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La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef de l'état en droit congolais, en droit français et en droit international.

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par Yves KASHOSI CIRHUZA
Université catholique de Bukavu - Licence 2010
  

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b. Infractions de droit commun

La Constitution a établi à son article 164 la responsabilité pénale du chef de l'Etat pour les infractions de droit commun commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa fonction. Mais pour les infractions commises en dehors de l'exercice de ses fonctions, les poursuites sont suspendues jusqu'à l'expiration de son mandat77(*). Le chef de l'Etat ne saurait être poursuivi pénalement pour ces infractions. Un intérêt particulier est donc attaché aux fonctions présidentielles.

i. Les fonctions du chef de l'Etat dans la Constitution de 2006

· Fondement juridique

Selon l'article 69 susmentionné : « Le Président de la république est le chef de l'Etat. Il représente la nation et est le symbole de l'unité nationale. Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l'Etat. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux». Cet article donne le contenu des fonctions du chef de l'Etat ; ce que nous verrons plus loin, mais il en ébauche aussi le fondement. Sa fonction a donc pour fondement l'Etat. C'est si vrai que l'article 69 précité précise qu'il « assure la continuité de l'Etat »78(*).

L'Etat est défini par ses trois éléments : le territoire, la population et l'organisation politique79(*). Or l'article 69 de la Constitution énonce les responsabilités du Président par rapport à chacun de ces trois éléments. Ainsi, « il représente la nation et est le symbole de l'unité nationale .... Il est garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, de la souveraineté nationale... ». Ce même article ajoute que le Président « assure par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l'Etat ». Il assure le respect de la Constitution. Or, l'organisation politique qu'est l'Etat n'est rien d'autre que l'ensemble des pouvoirs publics. Leur fonctionnement est régi par la Constitution dont le même article nous dit que le Président est le garant dans la mesure où il « veille à son respect ». Enfin le Président de la République est le « garant du respect des traités», c'est-à-dire de la parole donnée au nom de l'Etat sur la scène internationale aux autres Etats. Tout dans cet article renvoie à l'Etat, à ses éléments constitutifs. Le contenu de la fonction se dessine désormais avec une plus grande précision80(*).

· Contenu

La Constitution, et plus particulièrement son article 69, énonce de manière assez explicite ce contenu. Le chef de l'Etat est décrit comme ayant une fonction représentative et symbolique et veille au respect de la Constitution dont il est logiquement le garant. Il est en même temps arbitre.

En effet, le chef de l'Etat « ...veille au respect de la Constitution ». C'est par cette phrase que débute l'article 69, que le Président est intronisé en tant que garant de la Constitution. Dans ce cadre, il peut saisir la Cour constitutionnelle81(*) en vue de contrôler la constitutionalité des lois82(*).

La tradition républicaine reconnaissait au Président de la République une mission générale d'arbitrage83(*). La Constitution reconnaît au chef de l'Etat la qualité d'arbitre. Il ne doit (plus) être un simple spectateur de la vie politique. Il doit pouvoir décider, imprimer à la politique de la Nation le sens de l'intérêt national qu'il représente, en tranchant entre les différentes thèses et positions84(*). Seuls le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l'Etat sont assurés par l'arbitrage présidentiel aux termes de l'article 69. En effet, le président-arbitre est celui qui, en vertu de l'article 79, « convoque et préside le Conseil des Ministres ; ainsi il peut exercer l'influence de la continuité dont une nation ne se passe pas. C'est aussi celui qui, en vertu de l'article 78 alinéa 1er, nomme le Premier ministre et peut mettre fin à ses fonctions85(*). Il en est de même des hautes personnalités politiques et de la fonction publique qui sont nommées, relevées de leurs fonctions et, le cas échéant, révoquées par le chef de l'Etat86(*). De cette façon, avec le choix des hommes, le chef de l'Etat peut accorder l'intérêt général quant au choix des hommes. Mais l'arbitrage présidentiel s'exerce aussi par la possibilité pour le chef de l'Etat de dissoudre l'Assemblée Nationale87(*) et l'Assemblée provinciale88(*) et de relever de ses fonctions le gouverneur d'une province lorsque dans ces deux derniers cas il y a crise politique grave et persistante89(*).

L'article 69 fait du Président de la République « le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités et accords internationaux ». Il s'agit donc bien du double domaine « éminent » de la politique étrangère et de la défense nationale. Pour être un garant, il faut des moyens ; on ne peut en ce domaine crucial, se contenter de mots90(*). Or ces moyens existent : il s'agit en tout premier lieu des articles 85 et 86 de la Constitution de 2006 qui autorisent le chef de l'Etat d'abord de proclamer l'état d'urgence ou l'état de siège lorsque les circonstances graves menacent, d'une manière immédiate, l'indépendance ou l'intégrité du territoire national ou qu'elles provoquent l'interruption du fonctionnement régulier des institutions ; ensuite de déclarer la guerre. Pour garantir l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et le respect des traités et accords internationaux, le Président dispose donc de pouvoirs énormes. Mais l'article 61 de la Constitution de la RD Congo limite les pouvoirs conférés au chef de l'Etat par les articles 85 et 86. En effet, bien que le chef de l'Etat puisse déclarer l'état de guerre et l'état d'urgence, « en aucun cas [...], il ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux91(*)» énumérés à l'article 61.

ii. Définition de l'infraction de droit commun

La doctrine, quant à elle, distingue quatre types d'actes infractionnels : les actes accomplis soit antérieurement soit postérieurement à la fonction et qui donc, comme pour tout autre citoyen, relèvent du droit commun ; les actes commis pendant l'exercice de la fonction mais sans rapport direct avec elle ou en dehors d'elle, justiciables de droit commun ; les actes commis dans l'exercice de la fonction et non constitutifs de haute trahison ; la haute trahison, qui relève exclusivement de la Haute Cour. La question qui se pose, et qui est difficile à résoudre, est celle de la détermination des actes rattachables et ceux détachables de la fonction présidentielle. L'intérêt évident est porté à cette détermination dans la mesure où seuls les actes détachables seront poursuivis pénalement.

iii. Catégorie des infractions de droit commun

- Actes rattachables à la fonction

S'agissant des actes rattachables à sa fonction, « la Cour de Cassation de France, dans son arrêt du 28 mai 1986, indique clairement que les actes rattachables à la fonction sont non seulement ceux qui sont effectués dans le cadre des attributions ministérielles mais plus largement dans l'exercice de ses fonctions lorsqu'il s'exprime en tant que membre du gouvernement »92(*). De cette interprétation de la Cour de Cassation de la France, nous déduisons par analogie que, par actes rattachables à la fonction du chef de l'Etat il faut entendre ceux effectués dans le cadre des attributions présidentielles mais plus précisément dans l'exercice de ses fonctions lorsqu'il agit en qualité de chef de l'Etat. Ces actes doivent être commis pendant et dans l'exercice de ses fonctions. Il faut donc un lien entre les faits poursuivis et la fonction présidentielle.

- Actes détachables de la fonction

Par un raisonnement à contrario, nous pouvons dire que les actes détachables de la fonction du chef de l'Etat sont ceux qui ne sont pas commis pendant l'exercice de ses fonctions et qui n'ont aucun lien avec celles-ci. Pour ces infractions, le chef de l'Etat voit suspendues les poursuites ainsi que la prescription y relative jusqu'à la fin de son mandat93(*). De ce fait, le chef de l'Etat bénéficie d'une inviolabilité qui ne peut être temporaire. Ceci nous paraît fondé et justifié. En effet, le fondement et le contenu de la fonction du chef de l'Etat dans notre Constitution rendent cette dernière non seulement prestigieuse mais plus éminente pour la Nation si bien qu'une protection serait nécessaire pour qu'elle s'exerce sans entrave. Il serait logique, conformément à la règle contra non valentem non currit praescriptio que la prescription de l'action publique fût suspendue pour ne reprendre son cours qu'à la fin du mandat présidentiel.

Néanmoins, remarquons que la suspension de ces poursuites et de la prescription au bénéfice du chef de l'Etat est critiquable à certains égards. En réalité, les victimes des agissements d'actes de droit commun n'ayant pas de rapport avec la fonction de chef de l'Etat seraient buttées à la suspension de la procédure pénale contre le chef de l'Etat pendant tout son mandat. Ils n'auraient eu qu'un choix, celui d'attendre la fin de son mandat pour une éventuelle action contre le chef de l'Etat, alors que cette dernière pourrait, pour certaines infractions, s'éteindre par voie de prescription avant la fin du mandat du chef de l'Etat. En cas de dommage causé par lui à titre personnel, un tiers pourra porter plainte contre le chef de l'Etat, étant donné qu'il bénéficiera, en contrepartie, de la suspension des délais de prescription et de forclusion ; il devra attendre la fin du mandat pour voir celle-ci avoir des suites. En fait, il nous semble cohérent et logique, comme la si bien relevé l'Assemblée Nationale de France dans son rapport (n° 1005 rectifié) portant modification du titre IX de la Constitution, que « contre celui qui ne peut agir, la prescription ne court pas 94(*)».

C'est en effet dans le souci impérieux de protéger tant la fonction du chef de l'Etat pour préserver la vie de la Nation, que la nécessité de garantir les droits des citoyens que le législateur s'est occupé de maintenir la stabilité de sa fonction avec le droit qu'a toute personne que sa cause soit entendue et le droit à la réparation du préjudice en suspendant, à la fois, des poursuites pénales pour le chef de l'Etat pour les infractions commises en dehors de ses fonctions et la prescription y relative. Cette solution accorde aux victimes des agissements du chef de l'Etat la possibilité de faire valoir leurs prétentions à la fin de son mandat pour toutes les infractions sans que leur action ne s'éteigne par l'effet de la prescription.

* 77 Article 167 de la Constitution de 2006 : « Pour les infractions commises en dehors de l'exercice de leurs fonctions, les poursuites contre le Président de la République et le Premier ministre sont suspendues jusqu'à l'expiration de leurs mandats. Pendant ce temps, la prescription est suspendue ».

* 78 Raymond FERRETTI, « La fonction présidentielle : constantes et variantes » dans http://ferretti.imingo.net/la_fonction_presidentielle.htm, (consulté le 31/08/2011).

* 79 Eduard MPONGO-BOKAKO BAUTOLINGA, Institutions politiques et droit constitutionnel, Tome I, Ed. Universitaires Africaines, Kinshasa, 2001, pp 1-46. Cet auteur a donné les éléments constitutifs de l'Etat qui sont : la population, le territoire et la puissance publique. Ce dernier élément compote notamment l'organisation politique.

* 80 Raymond FERRETTI, loc. cit., dans le même document Internet ci-haut.

* 81 Lire à ce sujet l'article 161 alinéas 3 de la Constitution de la République Démocratique du Congo in Journal officiel, n° spécial, 47ème année, Kinshasa, 18 février 2006.

* 82 Article 161, alinéas 1 de la Constitution du 18 février 2006 de la République Démocratique.

* 83 Raymond FERRETTI, loc. cit., dans le même document Internet ci-haut.

* 84 Ibidem.

* 85 Article 73 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

* 86 Voir à ce sujet l'article 81 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

* 87 Article 148 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

* 88 Voire l'article 198 de la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 in Journal officiel de la Rép. Démocratique du Congo, n° spécial, 52ème année, Kinshasa, 1er février 2011.

* 89 Voire l'article 199 de la loi précitée.

* 90 Raymond FERRETTI, loc. cit., dans même document Internet ci-haut.

* 91 Article 61 de la Constitution du 18 février 2006 : « En aucun cas, et même lorsque l'état de siège ou l'état d'urgence aura été proclamé conformément aux articles 85 et 86 de la présente Constitution, il ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux énumérés ci-après : le droit à la vie ; l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; l'interdiction de l'esclavage et de la servitude ; le principe de la légalité des infractions et des peines ; les droits de la défense et le droit de recours ; l'interdiction de l'emprisonnement pour dettes ; la liberté de pensée, de conscience et de religion ».

* 92 Nyabirungu Mwene Songa, op. cit., p. 240.

* 93 Article 167, alinéa 2 de la Constitution de la République Démocratique du Congo, in Journal officiel de la Rép. Démocratique du Congo, n° spécial, 47ème année, Kinshasa, 18 février 2006.

* 94 Rapport de l'Assemblée nationale Constitution du 4 octobre 1958 portant modification du titre IX de la Constitution, douzième législature, N° 3537. Dans www.acoes.es/pdf/Ponente.pdf, (consulté le 14/02/2012).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway