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La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.

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par Joel BONGOLONGONDO
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013
  

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B. Cas particulier de la peine de mort.

Si un condamné pourra garder ses relations et continuer à bénéficier de l'affection de sa famille par des visites et assistance de tous ordres pendant le temps de la purge de sa peine, il n'est pas le cas pour le condamné à mort qui, non seulement qu'il est maudit par cette sentence, mais aussi étant voué à l'élimination, ne saura ni s'amender, ni réparer, moins encore voir les siens.

La répression aujourd'hui devrait jouer un rôle de protéger du pénal, protéger de cette menace que fait planer l'intervention du juge pénal sur la vie de la personne humaine en adoucissant les peines et en éliminant carrément certaines d'entre elles, cette vie pourtant sacrée, et sacralité affirmée sans ambigüité par le constituant congolais à l'article 16 précité .

O tempora! O mores!299(*)

En plein vingt et unième siècle, peut-on torturer au nom de la justice pénale alors que le droit pénal sanctionne la torture comme tout crime, comme celui qu'auraient commis les torturés et juste pour les faires avouer des faits qui vont conduire à la peine de mort? Mais quel amour à la peine de mort qui est pourtant le symbole de la honte pour un État qui se nomme démocratique?

Ubinam gentium sumus? In qua urbe vivimus? Quam rem publicam habemus?300(*)

Devant les Juridictions militaires congolaises, les droits les plus fondamentaux du prévenu sont mis en jeu. Car, il risque et il peut à tout moment être condamné rapidement à mort ou à toute autre peine et cela, même pour les faits dont le doute plane et qu'il n'y a pas une manifestation inébranlable de la vérité.

Pour autant qu'ils ne soient pas contraire à la présente constitution, prévoit l'article 221, les textes législatifs et réglementaires en vigueur restent maintenus jusqu'à leur abrogation ou leur modification. Cela revient à dire qu'un texte législatif antérieur à la constitution du 18 février 2006 telle que révisée le 20 janvier 2011 n'est maintenue que s'il n'est pas contraire à cette loi fondamentale qui a instituée la Troisième république congolaise. Or nulle part dans ces dispositions, cette Constitution ne consacre, n'affirme ou ne réaffirme ou encore ne fait même allusion à la peine de mort.

Si dans les constitutions antérieures la peine de mort n'était pas écartée et on le sait d'ailleurs parce qu'elle était une peine d'intimidation et de protection des pouvoirs dictatoriaux qu'a connu successivement le pays, il n'en est pas le cas aujourd'hui où l'État est organisé par consensus. En effet, la loi fondamentale en son article 15, alinéa 3 se réfère au droit à la vie et à la peine de mort. L'article 6, alinéa 3 de la Constitution du 24 juin 1967 retient les mêmes dispositions, ainsi jusqu'à l'Acte constitutionnel de la transition du 4 août 1922. Mais depuis l'Acte constitutionnel harmonisé de la période de la transition, il y a eu mention du qualificatif sacré en le rattachant à la personne humaine. Le constituant retenait également la peine de mort. La Constitution du 18 février 2006 constitue donc une véritable révolution en ce qui concerne la protection du droit à la vie et l'interdiction de la peine de mort. L'article 16 ne fait plus référence à la peine de mort même comme une peine exceptionnelle qui pourrait être occasionnellement prononcée comme le faisaient les dispositions analogues des constitutions antérieures.301(*)

De ce fait toute loi antérieure à la Constitution du 18 février 2006 qui contiendrait des dispositions prévoyant la peine de mort ou qui attribuerait la compétence aux juridictions pour la prononcer est contraire à la constitution et à la lumière de l'article 221 précité, ne peut être maintenue et elle entre ipso facto et de plano dans les musées, les archives ou tout simplement dans les oubliettes du passé. C'est le cas notamment des lois no 023 et 024/2002 en examen qui pour la première attribue la compétence et pour la deuxième prévoit la mort comme sanction aux infractions qu'elle définit. Grave alors, elle prévoit la mort même pour des faits de moindre gravité, pendant que le statut de Rome comme il a été souligné ci-haut, même pour les crimes qu'il qualifie de plus graves, n'a pas prévu le supplice comme sanction.

Les juridictions militaires, statuant ainsi sur ces faits, appliquant les dispositions de ces deux lois et prononçant la peine de mort ne peuvent pas rendre la justice au motif que la justice est aussi l'un des instruments utilisés non seulement pour protéger, mais pour lutter aussi contre les violations des droits de l'Homme. Pourtant, celle rendue par ces juridictions, est loin de protéger ces droits et en constitue à l'exemple du Congo une véritable menace.

Ce qui est vrai pour le droit en général, qu'on le souligne avec le Professeur Sam BOKOLOMBE, l'est d'avantage pour le droit criminel, dont les règles sont de stricte interprétation étant donné la sensibilité des valeurs tant individuelles que sociales qu'il met en jeu, notamment l'humanité, la vie, l'intégrité physique, l'intégrité sexuelle, la liberté, l'honneur, le crédit, le patrimoine, etc.302(*) Alors qu'au passage de la peine de mort, tout est emporté et tous ces droits perdent leur sens.

Ce raisonnement vaut pour le statut de Rome qui est aussi une loi pénale en ce que d'une part elle porte création d'une juridiction essentiellement pénale pour laquelle il prévoit l'organisation, le fonctionnement et lui attribue les compétences; d'une autre part ce statut définit les infractions et en prévoit les peines.

Concernant un prévenu poursuivi en R.D. Congo pour les crimes de la CPI, ce statut est plus favorable et protecteur des droits qui lui sont garantis, et que les peines qu'il peut encourir ne sont pas prévues par ledit statut. En plus de cela, les conditions d'incarcération à la CPI sont en conformité avec les principes qui prônent le respect de la dignité humaine. Malheureusement le principe de complémentarité de la CPI avec les juridictions internes, elle ne peut poursuivre que les juridictions internes ne sont pas à mesure de poursuivre. Or les juridictions internes comme on les voit bien n'ont été à mesure de poursuivre que les pauvres citoyens sans protection ou de basse classe. Les gros poissons en échappent toujours et commettent des crimes en toute impunité.

Les parties au statut de Rome qu'on le souligne, se sont rendus compte de la nécessité de la sacralité de la vie humaine et n'ont pas, malgré la gravité trouvée dans les infractions qu'elles ont défini dans ledit statut, prévu la peine de mort. Pour ceux qui peuvent chercher le motif, c'est seulement par ce que les États ont compris que : « ce n'est pas par ce que la peine de mort existe que les crimes ou infractions passibles de cette peine ont diminué en nombre ou en intensité »303(*); et qu'ils ont en outre compris que parmi les droits du prévenu mis en jeu lors d'un procès, le droit à la vie est celui-là qui est plus visé indirectement ou directement et c'est la vie qui est au centre de l'activité humaine. D'où il faut le protéger en évinçant la peine de mort.

Car, l'équité conduit à penser qu'on ne peut pas tuer au nom de la justice cette même personne dont on a institué la justice pour la protéger, elle et ses droits; la tuer par ce qu'elle a enfreint à la loi. Ainsi on appelle assassin celui qui tue par méditation et pour le condamner on voudrait au nom de la justice commettre le même acte, cela s'écarte de tout principe de justice et d'équité. Victor Hugo n'a-t-il pas écrit que `' la peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie et à Robert BADINTER de soutenir que la peine de mort est une défaite pour l'humanité, en ce qu'elle ne protège pas la société des hommes libres, elle la déshonore, en faisant sienne la pratique de l'assassin en l'assassinat à son tour. Elle tombe ainsi dans le piège secret que lui tend le crime. Celui de verser le sang en l'appelant châtiment. Par l'exécution, l'acte du criminel devient celui de la justice. L'homme, on le sait, est un animal qui tue, non pour assurer sa subsistance, mais parce que la conscience et la maîtrise de soi sont, chez certains êtres et à certains moments, impuissants à arrêter la pulsion de mort. Si on veut la réduire, n'en faisons pas la loi et le rite de la cité.304(*)

Parce que au Congo de par la Constitution la vie humaine est sacrée et que dans aucune de ces dispositifs la constitution a privé la vie du prévenu de cette sacralité, une justice qui applique la peine de mort surtout dans le cas frappant de la justice militaire, elle ne peut pas juger les civils d'autant plus que dans aucun des États de la planète, il est confié aux Forces armées la mission de juger les civils, c'est la mission du juge pénal ordinaire. Si on le fait à titre d'exception, cela ne peut pas être érigé d'une manière tantôt d'une autre en un principe ou être plus étendue qu'une simple exception. Il y a un adage latin qui dit « Nec plus in accessione esse potest quam in principali : il ne peut y avoir dans l'accessoire plus que dans le principal. »305(*)

Le constituant congolais de 2006 du moins dans le texte a rencontré les aspirations des Congolaises et des Congolais en ce qui concerne la valeur qu'il a réservé à la vie en la sacralisant, car, de toutes les valeurs fondamentales de l'homme congolais, de tous les biens qu'il souhaite obtenir, la vie est le bien par excellence. Si les Congolais sont conscients que la vie qu'ils portent leur est transmise par leurs parents, leur plus grand souhait est que cette vie soit non seulement sauvegardée, mais aussi renforcée en cas de maladie ou d'une influence maléfique. La conception congolaise de l'Homme centrée sur la vie forte, la fécondité intense et l'union vitale considérées comme des valeurs fondamentales impose la réforme du Code pénal congolais actuel élaboré essentiellement sur base des présupposés philosophiques étrangers.306(*)

Elle ne dit pas le contraire, Madame SITA AKELE Angélique lorsqu'elle note parlant de la fonction du droit pénal qu'il protège les valeurs les plus essentielles de la société et consolide sur la base de cette protection l'ensemble du système juridique, l'examen du Code pénal ajoute-t-elle, montre que les valeurs protégées par ces peines sont : la personne humaine dont on protège la vie, la santé physique et morale, la dignité; la famille, nucléaire ou élargie par la parenté ou l'alliance, les biens, individuels ou collectifs, publiques ou privés, la communauté à divers échelon, les plus élevés étant la nation.307(*)

En ce sens, il est du bon droit que le procès pénal soit organisé en considération de tous ces aspects qui constituent ainsi les droits que la Constitution garantit au prévenu parmi lesquels la sacralité même de sa vie et le droit à un procès équitable avec les corollaires comme que la cause soit entendue par un juge impartial. Ce que n'offre pas la justice militaire actuelle qui juge selon les hypothèses évoquées dans la première partie les personnes civiles à tous les échelons.

Par ailleurs, il convient de le souligner avec le Professeur André MBATA qu'en droit constitutionnel, il existe plusieurs méthodes d'interprétation juridique. Il s'agit notamment de la méthode littérale ou grammaticale, de la méthode intentionnelle, de la méthode téléologique, de la méthode contextuelle, de la méthode comparative, et de la méthode d'interprétation par objectif fondé sur les valeurs protégées. Aucune de ces méthodes ne saurait justifier la persistance de la peine de mort en droit constitutionnel congolais.308(*)

Ceci vaut pour l'interprétation de l'alinéa premier de l'article 156 sur la compétence des juridictions militaires à l'égard des civils. Aucune de ces méthodes ne saurait justifiée cette compétence hormis l'hypothèse des circonstances exceptionnelles comme la guerre, l'état d'urgence ou de siège.

