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La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.

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par Joel BONGOLONGONDO
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013
  

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Chapitre 1er : La compétence des Juridictions militaires congolaises face aux civils en temps de paix.

Le temps de paix, qu'est-ce ?

Le temps de paix est entendu comme : « la période durant laquelle un Etat souverain, jouit d'une tranquillité publique sur toute l'étendue de son espace géographique national : l'ordre public et la sécurité des populations y étant pleinement assurés par les institutions légitimes appropriées (Armée, Police, etc.). Il n'y a point d'agression externe, il n'y a point d'affrontement armé dû à une guerre civile. Mais cela n'exclut pas totalement les crises ou troubles graves que les forces de l'ordre peuvent contenir de temps à autre.»33(*) Ainsi donc, une partie du territoire d'un Etat peut connaître le temps de paix pendant qu'une ou plusieurs autres sont dans le trouble.

L'interprétation des textes de lois sur la compétence des juridictions militaires à l'égard des personnes n'ayant pas la qualité de militaire ni de policier (civils) pose problème, car, la loi n'attribue pas expressément à ces juridictions la compétence de juger les civils à la hauteur de l'interprétation dont s'est livré le juge militaire, d'autant plus que le Code pénal militaire qui est une loi de la République, peut être appliqué même par le juge pénal de droit commun.

Or, la tendance actuelle et comme on va le découvrir, est de faire justiciable des juridictions militaires, toute personne qui se rend coupable d'une quelconque infraction définie par le Code pénal militaire, allant ainsi jusqu'au-delà de l'extension normale et logique de compétence, laquelle ne devait du reste être qu'une exception au principe qui voudrait que tout citoyen soit renvoyé devant son juge naturel pour répondre des actes pénaux commis par lui.

C'est à juste titre que le Professeur LUZOLO Bambi Lessa Emmanuel-Janvier, a pu déceler ce qui suit : « un des écueils de l'organisation judiciaire congolaise est depuis longtemps la controverse sur les rapports entre la distribution de la justice civile et la justice militaire. Bien qu'à première vue cela ne paraisse pas perceptible (poursuit-il), cette question pendante peut avoir une incidence sur l'institution de la détention préventive. C'est pourquoi, à la liste des solutions qu'appelle ce problème (renchérit-il), il y a lieu d'inscrire la solution du règlement du rapport entre la justice militaire et la justice civile du point de vue de la compétence et du point de vue de la procédure.»34(*) Controverse qui fait oublier aux animateurs de la justice militaire la portée objective de leur compétence, lequel oubli les plongent dans l'ignorance allant jusqu'à s'attribuer une compétence large non seulement face aux civils, devenant même des médiateurs pour trancher des questions purement civiles qui ne relèvent aucunement de la compétence matérielle des juridictions militaires.

Pour s'en convaincre à ce point de vue, il faudrait considérer l'alinéa 2 de l'article 30 du Code judiciaire militaire qui dispose en subsistance que : « lorsqu'une juridiction militaire et une juridiction de droit commun se trouvent simultanément saisies de la même infraction ou d'infractions connexes, la Cour suprême de Justice, à la requête du Procureur général de la République détermine la juridiction compétente.»35(*) A la suite de l'écartement de la Cour suprême de justice en trois cours distinctes et de la promulgation le 11 avril dernier de la loi organique n° 13/011-B portant notamment compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, cette compétence revient actuellement à la Cour de cassation en installation et logiquement à la requête du Procureur général près la dite Cour.

Comme on peut le voir, non seulement qu'il y a des infractions au Code pénal militaire qui peuvent être soumises au juge pénal ordinaire, mais aussi même le législateur avait du mal à résoudre ce problème de conflit de compétences et il l'a soumis à la sagesse du juge suprême.

Question d'interprétation et de découverte de l'esprit des lois, la lecture combinée des articles 73, 74, 76, 79, et 104 du même Code judiciaire militaire, laisse hypothétique la compétence des juridictions militaires face aux civils en période d'absence de péril public. En effet, les cours et tribunaux militaires ont plénitude de juridiction pour juger les individus traduits ou renvoyés devant eux pour les infractions prévues et punies par la loi.36(*) Il s'agit ici sans doute de la loi pénale militaire, parce que l'article qui suit précise que la soumission aux lois militaires commence pour les miliciens et les volontaires de toutes les catégories dès le moment où un agent commis à cet effet leur fait, après leur avoir préalablement donné lecture des lois militaires, la déclaration qu'ils sont soumis à ces lois.37(*)

Cela appelle cependant à l'observation et à la préoccupation sur le nombre de lois militaires visées dans cette lecture et aux séances ou au temps qu'il faut pour ce faire. Car, sans cette formalité, à la lumière du deuxième alinéa de l'article 74 sous analyse, ces individus n'ayant pas encore acquis la qualité de militaire, ne sont pas soumis aux lois militaires, tant que le procès-verbal de constat de ladite formalité n'aura pas été signé par l'agent et les recrues ou leurs témoins.

Parlant de la compétence matérielle de ces juridictions, laquelle compétence a d'incidence sur celle dite personnelle, les alinéas 1 et 2 de l'article 76 prévoient que : « les juridictions militaires connaissent sur le territoire de la République, des infractions d'ordre militaire punies en application des dispositions du Code pénal militaire. Elles connaissent également des infractions de toute nature commises par des militaires et punies conformément aux dispositions du Code pénal ordinaire.»38(*)

De ces considérations, il convient de scruter le sens des expressions ''traduits'' ou ``renvoyés'' employés à l'article 73, ci-haut cité. Pour cela, l'expression ''traduits'' renvoie aux militaires et ''renvoyés'' s'applique aux civils qui en réalité relèvent du juge pénal ordinaire ou de droit commun.

Quant à l'article 79 qui rend les juridictions militaires compétentes pour les infractions au Code pénal militaire commises par des civils, il énonce que: « lorsque le Code pénal militaire définit ou réprime des infractions imputables à des justiciables étrangers à l'Armée, les juridictions militaires sont compétentes à l'égard de l'auteur, du co-auteur ou du complice, sauf dérogation particulière.»39(*)

Pour tourner la page à cette question, l'article 104 dispose que « la compétence personnelle des juridictions militaires est déterminée par la qualité et le grade que porte le justiciable au moment de la commission des faits incriminés ou au moment de sa comparution.»40(*) Cependant, pour les civils, il est tenu comptent du privilège de juridiction pour déterminer laquelle juridiction militaire sera compétente, et à défaut, c'est le tribunal militaire de garnison qui juge tous les civils qui ne bénéficient pas dudit privilège qui du reste n'est pas prévu pour tout le monde.

Ainsi, il est prévu ce qui suit : « sont justiciables de la Haute Cour militaire: b) les personnes justiciables, par état, de la Cour suprême de Justice, pour des faits qui relèvent de la compétence des juridictions militaires41(*)» et « sont justiciables de la Cour militaire: b) les personnes justiciables, par état, de la Cour d'appel pour des faits qui relèvent de la compétence des juridictions militaires; c) les fonctionnaires de commandement du Ministère de la Défense, de la Police nationale, du Service national ainsi que de leurs services annexes. »42(*)

Il est à observer ici que le législateur congolais, en ce qui concerne les règles relatives à l'extension de compétences de la justice militaire en dehors des Forces armées et de la Police, a manqué de cohérence sur la portée et l'étendue desdites compétences qui devaient être prévues à titre d'exception. Or comme on va le voir tout au long de cette étude, il n'est plus question d'une compétence exceptionnelle, mais plutôt ordinaire en ce sens qu'en droit judiciaire congolais le juge pénal tant ordinaire que militaire se partagent les mêmes justiciables au point que le juge militaire dépasse.

Malgré ces observations, plusieurs situations résultant tant des dispositions expresses que de la mauvaise interprétation des lois et de la pratique, rendent les civils même qui n'ont pas servi au sein des Forces armées à quelque titre que ce soit ou sous la qualité de militaire ou de policier, justiciables des juridictions des Forces armées, dont pour le besoin de la présente étude, on en analysera selon qu'il s'agit du personnel civil oeuvrant ou embarqué au sein des Forces armées ou de la Police nationale (Section 1ère) et selon qu'il s'agit des civils impliqués aux infractions des militaires ou policiers et ceux qui commettent des infractions au Code pénal militaire (Section 2ème).

Section 1ère : Du personnel civil oeuvrant ou embarqué au sein des Forces armées ou de la Police nationale.

Dans l'exercice de leur fonction et dans l'accomplissement de leur mission, les Forces armées et la Police nationale, recourent au service de certaines personnes n'ayant pas la qualité de militaire, ni celle de policier. Il s'agit des agents de l'Etat affectés dans des différents services des FARDC et de la PNC et des individus qui prennent place à bord de leurs embarcations.

Bien que cela peut laisser à désirer, le législateur congolais avait estimé utile de les soumettre aux lois pénales militaires pour des raisons qu'on va traiter dans les deux paragraphes qui suivent.

§1er : Du personnel civil des Forces armées ou de la Police nationale.

Aux termes de l'article 108 du Code judiciaire militaire congolais, hérité de l'article 121 du défunt Code de justice militaire du 25 septembre 1972, les personnes non revêtues de la qualité de militaire, employées dans un établissement ou dans un service de l'Armée ou dépendant du Ministère de la Défense sont justiciables des juridictions militaires pour des infractions commises au sein de l'Armée ou dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Il en est de même, poursuit l'alinéa 2, des personnes employées dans un établissement ou dans un service dépendant de la Police nationale ou du Service national.43(*)

Comme on peut le remarquer, le législateur congolais n'énumère pas en détail les personnes visées dans cette disposition. Il convient alors d'interpréter et chercher le sens de la généralité des termes employés.

A. Personnes concernées.

Parmi les membres du personnel civil militaire, on retrouve dans la première catégorie les agents de l'Etat sous statut de la fonction publique affectés au Ministère de la Défense nationale, du fait que le statut de la fonction publique s'applique (notamment) au personnel civil militaire oeuvrant au sein des Forces armées et de la Police nationale.44(*)

Ces civils qui travaillent au Ministère de la Défense, occupent des fonctions correspondant à leurs grades. Et il convient de signaler que le grade est le titre juridique conféré par la titularisation ou l'acte de nomination qui autorise, le fonctionnaire à exercer un emploi correspondant.45(*)

Il apparait dès lors important de le rappeler avec le Professeur VUNDUAWE te PEMAKO Félix, qu'il y a trois catégories d'emplois ou d'occupations et sont considérés46(*) :

1) Comme emplois de commandement les fonctions de Secrétaire Général, Chef de Division, Chef de Bureau ;

2) Comme emplois de collaboration, les fonctions d'Attaché de Bureau de 1ère classe, de 2ème classe, Agent de Bureau de 1ère classe ;

3) Comme emplois d'exécution, les fonctions d'Agent de Bureau de 2ème classe, Agent auxiliaire de 1ère classe, de 2ème classe et d'Huissier.

En deuxième catégorie, on pouvait retrouver un personnel civil sous régime contractuel, mais la notion d'agent temporaire a été supprimée du fait que plus d'un agent temporaire engagé initialement pour effectuer certaines tâches spécifiques pour une durée déterminée s'est vu confirmé par arrêté de nomination définitive sous le régime du statut devenant ainsi un agent de carrière. Le principe de l'unicité du statut a eu également pour conséquence la suppression des agents sous le régime de contrat. Celui-ci était un contrat administratif.47(*)

Ainsi, les civils visés par cette extension de compétence comme on le dit, sont repartis dans les différents services techniques et administratifs de la Direction Générale du Ministère de la Défense nationale, tels que l'Institut géographique du Congo, le Service de l'Informatique, la Direction du personnel et des Finances, le Centre Supérieur Militaire, l'Académie militaire de Kananga (Ex-EFO). On trouve d'autres au Commandement des Forces armées, à la Police nationale, à la Justice et à la presse militaires (...), dans des Bataillons, Compagnies indépendantes et des Camps militaires, dans des Mess des Officiers, des Cantines-troupes, dans des Foyers sociaux, dans des écoles primaires et jardins d'enfants de l'Armée (...).48(*)

Il va falloir cependant s'interroger sur la soumission de ces civils qui, bien qu'ils sont affectés au service de l'Armée ou de la Police, n'ont jamais acquis la qualité de militaire. A cette préoccupation, les justifications se sont réfugiées à ce que l'on dit, dans le simple fait que « ces civils qui travaillant dans les mêmes conditions que les militaires ont parfois accès à des documents très important au point de vue de la sécurité militaire, peuvent ainsi par leur comportement porter atteinte non seulement aux intérêts vitaux de la Défense nationale par la violation de ce secret militaire, mais aussi détruire ou dégrader les dispositifs de défense établis par l'Armée ; il a donc paru nécessaire de les placer dans les mêmes conditions que les militaires en les soumettant à la rigueur de la loi pénale militaire.»49(*)

De toutes les façons, il est à relever que si cette idée pouvait être bien accueillie à cette époque-là, en plein vingt et unième siècle cependant, elle ne trouve pas tout fondement utile en ce sens que le juge pénal de droit commun à qui revient la compétence orthodoxe de juger les civils, a la mission de protéger non seulement les libertés individuels par son action répressive, mais aussi sans nul doute celle de protéger les intérêts fondamentaux de la Nation desquels dépendent intimement ces droits et libertés; et comme on va l'observer lors de l'analyse des incriminations visées à ce sujet, ce juge pénal ordinaire n'est pas moins outillé pour réprimer toutes fautes pénales susceptibles de compromettre à la Défense nationale.

En tout état de cause, un civil qui oeuvre sous statut au sein des services de l'Armée ou de la Police, n'est concerné que s'il est en activité, qu'il convient d'entendre comme « la position du fonctionnaire qui exerce effectivement les fonctions correspondant à l'emploi qui lui a été attribué, à inclure les misions officielles, les congés ainsi que les absences autorisées par le chef hiérarchique.»50(*) C'est cette logique de chose que renferment les expressions ''au sein de l'armée'' ou ''dans l'exercice de leurs fonctions'' usitées à l'article 108 précité du Code judiciaire militaire.

Quelles sont alors les infractions visées par le législateur, susceptibles d'être perpétrées par les civils oeuvrant au sein de l'Armée ou de la Police à l'occasion ou dans l'exercice de leurs fonctions et pouvant compromettre aux intérêts de la Défense nationale ?

C'est l'anatomie même du point B suivant qui sans pour autant faire une étude approfondie des infractions et le mode de leur perpétration, se limite de les prélever et démontrer leur lien avec les fonctions susvisées.

* 33 L. MUTATA LUABA, op.cit., p.142.

* 34 E.J. LUZOLO Bambi Lessa et N.A. BAYONA ba MEYA, op.cit., p.309.

* 35 In Luhonge KABINDA NGOY et Alii, Les Codes Larcier de la République démocratique du Congo, Tome I : Droit civil et judiciaire, Larcier, Bruxelles, 2003, p.395.

* 36 Article 73, Code judiciaire militaire précité.

* 37 Article 74 CJM

* 38 Article 76, alinéas 1 et 2, CJM.

* 39 Article 79, CJM.

* 40 Article 104, CJM.

* 41 Article 120, CJM.

* 42 Article 121, in idem loco.

* 43 Article 108, CJM.

* 44 F. VUNDUAWE te PEMAKO, Traité de Droit Administratif, Afrique éditions, Larcier, Bruxelles, 2007, p.586.

* 45 In idem loco p.597.

* 46 F. VUNDUAWE te PEMAKO, op.cit., p.597.

* 47F. VUNDUAWE te PEMAKO, op.cit., p.588.

* 48 Général N. LIKULIA BOLONGO, op.cit., p.169.

* 49 In idem loco p.167.

* 50 F. VUNDUAWE te PEMAKO, op.cit., p.601.

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