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Connaissances locales et modes d'utilisation des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans la région des cascades. Cas du village de Diarrabakoko.

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par Saliou SANOGO
Université de Ouagadougou - Mîtrise 2014
  

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II- Des procédés d'utilisation des plantes médicinales.

2.1- Des plantes médicinales utilisées dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune

L'utilisation des plantes médicinales requiert un savoir-faire qui est indissociable de la connaissance même des espèces. Mais, cela ne suppose pas pour autant que toute connaissance implique nécessairement un savoir-faire qui relève de la maitrise pratique des modes ou procédés d'utilisation des espèces végétales connues dans la cure du paludisme et la fièvre jaune. Autrement dit, la connaissance des plantes médicinales qui est l'élément principal des pharmacopées traditionnelles africaines n'entraine pas forcément leur utilisation qui dépend de la reconnaissance des valeurs intrinsèques (efficacité et/ou satisfaction reconnue) ; de l'accessibilité (géographique, disponibilité et règles codifiant l'accès) ; de la nature et des représentations de la maladie, mais aussi et surtout du sexe (selon qu'on est homme ou femme). En effet, nous allons nous appesantir sur cette variable sexe afin de saisir la variation des plantes les plus ou moins utilisées par les enquêtés et ce, en fonction des autres variables qui ne sont que des modalités pratiques de l'utilisation des plantes. Ainsi, l'utilisation des drogues végétales est à quelque degré, oeuvre de la volonté collective et qui dit volonté collective dit choix entre différentes modalités possible. Il suit de cette nature des similitudes et des dissemblances au niveau des espèces les plus ou moins employés par les enquêtés dans la thérapie de ces deux pathologies.

Comme nous allons le constater sur ces tableaux ci-dessous, relatifs à la variation des fréquences d'utilisation des plantes par sexe et par maladie ; il convient de noter que cette fréquence est calculée sur la base du nombre de fois que les espèces ont été employées suite à la question de savoir celles que les enquêtés emploient le plus. C'est ainsi qu'on a pu déterminer le seuil d'utilisation qui se formule comme suit :

- Les plantes ayant une fréquence supérieure ou égale à 5% sont celles qui sont les plus
utilisées. Soit fi =5%.

- Les plantes ayant une fréquence inférieure à 5% sont les moins employées soit fi < 5%.

L'examen du tableau 21 ci-dessous relatif aux plantes les plus ou moins utilisées par les enquêtés dans la thérapie du paludisme permet de voir une plus grande utilisation variée et diversifiée de ces plantes en témoignent les 20 plantes employées par les femmes et les 22 par les hommes sur un total de 31 espèces connues. Ce qui peut s'expliquer par la nature récurrente et les représentations de cette maladie invalidante face à laquelle la biomédecine reste impuissante. Ainsi, le constat révèle que sur les 20 espèces employées par les femmes, (09) sont les plus utilisées selon leurs fréquences respectives, à savoir Anofeissus leiocarpa (15,09%), Azadirachta indica (11,32%), "Bomboromafian" (9,43%), Cassia sieberiana (8,49%), Carica papaya (7,55%), Eucalyptus camaldulensis (5,66%), "Cossafina" (5,66%), Manguifera indica (5,66%) et Nauclea latifolia (5,66%).

Comparativement aux femmes, sur les 22 espèces employées par les hommes, seulement (08) espèces sont les plus utilisées selon leur fréquence en l'occurrence guamungu (12,31%), yriidjan (10,77%), guanguambere (10%), neem yrii (10%). L'observation de ces fréquences respectives permet d'y voir une dispersion chez les femmes que chez les hommes. Et, pour les mêmes espèces employées, les fréquences varient selon le sexe des enquêtés. Il en résulte que le paludisme est une affection qui touche toutes les couches sociales les plus vulnérables notamment, les femmes et leurs progénitures surtout dans ce milieu rural. Ce qui fait d'eux des soignantes ou utilisateurs privilégiés.

Tableau20 : Répartition des plantes les plus ou moins utilisées par sexe dans le traitement du paludisme.

Sexes

Espèces utilisées

Femmes

Hommes

Espèces les Plus utilisées

Noms scientifiques

plus utilisées

Noms locaux

Parties

%

Noms scientifiques

Noms locaux

Parties

%

Anofeissus leiocarpa

Guamungu

Feuilles

15,09

Anofeissus leiocarpa

Guamungu

Racines Feuilles

S

12,31

 

Azadirachta indica

Neem yrii

Feuilles

11,32

Azadirachta indica

Neem yrii

Feuilles

10

Végétal non identifié

Ca

Bomboramafian

Feuilles

9,43

Entada africana

Guanpamle

Racines Ecorces

S

6,15

Carica papaya L.

Papaye yrii

Feuilles Fruits

7,55

Carica papaya L.

Papaye yrii

Feuilles Fruits

6,92

Cassia sieberiana

Guanguamber e

Racines Feuilles

8,49

Cassia sieberiana

Guanguambere

Feuilles Ecorces Racines

10

Eucalyptus camaldulensis

Yrii djan

Feuilles

5,66

Eucalyptus camaldulensis

Yrii djan

Feuilles

10,77

Végétal non identifié

Cossafina

Feuilles

5,66

Végétal non identifié

Cossafina

Feuilles

7,69

Manguifera indica

Mangoro yrii

Feuilles

5,66

0

0

0

0

Nauclea latifolia

Tchofian

Racines Feuilles

5,66

Nauclea latifolia

Tchofian

Racines Feuilles

6,92

Espèces les moins utilisées

Végétal non identifié

Tcholipupu

Feuilles Racines

3,77

Végétal non identifié

Sonsolon

Racines

3,85

Tamarindus indica

Tomi yrii

Feuilles

2,83

Cassia occidentalis L.

Kinkeliba

Feuilles

3,07

Pteeosis suberosa

Djumatcholo

Tiges

2,83

Manguifera indica

Manguoro yrii

Feuilles

3,07

Ipomea asarifolia

Gonkangni

Feuilles

2,83

Végétal non identifié

Cohilo

Feuilles

2,31

Végétal non identifié

Hienfiandjantan

Tiges

2,83

Sanna siamea

Cassia

Feuilles

2,31

Cassia occidentalis L.

Kinkeliba

Feuilles

2,83

Piliostigma resticulatum

Yama yrii

Feuilles

2,31

Vitellaria pradoxa

Mussungu

Feuilles

1,89

Vitex chrysocarpa

Koto yrii

Feuilles/Racines

S

1,54

Mitragyna inermis

Anfian/Dun

Feuilles

1,89

Cola cordifolia

Sulamangoro

Racines

1,54

Piliostigma resticulatum

Yama yrii

Feuilles

1,89

Lannea microcarpa

Tantambilan

Racines

1,54

Sanna siamea

Cassia

Feuilles

0,94

Guiera senegalensis

Tcholipupu

Feuilles/racines

0,77

Végétal non identifié

Karognu

Feuilles

0,94

Citrus limon L.

lemurukumu

Feuilles

0,77

 
 

Mitragyna inermis

Anfian/Dun

Feuilles

1,54

Psidium guajava

Goyaki yrii

Feuilles

0,77

Végétal non identifié

bomboroma fi an

Feuilles

0,77

TOTAL

20 plantes

100%

22 plantes

100%

Source : données du terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakôkô

En outre, la prise en compte des plantes les plus employées selon que nous considérons leur nature fait percevoir dans ce tableau (20), qu'à l'exception des plantes comme (Guamungu, Bomboromafian, guanguambere, Tchofian, et guampanle) qui sont des espèces locales , l'utilisation des autres espèces (neemier, papayer, eucalyptus, cossafina, manguier) est universellement répandue dans cette localité de Diarrabakôkô comme antipaludéen à cause non seulement de leur plus grande accessibilité puisqu'elles sont retrouvées dans l'espace fermé et semi ouvert du village, donc plus proche de la population, mais aussi et surtout du fait qu'elles sont exempts de tout support rituel. Ce sont des plantes exotiques à usage courant comme le développe un enquêté :

Bon... tu sais qu'il y a beaucoup de plantes que les gens utilisent pour soigner ces maladies. Comme "Anga taga bolokatcha"(nos connaissances sont variées) par exemple je sais que beaucoup de personnes utilisent les feuilles de papayer, kinkéliba, accacia pour soigner le paludisme. (...). Il ya aussi les feuilles de cossafina, macérer bon pour le sumaya. Mais moi je ne les utilise pas car ce sont des calmants. C'est comme les comprimés contre le sumaya qu'on vend au dispensaire. Quand tu prends, tu vois que ça se calme et après quelque temps, la maladie revient. Tout le monde connait ces plantes, mêmes les enfants, s'ils sentent que le sumaya veut les attraper, ils enlèvent. (Entretien avec H.B., le 12/04/2012, Diarrabakôkô)

Comparativement à ces plantes d'importation de nature préventive, l'utilisation des espèces locales varie considérablement avec le sexe excepté le guamungu qui est beaucoup plus utilisée par les deux sexes.

De plus, les données empiriques révèlent une pluralité et une diversité de plantes les moins employées par les enquêtés. La pluralité fait référence au nombre et la diversité, vient du fait que certaines espèces locales telles que bomboromafian, mangoro yrii, sont d'usage courante chez les femmes et le sont moins chez hommes, au regard de ces fréquences respectives (0,77%), (3,03%). Inversement, nous observons un emploi plus fréquent de Guampanle chez les hommes que chez les femmes. De même, on constate que les espèces les moins utilisées sont plus nombreuses que celles couramment employées. L'explication vientdu fait que ces plantes sont en majorité locales, retrouvées dans l'espace ouvert du village, donc difficile d'accès pris en termes de disponibilité géographique et règle codifiant leur accès.

Nous pouvons donc, résumant l'analyse qui précède, dire que l'ensemble du monde végétal est scindé en deux, selon qu'il appartient à l'espace socialisé du village (fermé, semi-ouvert) ou à la brousse que l'homme ne maîtrise pas. Ainsi, l'appartenance à un des deux espaces induit un type de conditions d'accès.

Par ailleurs, en s'inscrivant dans la logique du tableau 21 suivant relatif à la fréquence d'utilisation des plantes entrant dans la thérapie de la fièvre jaune, on s'aperçoit d'abord de l'emploi de peu de plantes dans sa cure vue sa perception par cette population locale de Diarrabakoko sur un axe de gravité croissante du paludisme qu'il appelle selon leur état de connaissance sumayaba, jaunisse, Djokadjo ou Djokadjo guè. En effet, partant de la perception inhabituelle et mortelle de cette maladie en cas de traitement biomédical. Ainsi, pour cette population, seules les plantes médicinales sont à même de combattre efficacement cette affection mais cela dépend aussi du niveau de connaissance/savoir sur cette pathologie et les espèces appropriées à y remédier, donc du statut médical. Ce qui pourrait en être l'explication du peu d'emploi des plantes par les enquêtés. Cependant, comme on peut le constater, sur (08) plantes utilisées par les femmes, (07) sont fréquemment employées en l'occurrence Bomboromafian (24,24%), Guamungu (21,21%), Neemier (15,15%), Tchofian (12,12%), N'dribala (9,09%), Bwaun(Nere) (6,06%), Miminanbwa (6,06%),

Comparativement aux femmes, les hommes utilisent (21) plantes dans le traitement de cette effrayante affection mais seulement (04) espèces interviennent le plus selon les fréquences respectives à savoir : Tchofian (18,18%), Guamungu (15,15)%, Sonsolon (12,12%) Guanguambere (9,09%). Cette variation et cette dispersion des fréquences des espèces les plus employées par les femmes viennent à nouveau confirmer leur statut de soignantes privilégiées du fait de leur maternité. Par contre chez les hommes, on observe non seulement une pluralité et une diversité des espèces utilisées mais aussi une certaine concentration des fréquences des plantes les plus employées ; ce qui signifie que les femmes sont plus inscrites dans une logique de « rationalité en finalité » que les hommes, qui en plus de cela recherche une certaine efficacité. Mais le nombre élevé de plantes utilisées par les hommes vient du fait que la solidarité est absolue en matière de l'utilisation des plantes dans la cure de cette affection à l'intérieur de la grande famille, et ces plantes se retrouvent le plus souvent dans la brousse profonde, donc des espèces locales qui sont habitées par des esprits ou des forces surnaturelles qui en sont les gardiens. Comparativement aux plantes médicinales les plus employées par les femmes, l'observation montre qu'exception fait à des espèces comme guamungu, tchofian qui sont aussi plus employées par les hommes, certaines espèces font partie des moins utilisées par ces derniers comme Parkia biglobosa 4,28%, et d'autres comme Bomboromafian, Neemier, Miminanbwa, N'dribala ne sont même d'usage. Il en est de même pour le cas inverse ou des espèces comme guanguanbere (sindjan), tchofian (bati), sonsonlon qui sont plus utilisées par les hommes et qui sont absentes des plantes utilisées par les femmes. Il en résulte de ce fait une variation des fréquences et une diversité des plantes utilisées selon le sexe et la connaissance empirique de ces plantes.

En outre, cette variation est aussi perceptible au niveau même des matériaux botaniques (racines, feuilles, écorces, tiges...) entrant dans la préparation des recettes médicinales. En effet, on remarque l'usage récurrent des feuilles chez les enquêtés et plus chez les femmes surtout dans la cure du paludisme tandis que chez les hommes, l'usage des organes est diversifié. Mais, il est à signaler que les feuilles proviennent plus des espèces exotiques que locales. Par contre, en observant les organes entrant dans la préparation médicinale de la fièvre jaune, le constat révèle l'usage récurrent des racines, des écorces chez les hommes que chez les femmes ou on remarque toujours un usage important des feuilles. Il suit de cette nature une distinction des organes en fonction de ces maladies. Autrement dit, l'usage des feuilles, tiges et fruits sont plus récurrent dans la préparation médicinale du paludisme tandis que les racines et les écorces le sont plus dans celle de la fièvre jaune. Et les feuilles se rapporteraient plus au sexe féminin et les racines et les écorces au sexe masculin; étant donné que la récolte des racines est proscrite pour les femmes comme nous pouvons le constaté à travers ces propos d'une herboriste :

(...) ; souvent aussi on achète avec les "fla bola" surtout les racines. C'est seulement les feuilles que nous nous pouvons enlever. Nous achetons un sac de racine de nos plantes à 100 francs. Mais seule la plante qu'on appelle ``djoro yrii'' qui fait 1500 francs, car c'est très difficile à avoir à coté si ce n'est pas en brousse profonde (entretien avec C.A., le 22/04/2012, Diarrabakôkô).

Tableau 21 : Répartition des plantes les plus ou moins utilisées par sexe dans le traitement de la fièvre jaune.

Sexe

Espèces Utilisées

FEMMES

HOMMES

Espèces les plus utilisées

Noms scientifiques

Noms locaux

Parties

%

Noms scientifiques

Noms locaux

Parties

%

Anofeissus leiocarpa

Guamungu

Feuilles

21,21%

Anofeissus leiocarpa

Guamungu

Racines Feuilles

15,15

Azadirachta indica

Neem yrii

Feuilles

15,15

Azadirachta indica

Tchofian

Racines Feuilles

18,18

Nauclea latifolia

Tchofian

Racines

12,12

Végétal non identifié

Sonsolon

Racines

12,12

Cochlospernum planchonii

N'dribala

Racines

9,09

Cassia sieberiana

Guanguambere

Racines Feuilles

9,09

Parkia biglobosa

Bwaun Nere

Ecorces Noix

6,06

 
 
 
 

Végétal non identifié

Miminambua

Feuilles Ecorces

6,06

 
 
 
 

Espèces les moins utilisées

Piliostigma resticulatum

Yama yrii

Feuilles

3,03

Entada africana

Guampanle

Racines Feuilles

4,55

Cassia sieberiana

Guanguambè rè

Feuilles

3,03

Parkia biglobosa

Bwaun Nere

Racines Ecorces

Graines

4,55

 
 

Daniella oliveri

Gnanlè

Feuilles

4,55

Tamarindus indica

Tomi yrii

Feuilles

Tiges

3,03

Terminalia aviceniodes

Wolon yrii

Racines

3,03

Végétal non identifié

Kongobarani

Racines

3,03

Mitragyna inermis

Dun yrii

Feuilles

3,03

Calotropis procera

Daiware

Racines

3,03

Lannea microcarpa

Tantanbilan

Racines

3,03

Bombax costatum

Bumbun

Racines

3,03

Vitellaria paradoxa

Si yrii

Ecorces

1,51

Cola cordifolia

Soulamangoro

Racines

1,51

Végétal non identifié

Siyèlè

Racines

1,51

Végétal non identifié

Tchatèrè

Racines

1,51

Annona senegalensis

Tobre

Racines

1,51

Vitellaria paradoxa mâle

Si yrii kièma

Racines

1,51

Trichilia emetica

Nicorpiele

Racines

1,51

TOTAL

08 Plantes

100%

21 Plantes

100 %

Source données du terrain, Mars - Avril 2012 à Diarrabakôkô

Poursuivant la lecture comparée des plantes fréquemment employées dans la cure de ces deux pathologies perçue par les enquêtés comme "dogo ni koro fadeen" (petit frère et grand frère de même père), on s'aperçoit aussi d'une variation selon la maladie. En effet, le constat révèle l'emploi plus fréquent des espèces exotiques dans la cure du paludisme contrairement à celle de la fièvre jaune où l'emploi des espèces locales est plus courant exception fait aux espèces comme guamungu et neemier qui interviennent plus dans la thérapie de ces deux affections surtout chez les femmes. En outre, l'emploi des plantes dans le traitement de la fièvre jaune varie selon le degré de cette affection qui va de sumayaba, djokadjo ou mieux de la couleur jaunâtre à la couleur blanchâtre des yeux, paumes dans la conception de cette population locale de Diarrabakôkô. Et, généralement, les plantes les plus utilisées mettent en jeu un système d'analogie se rapportant au symptôme visible de ce mal (la tendance jaunâtre) que Mauss appelle des lois de "sympathie".

En plus de cela, il est intéressant de noter que certaines espèces comme guamungu, bomboromafian, neemier couramment employées par les femmes dans la thérapie du paludisme, le sont aussi dans celles de la fièvre jaune et même au stade avancé vue ces fréquences respectives de 16,12% pour guamungu et bomboromafian et 12,90% pour le neemier. A ces espèces viennent s'ajouter d'autres espèces comme miminanbwa, tchofian employé à 9,67% chacune. Cependant, il faut noter que 16,12% des enquêtés attestent avoir recours aux thérapeutes. Quant aux hommes, ils emploient également les mêmes espèces au stade avancé de cette maladie mais avec une fréquence beaucoup plus élevée que pendant le début de la maladie. Soit 14,54% d'emploi pour sonsolon ; 11% sindjan ; 20% tchofian ; et 9,1% pour guamungu. En ce sens, nous pouvons dire que les mêmes plantes sont fréquemment utilisées par les enquêtés dans la thérapie de ces affections même si lesfréquences de leur emploi varient selon le sexe, la représentation de ces maladies, leur accessibilité et leur efficacité reconnue.

Du reste, sur le point relatif aux règles codifiant l'accès à ces plantes, que ce soit dans la cure du paludisme comme dans celle de la fièvre jaune, le constat de terrain révèle que ces drogues végétales, qu'elles soient plus ou moins employées, sont pour la plupart sans condition d'accès selon 80,23% des enquêtés. Seulement 19,77% d'entre eux y voient des règles allant du respect ou la parole donnée à la plante aux rituels selon la connaissance des enquêtés et la nature de la plante comme le souligne un enquêté :

L'accès aux plantes nécessite respect et considération. Ce sont des êtres vivants. Tu sais qu'en Afrique et dans nos sociétés, la parole est une puissance, la parole soigne. Pour augmenter l'efficacité des plantes, tu parles pour t'excuser et c'est ce que moi je fais (entretien avec D.PZ, le 20/04/2012, Banfora).

Cependant, seule une plante appelée guampanle en langue locale goin et samanere en langue véhiculaire Jula nécessite la prise en compte de l'orientation Est-Ouest dans la cueillette de ces racines comme le confirme un guérisseur : « Bon !il y a une plante qu'on appelle en Jula samanere. Nous on l'appelle dans notre langue Guampanl e. C'est la seule que je connais qui a une manière d'enlever les racines. Il faut enlever une racine vers le coucher du soleil et une autre vers le lever du soleil (entretien H.T, le 11/04/2012)». Ce qui explique son emploi fréquent par les hommes dans la cure de cette maladie. En ce lieu, en envisageant de façon interprétative, nous pouvons dire en dernière instance que l'utilisation plus ou moins des drogues végétales varie sensiblement selon qu'on est homme ou femme, selon leur nature, les organes utilisés et les règle codifiant leur accès ainsi que la représentation locale de ces pathologies. Il est à signaler également que l'utilisation varie avec la pluralité et la diversité des plantes médicinales dans cette localité de Diarrabakôkô ou la pluviométrie est bonne à l'image de toute la région des cascades dont elle fait partie. Ce qui démontre que l'espace physique qui est à l'origine de ces affections est aussi un lieu de pratiques sociales. Sur la base d'un tel constat, nous pouvons dire que si la maladie se trouve dans la nature comme l'est le paludisme et la fièvre jaune, il en est de même de la guérison. Mais cette guérison par les drogues végétales relève de la croyance qui est capitale dans la réussite d'un traitement ou dans l'efficacité des plantes qui sont animées par des esprits surnaturels. Ainsi, à la question de savoir les raisons de l'emploi plus fréquent de certaines plantes, l'efficacité est la principale raison avancée à 75% par les enquêtés suivi de l'expérience d'utilisation à 16,66%. La disponibilité des plantes et la prévention de la maladie ont été avancées à 04,17% chacune.

Si nous considérons que la maladie n'est pas seulement un fait éminemment individuel, il en est de même pour l'utilisation des plantes médicinales qui fait intervenir en sus l'ensemble de la société.

2.1.1- Personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser

Le village de Diarrabakôkô comme nous l'avons précédemment évoqués est une entité restreinte qui est toujours au stade de la solidarité mécanique. De ce fait, dès qu'un problème de santé se pose, c'est toute la famille, voire toute la société qui est interpelée. De ce fait, concevoir la maladie comme une déviance sociale suppose également l'implication de la société dans le choix des plantes médicinales propres à y faire face. Ainsi, la prise en compte des personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser selon que nous considérons la maladie et le sexe, fait percevoir dans le tableau suivant, des éléments d'analyses.

Tableau 22 : Distribution par sexe et par maladie des personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser

Personne impliquées

Maladies

Sexe

Parents

Voisinage

Expérience

TOTAL

Paludisme

H

36,84%

11,58%

51,58%

100%

F

19,72%

38,03%

42,25%

100%

Fièvre jaune

H

43,75%

25%

31,25%

100%

F

28%

52%

20%

100%

Source : données du terrain Mars- Avril 2012 à Diarabakôkô

L'analyse de la distribution des personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser par les enquêtés varie en fonction du sexe et de la maladie. En effet, l'observation des données statistiques montre que l'expérience intervient plus dans le choix des enquêtés dans la cure du paludisme soit 51,58% chez les hommes et 42,25% chez les femmes que dans celle de la fièvre jaune soit respectivement 31,25% et 20%. Ce qui met une fois de plus en exergue la nature récurrente du paludisme qui est une maladie dont peu de gens échappe surtout dans cette localité de Diarrabakôkô qui est une zone endémique stable toute l'année. En ce sens et face à l'incapacité immédiate de mobilisation des ressources monétaires, il suffit d'utiliser une plante et trouver satisfaction pour en faire une drogue privilégié dans la cure de cette affection. Autrement dit, « il existe des situations où il suffit d'avoir été soi-même atteint d'une maladie pour ainsi se qualifier, voire prétendre pouvoir traiter ce mal (Genest 1978 : 20) ». En outre, ce faible taux d'intervention de l'expérience dans le choix des plantes à utiliser dans la thérapie de la fièvre jaune montre que cette affection n'est plus une question d'alarme depuis la découverte du vaccin anti amaril.

Par ailleurs, le réseau parental intervient plus dans le choix des espèces utilisées par les hommes quel que soit la maladie, soit 36,84% dans le traitement du paludisme et 43,75% dans celui de la fièvre jaune. Par contre, chez les femmes, il intervient avec une fréquence respective de 19,72% et 28%. Comparativement aux hommes et suivant ces maladies, on remarque que le choix des plantes employées par les femmes provient plus de l'environnement social (voisinage), soit 38,03% dans la cure du paludisme et 52% dans celle de la fièvre jaune que chez les hommes où il provient moins soit respectivement 11,58% et 25%. L'explication d'un tel constat ne peut venir que de la position sociale dans ce milieu rural. Autrement dit, l'analyse de l'espace des réseaux de relation inscrit autour du choix des plantes médicinales à utiliser révèle une distinction selon le sexe et le lien social des enquêtés. De même, lorsqu'on prend en compte ces maladies, on s'aperçoit que seule l'expérience intervient le plus dans le choix des plantes employées dans la cure du paludisme, tandis que le réseau parental et l'environnement social interviennent le plus dans celle de la fièvre jaune. Ce qui signifie que le choix des plantes à utiliser dépend également de la représentation de ces pathologies.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote