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Connaissances locales et modes d'utilisation des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans la région des cascades. Cas du village de Diarrabakoko.

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par Saliou SANOGO
Université de Ouagadougou - Mîtrise 2014
  

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2.2- Des modes de préparation

Cette partie présente les différentes techniques positives d'obtention des recettes médicinales ainsi que leur mode d'administration dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune. A ce niveau également, le constat de terrain révèle la présence de deux modes ou formes de préparation des recettes médicinales selon le statut médical dixit cet enquêté: « Bon !il y a des conditions comme il peut ne pas avoir. Cela dépend de comment on t'a appris ». (Entretien avec O.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)

En ce sens, on a d'un côté la forme populaire de préparation des remèdes qui est pratiquée par l'ensemble de la population de Diarrabakôkô et qui est exempt de tout secret. Et de l'autre, la forme relevant du secret professionnel qui est l'apanage des spécialistes de la médecine ancestrale. En effet, tous autant que ces spécialistes, (guérisseurs pour la plupart) se distinguent de cette population par leurs connaissances des drogues végétales entrant dans la thérapie de ces affections, mais aussi entre eux par leur mode d'acquisition de ces connaissances. Il en est de même de " l'opération pharmaceutique" dans la démarche curative. Cette opération pharmaceutique est un processus comportant des étapes allant de la cueillette à l'administration des remèdes. Et chaque étape est régie par des règles ou des pratiques symboliques qui participent non seulement à l'efficacité des remèdes mais aussi à la légitimation de leur savoir médical. Un enquêté déclare : « (...) mais seul les connaisseurs savent les rituels à faire, les conditions à remplir pour enlever un arbre. C 'est leur métier, ils connaissent la brousse et les arbres (entretien avec K.D.P, le 15/04/2012, Diarrabakôkô) »

2.2.1- La cueillette des matériaux botaniques

Cette étape qui est la première et la plus importante de l'opération pharmaceutique nécessite l'accomplissement d'un certain nombre de rituels qui diffèrent selon les thérapeutes et le végétal. Un enquêté s'exprime à ce sujet :

Tu sais que les tradipraticiens n'ont pas hérité de la même connaissance. C'est à leur niveau qu'on peut avoir les conditions d'accès aux plantes. Par la puissance de la parole, ils augmentent l'efficacité des remèdes. La parole a une vertu thérapeutique qui n'est reçue que par héritage ou par initiation (entretien avec D.P.Z, le 20/04/2012, Banfora).

En ce sens, l'une des règles préliminaires que tout thérapeute se doit d'exécuter avant toute cueillette est la parole donnée à travers la salutation, le pardon demandé aux végétales etles motivations. Ainsi, tout thérapeute sait que sans cet acte préliminaire, il prépare inévitablement des remèdes inefficaces dans la mesure où ils perçoivent dans le végétal une entité vivante communément appelé génie et qui est doté d'un pouvoir de guérison ou maléfique. Quelques propos recueillis rendent compte de cette règle préliminaire qu'exécute tout thérapeute :

Ilfaut toujours demande, chaque arbre à son propriétaire homme comme femme. Si tu enlèves une partie de l'arbre sans lui demander, il peut causer du tort à la famille ou te rendre même fou (entretien avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

« (...) ni yi yrii bogna afana bi bogna (si tu respectes l'arbre, lui aussi il va te respecter). Comme je l'ai dit, chaque arbre à son mode de cueillette. Il faut toujours parler à l'arbre, lui demander avec respect avant de le toucher. C'est comme la femme c'est comme ça que nos parents nous ont toujours enseigné car l'arbre à son propriétaire ». (Entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)

« Tu sais mon fils, l'arbre que tu vois vit. Il a une grande utilité donc tu dois le respecter, lui demander pardon avant d'enlever ce dont tu as besoin. Par exemple tu peux dire : "Abi hèkètoo ! Uhn macogna ba aka flaburu dora ou bien a lili dora kata un yèrè flakè "(pardonnez-moi ! J'ai besoin de vos feuilles ou bien de vos racines pour aller me soigner) ». (Entretien avec B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô).

Il suit de cette nature qu'à travers la parole donnée les thérapeutes cherchent non seulement à augmenter l'efficacité des remèdes mais aussi à "domestiquer le végétal" considéré comme le réceptacle des génies de la brousse. Outre ce prélude à toute cueillette, s'adjoint d'autres rituels de domestication ou « d'achat » des drogues végétales à travers la formule tout "Bissimilaï" ou des sacrifices de petit mil ou d'argent selon le thérapeute et le végétal comme on peut le constater à travers ces propos des enquêtés. Mais il est intéressant de noter que ces gestes sont souvent exécutés aux nombres de trois, quatre ou sept fois selon le sexe du malade. Nous énumérons quelques rituels dont nous avons été informés :

(...) tu sais qu'un arbre peut résoudre cent problèmes et un arbre peut aussi causer cent tors, cela dépend de comment tu enlèves. Par exemple chez moi, il ya des plantes comme Bati, Keldité, Kèrèkètè, Dounynii et Merlen. Tu fais "tout bissimilai" trois fois si c'est un homme et sept fois si le malade est une femme avant d'enlever. Mais si c'est la plante N'kounkinè, il faut verser trois ou sept fois le petit mil avantd'enlever. Bon ! Si tu vois qu'on dit trois fois pour l'homme et sept fois pour la femme. C'est parce que le "le kunadia"(la chance) de l'homme est trois et celle de la femme, quatre. Sept fois-là, c'est parce que les femmes sont nos mères et elles peuvent enfanter aussi des jumeaux (entreti en avec O.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

Un dernier exemple illustrant ces rituels de domestication du végétal porte sur le versement de 25F en contre partie des feuilles de tomiyrii, karité, Gonkagni et des tiges de Djumatcholo, Hienfiandjantan employé pour soigner la fièvre des enfants appelé kotigè (fissure anale) : « Comme je sais que ces plantes me servent beaucoup, je demande les propriétaires (génies) avec 25 francs. Mais si j'envoie mes enfants je donne 100 francs, ils donnent 25F comme si c 'était moi-même et les 75F comme je les ai envoyé (entretien avec S.I, le 10/04/2012, Diarrabakôkô) ».

Il en résulte de ce fait que « l'amputation infligée au végétal est contre balancée, la plupart du temps, par un achat. Tout don appelle un contre don, l'élément phytothérapeutique est obtenu par l'efficacité qui légitime l'acte de prélèvement (Kalis 1997 :229) ». De plus, il convient de mentionner que les végétaux en eux même font l'objet de « conceptualisation » chez les individus vu le rôle qu'ils jouent et la place qu'ils occupent dans leur vie et ce, selon leur source de connaissance. Sur ce sujet un enquêté se prononce : « (...) l'arbre est bon et précieux car c'est un don de Dieu. (...). Le premier homme fut créé parmi les arbres et comme nous dit la bible encore, c'est par l'arbre que le péché est entré dans le monde. C'est dire que l'arbre peut soigner comme il peut tuer ». (Entretien avec H.B., le 12/04/2012, Diarrabakôkô)

Par ailleurs, tous autant que la cueillette des drogues végétales entrant dans le traitement de ces pathologies nécessitent des rituels qui varient selon la connaissance des thérapeutes, il en est de même du temps requis pour cette cueillette comme on peut le constater à travers ces trois exemples illustratifs. Le premier relate les moments favorables : « Moi j'enlève mes arbres (racines de Tobra, Siyèlè, Tchatèrè, Tantambilan, Sindjan) le matin et le soir car le soleil n'a pas encore séché leur liquide (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)». Le deuxième se réfère à la tranche horaire d'un autre thérapeute qui affirme : « chez moi de 00H à 2heures du matin, je ne rentre pas en brousse (entretient avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)». Enfin, le dernier atteste : « chaque heure on peut enlever les plantes. Mais si tu veux plus d'efficacité, il faut enlever entre 10h et 12h car c'est le liquide de la plante quiguérit est en mouvement, donc il contient tous ces éléments. Par contre, le soir et le matin le liquide est stable (entretien avec O.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ».

De ce qui précède, il reste que l'observance des différents rituels et des moments requis pour la cueillette relèvent de la stratégie curative des thérapeutes qui mettent en articulation deux modes de pensées. La première étant une accumulation sur un genre empiriste et la seconde, une pensée symbolique agencée dans laquelle l'invisible s'impose. Pour le dire autrement, en reprenant la formulation de Kalis : « les trois règles préliminaires à tout prélèvement ressortissent : au comput du temps et à la spatialité, à la salutation et l'achat ainsi qu'au mode de recueil. Cette phase préliminaire requiert la même attention de la part des praticiens que celle subséquente de la préparation et de l'administration » (Kalis 1997 : 230).

Cependant, que la forme de préparation médicinale soit populaire ou sécrète, le constat de terrain révèle que les enquêtés utilisent en général les mêmes procédés opératoires. En effet, les remèdes sont obtenus selon la connaissance empirique des plantes et leur efficacité symbolique par :

- Décoction des feuilles, des racines, des écorces, des fruits, des tiges fraiches ou
séchés.

- Macération des feuilles ;

- Infusion des racines, d'écorces ou tiges ;

- Réduction en poudre des racines, des écorces préalablement desséchées au soleil.et dans un petit mortier.

Ce dernier procédé est beaucoup plus du ressort des thérapeutes comme nous pouvons le constater à travers ce discours d'un guérisseur qui n'a pas voulu nous montrer les plantes qu'il emploie dans la thérapie de ces deux affections : « chez moi, c 'est comme une pharmacie car j'ai aussi des "flamugu" (remèdes en poudre) de sumaya et Djokadjo à partir des racines car je peux me déplacer facilement avec et ils sont aussi efficace que les remèdes liquides(entretien avec S.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ». En outre, les macérations, les décoctions et les infusions sont des procédés de préparation plus courants chez les enquêtés, et le solvant employé est l'eau. L'infusion se fait plus dans une calebasse alors que la décoction dans un canari en terre appelé "Bogodaga". Mais il est intéressant de noter que chez les tradi thérapeutes, c'est le patient qui envoie son" bogo kadaga"(canari de remède en terre) et c'est le guérisseur qui est censé mettre les organes car à ce niveau également il existe des règles présidant à cet acte selon la propriété fétiche des espèces employées. A ce titre deux guérisseurs se prononcent :

« (...) pour soigner le Djokadjo moi j'utilise la plante à condition de cueillette que je t'ai dit samanèrè yrii (Guampanlè). Tu fais bouillir les racines et les feuilles puis boire un peu et se laver avec matin soir. Mais il faut mettre d'abord les racines avant de mettre les feuilles. C'est comme ça que j'ai appris avec mon papa ». (Entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô)

Le second relate aussi un ordre de mise en canari de l'organe des espèces entrant dans la cure du "kotiguè" (fissure anale) :

Moi j'utilise cinq plantes pour soigner la fièvre des enfants. Je prépare ces plantes dans un même canari mais si tu veux mettre dans le canari, il faut mettre d'abord les feuilles de tomiyrii de siyrii (karité), ensuite les tiges de Djoumatcholo, les feuilles Gonkagni avant de terminer avec les tiges Hienfiandjantan, si tu ne fais pas ça ton médicament ne va pas marcher (entretien avec S.I, le 10/04/2012, Diarrabakôkô).

Du reste, tous ces principes concourent non seulement à rendre les remèdes efficaces mais aussi permettent de mettre en exergue également le réseau serré de la relation connaissance/savoir dans la préparation des remèdes. Toutefois, il faut noter que suivant ces maladies, les remèdes sont préparés à partir d'une seule espèce végétale comme ce fut le cas de la quinine en biomédecine, extrait d'une plante appelée le "quinquina" retrouvée chez les indiens d'Amérique du Sud et qui est le seul produit autorisé en monothérapie contre le paludisme. Soit à partir de l'association de plusieurs espèces à l'image des médicaments ACT qui sont des combinaisons de médicaments thérapeutique fait à base de plantes et de molécules que l'OMS a recommandés pour le traitement du paludisme. En ce sens, nous pouvons dire que l'association ou non des plantes par les enquêtés que nous allons aborder ci-dessous témoigne de la connaissance de l'efficacité intrinsèque de chaque plante dans la thérapie du paludisme et la fièvre jaune.

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