, l'on peut comprendre à ce point avec le Professeur Prosper NGOMA BINDA que la RDC « adopte le système moniste en vertu duquel les traités et accords internationaux produisent effet automatique et directement, après ratification et publication par insertion au journal officiel. Ils ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord... »197(*)

L'on comprend que les traités comme dit ci-haut font partie du droit interne en ce qu'ils occupent le sommet pyramidal de l'arsenal juridique congolais et le constituant ne les affirme pas seulement dans les préambules mais au corps même de la constitution. C'est ce qui contrarie ce qui pouvaient prétendre à l'appréciation de la constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité d'une loi par rapport à la constitution qui était en vigueur au moment de l'adoption d'une loi mise en cause. Car si on échappe à la Constitution, on sera heurté sur les instruments régionaux ou internationaux d'autant plus que la constitutionnalité doit s'apprécier aussi en considération de tous ces instruments dont la Constitution elle-même fait allusion tant au niveau du préambule que de son corps même.

Eu égard à l'importance des droits consacrés, cette manière de procéder a été jugée plus satisfaisantes qu'une simple référence dans les préambules aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.198(*)En claire, la doctrine relève le caractère contradictoire du système judiciaire militaire avec les instruments juridiques que la République a ratifié et la Constitution, et par là l'incompétence des Juridictions militaires à l'égard des civils malgré les dispositions qui peuvent la justifier étant donné que ces dispositions ne pouvant pas s'appliquer du fait de leur incompatibilité avec les normes supérieures.

Visant cette incompétence, la doctrine s'appuie aussi au point de vue suivant : « sur les options de la création d'une Cour de cassation militaire, le rejet s'est basé sur le fait que la Cour de cassation militaire aurait à connaître des jugements et des arrêts impliquant des civils complices des militaires. Or, on ne peut pas soumettre les civils aux juridictions militaires généralement caractérisées par une procédure expéditive.199(*) On peut ici penser aux Cours militaires opérationnelles qui accompagnent les fractions de l'Armée en campagne, lesquelles généralement dans des endroits où il n'y a pas des avocats pour que le prévenu se fasse assister d'un défenseur de son choix comme il en a le droit. Car pour ceux qui ont milité pour cette justice, le jugement doit être exécuté de manière immédiate et spectaculaire et qu'on doit écarter les voies de recours au front car estime-t-on ceux-ci vont retarder l'exécution des sentences prononcées200(*).

Pour bon nombre des membres de la défense et d'autres organes indépendants de défense des droits de l'Homme, la Constitution nationale ayant sans équivoque tranché cette question conformément au courant normatif international, les juridictions militaires doivent se déclarer incompétentes pour connaître des causes dans lesquelles les civils sont impliqués.201(*)

Si l'alinéa premier de l'article 156 de la Constitution soustrait les civils de la compétence des juridictions militaires, son alinéa 2 cependant le sommet en temps de guerre ou lorsque l'état de siège ou d'urgence est proclamé. Cette dernière hypothèse est contraire aux instruments juridiques internationaux et les doctrinaires n'acquiescent pas.

En ce sens, le Professeur NYABIRUNGU mwene SONGA Raphaël dans un style hostile, se montre défavorable lui aussi à la compétence des juridictions des Forces armées à l'égard des civils, et note qu' « un traité l'emporte sur une constitution auquel celle-ci doit céder le pas. La législation de la République doit être adaptée aux traités et non pas les traités aux lois. »202(*) Il note par ailleurs que les juridictions militaires disposant seules de la compétence matérielle des crimes relevant de la CPI, se référant au Statut de Rome dans la définition de ces crimes ainsi que dans la détermination des peines203(*) . Fustigeant hostilement le Code pénal militaire qui réprime les crimes internationaux, même à l'égard des civils, cet auteur estime qu'étant une législation particulière, il ne saurait être le siège des valeurs les plus fondamentales pour l'ordre public interne et international, lorsqu'on sait que ce rôle revient au Code pénal ordinaire, où ces mêmes valeurs doivent s'exprimer de la manière la plus générale, la plus solennelle et la plus stable à l'intention de tous les citoyens et de tous les habitants de République. Étant exceptionnelles, les juridictions militaires ne sauraient juger les atteintes les plus graves faites aux valeurs les plus importantes d'une société donnée.204(*)

Ainsi, la préoccupation fondamentale est celle de l'adaptation aux réalités vécues étant donné qu'il y a un objectif visé particulièrement. Cette justice est considéré comme transitionnelle. Elle marque donc à la fois son caractère éphémère, et surtout sa fonction de soudure de passage entre l'état de violence et de non droit du temps de guerre que celui-ci suppose le respect d'une légalité minimale se référant aux valeurs humanitaires et chevaleresques universelles et l'état de paix et de droit ; tel que recherché et voulu par la République démocratique du Congo.205(*)

De même, les Juridictions militaires étant particulière, elles ne peuvent et ne doivent limiter leur compétence personnelle qu'aux militaires, l'extension de celle-ci aux civils ne devant se faire qu'au vu des actes en rapport avec l'ordre militaire. L'extension de la compétence personnelle, au-delà de ces limites, conduirait à satisfaire les civils à leur juge naturel, pour les confier à un juge qui ne saurait être impartial, le procès devenant aussitôt inique et partial, violant ainsi toutes les dispositions de droit international qui imposent un procès équitable. Les juridictions militaires doivent par principe, être incompétentes pour juger des civils.206(*)

Bien que ne s'étant pas clairement prononcé, le Professeur DJOLI ESENG'EKELI Jacques ne dit pas le contraire lorsqu'il note qu'il faut continuer la réflexion sur la qualification de la place des Juridictions militaires conformément à l'esprit de l'article 153 alinéa 2 de la Constitution qui enlève à la Haute Cour Militaire la compétence d'annulation que lui accordait le Code judiciaire militaire (article 123 abrogé par la loi organique no 13/011-B).207(*)

C'est autant avec le Professeur Pierre AKELE ADAU répondant à la question orale du professeur NGOY wa NSENGA Théodore lors de la réouverture du CCPS précité sur l'article 133 de la Constitution concernant l'application de la coutume par les Cours et tribunaux : comment une juridiction militaire ou dans quelle circonstance peut-elle appliquer la coutume, il faut une réattribution des compétences avec des matières spécifiques entre les juridictions ordinaires et les juridictions militaires.208(*)

L'on accordera à dire que les deux lois piliers de la justice militaire sont antérieures à la Constitution de la République qui a donné naissance à un nouvel ordonnancement juridique, or normalement en pareil cas toute loi fut-elle antérieure ou nouvelle doit être conforme aux règles de base concernant les compétences projetées par la loi suprême en vigueur. Il faudrait admettre en effet que, les codes judiciaire et pénal militaires de 2002, non seulement qu'ils sont antérieurs à la constitution en vigueur, mais ils ont été pris dans un contexte d'adoption d'une législation sur mesure alors que dans un État de droit, la loi est impersonnelle, abstraite et générale209(*).

Malheureusement, il a été évité expressément à ce que les prévenus du procès de l'assassinat du Président Laurent Désiré KABILA parmi lesquels des civils ne puissent pas bénéficier de l'application de ces deux lois; car le 18 novembre 2002 date de la promulgation des nouveaux codes, le procès était en cours. En application des règles relatives à l'application des lois pénales, dans le temps, ces codes auraient dû être appliqués dans le cadre de ce procès, ce que la loi a donc explicitement écarté dans un effort apparent.210(*)

Il a été aussi observé que les tribunaux militaires étendent leur compétence à l'égard des civils par le recours à des notions vagues et attrape tout, comme celle d'incitation des militaires à commettre les actes contraires à la loi ou à leur discipline, qui permette d'établir le lien le plus indirect entre le civil et l'infraction de caractère militaire. Ces dispositions constituent une claire violation de la Constitution et des normes internationales.211(*)

Concernant la garantie du droit de former un recours contre un jugement posé par l'article 21 de la Constitution, un Magistrat militaire de carrière a décrié le fait que les articles 87 et 276 du Code judiciaire militaire dérogent à ce principe constitutionnel en méconnaissant la possibilité d'attaquer par voies de recours les arrêts des Cours militaires opérationnelles. Il estime qu'à son entendement ces deux dispositions du Code judiciaire militaire constituent un revirement regrettable.212(*)

Quant à la compétence des juridictions militaires à l'égard des civils sur les infractions du statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, la doctrine congolaise se montre abondamment d'avis contraire en ce que les auteurs ne s'accordent pas avec les Codes judiciaire et pénal militaire. Ils estiment que ces infractions sont sensibles et d'extrême gravité, du fait que leur perpétration ne laisse pas intacts les droits et libertés garantis aux individus, les Juridictions militaires ne peuvent pas être un cadre de leur répression.

C'est ce qui pousse le Professeur NYABI RUNGU à affirmer que les juridictions militaires ne sont pas les mieux placées pour juger les crimes relevant de la compétence matérielle de la CPI. Le Code pénal militaire estime-t-il est en contradiction avec la Convention sur la prévention et répression du génocide de 1948 dont le but, à ce sujet était de considérer comme criminel le fait de sortir des enfants de leur groupe, identifié et ciblé, vers un autre, réalisant ainsi leur déracinement et la destruction, totale ou partielle, de ce groupe bien déterminé. Il est entendu, ajoute-t-il, que les infractions relevant de la compétence matérielle de la CPI, doivent relever de la Cour d'appel au premier degré, permettant ainsi aux justiciables de bénéficier d'un deuxième degré de juridiction au niveau de la Cour de cassation.213(*)

C'est cette même position que prend à son tour le Professeur LUZOLO lorsqu'il s'exprime en ces termes : « considérant la compétence non rétroactive de la CPI, prenant en compte les réclamations exprimées dans l'opinion en faveur de la création d'un tribunal international ad hoc pour la RDC qui heurte la réticence et aux tergiversations des milieux internationaux comme le Conseil de Sécurité de l'ONU, conscient, cependant de la nécessité de réprimer les crimes graves qui ont émaillés la période précédent la création de la CPI, le gouvernement annonçait son projet d'instituer, au sein des juridictions répressives congolaises des chambres spéciales qui seront chargées de cette répression. »214(*)

Ces préoccupation concernant un tribunal ad hoc ou des chambres spécialisées au sein des cours d'appel comme on peut le constater, sont émises non seulement de l'idée des crimes commis avant la mise en vigueur du statut de Rome, mais aussi avec l'idée que les cours et tribunaux militaires vu leur caractère et considérant leur composition, elles ne sont pas à mesure de connaître de tels crimes non seulement graves mais aussi complexes, et que les droits mis en jeu touchent tant des prévenus que les victimes.

Selon le projet de la loi sus-évoqué, les chambres spécialisées de premier degré fonctionneront au sein des Cours d'appel de Kinshasa/Matete, de Lubumbashi, de Bukavu et de Kisangani. Celles du degré d'appel fonctionneront, quant à elles, au sein des Cours d'appel de Kinshasa-Gombe, de Goma et Kananga. Le président et le conseillers sont de nationalité congolaise, alors que les conseillers ad litem pourront être de nationalité congolaise ou étrangère, magistrats de carrière ou non, mais dans le cas, juristes de formation ayant une expérience professionnelle ou judiciaire d'au moins cinq ans en matière de droit international humanitaire justifiant de la capacité morale indispensable à l'exercice de ces fonctions.215(*)

Par contre, en attendant la loi de mise en application du statut de Rome, ratifié par la République démocratique du Congo depuis le 30 mars 2002, les juridictions congolaises doivent considérer que le statut fait désormais partie intégrante de l'arsenal juridique répressif congolais et peut être appliqué au niveau des juridictions congolaises de droit commun et même militaires au nom du monisme du droit congolais.216(*)

On estime que la répression des crimes les plus graves vise à protéger les droits fondamentaux liés à la nature humaine ou inhérente à la vie, donc les droit de l'Homme reconnus à la fois aux auteurs des crimes et aux victimes; pour les uns les garanties à un procès équitable au fait qu'ils risquent de perdre la vie, la liberté ou le patrimoine et pour les autres les mêmes garanties pour assurer les réparations des préjudices qu'ils ont subis. Cela n'est possible que par une bonne et juste application de la loi pénale.

Or, le Code pénal militaire comme on le voit, n'est nullement le cadre pour réussir une telle application, compte tenu de son but et de son objet qui ne doivent concerner que les militaires et la discipline au sein de l'armée, et compte tenu de ses propres dispositions qui, à maintes égards, sont en deçà des exigences du droit international.217(*)

Il est cependant alarmant et regrettable de constater que le Sénat congolais pour un motif moins soutenable a décidé du rejet de ce projet de loi sur les chambres spécialisée, estimant notamment que l'argent à investir dans la mise en place de telles chambres serait mieux utilisé dans le renforcement des capacités des juridictions internes.218(*) A ce point il convient d'une part de se poser la question de savoir si le seul renforcement des capacités sus-vanté suffit pour résoudre le problème alors que l'on sait que cela n'a pas été fait dès lors, et d'autre part l'on retiendra que le problème n'est pas que sur la contradiction ou l'inconstitutionnalité des dispositions légales en la matière, mais aussi la capacité des acteurs comme il est à comprendre dans le motif évoqué pour le rejet dudit projet de loi.

En clair, il convient de continuer à réaffirmer d'une part la primauté des traités et accords internationaux sur la constitution et les lois internes. Et que les lois qui organisent la justice militaire ne peuvent sous quelque motif que ce soit être en vigueur si elles ne sont pas conformes. Ceci vaut également pour les juges qui doivent à chaque fois et à chaque cas se référer l'article 152 de la Constitution qui dispose que les Cours et tribunaux appliquent les traités et accords internationaux. Ceci implique qu'ils doivent toujours préférer toute interprétation conforme au droit international à une interprétation non-conforme. Cette approche conduit à importer les normes et les valeurs du droit international au sein même de l'interprétation des lois nationales219(*). Ainsi, les Juridictions militaires une fois saisies des faits dont les civils sont impliqués, n'ont à cette considération, qu'à se déclarer incompétentes et se dessaisir sans désemparer. C'est en agissant ainsi que le juge militaire pourra jeter le fond à une jurisprudence de base en cette matière et créant par là le Droit sans attendre l'intervention du juge de cassation ou du juge constitutionnel.

Si la justice est rendue en référence des dispositions d'une loi contraire aux instruments juridiques régionaux et internationaux, c'est une violation pure simple de la loi interne et un jugement rendu en ce sens ne peut pas être exécuté. Au contraire, il doit être cassé. Car, par le fait de ratification, un traité fait partie de notre Droit, et ses normes sont supérieures à toute disposition constitutionnelle ou légale interne.220(*) De ce fait, il n'y a donc aucune raison que les Juridictions militaires soient seules compétentes pour connaître les crimes contre l'humanité, car, ils présentent aucun lien nécessaire avec la guerre ou l'existence d'un conflit armé. Il peut donc se commettre aussi bien en temps de guerre qu'en temps de paix.221(*)

Les auteurs pour écarter la compétence des juridictions des Forces armées à l'égard des civils, s'attachent sur le caractère même du droit pénal militaire qui du reste n'a été conçu que pour le renforcement de la discipline au sein de l'armée. En effet, le fondement du droit pénal militaire et de la justice militaire réside donc dans la nécessité du maintien d'une façon permanente et sans relâche, d'une discipline particulière aux forces armées et de la mise en oeuvre des moyens propres à assurer la sécurité de l'État et l'unité de la nation. Très souvent la justice militaire intervient contre les individus qui menacent l'existence de l'État.222(*)

C'est ainsi qu'un lieutenant-colonel des FARDC, magistrat de son état, analysant le Code pénal militaire, a relevé ou souligné que cette loi exprime la préoccupation du législateur de doter le pays d'une armée puissante, disciplinée et toujours prête à répondre à toute éventualité.223(*)

Critiquant le fait que les civils sont justiciables des juridictions militaires même s'ils ont déjà quitté l'armée, TONA MBENZA Alphonse a estimé que : « un réserviste démobilisé ayant repris la vie civile, n'est plus soumise aux ordres des chefs militaires et lois militaires. Cette compétence poursuit-il, ne concerne que des personnes ayant appartenu ou appartenant à l'armée ainsi que celles qui n'ont pas la qualité de militaire pour les infractions qui sont de nature à troubler la discipline militaire. Il y a lieu conclut-il enfin, de revoir le présent code de justice militaire au point de vue de sa pénalité qu'il faut du moins tenir de rigueur que pendant les circonstances exceptionnelles qu'au lieu d'appliquer cette même pénalité pendant les circonstances normales. »224(*)

Branche spéciale du droit criminel, le droit pénal militaire, renfermant en son sein les règles procédurales, judiciaires et celles relatives aux incriminations, a pour objet de prévenir par intimidation et au besoin de réprimer par l'application de différentes sanctions (peines et mesures de sûreté), les actions ou les inactions susceptibles de troubler l'ordre public militaire au sein de l'armée.225(*) Il importe à cet effet de souligner que toutes les infractions qui précipitent les civils devant le juge militaire, ne sont pas toute de nature à troubler l'ordre public militaire, ni de nature à compromettre la discipline au sein de l'Armée.

On comprend dès lors que les règles relatives à l'action, aux institutions, aux compétences et aux actes visés sont essentiellement pénales et doivent rentrer dans le cadre de cette définition. Car au demeurant, l'action répressive des juridictions militaires concerne « naturellement » les justiciables militaires, et en droit congolais « les personnes assimilées au statut de militaire », en l'espèce les membres de la Police nationale.226(*)

Par ailleurs, la doctrine n'est toujours pas d'accord avec la compétence des juridictions militaires à l'égard des policiers bien qu'assimilés aux militaires par certaines missions qu'ils sont appelés à remplir et par les instruments utilisés comme les armes. C'est ce qui est soulevé dans le rapport précité : « les juridictions militaires peuvent juger des personnes assimilées au statut de militaire, pour des infractions strictement liées à l'exercice de leur fonction assimilée. »227(*) La réforme de la justice militaire en cours offre une opportunité pour mettre la législation pénale militaire en harmonie avec la constitution et les normes internationales qui interdisent la compétence des juridictions militaires à l'égard des civils. Elle est également une opportunité d'engager un débat sérieux sur la nécessité d'assimiler les policiers aux militaires pour justifier la compétence de tribunaux militaires à leur égard.228(*)

Alors si on refuse aux juridictions militaires de juger les policiers pour les infractions qui ne sont pas liées à l'exercice de leur fonction au sein de la police, c'est-à-dire les infractions ordinaires, à combien plus forte raison le problème peut être soutenu pour les civils?

A ce stade, il paraît nécessaire de consulter la jurisprudence tant des cours et tribunaux que des organes internationaux en la matière.

* 192 L. MUTATA LUABA, op.cit., p.47.

* 193 In idem loco p.35.

* 194 E. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, Institutions politiques et Droit constitutionnel, Collection Droit et société « DES », EUA, Kinshasa, 2001, p.88.

* 195 In idem loco.

* 196 J.DJOLI ESENG'EKELI, op.cit., p.155.

* 197 P. NGOMA BINDA et Alii, Démocratie et participation à la vie politique : une évaluation des premiers pas dans la IIIème République, une étude d'AfriMAP et de OSISA, Novembre 2010, Kinshasa, p.21.

* 198 M. KUMBU ki NGIMBI et Alii, « La constitution de la RD. Congo », in Modules de renforcement des capacités à l'intention des Institutions parlementaires, PNUD, Kinshasa, 2012, p.13.

* 199 P. VERJANS, Fédéralisme et Régionalisme, Liège, 2004-2005, p.124.

* 200 A ce sujet lire le Général N.LIKULIA BOLONGO, op.cit., pp.4-6.

* 201 L. MUTATA LUABA, op.cit., p.34.

* 202 NYABIRUNGU mwene SONGA, Droit international pénal : crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, Éditions DES, Kinshasa 2013, p.197.

* 203In idem loco p. 28

* 204 R.NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., p.195.

* 205 B-A.WANE BAMEME, op.cit., p.201.

* 206 R. NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., pp.195-196.

* 207 J. DJOLI ESENG'EKELI, « Les éléments de la politique criminelle découlant de la Constitution de la troisième République », in AKELE ADAU, op.cit., p.240.

* 208 P.AKELE ADAU, « Professer un droit positif moniste...» in La Pertinence de la Recherche en criminologie dans le contexte de la RDC, en hommage à Madame IDZUMBUIR ASSOP Marie -Joséphine, Professeur Émérite, à l'occasion de la réouverture du Centre de Criminologie et de Pathologie Sociale à la Faculté de Droit de l'UNIKIN, jeudi 16 mai 2013, Inédit.

* 209 M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p.31.

* 210 P. AKELE ADAU, « Le nouveau Droit judiciaire et pénal militaire transitoire, un soft landing pour la Cour d'ordre militaire », in Congo Afrique..., cité par M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p.31.

* 211 M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p.10.

* 212 J.I.C. MUKENDI KAMBALA, op.cit., p.228.

* 213 R. NYABIRUNGI Mwene SONGA, op.cit., pp.175-198.

* 214 E.J. LUZOLO Bambi Lessa et BAYONA ba Meya, op.cit., pp.749-750.

* 215 E.J. LUZOLO Bambi Lessa et BAYONA ba Meya, op.cit., p. 750.

* 216 B-A.WANE BAMEME, op.cit., p.230.

* 217 R. NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., pp.197-198.

* 218 R. NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., p.142.

* 219 D.KALUBA DIBWA, op.cit., p.350.

* 220 R. NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., p.196.

* 221 S. BOKOLOMBE BATULI YASEME, De la Prévention et de la répression des violations graves du droit international humanitaire en RD Congo. Critique de la responsabilité pénale internationale, DES, Kinshasa, 2013, p.123.

* 222 Général N. LIKULIA BOLONGO, op.cit., p.2.

* 223 A. BULA KASOLA, « La Justice militaire congolaise », in Recueil des modules de formation à l'intention des Officiers d'État-major des FARDC, RDC, MONUC, 2010, p.47.

* 224 A.TONA MBENZA, La compétence des Juridictions militaires, Mémoire de Graduat, Institut Supérieur d'Études Juridiques et de Criminologie (ISEJC), Kananga, 1992, pp.38-41.

* 225 LIKULIA BOLONGO, Cité par L. MUTATA LUABA, op.cit., p.20.

* 226 In idem loco p.33.

* 227 M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p.10.

* 228 In idem loco.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand