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La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.

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par Joel BONGOLONGONDO
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013
  

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B. Jurisprudence.

Il s'agit ici de la jurisprudence qui touche positivement ou négativement la compétence des juridictions militaires face aux civils. Elle est constituée des décisions des cours et tribunaux et des directives des organes oeuvrant sur la scène.

Concernant la constitutionalité de la loi judiciaire militaire congolaise à l'égard des civils, les juridictions militaires s'appuient sur une jurisprudence de la cour suprême de Justice libellée comme suit : « l'appréciation de la constitutionnalité d'un texte législatif doit être faite par référence à la constitution en vigueur au moment où ce texte a été écrit; ne peut dès lors être prise en considération une exception d'inconstitutionnalité reposant sur un texte de loi qui serait contraire à une disposition de la constitution actuelle en vigueur, alors que ledit texte de la loi avait été pris sous l'empire d'une constitution antérieure abrogée »229(*)

Malheureusement, cette décision de la Cour Suprême de Justice, n'est pas à soutenir d'autant plus qu'elle ouvre une porte à la violation de l'actuelle Constitution et des instruments juridiques que cette constitution reconnait l'autorité et la suprématie. D'ailleurs, si on doit remonter jusqu'à la constitution qui était en vigueur lors de l'adoption des codes judiciaire et pénal militaires de 2002, l'on s'accordera tout de même sur le fait que si cette constitution était favorable aux principes contenus dans ce deux lois, il n'en est pas le cas quant aux instruments juridiques internationaux qui étaient déjà ratifiés par la République à l'époque et qui continuent à être vigueur.

Donc, à la lumière de cette jurisprudence de la Cour Suprême de Justice qui s'était contredite, la constitutionnalité d'un texte législatif devra normalement être appréciée en référence aux instruments juridiques internationaux ratifiés dont cette constitution à laquelle ledit texte doit en être conforme reconnaît la suprématie.

En outre, on se permet d'admettre que toutes les constitutions de la République démocratique du Congo depuis l'indépendance (sauf une petite nuance à l'article 25 de la loi fondamentale sur les modalités d'intégration) jusqu'à ce jour, placent cet état dans la tradition moniste et reconnaissent aux traités internationaux dûment ratifiés un rang supérieur aux lois nationales.230(*)

A ce point de vue, les traités internationaux ratifiés faisant partie de notre droit interne avec suprématie sur la constitution à laquelle toutes les lois doivent être conformes, il convient à ce que la constitutionalité d'un texte législatif soit regardée en rapport avec le contenu des instruments internationaux supérieurs à la constitution par la constitution elle-même. Ainsi, cette hypothèse ne saurait être évacuée.

D'ailleurs, l'article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités oblige l'Etat à appliquer le traité même si ce dernier contient des dispositions contraires au droit interne. En droit international, il a toujours été admis qu'un Etat qui a valablement contracté des obligations internationales est tenu d'apporter à sa législation les modifications nécessaires pour assurer l'exécution des engagements pris.231(*)

Ainsi, il incombe à chaque organe de l'Etat de prendre des mesures idoines pour procéder à l'application du traité. Le pouvoir exécutif procédera ainsi à la promulgation et à la publication, tandis que le pouvoir législatif s'adonnera à élaborer la législation nécessaire à l'exécution du traité de même que les juridictions l'appliqueront dans leur mission de dire le droit. Trois problèmes juridiques majeurs se posent à ce niveau : l'introduction des traités dans notre ordre juridique, le conflit éventuel entre le traité et la loi et enfin, la compétence du juge devant le traité. Ce trousseau des clés est digne d'ouvrir une grille de lecture intellectuelle essentielle pour l'intelligence de la notion de pyramide normative et de la place de certaines normes dans le contentieux constitutionnel232(*).

Dans le même ordre d'idée, le Professeur ESAMBO KANGASHE Jean-Louis opine que dans l'organisation de l'état et du pouvoir ou plus exactement, dans l'aménagement du pouvoir étatique, la Constitution représente tout aussi le fondement en même temps qu'elle en constitue le système. Or, poursuit-il, pour déterminer le contenu de ce système, il faut retracer l'histoire et la hiérarchie, les normes inférieures doivent obligatoirement être conformes aux normes supérieures desquelles elles tirent leur validité.233(*)

Pour ce faire, un civil qui se trouve devant une juridiction militaire, peut pendant la procédure en cours, saisir le juge constitutionnel pour soit demander directement au juge l'annulation de la loi (judiciaire ou pénale militaires) ou de la censurer et tous les citoyens vont en bénéficier. Soit soulever une exception au cours du procès demandant au juge militaire de se dessaisir et de ne pas lui faire appliquer les lois militaires, l'estimant contraire à constitution : on parle alors de l'exception d'inconstitutionnalité.234(*)

Il est cependant malheureux de constater que le Code judiciaire et le Code pénal militaires de 2002 ne répondent pas à ces règles de jeu, et que le juge militaire s'est toujours fondé abusivement sur cette jurisprudence de la Cour Suprême de Justice en violation des droits garantis aux individus sur la question d'inconstitutionnalité et de non-conformité de ces deux lois lorsque les parties en soulèvent les exceptions.

C'est ce qu'on peut remarquer dans les affaires Kutino Fernando, Nlandu, Maheshe et Ngyke pour ne citer que celles-là. En effet, parmi les six moyens d'annulation de l'arrêt en appel rendu par la Cour militaire de Kinshasa-Gombe le 02 octobre 2008 soulevés par Kutino Fernando et consorts dont le troisième parlait de l'incompétence des juridictions militaires pour juger les civils, moyen relatif à la violation de la compétence d'attribution du juge de droit commun, la Haute Cour a dit avoir déjà rendu un arrêt à ce sujet. Les civils sont jugés du fait qu'il y a eu des fusils de guerre dans cette opération.235(*) Dans les affaires Nlandu et Maheshe par exemple, le Tribunal militaire de la garnison de Kinshasa-Gombe et le Tribunal militaire de garnison de Bukavu, respectivement, ont directement répondu aux objections d'inconstitutionnalité soulevées par les civils, au lieu de « surseoir » et déférer les objections devant la Cour Suprême de justice comme l'exige la Constitution. Les deux tribunaux ont estimé que la loi mise en cause (le Code judiciaire militaire) étant antérieure à la Constitution n'a pas pu violer cette dernière. Ils ont ajouté que la Constitution elle-même établit une exception à la règle générale de compétence personnelle en prévoyant qu'une loi devra fixer les règles de compétence, d'organisation et de fonctionnement des juridictions.236(*) Or l'exception à la règle générale de compétence prévue à l'article 156 de la Constitution dont le juge militaire se réfère pour motiver sa décision, ne concerne en clair que les circonstances exceptionnelles : la guerre, l'état de siège ou d'urgence et les insurrections.

Quant à l'affaire Ngyke, par exemple, c'est la constitutionnalité de la peine de mort prévue par le Code pénal militaire qui a été contesté devant la Cour militaire de Matete à Kinshasa. Ici encore, la Cour a préféré répondre elle-même directement au fond de l'exception au lieu de la déférer à la Cour Suprême de Justice.237(*)

Pourtant la constitutionnalité concerne aussi la conformité aux traités et accords internationaux ratifiés dont la Constitution elle-même s'en réfère tant dans le préambule que dans les articles. Donc si une loi n'est pas conforme à ces instruments, elle tombe dans l'inconstitutionnalité et à ce sujet l'on sait qu'aucun traité ratifié ou dont la RDC est signataire ne prévoit la peine de mort comme sanction contre un crime, ni le Statut de Rome qui est essentiellement pénal.

Comme on le voit, les juridictions militaires dans ces affaires, ont violé les droits garantis aux civils de faire une demande d'inconstitutionnalité (article 162 de la Constitution) devant la cour constitutionnelle (compétence exercée momentanément par la Cour Suprême de Justice).

Dans les affaires Nlandu et Maheshe cités, les Tribunaux militaires des Garnisons de Kinshasa-Gombe et Bukavu ont nié la violation de la Constitution par les dispositions du Code judiciaire militaire au motif qu'il lui est antérieure et ils vont encore recourir à la même constitution en vigueur dans l'hypothèse d'une loi qui devra fixer les règles de compétences, d'organisation et fonctionnement des juridictions militaires. Mais il s'agit là d'une loi nouvelle ou de celle antérieure existante?

A cette préoccupation, il sied de rappeler que la loi prévue à l'alinéa 3 de l'article 156 de la Constitution devant fixer les règles de compétence, d'organisation et de fonctionnement des juridictions militaires, n'est nullement le Code judiciaire militaire de 2002, car depuis l'Accord global et inclusif il a toujours été question de reformer la Justice militaire rendue sous l'empire cette loi. Et que la Constitution de 2006 qui a parachevé les options pris à Sun City ne peut retenir ladite loi critiquée. On se trouve dès lors dans un cas d'une mauvaise interprétation de l'article 156 de la Constitution par le juge militaire, car cet article est clair et que la loi dont allusion doit fixer ces règles de compétence, d'organisation et de fonctionnement sur base de jalon jetée par l'alinéa 1er dudit article: « les juridictions militaires connaissent les infractions commises par les membres des Forces armées et de la Police. »

Par ailleurs, on ne peut interpréter une disposition que lorsque la signification est cachée, en raison des caractères des certains énoncés vagues et ambigus, qu'il faudrait interpréter; l'interprétation n'est donc pas nécessaire lorsque l'énoncé est clair (in claris cessat interpretatio).238(*)

C'est le cas de cet article 156 qu'il n'appartient pas au juge militaire de l'interpréter comme il le fait même s'il n'était pas clair, d'autant plus que c'est au pouvoir législatif de le faire par ce que ce lui qui en connaît la signification et il a le pouvoir de déterminer la signification de l'acte qui lui permet de refaire, de sorte qu'autoriser un autre que le législateur d'interpréter la loi reviendrait à cette hypothèse à lui transférer le pouvoir législatif.239(*)

Donc, l'interprétation du juge militaire concernant l'article 156 n'a pas son sens du fait qu'on s'accorde à dire que c'est la Constitution de 2006 qui face à la compétence des juridictions militaires à l'égards des civils a opéré à cet égard la rupture la plus nette avec le passé, en dehors de la faculté qu'elle reconnaît au Président de la République de substituer les Juridictions militaires à celles de Droit commun en période de guerre et sous certaines conditions, la Constitution limite clairement la compétence personnelles des tribunaux militaires aux seuls membres des Forces armées et de la police.240(*)

De ce fait, il n'y a point de doute que le constituant congolais soustrait les personnes civiles de la compétence des juridictions militaires241(*) et que le juge militaire est appelé à s'y conformer en évitant de ne faire allusion à la Constitution ou aux instruments juridiques internationaux que lorsque ces textes sont favorables à sa décision visant l'extension de sa compétence.

Le Tribunal militaire de Garnison de Mbandaka dans son jugement avant dire droit prononcé sous le RP no 086/05 du 12 janvier 2006 a reconnu par un argumentaire l'exaltation de l'autorité constitutionnelle et de la primauté du traité international, en l'espèce le Statut de Rome de la CPI, sur les lois internes aussitôt après sa ratification grâce au décret-loi no 0013/2002 du 30 mars 2002.242(*)Si le juge militaire avait pour qualifier les faits, reconnu la primauté du traité international, il devait aussi pour la bonne administration de la justice reconnaître la primauté du traité international sur l'attribution de sa compétence et à l'application des lois internes relatives à la peine de mort.

De ce fait, le Comité des droits de l'Homme des Nations Unies a considéré que certaines règles de protection des droits humains ont rang des normes impératives. Il en est ainsi de l'interdiction du génocide, de l'esclavage, de la torture et de la privation arbitraire de la vie. Des telles règles ne sauraient faire l'objet des réserves de la part des États, car ces dernières seraient incompatibles avec l'objet et le but du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.243(*)

C'est ainsi que dans l'affaire Michael DOMINGUES contre les États-Unis, la Commission interaméricaine des droits de l'Homme a, dans sa décision du 22 octobre 2002, proclamé l'existence d'une norme impérative qui interdit l'exécution de toute personne âgée de moins de dix-huit ans au moment des faits pour lesquels il a été poursuivi, jugé et condamné.244(*)

Pour sa part, la Commission Africaine des droits de l'Homme et des peuples comme il a été dit supra, consacre très clairement dans ses Directives le droit des civils à ne pas être jugés par un tribunal militaire au §L. Elle énonce que « les tribunaux militaires ne peuvent en aucune circonstance juger les civils », précisant que ceux-ci ont «  pour seul objet de connaître des infractions d'une nature purement militaire commise par le personnel militaire. »245(*)

En effet la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a à la fois développé une jurisprudence et élaboré des principes à travers lesquels elle a dégagé les règles de base applicables à ces juridictions. Cet effort de la Commission est conforme à son mandat, en vertu de la Charte, de « formuler et élaborer, en vue de servir de base à l'adoption de textes législatifs par les Gouvernements africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l'homme et des peuples et des libertés fondamentales. » En vertu de ce mandat, la Commission a adopté en 1992 une résolution sur le Droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire, par laquelle elle a décidé de l'élaboration des Directives et principes généraux sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire dans le cadre de la Charte africaine. Les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique ont ensuite été adoptés, d'après leur préambule, « en vue de leur incorporation dans la législation nationale des états parties à la Charte et de leur respect par ces derniers. »246(*)

Dans leur partie la plus pertinente, les Directives énoncent ainsi les principes fondamentaux devant régir l'étendue de la compétence personnelle et matérielle des tribunaux militaires, ainsi que les procédures à suivre devant ces tribunaux247(*) : notamment le droit des civils à ne pas être jugés par un tribunal militaire en ce sens que les tribunaux militaires ont pour seul objet de connaître des infractions d'une nature purement militaire commises par le personnel militaire.

De toutes ces considérations jurisprudentielles, il importe de relever que l'action répressive des juridictions militaires dans le contexte juridique actuel, est dépourvue de tout fondement utile. Droit particulier, il faut que le droit pénal militaire rentre dans les casernes pour ne s'occuper que de ce qui le regarde, d'autant plus que voulant s'occuper de ce qui ne le regarde pas, il le fait mal. Le droit pénal militaire doit s'occuper des infractions d'ordre militaire ou en rapport avec l'ordre militaire, et des infractions commises par les militaires.248(*)

A ce mot, il apparait cependant impérieux de voir comment d'autres Nations organisent l'action répressive des juridictions militaires.

* 229 CSJ, RA 5 et 33, 04 juin 1973, B.A., p.133. , arrêt cité par L. MUTA LUABA, op.cit., pp. 37-38.

* 230 E.J. LUZOLO Bambi Lessa et N.A. BAYONA ba Meya, op.cit., p. 697.

* 231 Lire Avis n° 170 de la Cour permanente de justice internationale, Affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig, repris par D.KALUBA DIBWA, op.cit, pp 387-388.

* 232 D.KALUBA DIBWA, in idem loco, p. 388.

* 233 J.L. ESAMBO KANGASHE, Le Droit constitutionnel, Academia-L'harmattan, Louvain-La-Neuve, 2013, p. 94.

* 234 J.DJOLI ESENG'EKELI, op.cit., p. 155.

* 235 http://radiotv.wordpress.com/2009/07/27/rdc-la-haute-cour-mil...

* 236 Tribunal Militaire de Garnison de Kinshasa-Gombe, Auditeur militaire c/ N'landu Mpolo Nene et consorts, RP 221/2006, 30 avril 2007 et Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu, Auditeur Militaire contre Bokumbe Arthur et consorts RP NO 186/2007, 28 août 2007, cités par M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p. 37.

* 237 Cour Militaire de Kinshasa-Matete, Auditeur Militaire Supérieur contre Munganda Kimbao Joël et consorts, RP 036/07, 22 décembre 2007, in M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p. 37.

* 238M. TROPER, La Philosophie du Droit, PUF, Paris, 2011, p. 99.

* 239 M. TROPER, op.cit., p. 100.

* 240 M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p. 10.

* 241L.MUTATA LUABA, op.cit., p. 35.

* 242 In idem loco p. 39.

* 243 In R.NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., p. 81.

* 244 In idem loco.

* 245 In L.MUTATA LUABA, op.cit., p. 34.

* 246 In M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., pp. 21-22.

* 247 http://www.afrimap.org/english/images/treaty/ACHPR_Directives&Principes_ProcesEquitable, consulté le 08 octobre 2013.

* 248 R. NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., p. 196.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon