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La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.

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par Joel BONGOLONGONDO
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013
  

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B. Leur qualité et l'incidence sur les droits de l'Homme.

Les juges assesseurs des Juridictions militaires ont tous la qualité de policier ou de militaire et partant ils relèvent du commandement militaire ou policier, partant ils sont soumis à leurs chefs hiérarchiques de qui qu'ils reçoivent des ordres et des instructions. Ce qui s'écarte alors de toute idée d'une justice impartiale et équitable d'autant plus que ceux-ci agissent pour le compte du commandement et au nom de la sauvegarde de la discipline au sein de l'Armée ou de la Police.

C'est ce que prévoit du reste l'article 31 du Code Judiciaire Militaire qui fait à ce que l'observation ci-haut échappe à toute objection considérable et se veut de ce fait irréfutable. En effet, cet article dispose que le commandant militaire du siège d'une Cour ou d'un tribunal militaire peut proposer le renouvellement des membres de ces juridictions, chaque fois que cette mesure est nécessitée par les mouvements du corps de troupe de la garnison.283(*)

La présence de ces policiers et militaires dans les sièges des juridictions pénales qui, jugent même des civils, des personnes n'ayant aucunement la qualité de militaire ou celles qui l'ont déjà perdu, met en mal le fonctionnement de la justice et viole les droits fondamentaux reconnus à tout homme quel que soit son rang, sa race, sa tribu et ses opinions. Il est à remarquer de ce fait que le fonctionnement des juridictions militaires est perçu comme contraire aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme, notamment au regard du principe de célérité, des interférences du commandement, de la composition du siège militaire, de la protection des pairs (...). Néanmoins, cette célérité ne peut être bénéfique pour la collectivité nationale que lorsqu'elle procède d'une lecture judicieuse des dispositions légales facilitée par une constante contribution jurisprudentielle et doctrinale.284(*)

Pourtant si l'on doit tenir compte de la contribution doctrinale, les auteurs ne sont favorables ni sur la compétence des Juridictions militaires face aux civils ni à l'égard de la célérité qui est pratiquée d'une manière qui viole constamment les principes qui fondent la justice dans un État de droit constitutionnel.

Par ailleurs, si l'indépendance de l'appareil judiciaire militaire est consacrée constitutionnellement bon nombre d'analyses estiment qu'elle est torpillée, de manière accentuée dans la pratique par le commandement militaire. Cette critique revêt toute sa pertinence dans la mesure où les membres du siège non-juristes sont sans conteste moins outillés pour connaître de crimes internationaux dont la complexité et la gravité requièrent des connaissances approfondies en droit pénal classique et droit international humanitaire. De ce fait, l'immense et sensible tâche expertale pèse considérablement sur un ou deux juges, magistrats de carrière.285(*)

Les critiques faites par cet auteur haut magistrat militaire en fonction, méritent d'attirer l'attention et démontrent combien les droits de l'Homme notamment, le droit à un procès équitable sont mis en jeu. Il sied de rappeler à ce sujet in extenso l'article 10 précité de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1949 qui prévoit que : « toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Mais quelle indépendance, quelle impartialité lorsqu'on sait que les juges assesseurs dépendent du commandement, ils agissent pour la discipline au nom de ce même commandement et de ce fait le tribunal ne saurait être ni indépendant ni impartial? Comment alors une cause peut être entendue équitablement lorsque l'on sait qu'au Congo les juridictions appliquent les traités, la constitution, la loi et la coutume autant pour qu'elle ne soit contraire à la loi, à l'ordre public et aux bonnes moeurs pendant que l'on sait encore que les juges assesseurs présents majoritairement dans la composition ne connaissent ni le droit des traités, ni la loi dans son ensemble envisagé moins encore pour cela le droit coutumier dans sa diversité?

Les juges assesseurs, militaires ou policiers en fonctions se retrouvant aux côtés des magistrats militaires, sont soumis à la discipline militaire applicable également aux policiers, et ils ne jouissent pas de l'indépendance nécessaire à l'exercice des fonctions judiciaires. Ils ne justifient d'aucune compétence en matière juridique. Ce qui contrevient aux obligations internationales de la République démocratique du Congo notamment la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples telle qu'interprétée par la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples.286(*)

Dans un communiqué rendu public le jeudi 17 octobre 2013, le Président de l'Association congolaise pour l'accès à la justice (ACAJ) suite à la condamnation à mort de quatre étudiants par le Tribunal Militaire de Garnison de Lubumbashi, a déclaré avec force que la Justice militaire ne répond pas aux standards internationaux notamment en ce qui concerne la garantie d'un procès équitable. Plusieurs éléments laissent planer un doute quant à leur aptitude à offrir les mêmes garanties qu'une juridiction civile. La composition de ces juridictions, l'absence d'indépendance vis-à-vis de la hiérarchie et du pouvoir exécutif, l'esprit de corps de l'institution militaire les procédures d'exception qui les caractérisent, sont autant d'éléments qui permettent d'assurer aux justiciables quant à leur capacité à garantir les droits de l'Homme dans une procédure pénale moins heureuse.287(*)

La composition d'une juridiction pénale ne doit pas aux regards des questions à traiter, être motivée par les impératifs du commandement, ni par le seul souci fut-il au nom de la discipline de voir le prévenu être sanctionné. Elle doit plutôt se faire dans le seul intérêt de rendre une justice juste, impartial et équitable, ce qui requiert que les acteurs ou les animateurs de la justice militaire soient recrutés dans les milieux de ceux qui apprennent à rendre justice. C'est à ce prix que nonobstant la qualité de militaire qui leur sera conférée, la justice militaire qui est une justice pénale saura jouer son rôle de protection des droits de l'Homme, mais en ne jugeant que les militaires et pour des infractions susceptibles de troubler l'ordre public ou de compromettre à la discipline au sein de l'Armée ou de la Police nationale.

Quelles que soient les motivations, les justifications et pratiques, les juges assesseurs ne sont pas mieux placés pour juger les personnes civiles. Cela découle du fondement même de la nature de leurs fonctions justifiées par le fait qu'ils ont l'expérience dans l'art militaire et ils doivent être là pour éclairer les magistrats militaires sur les questions techniques qui leur échappent. Alors il est de notoriété que pour juger un civil qui a commis l'infraction même au moyen d'armes de guerre, il n'est pas question d'être expert militaire pour ce faire, c'est plutôt l'affaire du droit pénal et que le juge pénal civil ne manque pas de connaissance suffisante pour établir la culpabilité, surtout si l'on admet qu'à la phase pré-juridictionnelle l'on peut par une réquisition à expert recourir à la complémentarité et cet expert peut être militaire si cela se révèle nécessaire.

Comme le prévoit la Constitution de la République, la coutume peut dorénavant être évoquée par tout congolais indistinctement et devant toutes les juridictions civiles et militaires. Elle ne peut donc plus continuer à être considérée comme source d'un droit inférieur au droit écrit. Sur ce point, tout est clair et net.288(*) Cependant les prévenus des Juridictions militaires n'ont pas vraiment assez de chance pour invoquer la coutume devant ces juridictions du fait de leur composition hybride qui fait que beaucoup de questions de Droit échappent aux membres.

Dans les États qui ont supprimé les juridictions militaires en temps de paix ou ceux qui les ont intégré dans la justice ordinaire, ils ont connu certes les juges assesseurs militaires, mais vu l'évolution des facteurs d'administration de la justice, ils ont jugé bon de passer outre, notamment comme le cas de l'Angleterre qui confie cette justice aux magistrats des juridictions ordinaires.

C'est pour cette raison ultime d'ailleurs que dans la déclaration des États asiatiques des 1983 : « il est du devoir de tous les État et responsables civils de limiter strictement les activités et l'influence du personnel militaire en n'autorisant que ce qui requiert une défense efficace contre l'agression et d'interdire audit personnel d'exercer des fonctions publiques de nature civile.289(*)

Il est sans doute ici clair que ces États ne peuvent pas soumettre les civils à la compétence des juridictions militaires d'autant plus que la justice ordinaire dont relève les civils fait partie des fonctions publiques de nature purement civile.

Est-il aussi convenable à ce point de retenir que s'il a été jugé bon que le militaire soit jugé par ces pairs militaires, il n'est pourtant pas soutenable à raison d'humanisme à ce que le militaire et surtout celui qui n'a pas appris le droit de juger le civil. Car, est-il aussi louable de le dire, la psychologie d'un civil n'est pas la même que celle du militaire habitué aux rouages et à l'intimidation des hommes en armes. C'est ainsi qu'appelé à comparaître devant une juridiction militaire en face des membres de la composition vêtus en une uniforme qui en elle-même inspire la peur, un civil surtout si l'on se réfère à un habitant du village ou de la campagne, se sera trouvé dans une situation ou forme de torture morale au point de le faire passer aux aveux injustifiés loin de toute vérité, soit de lui faire perdre toute maîtrise pour sa défense personnelle.

Si hier la justice militaire était rendue par les officiers militaires, qui pouvaient présider même la juridiction sans pour autant qu'ils ne soient magistrats, aujourd'hui il faudrait à tout prix humaniser, car le monde se veut celui de compétition et de spécialisation; à ceux qui font du droit leur cheval de bataille, à eux seuls les affaires judiciaires.

* 283 Article 31 CJM.

* 284 L. MUTATA LUABA, op.cit., pp. 41-42.

* 285L. MUTATA LUABA, op.cit., pp. 43-44.

* 286 E. LAMBERT ABDELGAWAD, « Les tribunaux militaires et juridictions pénales d'exception sous le contrôle de la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples », cité par M. WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p. 31.

* 287 G. KAPIAMBA, in www.kongotimes.info-(c)Kongo Times! -All Rights Reserved.

* 288 P.C. KASONGO MWIDINGE MALUILO, art.cit., p. 168.

* 289 R. NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., p. 196.

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