En outre, le doyen NYABIRUNGU note que la tendance abolitionniste du parlement, que celui de la transition ou celui de la troisième République, se manifeste par le fait qu'il n'a jamais voté une loi portant peine de mort.309(*) Par exemple, aucune disposition de la loi de 2006 sur les violations sexuelles et de la loi no 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant ne prévoient la peine de mort, même si l'article 89 de la loi no 13/011-B du 11 avril en fait allusion quant aux compétences des tribunaux de grande instance.

Les juridictions militaires congolaises par contre ne s'inscrivent pas dans cette logique et la répression assurée par elle s'écarte de plus en plus du respect des dispositions constitutionnelles en vigueur. Faisant de la loi constitutionnelle juge de l'exception d'inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction, l'article 162 de la constitution reconnaît aussi à toute personne le droit de saisir cette cour pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire. Toute personne peut poursuit cet article, saisir la même cour, par la procédure de l'exception de l'inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la concerne devant une juridiction; laquelle va surseoir à statuer pour saisir toutes affaires cessantes, la cour constitutionnelle.

Cependant, au niveau du juge militaire congolais, le prévenu ne jouit pas de cette prérogative car ce juge ne se borne qu'à prendre lui-même une décision sans pourtant surseoir estimant à tort que l'exception d'inconstitutionnalité soulevée concernant les lois judiciaire et pénale militaires du 18 novembre 2002 est dénuée de tout fondement en ce qu'elles sont antérieures à cette constitution et que selon le juge militaire, l'alinéa 3 de l'article 156 de cette même constitution, prévoit qu'une loi devrait fixer les compétences des juridictions militaires.

Or, si l'exception d'inconstitutionnalité prévue par cet article concerne tout citoyen qui a une cause devant un juge, elle est pourtant plus bénéfique au prévenu devant une juridiction militaire qui pose un problème d'inconstitutionnalité d'une part sur sa compétence face aux civils et d'autre part sur les dispositions du Code pénal militaire à appliquer.

D'ailleurs sur cette question, le Professeur ESAMBO KLANGASHE déjà cité, estime que la question préjudicielle de constitutionnalité est un moyen par excellence de protection et de préservation des droits et libertés publiques garantis par la constitution et laisse, en dépit de l'imprécision que s'offrent la plupart de constituants, entrevoir l'idée qu'elle relève des juridictions de jugements de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire.310(*)

Comme on peut le remarquer, il sied de comprendre que l'on ne saura peut-être pas évoquer tous les droits du prévenu mis en jeu lors d'un procès pénal. Cependant l'on sait bien qu'il est un droit pour tout prévenu de demander et d'obtenir la récusation d'un juge dont il doute la partialité, cela bien sur conformément aux dispositions prévues aux articles 49, 50, 51 et 52 de la loi organique no 13/011-B précitée.

Malheureusement pour le prévenu devant une juridiction militaire, il a moins de chance d'exercer et obtenir gain de cause sur cette prérogative, car, les juges militaires échappent aux dispositions légales organisant la récusation en ce sens que dans leurs composition hybride, ce sont les magistrats militaires de carrière qui confèrent à la composition toute la nature juridique d'une juridiction de jugement311(*), surtout que souvent la juridiction siège avec le seul magistrat de carrière qui le préside.

Dans ce cas, peut-on dans un État de droit soutenir la soumission des filles et fils du pays à une telle justice si l'on doit considérer ce brocard latin : « iustitia est constans et perpetua voluntas jus suum cuique tribuendi », c'est-à-dire la justice est la volonté inébranlable et incessante d'attribuer à chacun son droit.312(*)

Ainsi l'histoire on ne l'efface pas, l'on retiendra pour mémoire la triste condamnation à mort par une juridiction militaire d'exception, de Emmanuel BAMBA, Alexandre MAHAMBA, Évariste KIMBA et Jérôme ANANY ``les pendus de la pentecôte'' à la grande place de pont Cabu à Kinshasa dans localisation actuelle du stade dit des Martyrs de la pentecôte. En effet, ce tribunal militaire d'exception fut créé par l'ordonnance no 66-338 du 30 mai 1966 dont le siège était composé des officiers supérieurs INGILA, MALILA et NKULUFA LOMBINDO pour juger les sus-qualifiés dont on reprochait l'infraction d'atteinte à la sûreté de l'État par le fait qu'ils auraient tenté de renverser le régime né du coup d'État militaire du 24 novembre 1965 et projetaient d'assassiner les Généraux MOBUTU, MULAMBA et BOBOZO.313(*)

Alors qu'ils n'étaient pas en encore jugés, le Haut-commissaire à l'information de l'époque (équivalent du Ministre de communication et Média aujourd'hui) annonçait : « ils seront jugés par un tribunal militaire pour haute trahison. Ils risquent la peine de mort; ils pourraient être pendus sur la place publique. »314(*) Et c'est ce qui a été fait comme annoncé.

Au cours du procès qui du reste n'avait duré qu'une heure et trente minutes selon le rapport de la CNS, le juge-président avant la clôture des débats finira par conclure : « Messieurs, nous sommes ici devant le conseil de guerre, ce n'est pour discussion. Nous sommes ici, c'est pour punir quelqu'un, donc le tribunal militaire ne demande pas beaucoup de temps. Maintenant, en tant que président, nous allons à côté pour mettre les choses au point. ». Ces délibérations ne prirent que cinq minutes et le verdict tomba sec : la peine capitale pour les quatre prévenus. Le haut commandement exigea l'application immédiate de la sentence que confirma le conseil de ministres réuni à deux reprises dans la nuit du 1er et du 2 juin 1966. Le Chef de l'État refusa d'accorder la grâce, malgré les nombreuses interventions en faveur des condamnés. Ces derniers furent pendus le 2 juin, devant une foule estimée à 300.000 personnes.315(*)

Il n'y a pas que ça, sous le RP no 1078/02, MP contre le prévenu Eddy KAPEND et consorts, la COM a instruit le procès dit Kabila. 130 personnes civiles et militaires étaient poursuivies des chefs des préventions d'attentat contre la vie du chef de l'État, d'attentat dans le but de détruire le régime constitutionnel, de complot et autres préventions connexes. Elle a prononcé le 07 janvier 2003, dans cette cause historique portant contre la vie du Président Laurent Désiré KABILA, un arrêt sur dispositif, sans la moindre motivation, et qui est du reste introuvable. Trente personnes au total parmi les cent trente poursuivies ont été condamnées à mort, d'autres à perpétuité(...). Les décisions de cette cour de triste mémoire n'était pas appelable. Et même après l'abolition de ladite cour, l'article 378 du fameux code judiciaire militaire promulgué pendant que ce procès était en cours prive ces condamnés du droit d'appel. Conséquence, l'appel contre cet arrêt est toujours exclu. Il en est de même de la réouverture des procès de cette juridiction d'exception et de triste mémoire.316(*)

Les Suisses n'avaient-ils pas raison de militer pour l'abolition ou la suppression pure et simple de la Justice militaire pour éviter ce genre de revirement dans l'avenir ?

C'est sous ces concepts que la peine de mort depuis son histoire, a été instituée et prononcée dans la plupart de cas connus pour ces genres de procès. Il n'y a donc aucune raison que les juridictions militaires encrées dans ces pratiques puissent continuer à juger les civils et construire ainsi une pratique de violation des droits du prévenu pourtant protégé par les lois tant internes qu'internationales lesquelles ne le privent d'aucun droit parmi ceux reconnus et garantis à tout homme criminel soit-il.

De toute évidence, la justice doit être et resté juste. La peine de mort discrédite la justice et lui fait perdre tout son fondement, tout son sens dans un État qui se veut de Droit ou de Droit constitutionnel. En fait on ne juge pas un animal, mais une personne humaine. Certes, elle s'est écartée de normes de la société, mais il faut la resocialiser. Penser à des peines plus cruelles, c'est installer l'injustice au nom de la justice, c'est autant légaliser le crime que lutter contre.

Par conséquent, comptes tenu des valeurs profondes de l'humanité et par respect du caractère sacré de la vie, mais également pour faire triompher l'idéal de la resocialisation du délinquant que poursuit par ailleurs, le droit pénal contemporain, le Professeur LUZOLO propose l'abolition de la peine de mort, une abolition responsable tenant compte des exigences exprimés et qui, rationnellement, conditionnent la réussite de cette oeuvre d'humanisation de la justice.317(*)

Selon une enquête exhaustive conduite par l'Université de Columbia, sur les 5.697 condamnations capitales prononcées en première instance entre 1977 et 1995, les deux tiers avaient été acquises au terme d'un procès irrégulier.318(*) La République démocratique du Congo dans son contexte politique et dans la manière dont les affaires sont conduites au niveau de la Justice militaire, n'échappe aucunement à cette réalité car même ici il s'agit d'une justice humaine et c'est possible que les erreurs soient commises dans ce sens.

Seules les sociétés malades maintiennent la peine capitale.319(*) Loin d'être une injure plutôt qu'une vérité, cette phrase de BADINTER , doit avoir un accent particulier sur les juridictions militaires congolaises dont l'essentiel de l'activité est fortement assis dans les dispositions des lois qui trouvent en la peine de mort une politique criminelle même pour des faits de moindre gravité. Par exemple, si les pillages ont été commis en temps de guerre ou dans une région où l'état de siège ou d'urgence est proclamé ou à l'occasion d'une opération de police tendant au maintien ou au rétablissement de l'ordre public, les coupables sont punis de mort.320(*) Tout condamné à mort en vertu du présent code sera passé par les armes.321(*) Les justiciables des juridictions militaires condamnés à la peine de mort sont passés par les armes dans un lieu désigné par l'autorité militaire.322(*) C'est comme ça qu'on peut destiner au passage aux armes, quelqu'un qui lors des pillages susvisés, s'est contenté d'emporter les baffles d'un ordinateur comme ce fut le cas à Mbandaka en 2009 lors du procès dit des insurgés Enyele après l'insurrection de Dongo.

Toutefois, le fait pour la République démocratique du Congo de subordonner l'exécution de cette peine de pire sacrilège au rejet de la grâce présidentielle et que son silence à cet effet ne devant pourtant pas être interprété comme un rejet323(*) d'une part, et d'avoir ratifié en 2004 la résolution des Nations Unies sur le moratoire suspendant toute exécution, on peut dire que c'est un signe fort de la réprobation sociale face à cette peine, et que par là toute justice assise sur la condamnation à ladite peine doit être simplement écarté du jeu.

De tout ce qui précède, les juges assesseurs ne peuvent pas dans l'hypothèse et dans l'administration de la Justice militaire, siéger pour traiter d'une matière pénale où le prévenu risque de perdre toute sa valeur en tant que personne humaine. Cela se justifie du fait de l'inflation législative que connait le pays et la diversité de la coutume qui pourtant devant être appliquée par les cours et tribunaux civils et militaires.

Face à cette considération, le juge assesseur ne reste plus qu'un simple figurent , car c'est au cours même du procès qu'il découvre comme le public venu assister, les différentes dispositions légales ou coutumières qu'invoquent les avocats, le Ministère public et le Juge président, l'unique magistrat de carrière dans la composition.

Les sociétés modernes et complexes, note le Professeur AKELE ADAU, connaissent en effet des lois innombrables, instables, souvent incohérents et mal rédigées. Tant et si bien que le Droit ne s'enseigne plus comme un enchainement de certitudes. Il insinue le doute et, si l'on n'y prend garde, il apporte l'insécurité. On pouvait déjà poursuit-il, voir dans cette multiplication des droits susceptible d'avoir un effet destructeur sur l'État de droit, le germe de la guerre des droits. C'est que l'inflation normative dit-il encore, rend le juriste, mais cela n'est si sûr seul capable de reconnaitre dans la jungle juridique. En revanche, elle éloigne de plus en plus le profane (le cas du juge assesseur non-juriste) de la connaissance et de la compréhension du Droit324(*).

Voilà les difficultés auxquelles la Justice militaire congolaise se trouve, lorsque ces juridictions doivent siéger avec les juges assesseurs qui n'ont du reste qu'une durée de trois mois sans pour autant acquérir l'expérience pour ce faire.

Appuyer l'idée de la composition du siège par les non-juristes en évoquant la maxime ``nemo ignorare legem censetur'' c'est se faire de l'ullision et cela ferra dénuder la justice de toute son utilité sociale, car, l'éloignement de non-juristes à la connaissance et à la compréhension de la philosophie du Droit a pris une telle ampleur que c'est avec mauvaise conscience qu'on continue à penser que ``nul n'est censé ignorer la loi'' alors que même ceux qui sont appelés à la faire appliquer l'ignore. C'est ainsi qu'il est peut-être étonnant que le juge chargé d'appliquer la loi, parfois se rebelle contre elle.325(*) Il y a là un évident mépris des réalités et un amer constat de ce que le droit n'est pas consommé par la population à la base (les juges assesseurs y compris). Il est comme étranger à la vie de la population qui est ainsi confinée dans une attitude légaliste passive ou au contraire dans une attitude qui débouche notamment sur des déconnexions juridiques, d'insensibilité normative. Cette attitude débouche notamment écrit le Professeur AKELE, sur des phénomènes de justice populaire ou de justice informelle.326(*)

Cependant, cette réalité n'épargne pas le juge assesseur militaire issu des officiers militaires ou policiers pour venir composer la juridiction en vue de juger du moins un homme, et pourtant cette entreprise compte tenu du caractère sacrée de la vie humaine, nécessite donc l'intervention d'un juge pas spécialisé, mais spécialiste qui n'a pas qu'une simple psychologie humaine, mais aussi une psychologie judiciaire acquise après tant d'efforts et de sacrifices dévoués à la Faculté de Droit et des pratiques autour des branches des sciences tant humaines que juridiques qui doivent concourir à l'action répressive.

Dans le contexte particulier de la société congolaise, face à l'ampleur que prend le phénomène associatif, la guerre est susceptible, de déborder du cadre des professionnels classiques de la Justice officielle, pour emporter dans la tourmente ces nouvelles catégories d'agences et d'opérateurs judiciaires que sont ou que devraient être les para juristes.327(*)

Pour protéger enfin les droits de l'Homme et en éviter les violations par les instances judiciaires, les règles de procédure pénale, et particulièrement dans le cas spécifique de l'action judiciaire militaire, tout en évitant à assurer la répression du coupable, doivent en même temps veiller à ce que les droits de la défense soient sauvegardés.328(*) Cela devrait être pris en compte aussi au niveau de la composition du siège des juridictions pénales ordinaires ou spécialisées, en temps de paix comme pendant la période d'inquiétudes. Car, la défense n'a son sens que si le défenseur se trouve face à juré si instruit et outillé pouvant saisir tous les enjeux et comprendre les allégations soutenues au cours de l'instance. Que la défense ne soit pas là pour embellir seulement la procédure.

Il convient alors de retenir que la procédure pénale est le thermomètre de la température démocratique d'un État, car elle est l'expression vivante des libertés publiques reconnues par l'État aux individus. C'est pourquoi dit-on, là où l'État brime, opprime l'individu, constate que le déroulement du procès est rapide et secret ; on constate également que des pouvoirs excessifs sont accordés aux magistrats.329(*) Pour s'en convaincre, il importe de considérer l'arrestation cavalière330(*) (intervenue à 02 heures du matin) du Député national Fidèle BABALA cadre et Secrétaire général adjoint du MLC et son transfèrement à La Haye siège de la CPI en exécution au nom de la coopération internationale d'un mandat d'arrêt international émis le 20 novembre, alors qu'il n'en était pas ainsi lorsque la même Cour réclamait l'arrestation et la réédition de Bosco NTAGANDA alors sous mandat d'arrêt international, auteurs des crimes les plus graves qui défient la conscience commis à l'est du pays.

* 299 CICERON, Premières Catilinaires, in EGLOGA, p. 196.

* 300 In idem loco, p. 198.

* 301 A. MBATA BETUKUMESU MANGU, Abolition de la peine de mort et constitutionnalisme en Afrique, l'Harmattan, Paris, 2011, p. 60.

* 302 S. BOKOLOMBE BATULI YASEME, op.cit., p. 54.

* 303 A. MBATA BETUKUMESU MANGU, op.cit., p. 53.

* 304 R. BADINTER, op.cit., pp. 10-11.

* 305 G. CORNU, op.cit., p. 1090.

* 306 M. MBAMBI MONGO, « La personne humaine au coeur de la réforme du code pénal. Approche de la philosophie et d'anthropologie juridiques », in AKELE ADAU, op.cit., p. 120.

* 307 A. SITA MUILA AKELE, « Comment intégrer la démarche de la réforme du code pénal dans une véritable politique de civilisation », In AKELE ADAU, op.cit., pp. 127-133.

* 308 A. MBATA BETUKUMESU MANGU, op.cit., p. 61.

* 309 R. NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit., pp. 27-28.

* 310 J. L. ESAMBO KANGASHE, op.cit., p. 111.

* 311 L. MUTATA LUABA, op.cit., p. 26.

* 312 G. CORNU, op.cit., p. 1090.

* 313 CNS, Commission des assassinats et violations des droits de l'Homme, Rapport sur les assassinats et violations des droits de l'Homme, Livre 2 : Deuxième République, Kinshasa, 2004 in YERODIA Abdoulaye NDOMBASI, Qui est qui? Qui a fait quoi?, p. 12.

* 314In idem loco, p. 15.

* 315 CNS, pp. 15-16.

* 316 L.CIZUNGU MUGARUKA, op.cit., p. 95.

* 317 E.J. LUZOLO Bambi Lessa et N.A. BAYONA ba Meya, op.cit., p. 521.

* 318 R. BADINTER, op.cit., p. 21.

* 319 In idem loco p. 29.

* 320 Article 65 CMP.

* 321 Article 28 alinéa 1er CMP.

* 322 Article 352 CJM.

* 323 J.I.C. MUKENDI KAMBALA, op.cit., p. 271.

* 324 P.AKELE ADAU, « Pluralisme juridique et réforme du Code pénal en République démocratique du Congo, in P.AKELE ADAU (sous dir.), op.cit., p. 194.

* 325 J.PRADEL, op.cit., p.20.

* 326 P.AKELE ADAU, art.cit., p. 195.

* 327 In idem loco.

* 328 E.J. LUZOLO Bambi Lessa et N.A. BAYONA ba Meya, op.cit., p. 26.

* 329 E.J. LUZOLO Bambi Lessa et N.A. BAYONA ba Meya, op.cit., p. 27.

* 330 G.KAMBINGA KATOMBA, Député national, Porte-parole du MLC (Parti chair à Jean-Pierre BEMBA GOMBO et Fidèle BABALA arrêté) lors d'une interview lui accordée par la rédaction de Télé 50, chaine de télévision privée émettant de Kinshasa, suivie le 27 novembre 2013, édition du soir.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard