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La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef de l'état en droit congolais, en droit français et en droit international.

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par Yves KASHOSI CIRHUZA
Université catholique de Bukavu - Licence 2010
  

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2. Compétences

La Constitution actuelle de la République Démocratique du Congo reconnaît à la Cour constitutionnelle une compétence de juger le chef de l'Etat pour les infractions politiques ainsi que celles de droit commun commises dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, et en cas de condamnation de celui-ci, de prononcer sa déchéance. C'est ce qui ressort des articles 164 et 167 alinéa premier de la Constitution actuelle. Malgré cette compétence, les règles relatives à la procédure et le déroulement du procès n'ont pas été précisées. Nous pensons qu'elles devraient être mentionnées par la loi organique sur l'organisation et le fonctionnement de cette Cour.

a. Infractions politiques

Avant d'examiner les différentes infractions politiques retenues par le législateur de 2006 et de les confronter au principe de la légalité des infractions et des peines, nous nous proposons de jeter un regard sur les critères sur lesquels ces infractions sont définies pour nous rendre compte de leur nature.

i. Critère et définition de l'infraction politique

Nous nous attacherons aux effets de la doctrine et aux solutions de la jurisprudence pour définir les infractions politiques. Par infraction politique, dit HAUS, on doit entendre les crimes et les délits qui portent uniquement atteinte à l'ordre politique55(*). En effet, une conception, objective, fondée sur la considération de l'objet, réserve la qualification politique aux infractions portant atteinte à l'existence ou à l'organisation de l'Etat56(*). Cette conception s'attache, nous emble t-il, au résultat matériel de l'infraction qui doit être de nature à porter atteinte à l'existence ou à l'organisation de l'Etat. La jurisprudence va aussi dans le sens de notre réflexion mais elle se montre exigeante à cet égard et refuse la qualité d'infraction politique aux agissements dont les conséquences politiques ne seraient qu'indirectes ou hypothétiques57(*).

Au siècle dernier (l'auteur fait allusion au 19è S), Ortolan donnait la définition suivante : « Répondre à ces questions : quelle est la personne directement lésée par ce délit ? L'Etat ; dans quelle sorte de droit l'Etat se retrouve t-il lésé ? Dans un droit touchant à son organisation sociale et politique ; quel genre d'intérêt a-t-il à la répression ? Un intérêt touchant à cette organisation sociale et politique. Le délit est politique ». Dans le même esprit, la Conférence internationale pour l'uniformisation du droit pénal, tenue à Copenhague en août 1935, proposait de qualifier comme politique « les infractions dirigées contre l'organisation et le fonctionnement de l'Etat, ainsi que celles qui sont dirigées contre les droits qui en résultent pour les citoyens »58(*). C'est donc la nature de l'intérêt auquel l'infraction porte atteinte qui déterminera le caractère politique.

Une seconde conception, subjective, s'attache non plus au résultat matériel (comme pour le critère objectif) de l'infraction mais au mobile animant son auteur. Est donc réputée politique l'infraction de droit commun inspirée, au moins en partie, par des motifs politiques59(*). Nous pensons que c'est donc logique qu' « on l'appelle aussi infraction politique par mobile 60(*)» ; c'est le but visé par l'agent, sa volonté qui confère à l'acte son caractère politique. Le critère subjectif est plus libéral que le critère objectif, car il conduit à étendre le régime du délit politique à des infractions de droit commun commise dans un but politique ou à l'occasion d'événements politiques61(*).

Le législateur congolais du 19 Décembre 2005 a combiné ces deux conceptions. En effet, dans la loi du 19 Décembre 2005 portant amnistie pour des faits de guerre, infractions politiques et d'opinion, les infractions politiques sont définies comme « les agissements qui portent atteinte à l'organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics. Les actes d'administration et de gestion ou dont le mobile de son auteur ou les circonstances qui les inspirent revêtent un caractère politique »62(*). Le législateur a retenu donc dans la définition de l'infraction politique tous les actes portant atteinte à l'organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics et le mobile qui doit revêtir une connotation politique.

ii. Catégories d'infractions politiques

Le législateur de 2006 a retenu trois infractions politiques pour le chef de l'Etat qui sont les suivantes : la haute trahison, l'atteinte à l'honneur et le délit d'initié. Selon l'article 165 de la Constitution de 2006, la haute trahison sera retenue pour le Président de la République en cas de violation intentionnelle de la Constitution ou lorsqu'il est reconnu auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des Droits de l'Homme, de cession d'une partie du territoire national. Il y aura atteinte à l'honneur ou à la probité notamment lorsque le comportement personnel du Président de la République est contraire aux bonnes moeurs ou qu'il est reconnu auteur, co-auteur ou complice de malversations, de corruption ou d'enrichissement illicite. Enfin, le délit d'initié sera retenu dans le chef du Président de la République lorsqu'il effectue des opérations sur valeurs immobilières ou sur marchandises à l'égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces informations soient connues du public. Le délit d'initié englobe l'achat ou la vente d'actions fondées sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux actionnaires.

La prévision des infractions politiques par le législateur congolais bien qu'importante, devrait se conformer à la légalité des infractions et des peines.

Enoncé du principe de la légalité des infractions et des peines

Le principe de la légalité criminelle est sans doute le principe le plus important du droit pénal, car celle-ci est la « règle cardinale, la clé de voûte du droit criminel ». Seuls peuvent faire l'objet d'une condamnation pénale, les faits déjà définis et sanctionnés par le législateur au moment où l'accusé a commis son acte, et seules peuvent leur être appliquées les peines édictées à ce moment déjà par le législateur63(*) ; d'où la formule traditionnelle sous l'adage NULLUM CRIMEN, NULLA POENA SINE LEGE.

En effet, l'article 17, alinéa 3 de la Constitution de 2006, en affirmant que « nul ne peut être poursuivi pour une action ou une omission qui ne constitue pas une infraction au moment où elle est commise et au moment des poursuites », fait ressortir la légalité de l'infraction. Et à l'alinéa 2 du même article, le législateur insiste sur la légalité de la procédure en affirmant que « nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu'en vertu de la loi et dans les formes qu'elle prescrit ». A ce sujet, nous sommes d'avis avec le Professeur NYABIRUNGU qui considère que la légalité concerne les incriminations, les sanctions et la procédure répressive64(*).

En conséquence de ce qui précède, la formule traditionnelle NULLUM CRIMEN NULLA POENA SINE LEGE n'est pas suffisante et devrait faire l'objet d'un complément pour donner la formule : NULLUM CRIMEN, NULLA POENA, NULLUM JUDICIUM SINE LEGE. Nous aboutissons ainsi à la synthèse de ce principe en trois propositions 65(*):

~ Nul ne peut être poursuivi que pour des actes ou des omissions prévues par la loi (légalité des infractions).

~ Nul ne peut être puni des peines qui ne sont pas prévues par la loi (légalité des peines).

~ Nul ne peut être poursuivi que dans la forme prescrite par la loi (légalité de la procédure).

Contenu du principe

· Légalité des infractions

Les infractions sont définies par la loi. Seuls tombent sous la loi, les faits qui, au moment où ils sont commis, sont déjà définis comme constituant une infraction par le législateur66(*). Un fait non prévu expressément par le législateur ne peut donc pas faire objet de poursuite et le juge « ne peut pas relever d'infraction là où la loi n'en prévoit pas 67(*)». C'est avec raison que CONSTANT affirme que « les juridictions répressives ne peuvent jamais incriminer un fait qui n'est pas qualifié infraction par la loi, quelle que soit l'immoralité du fait qui leur est déféré »68(*) dès lors qu'au regard du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale il n'est pas permis de rechercher l'intention du législateur en vue de suppléer aux lacunes de cette loi. Aller à l'encontre de ce principe serait, à notre sens, en même temps une injustice qu'une méconnaissance des libertés des citoyens. D'abord, il est tout aussi injuste de punir une personne pour un acte qui, lorsqu'il a été fait, ne constituait pas une infraction. Ensuite, c'est une entrave à la liberté des citoyens de soumettre ceux-ci à une autorité plutôt qu'aux règles certaines édictées par la loi69(*).

· Légalité des peines

Le principe de la légalité s'applique ensuite à la définition des sanctions. Il ne peut y avoir de sanctions autres que celles qui ont été prévues et déterminées par la loi. La règle intéresse la protection des libertés individuelles. L'individu doit savoir, avant d'agir, à quelle sanction il s'expose. Appliqué aux sanctions, le principe de la légalité englobe à la fois les peines et les mesures de sureté. Il en résulte plusieurs conséquences. D'une part, seul le législateur a qualité de définir les peines ou la mesure encourues (sic). Il est compétent pour, non seulement fixer le quantum (montant de l'amende, durée de la privation de liberté), mais aussi pour en définir les modalités d'application. D'autre part, le juge ne peut que prononcer les peines ou les mesures de sureté que la loi a prévue pour l'infraction concernée70(*).

· Légalité de la procédure

Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu'en vertu d'une loi et dans les formes qu'elle prescrit. Il revient au législateur de déterminer les organes et formes du procès. Dans notre droit, cette obligation a été notamment réalisée par la promulgation des Codes de l'organisation et de compétence judiciaires d'une part, et de procédure pénale, d'une autre part71(*). Il nous semble que jusqu'aujourd'hui le législateur n'a pas encore déterminé les organes et les formes du procès pour poursuivre, arrêter et éventuellement condamner le chef de l'Etat, car aucune disposition particulière telle que le Code de l'organisation et de la compétence judiciaires ou de la procédure pénale ne s'inscrit dans cette logique telle que voulue par la Constitution.

Critique des infractions politiques par rapport au principe de la légalité des infractions et des peines

La haute trahison, l'atteinte à l'honneur ou à la probité et le délit d'initié ont été constitués en infractions politiques que commettrait le chef de l'Etat. Mais dans la définition de ces infractions, se manifestent beaucoup d'ambigüités par rapport à la légalité des infractions, à la légalité des peines et à la légalité de la procédure.

S'agissant de la haute trahison, elle sera établie en cas de violation intentionnelle de la Constitution par le chef de l'Etat ou lorsqu'il sera reconnu auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des Droits de l'Homme, de cession d'une partie du territoire national. Bien que cette incrimination soit prévue par la Constitution, l'élément matériel ne ressort pas de cette prévision légale. Il en est de même du régime répressif. Face à cette imprécision, nous nous demandons s'il s'agit d'une infraction nouvelle ou si le législateur a renvoyé à l'infraction de la trahison réprimée par le Code pénal militaire de 2002. Dans le premier cas, ce serait souhaitable de le mentionner. Dans le deuxième cas, nous estimons que le constituant de 2006 n'a pas renvoyé au code pénal militaire de 2002 dans la mesure où ce dernier parle de la trahison et pas de la haute trahison comme la Constitution de 2006.

Sera retenue l'atteinte à l'honneur ou à la probité notamment lorsque le comportement personnel du chef de l'Etat est contraire aux bonnes moeurs ou qu'il est reconnu auteur, co-auteur ou complice de malversations, de corruption ou d'enrichissement illicite.

D'abord, l'usage de l'adverbe « notamment » veut dire que le constituant n'a pas donné une liste exhaustive des actes constitutifs de l'atteinte à l'honneur ou à la probité, laissant ainsi la place à une liste ouverte non limitative. Cela est incompatible avec le principe de la légalité et constitue même sa négation72(*) dans la mesure où l'utilisation de cet adverbe viendrait à ajouter d'autres faits pourtant non expressément prévus par le législateur alors que c'est uniquement ceux qui sont prévus par la loi, comme constituant une infraction, qui tomberont sous la loi. Cette situation est insoutenable dans un Etat de droit et constitue une voie royale pour l'arbitraire contre les personnages les plus importants (en l'occurrence le chef de l'Etat) et dont la fonction mérite de l'éminence73(*). Par ailleurs, l'arbitraire à l'égard du chef de l'Etat serait une conséquence à craindre dans la mesure où les actes ainsi décrits comportent beaucoup d'imprécisions et sont ainsi porteurs de beaucoup d'incertitudes. Nous pensons donc, comme l'a si bien relevée le Professeur Nyabirungu, que la solution d'un tel problème consiste dans la suppression de l'adverbe « notamment » dans la nouvelle formulation de l'article 165, alinéa 2 de la Constitution74(*).

Ensuite, l'expression « contraire aux bonnes moeurs », utilisée en tant que telle, n'étant pas précise (et n'ayant de contours exacts), elle n'est donc d'aucune utilité. Elle n'est pas opératoire en droit pénal et ne peut recevoir application dans un Etat de droit, compte tenu de la grande charge d'arbitrage et d'abus auxquels sa mise en oeuvre peut donner lieu75(*). Par ailleurs, on ne comprend pas très bien que les mots « malversations, corruption et enrichissement illicite » utilisés à l'article 156, alinéa 2 de la Constitution peuvent signifier. S'agit t-il des catégories pénales nouvelles ? Dans ce cas, le constituant aurait fait oeuvre utile en les définissant. Ou s'agit t-il d'un renvoi aux dispositions pénales existantes ? Ici, le constituant nous aurait mis à l'abri de toute spéculation en reprenant les mêmes termes ou en y renvoyant76(*).

Le chef de l'Etat commet le délit d'initié lorsqu'il effectue des opérations sur valeurs immobilières ou sur marchandises à l'égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces informations soient connues du public. Le délit d'initié englobe l'achat ou la vente d'actions fondés sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux actionnaires. Le délit d'initié ne comporte aucune peine. Ceci rendrait ineffective ou inefficace l'article 165 qui prévoit l'infraction sous examen.

En sommes, nous pensons que toutes ces infractions doivent être clairement définies et les peines déterminées ; faute de cela, les qualifications risqueront de rester lettre morte, sans possibilité de les appliquer ainsi que l'exige le principe de la légalité des infractions et des peines.

* 55 Nyabirungu Mwene Songa, op. cit., p. 131.

* 56 Jean PRADEL, Droit pénal général. Introduction générale, Tome I, 2e éd., Ed. Cujus, Paris, 1974, p. 323.

* 57 Christiane HEUNAU et Jacques VERHAEGEN, Droit pénal général, 3e éd., Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 66.

* 58 Jean PRADEL, op. cit., p. 323.

* 59 Ibidem.

* 60 Nyabirungu Mwene Songa, op. cit., p. 131.

* 61 Jean PRADEL, op. cit., p. 323.

* 62 Loi n° 06/026 du 12 décembre 2005 portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d'opinion in Journal officiel de la Rép. Démocratique du Congo, numéro spécial du 28 décembre 2005.

* 63 Nyabirungu Mwene Songa, op. cit., p. 50.

* 64 Nyabirungu Mwene Songa, op. cit., p. 50.

* 65 Ibidem.

* 66 Ibidem.

* 67 Thierry GARÉ et Catherine GINESTET, Droit pénal. Procédure pénale, 4e éd., Dalloz, Paris, 2006, p. 20.

* 68 Jean CONTANT, Précis de droit pénal : principes généraux du droit positif belge, Larcier, Bruxelles, 1967, p.37.

* 69 COMMISSION DE REFORME DU DROIT CANADIEN, op. cit., p. 12.

* 70 Thierry GARÉ et Catherine GINESTET, Droit pénal. Procédure pénale, 4e éd., Dalloz, Paris, 2006, p. 15.

* 71 Nyabirungu Mwene Songa, op. cit., p. 59.

* 72 Nyabirungu Mwene Songa, op. cit., p. 238.

* 73 Ibidem.

* 74 Ibidem.

* 75 Ibidem.

* 76 Nyabirungu Mwene Songa, op. cit., p. 228.

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