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Littérature et engagement - Louise Michel : entre mythe et réalité

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par Sandra Bocquier
Université de Nantes - Maîtrise en Littérature française et comparée 2009
  

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PREMIÈRE PARTIE :

DU RÉALISME AU NATURALISME

À travers les aspects réalistes et naturalistes de son écriture, force est de constater qu'elle écrit dans le contexte littéraire qui est le sien, dont la mode est aux grands romans réalistes et naturalistes ; mais plus qu'une vogue, notre romancière confère à son oeuvre la qualité de témoignage, et donne à ses récits la valeur de document socio-historique, en explorant les classes laborieuses dites « dangereuses ». Ainsi, malgré une écriture infiniment romanesque et quelque peu fantaisiste, il semblerait que c'est avant tout sur un souci de « dire le vrai », que reposent ces textes.

***

1/ LA VALEUR DE TEMOIGNAGE

a) La « nouvelle »

D'après les critères de la « novella », ce genre littéraire alors naissant proclame un souci de nouveauté et d'ancrage dans une actualité récente22(*). Les auteurs et, ou narrateurs de la nouvelle ne cessent de donner des gages quant à la véridicité des événements rapportés, l'actualité politique étant un double gage de nouveauté et d'authenticité23(*). De même, Louise Michel fixe ses anecdotes dans un tissu social, géographique et historique plus ou moins précis. Elle situe ses nouvelles dans une période de troubles et de décadence, et compare cette actualité politique aux temps obscurs du Moyen-Âge24(*) : « Les crimes de l'époque sont ceux des époques de transition, les mêmes que ceux du moyen âge, qui était aussi une période transitoire. Certaines choses évoluent en monstruosités, d'autres naissent, grandissent ou s'atrophient. Voici un épisode ancien qui a son semblable de nos jours »25(*). En puisant dans le passé historique, l'auteure confère à l'anecdote plus de vraisemblance.

De plus, en empruntant à la chronique politique et judiciaire, Louise Michel restitue les faits-divers sanglants et horribles de son temps26(*) ; d'autre part, notre nouvelliste est consciente que l'ignoble et le monstrueux fascinent et attirent, et les premières pages des Crimes de l'époque traduisent en effet ce goût humain pour le morbide : « A la morgue, la foule se presse pour voir la victime. [...] Il y a là des agents de la sûreté, des amateurs d'horrible, mais surtout des gens ayant sur le visage cette béatitude de la curiosité contemplative qu'on appelle la badauderie. Tout près, collés au vitrage, trois personnages, absorbés par le spectacle, laissent passer les heures »27(*). Mais il ne s'agit pas seulement de satisfaire les appétits morbides ou graveleux du grand public, avide d'émotions fortes, ces histoire brutales et sanglantes doivent choquer le lecteur passif. Ainsi le souci de réalisme s'exprime de manière plus prononcée (réalisme topographique et réalisme sociologique), ce qui confère à la nouvelle une portée quasiment documentaire. Par exemple, presque toutes les classes sociales sont représentées avec toute fois une prédilection pour les plus modestes.

b) Les chroniques

Le rôle de la presse

Tout d'abord, il convient de souligner l'immense postérité de la nouvelle en France, postérité due à l'essor des journaux, quotidiens et périodiques dans lesquels sont publiées des nouvelles signées Balzac, Maupassant, ou encore des feuilletons signés Dumas ou Eugène Sue ; Louise Michel cède également à cette mode en écrivant Le Bâtard impérial28(*) (1883) et La Misère (1883). Dans ce cadre journalistique, la nouvelle renoue avec son étymologie et le rôle de l'écrivain se double alors de celui de chroniqueur.

Dans Les Crimes de l'époque, les échanges avec la presse sont incessants, la nouvelliste fait constamment référence à l'actualité, surtout quand il s'agit d'affaires judiciaires : « C'était au moment où l'on parlait des scandales de Londres. Ce n'est pas à Londres seulement qu'on cueille vertes les filles du peuple. A Paris et ailleurs, on les cueille même avant la fleur »29(*). En évoquant le meurtrier Jean-Baptiste Troppmann, qu'elle compare à Pierre Mardi30(*), Louise Michel sait qu'elle utilise un argument d'autorité. L'affaire Troppmann, fait-divers de la seconde moitié du XIXe siècle, eut un grand retentissement de par sa médiatisation31(*). Ce dernier, accusé de huit meurtres (la famille Kinck), sans que soit émis le fait qu'il ait pu avoir des complices, fut rapidement condamné à mort et exécuté32(*) : « Une fois le colosse arrêté près de la fosse commune, on n'en demanda pas davantage. Ce fut le matin seulement qu'on s'aperçut de la seconde violation de sépulture. On mit, bien entendu ce second crime sur le compte du même individu. Troppmann n'a-t-il pas été condamné pour avoir assassiné presque en même temps sept personnes ? Une chose jugée, cela fait preuve pour d'autres, n'est-ce pas ? »33(*). L'actualité fournit donc au nouvelliste « une matière qu'il retravaille pour en dégager la permanence au-delà de l'accident, le mystère au-delà de la banalité apparente »34(*).

Le journalisme fictionnel

Les Crimes de l'époque témoignent d'un tel souci de réalisme sociologique et topographique, que Louise Michel semble rédiger une chronique, genre voué à la description des temps et du temps35(*). C'est incontestablement en cette qualité d'observatrice, qu'elle adopte le style journalistique, et ce, afin de dénoncer certaines réalités sociales : « Les fours à plâtre sont pendant l'hiver l'asile des vagabonds, hommes, femmes, enfants, qui, transis de froid, harassés de fatigue veulent au moins se réchauffer un peu. [...] Un de ces fours, qui se trouve dans les environs de Vaugirard, débordait un soir de février ; une buée chaude se dégageait des respirations humaines entassées »36(*). Curieusement, la fiction retranscrit souvent mieux la réalité, que ne saurait le faire un simple article de presse mais « cette importance de la littérature et de la poésie se traduit aussi par l'intérêt accordé à la fiction, soit que cette presse fasse une large place aux grands romans contemporains qui mettent en scène les drames quotidiens de la condition ouvrière, soit qu'elle transpose elle-même ces drames en récits imaginaires. A certains égards et en certaines occasions, la distinction entre réalité et fiction s'évanouit ; la fiction exprime la réalité, mieux que ne le ferait le fait divers ; elle est la réalité »37(*).

La nouvelle acquiert donc le double caractère d'une histoire vraie et étonnante, et d'autant plus étonnante que vraie ou supposée telle. C'est du coeur de l'ordinaire et du quotidien que doit surgir l'extraordinaire. La nouvelle, que l'on peut dorénavant associer à la chronique, relate des événements inouïs - c'est-à-dire qu'on a pas ouï, jamais entendu parler - et qui ont eu lieu38(*). Elle possède donc un double impératif, actualisant ainsi les deux sens du terme : véridique et inouï. D'ailleurs Louise Michel interroge de manière ironique le lecteur : « N'est-ce pas toujours l'impossible qui arrive ? »39(*). De par l'émergence dans la vie de tous les jours, d'un « possible parfaitement plausible », l'auteure cultive la quête de l'étrange comme révélation du réel40(*) (sans que cette singularité soit spectaculaire ou surnaturelle). Le Claque-dents, bien qu'il s'agisse d'un roman, exprime également une interrogation sur le caractère étrange de la vie, il questionne le lecteur sur le poids du hasard et celui de la fatalité : « L'impossible arrive, plutôt que le possible, l'inattendu est toujours à la place de l'attendu. C'est pourquoi Sylvestre épouvanté vit surgir l'impossible et arriver l'inattendu »41(*).

c) Un ancrage spatio-temporel précis ?

Un flou temporel

Manifestement, Louise Michel aborde précisément la société contemporaine, dont elle décrit les moeurs, et dont elle dénonce les abus et les inégalités sociale. Mais fournit-elle des dates et des repères chronologiques précis ? Celle-ci brouille les pistes de manière visiblement ironique, et nous fait parvenir des dates incomplètes : « 18** »42(*) ; seule certitude nous sommes bien au XIXe siècle. La romancière ménage ainsi un flou quant à la période exacte durant laquelle se déroulent les faits qu'elle rapporte, mais procure au lecteur une partie des informations : « Le dimanche 13 juin de cette même année les gardiens du cimetières de Saint-Ouen... », sachant qu'elle n'a aucunement précisé, ailleurs dans le texte, l'année de l'anecdote.

Une topographique détaillée

A défaut de situer précisément l'action dans le temps, l'auteure fait parvenir au lecteur une topographie détaillée de Paris et de ses bas-fonds en citant fidèlement le nom des rues. Le second chapitre de la nouvelle « Premières et dernières amours » commence d'ailleurs ainsi : « [...] Le cours d'eau noire forme des sinuosités à droite de la rue Mouffetard, dans un bas-fond où il passe deux rues, formant un T. C'est bien à Paris que nous sommes. Le pied du T, c'est la rue des Lyonnais ; les bras c'est la rue de Lourcine, - le cours d'eau noire, c'est la Bièvre. Sur une des pentes de la rue des Lyonnais sont des huttes avec les bois où sèchent les peaux»43(*). Outre les rues malfamées, c'est le milieu carcéral qui est investi, car nombre des personnages de Louise Michel font l'expérience des prisons parisiennes, et c'est en temps qu'ancienne détenue que l'auteure peut le décrire justement : le dépôt44(*), puis à la Roquette ; la place de la Roquette, avec sa guillotine, est évoquée45(*), ainsi que la prison des condamnés à mort46(*), avec son lot d'anarchistes. La prison et plus particulièrement le Dépôt sont des topos de la littérature réaliste et sociale de cette époque ; dans nombre de romans de cette période, des chapitres entiers sont consacrés à la description des conditions d'incarcération et les personnages immanents font de nombreux séjours en prison47(*).

Cependant, l'action du Claque-dents ne se déroule pas exclusivement à Paris, et le déplacement de l'intrigue en Bretagne témoigne du goût pittoresque de la romancière. En effet, Louise Michel en décrivant les îles morbihannaises en appelle à la sensibilité visuelle du lecteur ; c'est en peignant avec précision ces paysages, qu'elle tente de rendre compte et de faire partager la beauté et le tempérament de la Bretagne : « Deux îles sur la côte du Morbihan sont à peine connues. Hoedik a de loin l'apparence d'un cheval marin ; [...] Houat est une double étoile ; [...] Dans ces îles et dans leurs constellations d'îlots vit une population de pêcheurs ne connaissant que la mer. [...] En face c'est Belle-Isle. Houat est une des premières stations humaines, la Siata des anciens ; les moeurs, depuis, n'y ont guère changé. L'armor braz (la grande mer), c'est tout pour les fils qui y vivent »48(*).

Le décor est posé et c'est dans ces lieux réels et typiques de la littérature populaire que l'auteure fait évoluer ses personnages : à chaque milieu ses habitants.

2/ LE RÉALISME SOCIOLOGIQUE

Les personnages sont issus de toutes les couches sociales, ce qui permet à l'auteur de dresser une fresque très réaliste et totale, de la société française de la fin du XIXe siècle. En s'intéressant à la typologie de ces personnages, en étudiant entre autre, leurs caractères physiques, la signification de leurs noms, ainsi que le langage dont ils usent, force est de constater, que ces personnages ne sont pas réellement des « personnes » (ils ne possèdent pas véritablement de densité humaine et psychologique, leur conscience n'est pas rendue centrale par la focalisation interne), mais plutôt des « individus » (focalisation externe)49(*). En répondant à des types sociaux, ils acquièrent de cette manière une dimension plus ou moins universelle.

a) Le type bourgeois

Dans la typologie du bourgeois, il faut citer plus largement tous les personnages qui ont trait au monde de l'argent, et qui se trouvent être de véritables capitalistes, nouvelle et ancienne bourgeoisie cohabitant. Ce sont les « Rapaces »50(*). La nouvelle qui porte ce titre consacre son premier paragraphe à l'élaboration d'une définition de ces êtres infâmes : «  Les rapaces sont les bêtes de proie humaines, depuis les financiers de haut vol qui tournent sur les armées en marche jusqu'aux placiers, qui dévorent le misérable sous ses haillons »51(*). Par cette métaphore animalière, les puissants sont présentés comme de véritables charognards, dévorateurs de chair humaine, mais pas n'importe laquelle, celle des prolétaires et des miséreux.

Le principal rapace de cette nouvelle est « Madame la marquise de Donadieu », personnage mondain et respecté, dont le patronyme ironique rend compte de toute son hypocrisie et de sa perversité : le sort qu'elle réserve à ces jeunes filles est-il un don fait à Dieu ? Et avec elle, c'est toute sa société qui est moquée, et la noblesse rabaissée52(*) : « Madame de Sainte-Madeleine » ; « M. de Thunder » (référence humoristique à Candide et au château de Thunder-ten-tronck ?) ; « Mademoiselle de Saint-Gratien » (analogie culinaire ?). La marquise possède un double (à la même adresse53(*)) dans Le Claque-dents : Mme Hélène de Saint-Madulphe. Personnage mondain et intouchable (« C'est qu'elle appartenait à cette terrible police secrète à laquelle nul ne touche sans péril »54(*)), elle garde également en captivité la pauvre Fleur de Genêts, et ce, avec l'approbation du juge Mancastel55(*). Personnage hypocrite (« Mme Hélène de Saint Madulphe, ne s'appelait pas plus Hélène, ni Saint-Madulphe, que Cornélie ou Thérèse »), elle appartient effectivement à la catégorie des rapaces : « Le capital, le pouvoir, la superstition la payaient grassement d'un bout du monde à l'autre. Elle avait de ses dents de vipère, versé du poison dans les plaies vives, attisé la haine entre sectaires, répandu la défiance dans tous les groupes capables de combattre pour la justice ; elle avait fait tant de mal que les richesses lui étaient venues à flots. »56(*)

Dans Le Claque-dents, le financier juif Eléazar représente le monde de l'argent et du pouvoir, tout comme ses doubles dans la nouvelle « Les Vampires » et dans la pièce La Grève. Avatar du rapace par excellence, il a les doigts crochus et « arrondis en dedans comme des serres »57(*). Mais ce personnage ne serait rien sans sa seconde épouse Gertrude, femme manipulatrice « chargée d'électricité comme une torpille, implacable, hautaine, froidement cruelle, [elle] a dépouillé le malheureux Juif de tout ce qu'il avait d'humain, c'est elle qui le galvanise et du poète David a fait l'usurier Shylock58(*). [...] Elle veut être seule à gérer la fortune et à la pressurer comme une grappe de raisin »59(*). La baronne, que Eléazar craint, est présentée comme « Big Brother »60(*), elle voit et contrôle tout : « Eléazar se leva épouvanté, la baronne écoutait peut-être quelque part, elle lui semblait toujours partout. C'est le propre des divinités d'épouvanter leurs adorateurs, l'horrible divinité d'Eléazar avait si bien pris possession de lui qu'il ne pouvait plus ressaisir son individualité. »61(*). Dans le roman comme dans La Grève, Gertrude est la « femme-capital »62(*), cupide et avide de pouvoir, « la baronne Eléazar rêvait la royauté de l'or, les banques juives absorbant les autres et se centralisant dans ses mains qu'elle sentait grandir en serres monstrueuses pour étreindre le monde »63(*) ; prête à tout, - « l'enjeu de sa lutte est « l'accaparement », « le privilège ». Pour elle, la force prime le droit »64(*) - et capable du pire, elle n'hésite pas à recourir au meurtre.

D'après ces extraits, Louise Michel pourrait faire preuve d'un certain antisémitisme à l'égard des juifs, qu'elle associe de manière presque systématique au monde financier ; en effet grand nombre des personnages-rapaces sont juifs. Mais cette méfiance à l'encontre des juifs est une idée fortement répandue dans les milieux socialistes et marxistes du XIXe siècle65(*). Louise Michel ne manifeste aucune haine contre ce peuple, elle admet et condamne toutes les tortures dont il a été victime et reconnaît ses souffrances : « Les Juifs d'autrefois pleurant la patrie absente, à la harpe suspendue aux saules du rivage, ont, à travers les âges et les tortures, étrangement évolué. [...] On a brûlé bien des Juifs avant qu'ils aient commencé à becqueter la chair humaine »66(*). Comme Marx67(*), Louise Michel pense que, outre le judaïsme, ce sont toutes les religions qu'il faut supprimer pour que les hommes puissent s'émanciper et vivre libres et égaux68(*).

Les parvenus

Ils appartiennent également à l'espèce des rapaces, mais contrairement à la bourgeoisie déjà installée, ces parasites doivent encore faire leur place dans la société ; pour ce faire, ils révèlent un véritable tempérament de sangsue. L'attention se porte inévitablement sur le nom symptomatique d'« Edgar de La Serre », personnage inquiétant, auquel on ne peut se fier69(*) et lorsqu'il est de nouveau mentionné à son retour de l'étranger, il est comparé à un rapace :« les bruits de guerre ont amené un tas de rapaces, ces corbeaux humains tournoient dans l'air en attendant le festin ». Casimir, aussi avide que lui (« la mort de son père lui a causé une vive émotion : celle de l'héritage, une espérance qui aboutit : l'héritage »70(*)), est insatiable71(*), et c'est cet appétit inassouvissable qui le conduira au meurtre de sa maîtresse pour ses bijoux, et à sa propre perte.

Barnabé et Casimir possèdent chacun un double dans Le Claque-dents : Sylvestre et Stéphane sont deux oiseaux de la même espèce. Ils ont en commun d'une part leur avidité et d'autre part leur hypocrisie. Meurtriers en puissance72(*), Sylvestre et Barnabé ne seront inquiétés tant ils sont habiles et tant leur figure respire l'honnêteté : « tandis que l'assassin, un grand jeune homme blond aux yeux de colombe, contre lequel ne s'élevait aucune charge, laissé parfaitement tranquille, assistait à la vente, [...] ; il inspirait une confiance parfaite à ceux qui jugent infailliblement si les gens ont une figure honnête ou une mine patibulaire. [...] Il se nommait Sylvestre un nom aussi doux que son aspect »73(*). Sylvestre, authentique « magouilleur » et escroc confirmé, se trouve à l'origine de manoeuvres et de tractations douteuses et malhonnêtes, comme lorsqu'il crée (avec la baronne Eléazar) une association fictive, chargée de vendre des actions, elles aussi fictives, de la Nouvelle Atlantide74(*). Authentique parvenu, Sylvestre gravit les échelons, jusqu'à être nommé ministre75(*), comme Eugène Rougon76(*), qui symbolise la réussite de l'opportunisme dans le cycle des « Rougon-Macquart » d'Émile Zola. Tout comme Barnabé est l'associé de Casimir, Stéphane est le collaborateur de Sylvestre dans ces entreprises frauduleuses et affaires de corruption. Stéphane est lui aussi un individu malhonnête77(*) et un assassin, il égorge sa maîtresse nommée également Marguerite et en rapace, récupère les bijoux qu'il venait de lui offrir (parures ayant appartenu précédemment à la victime de Sylvestre).

Il convient en effet de différencier cette nouvelle bourgeoisie de l'ancienne. Ces rastaquouères78(*) constituent « la bande à Sylvestre »79(*) et sous-couvert de religion, ils ont établi leur quartier général au bureau du journal Au bourdon du Sacré-Coeur de Jésus80(*). Tous ces parasites gravitent autour de la sphère de pouvoir qu'incarnent la baronne Eléazar et Mme Hélène, mais « il existe une « hiérarchie des vermines humaines, dont le jeune Alphonse [est] le dernier et le doux Sylvestre le premier », et cette échelle sociale est ironiquement rebaptisée « l'échelle d'Eléazar »81(*). L'auteure décrit là un réseau financier et corrompu extrêmement bien organisé, qui s'enrichit au dépens des plus pauvres, « Nous retrouvons aux assises plusieurs personnages de la salle des ventes et du salon de la baronne Eléazar, c'est autour des misères humaines que gravite ce groupe - de quoi s'engraisseraient ces rapaces s'ils ne fouillaient la chair vive » ; « Le destin se déclarait pour la bande d'affameurs qui faisaient les affaires comme on fait le mouchoir, ils étaient pickpocket en grand »82(*). Ces personnage méprisent et exècrent la misère83(*), ils ont en horreur les esprits contestataires, les avancées sociales et estiment qu'il faut tuer tout germe de révolte en supprimant la liberté d'expression et le droit de réunion : « Sylvestre, placé près du jeune Alphonse et du vieux Saint-Léger, causait avec eux de tous les dangers sociaux ; du trop de liberté accordée à la parole dans les réunions publiques ou dans les journaux ; de l'essor incroyable pris par l'intelligence des travailleurs, sans ajouter bien entendu que la parole et l'article de journal vont jusqu'au bagne calédonien »84(*).

Cependant, Louise Michel ne donne pas à voir une société manichéenne dans laquelle s'opposeraient aux méchants bourgeois les bons et courageux prolétaires. Esther et Marius (les enfants du baron Eléazar) appartiennent en effet à la grande bourgeoisie, mais ne sont nullement pervertis par le monde de l'agent et n'attachent pas non plus d'importance aux valeurs bourgeoises et capitalistes85(*). Leur sensibilité humaniste et les pressions familiales dont ils font l'objet en font des résistants (notamment en refusant les mariages arrangés auxquels on tente de les soumettre86(*)) dans La Grève et Le Claque-dents ; mais cette résistance acquiert une dimension plus politique et universelle lorsqu'ils se battent du côté des révolutionnaires : « A la grève qui précédait cette prise de possession, Marius jeta à pleines mains, à plein coeur, tout ce qu'il pouvait, il était de ceux à qui la nuit du 4 août parle à travers le temps »87(*. Esther rêve aussi d'une nuit du 4 août mondiale : « Si tu savais combien ce serait beau une nuit du 4 août qui tiendrait le monde »88(*) ; d'ailleurs, avant même d'entrer dans la lutte, elle est définie par ses lectures anarchistes, telles que Paroles d'un révolté de Pierre Kropotkine89(*). Marius et Esther représentent donc la jeunesse révoltée et l'avenir. Ils s'insurgent contre leur père, qui incarne le vieux monde, car ils ont la conviction qu'ils peuvent faire progresser l'humanité : « - voyez-vous père, nous sommes à une époque terrible, il faut être du passé ou de l'avenir, moi je suis de l'avenir et ne permettrai pas que votre société putréfiée m'ensevelisse ! pouah ! »90(*).

b) Le type populaire

La classe ouvrière

Le père Jo, à la manière de Morel le lapidaire dans Les Mystères de Paris91(*), est le parfait exemple de l'ouvrier qui, ayant travaillé toute sa vie, et malgré la pauvreté et les malheurs qui se sont abattus sur sa famille (« la mère, il y a longtemps qu'elle est morte, la misère et le travail forcé aidant. Le père a turbiné rudement pour élever les enfants restés tout petits »92(*)), a su rester honnête et laborieux ; il est d'ailleurs comparé à une bête de somme93(*). Nous lui découvrons pour domicile une misérable hutte, et c'est un tableau désolant qui est dressé94(*). C'est aussi l'occasion pour Louise Michel, d'aller au plus profond de cette classe laborieuse, en décrivant avec humanité le difficile métier de tanneur : « Pas de cheminée, un poêle sans tuyaux. Près du seuil, un homme d'une maigreur et d'une grandeur idéales frotte de pétrole ses jambes rougies par le mélange de blanc d'Espagne, de chaux et de stercus de chien qu'on piétine à deux dans les cuves, pour préparer les peaux »95(*)

Les révolutionnaires

Louise Michel transmet une image positive « de ces monstres révolutionnaires dont on dit tant de mal »96(*), et tente de détruire les idées et préjugés véhiculés par la bourgeoisie. Les deux anarchistes Edme Pascal et Jean Paul dit le Breton « étaient les seuls révolutionnaires du procès et encore n'avaient-ils pas comploté secrètement contre l'État puisqu'ils le faisaient sans cesse hautement, contre tous les états du monde »97(*) ; c'est d'ailleurs à la tribune, alors en plein exercice de leur doit d'expression, qu'ils se font arrêter. Condamnés arbitrairement dans le procès d'Hermann, ils sont décrits comme d'aimables contestataires : « Les second et troisième accusé étaient les orateurs de la salle Octobre : un petit jeune homme aux cheveux noirs, au visage énergique, à qui sont emprisonnement faisait perdre le travail qui soutenait sa mère, la pauvre vieille étant en train de mourir de faim »98(*). A ces deux personnages viennent s'ajouter Cristel et Pierre, deux étudiants également arrêtés et condamnés à mort pour avoir soutenu les deux accusés, et compris que ce procès était insensé99(*). Le « camarade Wolff », ami militant de Marius et fiancé d'Esther, apparaît pour la première fois dans Le Claque-dents quand la grève est évoquée100(*). On le trouve aussi sous le pseudonyme de Jehan101(*) derrière lequel il se cache des autorités.

Les misérables

Il faut considérer l'acception du terme « misérables » dans son évolution, qui exprime pleinement les rapports complexes qui existent entre « classes laborieuses » et « classes dangereuses » ; cette locution ne désignera plus d'une part les malheureux et de l'autre part les criminels, mais « ceux qui sont à la fois, ou plus ou moins, malheureux et criminels, [et] ceux qui se trouvent à la frontière incertaine et constamment remaniée de la misère et du crime. Il ne désignera plus deux conditions différentes, mais le passage de l'une à l'autre, cette détérioration que nous décrivons : une situation intermédiaire et mouvante, et non pas un état »102(*). C'est justement cet amalgame que Louise Michel expose en expliquant que c'est dans les classes laborieuses que l'on cherche voleurs et meurtriers : « désespérant de trouver l'assassin, on cherchait parmi les plus sinistres figures de vagabonds celui qui aurait au visage quelques égratignures pouvant passer pour des coups d'ongle »103(*).

Pierre Mardi (« le jour où il avait été trouvé lui servait de nom de famille »104(*)) est un avatar du « misérable » : enfant trouvé, il a longtemps vagabondé, recueilli mais mal-traité « il roula de chez son maître à la maison de correction, dont il est sorti voilà bientôt un an »105(*). Pierre Mardi a donc, malgré lui, toujours côtoyé l'illégalité et été assimilé à un délinquant et, si tôt sorti de la maison de correction, il est de nouveau arrêté, et envoyé au bagne, où il y meurt106(*). Réalité sociologique et psychique, Louise Michel insiste sur la balourdise107(*) et la « folie monstrueuse » du personnage. D'ailleurs, à l'image des forçats (comme Jean Valjean dans les Misérables ou encore le Maître d'école dans Les Mystères de Paris), Pierre Mardi est lui aussi doté d'une « force herculéenne et la brutalité de son caractère, la colère qui le poussait, doublait sa vigueur »108(*). En outre, il semble exister une solidarité toute fraternelle entre les « misérables », c'est du moins ce que l'on remarque quand Pierre Mardi retrouve un ancien camarade : « ces deux êtres, accoutumés tout petit ensemble, souffrant dans la même ignorance les mêmes misères, avaient éprouvé du plaisir de se revoir après une année de séparation »109(*).

Les vagabonds

Personnages marginaux, ces « trimardeur » sont considérés comme des criminels et sont traqués par la police, qui effectuent de nombreuses descentes là où ils se réfugient : « Souvent les gendarmes, sous prétexte de moralité, en font sortir les femmes et les enfants qu'ils chassent dehors en troupeau lamentable »110(*). Comme le démontrent les documents de l'époque, c'est bien la faim, plus largement la misère, qui pousse ces pauvres au vagabondage et à la mendicité, dernières étapes avant la mort111(*). C'est en effet la fatalité et le désespoir qui font de Marguerite une vagabonde (abandonnée par son fiancé, qui l'a dupée, son père et son frère sont sont en prison) : « Le sinistre troupeau se dispersa, car la loi défend de marcher tant de monde ensemble. [...] C'est ainsi que Marguerite commença la vie de celles qui roulent112(*) au mois ou à l'année, tandis que les autres roulent à la nuit »113(*) ; triste destinée qui la contraint à se prostituer114(*). Une autre jeune fille en fait l'expérience dans Le Claque-dents : Fleur de Genêts s'est enfuie de chez Mme Hélène, qui la retenait captive, et perdue dans Paris, elle est arrêtée pour vagabondage (et prostitution) et est emmenée au dépôt115(*).

Jaël dans Le Claque-dents - c'est lui qui trouva Fleur de Genêts116(*) - est la figure positive du vieux mendiant ; pauvre et vivant seul, il est entouré d'une aura de superstitions : on dit de lui qu'il a « la mauvaise main » et tout le monde le fuit117(*). Victime de persécutions et d'une arrestation arbitraire, il se joint à Wolff dans la lutte118(*).

Les enfants

Le « gamin de Paris », le Gavroche, est un personnage typique des romans populaires du XIXe siècle, mais il s'agit d'un fait sociologique et d'un réel problème du Paris de cette époque ; Hugo constate : « les enfants errants abondaient dans Paris. Les statistiques donnent une moyenne de 260 enfants sans asile ramassés alors annuellement par les rondes de police dans les terrains non clos, dans les maisons en construction et sous les arches des ponts. [...] c'est là, du reste, le plus désastreux des symptômes sociaux. Tous les crimes de l'homme commencent au vagabondage de l'enfant »119(*). Considéré comme délinquant, un de ces gamins, « en guenilles », est arbitrairement interpellé par les forces de l'ordre - « - Tu vas nous suivre, petit brigand ! » - dont il se moque et contre lesquelles il tente de lutter : « - Ce gamin pourrait peut-être donner des renseignements sur l'assassin, disaient les agents, en entraînant le petit, qui se démenait comme un enragé »120(*). Ces gamins étaient organisés en bandes, et c'est d'ailleurs en prenant Yves Gallo pour la sentinelle de l'une d'elle, que celui-ci est arrêté par la police, et envoyé eu dépôt121(*).

En opposition avec les « gamins de Paris », il y a les enfants issus de la campagne, notamment de Bretagne - terre au folklore légendaire et aux traditions ancestrales : « Voilà le village avec les maisons aux murs de terre, le fossé comme au temps des Gaules »122(*). Makaïke et Viktoria, avec leurs « coiffes blanches du pays », sont l'innocence même, elles sont d'ailleurs comparées à deux « fleurs de genêt des landes de Bretagne »123(*). Cette partie du monde semble en effet avoir échappé au temps et à la modernité et c'est de la ville qu'arrivera la menace, perturbant ainsi cet équilibre presque édénique :« une dame de tournure et d'âge respectable venue [...] chercher, sur les côtes de Bretagne, une jeune fille pieusement élevée pour en faire sa servante »124(*). Il convient également de citer le héros de la nouvelle « Les Rapaces ». Yves Gallo125(*) (Gallois, Gaulois ?), le petit gardeur de vaches est « un enfant d'une douzaine d'années, à la chevelure emmêlée, aux habits de grosse toile »126(*), ses cheveux sont aussi comparés à « une crinière de lion »127(*). Il porte un prénom typiquement breton, dont l'origine celtique (iv) fait référence à la nature. Louise Michel fait de ce jeune homme, à l'allure sauvage, un héros romantique : « L'enfant, toujours seul devant la nature, s'était identifié avec elle ; le vent lui chantait de douces ou terribles choses. Les flots l'appelaient près du bord et longtemps il y restait pensif, regardant devant lui - les ailes de mouettes ou les voiles blanches à l'horizon »128(*).

c) L'argot : le langage révélateur

Louise Michel insère constamment dans le texte des mots d'argot parisien, langage subversif qui relève d'un art de vivre, d'une façon d'être, qui engendre un « habitus », comme dit Pierre Bourdieu, et un univers de langage129(*). Mais qui en sont les usagers ? « Pas question bien évidemment d'écarter la voyoucratie !130(*) ». L'argot naît dans les rues, dans les bistrots, dans des lieux malfamés, il est le parler des truands. La thématique du lexique argotique en témoigne : la femme et le sexe réduits aux prostituées, le travail réduit à la prostitution (« turbin », « turbiner »131(*)), la boisson réduite à l'alcool, les faits de société sont réduits à des problèmes de justice (procès, prison...). L'argot ne possède pas de vocable pour ce qui est bien-pensant, familial, spirituel132(*).

Il existe différents types d'argot, qui ne répondent ni aux mêmes besoins et ni aux mêmes projets esthétiques. L'argot réaliste apparaît au XVIIIe siècle pour devenir au XIXe siècle l'ornement obligatoire de toute prose ou poésie réaliste, naturaliste, populiste133(*). En effet, le langage a un rôle de révélateur et, mieux que toute description physique, il permet de définir un personnage ; c'est ainsi que l'emploi de l'argot par la narratrice déclenche la description de Pierre Mardi  : « C'est la langue du gros et grand individu qui marche le premier ; il est né là-dedans, sur le trottoir, neuf mois après la nuit du mardi-gras, il y a vingt-deux ans. Qui donc lui en aurait appris une autre en roulant des enfants trouvés chez un paysan, qui le rouait de coups et le faisait mourir de faim ». Le second personnage de ce récit intitulé « Les Vampires » est définit lui aussi par le langage, mais précisément par opposition à son « compère » : « L'autre ne parlait pas la même langue »134(*.

Visiblement, la narratrice maîtrise parfaitement le langage de la pègre, et connaît les bas-fonds de la société où fourmillent ces individus. Elle impose au lecteur une visite guidée dans ces profondeurs hasardeuses et périlleuses, depuis les lieux de rencontre les plus sinistres, jusqu'à l'échafaud : « Ils ont fait alliance, la brute et le détraqué dans les bouges à la retorque et à la relampe, où vont les fleurs du quart, les futures poires à Charlot, les grelucheux, enfin toute la freluche d'astif dont quelques-uns feront courir pendant bien des nuits les amateurs du jeu de couperet à la place de la Roquette »135(*). Les termes argotiques utilisés par Louise Michel ne sont nullement traduits et l'origine et la traduction de certains restent obscures (« à la retorque et à la relampe », « freluche d'astif »). Ces manifestations littéraires peuvent être associées à « l'argot secret »136(*). Les auteurs sont alors des argotiers qui ont écrit pour leurs semblables et qui paraissent avoir voulu rendre impénétrable leur texte pour tout lecteur que le message ne concerne pas, et - outre le plaisir verbal qui s'en dégage - Louise Michel ne se trompe pas sur le public visé.

L'argot n'est donc pas une simple fioriture langagière, mais répond à des besoins : d'une part, à celui de souder linguistiquement un groupe, de connivence grégaire137(*) (« Il avait retrouvé au greffe un de ses anciens camarades, l'un, Pierre, revenait de son jugement ; l'autre Étienne, partait pour la Calédonie. - Si tu veux, nous nous retrouverons là-bas, dit Étienne ; alors faut pas faire de renâcle d'astif. Tâche de venir de suite. Nous travaillerons dans le gris rouge »138(*)) ; et d'autre part, au besoin de créativité subversive à travers laquelle l'expressivité (manifestation extrême de la personne du locuteur) parvient à se manifester. Nous pouvons donc classer l'argot de Louise Michel dans « l'argot lyrique », qui regrouperait « l'argot secret » et « l'argot réaliste »139(*).

Issus de toutes les classes sociales, les personnages appartiennent à un vaste réseau (connaissances, correspondances et coïncidences), ce qui permet à notre romancière-nouvelliste de dresser une vaste fresque sociale. Leur retour à travers les différentes oeuvres favorise l'analogie à la Comédie humaine de Balzac, mais il convient de nuancer cette comparaison car, ce ne sont pas vraiment les personnages-individus qui reviennent, mais plutôt les types, c'est-à-dire leurs noms et leurs caractéristiques : par exemple, Gertrude est la femme-capitale dans Le Claque-dents et dans La Grève. En outre, Louise Michel est davantage intéressée par la dimension collective de l'existence humaine - tous les personnages étant touchés par les mêmes forces - et elle insiste sur la notion de fatalité qui guide les hommes : « Des poignées de sable tournoyant sous la même tempête, tels sont les personnages de ce récit »140(*). En effet, à travers ces destins individuels, Louise Michel cherche à tendre vers l'universalité : « De plus en plus les grains de sable humains que le vent place et déplace se trouvaient groupés. Tantôt l'orage dissémine la poussière, tantôt elle la réunit, ainsi fait des hommes le tourment sociale »141(*). L'homme est ainsi pris dans un tout (social et biologique) dont les forces lui échappent.

3/ L'INFLUENCE DES SCIENCES NATURELLES ET HUMAINES

Louise Michel est indéniablement passionnée par les sciences naturelles142(*), mais c'est surtout l'homme qui constitue son principal terrain d'investigation et qui se retrouve au centre de ses oeuvres. Au XIXe apparaissent ce que Bachelard appelle des « continents scientifiques nouveaux », en particulier dans le domaine des sciences dites « humaines ». Naît alors la discipline historique, abordée cette fois de manière scientifique, car au lieu de se tourner vers la littérature et la philosophie, les historiens se tournent vers les sciences de la nature et le positivisme143(*). La psychiatrie et la biologie se développent ; le magnétisme, l'occultisme et autres doctrines supranaturelles connaissent leurs plus belles heures144(*).

a) Louise Michel, naturaliste

Le roman est la forme d'expression privilégiée du naturalisme, mais c'est plus largement toute la littérature de cette fin de siècle, et tous les genres, qui est tournée vers la naturalisme145(*). L'écriture naturaliste utilise abondamment les métaphores animales et, ou végétales afin de décrire les mécanismes de la société, et Louise Michel, comme ses contemporains, use et abuse de ses comparaisons : « Un monde croulait, un monde naissait. Hommes et feuilles mortes s'en allaient au gré du vent, tombant dans l'humus où fermentent les germinals »146(*). Comme Émile Zola qui comparait Nana à une « Mouche d'or »147(*) qui putréfie l'aristocratie et la société, Louise Michel fait cette comparaison : « C'est qu'à ces époques, l'homme pareil aux mouches charbonneuses qui se gonflent de poison sur les charognes au bord des chemins, s'imprègne des infections sociales. Tout alors touche à la folie, au crime, au désespoir, et comme le fumier fertilise la terre, ces monstruosités peut-être hâtent l'éclosion des germes nouveaux »148(*) ; à travers l'image des mouches charbonneuses149(*), elle dénonce l'atmosphère de pourrissement qui règne alors dans cette société infectée, la corruption et sa prolifération.

En outre, Zola n'a de cesse d'affirmer que « le naturalisme est le mouvement même du siècle : la littérature doit nécessairement évoluer au même rythme que les autres manifestations de l'activité humaine »150(*). Or, le XIXe siècle progresse en matière de science et de technologie à un rythme effréné. La Révolution Industrielle modifie très sensiblement les modalités de fonctionnement de la littérature dans ce monde en pleine expansion :« Toute la vie littéraire de la seconde moitié du XIXe siècle se déroule sur un fond d'histoire économique, sociale, mentale, politique où de nombreux événements ont une dimension internationale. [...] la découverte de nouvelles lois scientifiques, l'élaboration d'applications pratiques de ces lois, la création d'un nouvel ordre occidental qui achève de partager le monde, et, phénomène peut-être capital pour la vie artistique, l'exploration des rapports entre l'art et l'industrie »151(*. L'Europe et le monde tendent donc à s'organiser, non seulement sur le plan politique et diplomatique, mais aussi en ce qui concerne la circulation des biens, des personnes des idées (bien que les progrès techniques diffèrent selon les états, qui n'atteignent pas les mêmes niveaux de développement). Cependant, Louise Michel ne conçoit nullement la mondialisation comme le processus de capitalisation des richesses mais comme le partage des techniques et du savoir. Ces préoccupations socio-économiques à l'échelle mondiale sont caractéristiques de son oeuvre et de sa personne, qui préconisent une organisation internationale des travailleurs152(*), et de tous les hommes : « La grève montait de plus en plus. Elle tenait l'Europe, l'Amérique, et une partie de l'Asie »153(*). Louise Michel fait montre d'une authentique sensibilité internationaliste immanente dans son projet social : « la liberté qu[e le naturalisme] revendique pour l'écrivain est inséparable de la reconnaissance de sa place de producteur, plutôt que de créateur, dans la société. En fin de compte, c'est peut-être là que le naturalisme opère la rupture la plus décisive avec les mouvements littéraires qui l'ont précédé, y compris le réalisme : la vocation d'homme de lettres doit s'épanouir et se réaliser dans la profession d'écrivain, le génie solitaire devient le travailleur solidaire de ses concitoyens. L'écrivain naturaliste est indissociable du « groupe social » auquel il appartient »154(*).

b) Une application sociale du darwinisme ?

Les naturalistes, héritiers de Darwin, retiennent quelques thèmes abordés par le biologiste dans L'origine des espèces (1859), tels que la sélection naturelle, le problème d'hérédité/milieu, la lutte pour la vie, avec cette idée que l'humain est englobé dans le biologique155(*). Louise Michel cherche aussi à exposer de manière positiviste cette lutte pour la vie. C'est en effet par l'expérience de ses personnages, véritables cobayes évoluant dans la « jungle sociale », quelle applique à la société les concepts de « survie des plus aptes » et d'« élimination des plus faibles ». La lutte pour la vie s'exerce de deux façons : sous forme de la lutte de l'être vivant contre le milieu environnant ou contre les individus des autres espèces ; mais aussi par l'intermédiaire de la compétition que les individus de même espèce se livrent entre eux156(*). La romancière met l'accent sur ce dernier aspect et dénonce le fait que c'est la classe dominante qui engendre la pauvreté et la violence dans les classes inférieures, empêchant ainsi toute solidarité et cohésion sociale : « il faut bien que les subalternes exécutent les ordres qu'ils reçoivent des hautes sphères gouvernementales. Sans cela le pain manquerait à leurs petits, ce pain rougi de sang dont ils nourrissent leur nichée affamée - ce n'est pas d'ordinaire pour s'amuser que les misérables se font assassins ou mouchards. Dans le haut de la hiérarchie ce sont les grands veneurs ; dans le bas les meutes qui parfois éventrent le cerf aux abois »157(*).

Manifestement, Louise Michel adhère à cette application marxiste de la théorie de l'évolution, voyant dans la lutte pour la vie la lutte des classes dans un régime capitaliste, et cette lutte des classes devenant carrément la forme humaine de la lutte pour la vie : « Le monde qui nous est donné, à travers cette lecture est la jungle sociale. La ville ; la ville monstrueuse, où se guettent, s'affrontent les classes sociales en guerre totale, pour l'extermination de la peur ; peur de la misère, de la faim. A l'autre bord du spectre social, une autre peur ; celle des possédants, ivres de leurs privilèges, des passe-droits de leur classe »158(*). Cependant, cette lutte pour la vie n'est pas l'état naturel des relations sociales159(*), sinon ce serait « une lutte égoïste des êtres vivants pour eux-mêmes et ceux qui leur sont génétiquement proches »160(*), c'est pourquoi les hommes doivent s'organiser collectivement et lutter : « Comme l'avaient prévu Marx et Engels, la lutte pour la vie n'est donc pas une malédiction éternelle : sa forme humaine, la lutte des classes, est un héritage animal qui peut et doit disparaître (car il n'a plus aucune signification objective) lorsque la technique humaine est assez productive, lorsque les hommes en ont conscience, et qu'ils font le nécessaire pour en remettre l'administration à la collectivité »161(*).

c) L'investigation profonde de l'homme

En 1881, le physiologiste Charles Richet constate : « Nous avons la ferme conviction qu'il y a, mêlées aux formes communes et décrites, des forces que nous ne connaissons pas ; que l'explication mécanique, simple, vulgaire, ne suffit pas à expliquer tout ce qui se passe autour de nous ; en un mot il y a des phénomènes psychiques occultes, et si nous disons occultes, c'est un mot qui veut dire tout simplement inconnu »162(*) ; et c'est de ce constat que la fin du XIXe siècle voit naître la « clinique », autrement dit la psychiatrie. L'Homme, considéré comme un sujet pensant, homogène, gouverné par la raison et dont en même temps la raison pouvait rendre compte, devient un individu divisé, problématique, recelant en lui-même des profondeurs insoupçonnées. Le fameux partage raison/folie vole en éclat. Il n'y a plus de fous : il n'y a plus que des aliénés163(*). Louise Michel s'est intéressée de près à la folie, comme en témoignent Le Livre d'Hermann et Lueurs dans l'ombre, plus d'idiots, plus de fous, dans lesquels elle propose des moyens de guérison, et montre que l'aliénation n'est qu'un trouble, une perturbation de l'individu ; il n'en demeure pas moins un être humain comme les autres. Elle adopte exactement la même démarche pour aborder le crime, qu'elle considère comme une maladie mentale : « Le désordre moral est la conséquence inévitable d'un désordre physique et beaucoup de crimes peuvent être classés dans les cas pathologiques. Cette opinion née du siècle dernier est aujourd'hui partagée, on pourrait dire professée par l'école médicale et expérimentale »164(*). C'est précisément de ce rapport entre crime et folie que Les Crimes de l'époque traitent, où cette « maladie du crime » prend la « marche effrayante de l'épidémie ; personne ne niera qu'il y eut des épidémies de suicides : il en est de même du crime »165(*).

Ainsi, les échanges sont incessants entre la science et la littérature. La littérature réaliste et naturaliste manifeste un profond intérêt pour la science, de laquelle elle n'hésite pas tirer des concepts, qu'elle transforme en matériau littéraire ; le roman est alors fondé sur des données scientifiques ou jugées telles à l'époque, ce qui lui donne une certaine légitimité : il s'agit d'être conforme à la science166(*). Louise Michel s'accorde elle aussi ce crédit scientifique : « Les médecins reconnaissent des formes particulières de démence dans les crimes de cette sorte. »167(*). Réciproquement, les sciences naissantes, la psychiatrie et la biologie en particulier, sont encore trop discutées pour ne pas avoir besoin de la caution que peuvent leur donner les écrivains : les scientifiques puisent donc de nombreux exemples et d'informations dans les oeuvres littéraires168(*).

***

Au-delà des repères chronologiques manquants, c'est un régime autoritaire et dictatorial, que l'auteur critique - le Second empire ? la Troisième République ? L'auteure investit tous les milieux sociaux et va au plus près de cette « classe laborieuse et dangereuse », afin de comprendre les raisons du mal-aise social. La littérature réaliste est incontestablement « l'instrument d'exploration du réel et d'analyse de la société, outil conscient de la critique sociale »169(*) et on peut alors qualifier la littérature de Louise Michel de littérature sociale170(*). Et pour rendre au mieux compte de ce mal-aise social, l'auteure n'hésite pas à user du registre fantastique car les frontières de l'étrange ou de l'étranger se sont déplacées ; elles ne sont plus liées au surnaturel, mais à l'être humain lui-même : l'inconnu n'est pas dans le monde extérieur, il est dans l'homme.

* 22 Conformément à l'étymologie du terme nouvelle (du lat. novellus, lui-même dérivé de novus : « nouveau »).

* 23 J.-P. Aubrit, Le Conte et la Nouvelle, éd. Armand Colin, Paris, 2002, p.15.

* 24 Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses, Hachette/Pluriel, Paris, 1984 : « Nous voilà donc revenus aux jours heureux du Moyen-Âge, alors que les rues étaient désertes et sombres, écrit le 21 décembre 1843, le vicomte de Launay dans ses Lettres parisiennes. On entend parler depuis un mois, que d'attaques nocturnes, de guet-apens, de vols audacieux... Ce qu'il y a d'effrayant dans ces attaques nocturnes, c'est la noble impartialité des assaillants : ils frappent également le riche et le pauvre... ils vous tuent d'abord, quitte à se tromper et ils s'inquiètent peu de leur erreur. Autrefois la misère avait au moins ce privilège, la sécurité ; elle ne le possède plus », p. 36.

* 25 Les Crimes de l'époque, « Le Beau Raymond », p. 97.

* 26 Louis Chevalier, op. cit. Classes laborieuses et Classes dangereuses : Louis Chevalier observe que le nouvelliste n'a de cesse de tirer ses anecdotes de l'actualité, et la Gazette des tribunaux est une « mine dans laquelle romanciers et chroniqueurs puis[ent] la plupart de leurs sujets. [...] Il est peut-être plus important de souligner que ce journal contribua largement à développer la psychose du crime ». p. 41.

* 27 Les Crimes de l'époque, « Premières et dernières amours », p. 11.

* 28 M. Surel-Tupin, dans Au temps de l'anarchie, un théâtre de combat, 1880-1914, éd. Séguier-Archimbaud, Paris, 2001, définit ce roman feuilleton ainsi : « sept cents pages aux rebondissements palpitants autant qu'inattendus sur fond de neige, de sang, de débauche, de beuveries, de tortures, tandis que courent des hordes de loups et des troupeaux de rats. Mais l'intrigue fait irruption dans une actualité brûlante, hautement politique, étant donné qu'elle s'organise autour de Bakounine, ce héros de la révolte, ici aimé de deux femmes : la pure Nadine et la traîtresse Sophia », p. 14.

* 29 Les Crimes de l'époque, « Les Rapaces », p. 71 ; dans Classes laborieuses et Classes dangereuses, une note précise que « nombreux, en effet, sont les exemples empruntés à la presse ou à la presse judiciaire [...] Nombreux sont également les exemples de l'exploitation des enfants par leurs parents, ou par des étrangers auxquels leurs parents les ont loués », note 1 p. 217.

* 30 Les Crimes de l'époque, « Les Vampires », p. 86.

* 31 Dans Les Grandes Affaires criminelles de France, éd. De Borée (2008), Sylvain Larue remarque que « Face à un tel crime, les plus hautes instances de l'État ne demeurent pas indifférentes. Lors d'un entretien le jour même avec le ministre de l'Intérieur, le chef de la Sûreté, M. Antoine Claude, comprend clairement que sa place est compromise s'il n'obtient pas des résultats, et vite ! Dans cette France où peu à peu un vent de révolte souffle contre la famille impériale, prendre cette enquête à la légère, c'est s'exposer à une violente campagne de presse de la part des adversaires de Napoléon III. », p.60 ; « Au terme de quatre jours d'audience, Jean-Baptiste Troppmann est

condamné à mort. On n'a pas perdu de temps pour le juger ; on ne va sûrement pas en perdre pour l'exécuter. », p. 80.

* 32 Pourtant le ministre de l'intérieur, lui-même, partage ses doutes dans ses mémoires douze ans plus tard. Il pense que le meurtre des Kinck n'est rien d'autre qu'un camouflage pour une affaire d'espionnage. Les témoins, vus avec l'accusé, n'ont jamais été interrogés et « [...] on imagine mal quelqu'un tuer huit personnes pour 5 500 francs... », Ibid., p. 79.

* 33 Les Crimes de l'époque, « Les Vampires », p. 86.

* 34 op. cit., Le Conte et la Nouvelle, p. 112.

* 35 Ibid., p. 60.

* 36 Les Crimes de l'époque, « Premières et dernières amours », p. 23.

* 37 Louis Chevalier, op. cit. Classes laborieuses et classes dangereuses, p. 656.

* 38 op. cit., Le Conte et la Nouvelle, p. 64, « La nouvelle est-elle autre chose qu'un événement inouï et qui a eut lieu ? », demande Goethe dans Entretiens avec Eckermann (25/01/1827), p.65.

* 39 Les Crimes de l'époque, « Premières et dernières amours », p. 35.

* 40 op. cit., Le Conte et la Nouvelle, p. 65-66.

* 41 Le Claque-dents, p. 128.

* 42 Ibid., p. 260.

* 43 Les Crimes de l'époque, « Première et dernières amours », p. 15.

* 44 Le Claque-dents : Hermann est conduit au dépôt, p. 19.

* 45 Ibid., p. 65.

* 46 Ibid., p. 74-75.

* 47 E. Sue, Les Mystères de Paris, cf. Part. V, chap. VI « Saint-Lazare » et Part. VIII ; L. Michel et M. Tinayre, La Misère, chap. intitulés « Au dépôt », « Au cachot », « Saint-Lazare »...

* 48 Le Claque-dents, p. 21.

* 49 L'effet personnage de Vincent Jouve, PUF, 1992.

* 50 Maurice Tournier, « Le bestiaire anarchiste à la fin du XIXe siècle », dans Bertrand Tillier, L'animal en politique, éd. l'Harmattan, 2003. Au même titre que « vautours » et « vampires », « rapaces » est un terme péjoratif issu du lexique anarchiste pour désigner les bourgeois, les patrons, les capitalistes, il s'agit toujours des exploiteurs ; ce vocabulaire met en relief la didactique de la lutte des classes. (p. 218 et 230).

* 51 Les Crimes de l'époque, « Les Rapaces », p. 39.

* 52 Ibid., p. 41.

* 53  Les Crimes de l'époque, p. 40 ; Le Claque-dents, p. 59 ; ces deux femmes habitent rue de Rennes.

* 54 Le Claque-dents, p. 48.

* 55 Ibid., « Si vous le voulez, elle vous sera remise quoique le procès soit commencé et quelque explication habile sera donnée au public. », p. 51.

* 56 Ibid., p. 50.

* 57 Le Claque-dents, p. 33.

* 58 Shylock est l'un des protagonistes du Marchand de Venise (1594-1597) de Shakespeare. C'est un riche usurier juif  qui exige « une livre de chair » du personnage principal en cas de non-paiement.

* 59 Le Claque-dents, p. 34.

* 60 George Orwell, 1984, Folio, 1950, « De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. Il y en avait sur le mur d'en face. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétraient les yeux de Winston. », p. 12-13.

* 61 Le Claque-dents, p. 118.

* 62 Monique Surel-Tupin, op. cit., Au temps de l'anarchie, préface de La Grève de Louise Michel, t. II, p. 142.

* 63 Le Claque-dents, p. 50.

* 64 op. cit., préface de La Grève, p. 142.

* 65 Louise Michel, Histoire de ma vie, seconde et troisième partie, dans Mémoires, éd. Tribord, Bruxelles, 2005 ; Part. II, chap. XII « Vipères » : « Ils n'ont survécu à la ruine de leur nation que parce qu'ils ont été repoussés de partout, ou en beaucoup d'endroits massacrés, depuis dix huit siècles ; ils devinrent tenaces à la vie et pour amasser les rançons qu'on exigeait d'eux, ils surent manier la seule chose qu'on leur laissait : la finance. Mais est-ce que le prolétariat juif n'est pas comme tous les autres prolétariats ? Est-ce que la fiance qui compose l'internationale de l'or n'appartient pas à toutes les religions ? », p. 514.

* 66 Le Claque-dents, p. 167.

* 67 Karl Marx, La question juive (Zur Judenfrage), (1843), qui est une réponse au livre éponyme de Bruno Bauer, dans laquelle Marx définit les Juifs par leur religion qu'il identifie au culte pratique de l'argent ; pour lui, judaïsme et bourgeoisie sont équivalents, d'où découle le devoir de supprimer le judaïsme, ainsi que toutes les religions, afin d'émanciper les peuples.

* 68 Le Claque-dents :« Alors, sur la terre lavée des infamies capitalistes, se dresseront libres le génie humain, la science, la solidarité ; elles parviendront à refaire un monde ; [...] Des trois femmes que nous rencontrons dans ce récit, la baronne et la mère de Wilhem sont juives ; l'autre, Mme de Saint-Madulphe, est chrétienne, elle a des ramifications avec l'armée du Salut comme avec toutes les sectes possibles », p. 168.

* 69 Les Crimes de l'époque, « Première et dernières amours » : « Ce drôle de La Serre portait bien son nom », p. 21.

* 70 Ibid., p. 31.

* 71 Ibid., « Barnabé lui proposa une affaire d'or, [...] une entreprise gigantesque qui lui donnait le vertige », p. 34.

* 72 Le Claque-dents, « Alors sous la pression de la terreur, affolé, ne voyant plus que le crime pour se délivrer des preuves de crimes qui montaient autour de lui, [Sylvestre] tira de ses vêtements un poignard qu'il portait sans cesse, l'assujettit à sa main nerveuse, et, bondissant sur Jack, le lui planta dans le dos jusqu'à la garde », p. 151.

* 73 Ibid., p. 9-10.

* 74 Ibid., p. 41 ; p. 78 ; « Cette fois ce fut du délire, il neigeait des actions dans la caisse de la colonie, et la baronne mit dans les bas fonds de ses réserves quelques millions de plus. Les affaires générales marchaient bien. Sylvestre acheta un château dans le département des Landes ; Stéphane, une villa aux environs de Paris... », p. 94.

* 75 Ibid., p. 140.

* 76 Émile Zola, Son Excellence Eugène Rougon, 1876.

* 77 Le Claque-dents, « Une trentaine de mille francs, conquis au jeu où il avait aidé la chance, lui avait permis l'achat du lit et des bijoux », p. 13.

* 78 Ibid., p. 31 ; « Rastaquouère : n. m. (1880-1886 ; esp. d'Amérique rastacuero « traîne-cuir », désignant des parvenus). Fam. Étranger aux allures voyantes, affichant une richesse suspecte. ». (Le Petit Robert, 1989)

* 79 Ibid., p. 100.

* 80 Ibid., « [...] Presque tous les gueux, que nous avons vu dans les premiers chapitres, jusqu'à Stéphane et au vieux Griffus, avaient au Bourdon du Sacré-Coeur de Jésus un bureau où chacun recevait pour une oeuvre particulière les aumônes qui s'engouffraient dans la caisse générale. », p. 77-78.

* 81 Ibid., p. 78-79.

* 82 Ibid., p. 42 et p. 140.

* 83 Ibid., « [Sylvestre], de temps à autre, devant quelque visage sombre de révolté rêvant la justice égalitaire, devant l'oeil flamboyant d'un meurt-de-faim, se disait : Voilà une mine de gueux ! un visage patibulaire ! » p. 19.

* 84 Ibid., p. 43.

* 85 Ibid. « Esther et Marius, de pure race juive, en avaient l'énergique profil, les grands yeux voilés de longs cils, la beauté fière et aussi l'immense ambition - bien plus immense, car elle s'étendait à tous, voulaient la vie large pour tous, la liberté pour le monde. Avides également de science, leur énergie aussi était multipliée infiniment pour l'humanité. Ils étaient bons, comme ils étaient beaux », p. 168.

* 86 Ibid., « - Et moi, mon père, je vais employer tout mon courage pour résister ; je ne veux pas être vendue. », p. 118 ; « Marius continua : - J'ignore ce que peut être la fille de ce vieux drôle de Carolus Étienne (dont je n'ai jamais compris l'emploi dans la maison) mais je vous jure, mon père, je ne l'épouserai jamais. Je veux choisir moi-même, en dehors de toute question financière, une femme », p. 119-120.

* 87 Ibid., p. 128 ; « Nuit du 4 août » : événement fondamental de la Révolution française , puisqu'au cours de la séance qui se tenait alors, l'Assemblée constituante a mis fin au système féodal et aux privilèges.

* 88 La Grève, Acte II., scène 4, p. 170.

* 89 Le Claque-dents, « Pierre Kropotkine ! le nom lui était connu, c'était en effet un révolté qui luttait contre le monde capitaliste. Eléazar restait abasourdi », p.119. Comme Esther et Marius, Kropotkine n'est pas issu de la classe prolétaire mais de la haute noblesse, ce qui permet à Louise Michel de démontrer que les révolutionnaires ne sont pas exclusivement issus de la classe laborieuse, que nous définirons ultérieurement.

* 90 Le Claque-dents, p. 120.

* 91 Eugène Sue, Les Mystères de Paris, Part. III, chapitre XVIII.

* 92 Les Crimes de l'époque, « Premières et dernières amours », p. 16

* 93 Ibid., « il s'endormit du sommeil lourd de la bête surmenée. », p. 17 ; Bertrand Tillier, dans L'animal en politique, explique que, toujours dans cette perspective de lutte des classes, l'ouvrier est comparé à une « bête (de misère » et à de la « chair à turbin », éd. L'Harmattan , 2003, p. 219 et 230.

* 94 Ibid., p. 15-17.

* 95 Ibid., p. 16.

* 96 Le Claque-dents, p. 74.

* 97 Ibid., p. 71.

* 98 Ibid. p. 42.

* 99 Ibid., « Une autre chose aussi où ils tombaient juste c'est que le fameux complot sentait la contrefaçon, c'était de la fausse monnaie de révolte. », p. 46.

* 100 Ibid., p. 128.

* 101 On trouve également un personnage nommé Jéhan Troussebane dans La Misère de Louise Michel (op. cit) p. 402.

* 102 Louis Chevalier, op. cit. Classes laborieuses et classes dangereuses, p. 176 ; « Dans le récit proprement dit, Hugo entend par « misérable » l'homme qui a commis un crime. », « Dès 1830, dans les Feuilles d'automne c'est la misère génératrice de crime, dont la pensée « fermente en silence au coeur du misérable », et non plus le crime seul que ce terme désigne. », p. 165.

* 103 Le Claque-dents, p. 122-123.

* 104 Les Crimes de l'époque, « Les Vampires », p. 87.

* 105 Ibid., p. 84.

* 106 Ibid., p. 92.

* 107 Ibid., p. 85.

* 108 Ibid., p. 88.

* 109 Ibid., p. 90.

* 110 Ibid., « Premières et dernières amours », p. 23.

* 111 Louise Chevalier, op. cit. Classes laborieuses et classes dangereuses, Préfet de police écrivant dans son rapport du 6 septembre 1831, A.N. F2 1, 1290-1293, « Le nombre des mendiants augmente chaque jour. On ne saurait les enfermer tous si on voulait les arrêter ; l'on se plaint de leur importunité ; ils répondent que la faim les tourmente et par malheur cette excuse n'est que trop sincère. Les vagabonds se présentent aussi en plus grand nombre. Nos rondes de nuit, nos surveillants de jour les arrêtent, et la faim, la faim, avec ses horribles souffrances, est encore leur excuse. », p. 442.

* 112 Dictionnaire de la langue verte d'Alfred Delvau (1883), « rouler » : vagabonder, voyager.

* 113 Les Crimes de l'époque, « Premières et dernières amours », p. 27.

* 114 Les Crimes de l'époque, « Premières et dernières amours », chapitre V.

* 115 Le Claque-dents, « Tout à coup, un vol effaré d'ombres s'éparpillant devant des chasseurs emplit la rue silencieuse. Le rêve, un rêve de cauchemar horrible enveloppait la pauvre enfant. Sans savoir, portée par le courant de frayeur qui emportait les êtres en fuite, elle courut avec eux. Les filets étaient tendus, si bien que parmi des filles arrêtées pour tout ce qu'elle ignorait, Fleur de Genêts fut emmenée au dépôt palpitante, comme une colombe blessée », p. 29

* 116 Ibid., p. 26.

* 117 Ibid., p. 162.

* 118 Ibid., p. 246.

* 119 Louis Chevalier, op. cit. Classes laborieuses et Classes dangereuses, p. 210.

* 120 Les Crimes de l'époque, « Premières et dernières amours », p. 14.

* 121 Ibid., « Les Rapaces », p. 67.

* 122 Ibid., p. 41.

* 123 Dans Le Claque-dents, une jeune bretonne porte également le nom de Fleur de Genêts ; ce personnage est du même type que Fleur de Marie dans Les Mystères de Paris d'E. Sue, elles incarnent toutes deux la naïveté et la pureté.

* 124 Le Claque-dents, p. 26.

* 125 Louise Michel, Le Gars Yvon, légende bretonne, Paris, 1882, in-32, BNF, cote : 8°Y2/5363.

* 126 Les Crimes de l'époque, p. 55.

* 127 Ibid., p. 57.

* 128 Les Crimes de l'époque, p. 52-53.

* 129 Denise François-Geiger, Dictionnaire de l'Argot, Larousse, 1990, Introduction, p. XI.

* 130 Ibid., p. XIII.

* 131 Les Crimes de l'époque, « Premières et dernières amours », p. 16.

* 132 Ce qui fera écrire à Victor Hugo dans Le Dernier jour d'un condamné, Folio classique, 1970 : « C'est toute une langue entée sur la langue générale comme une espèce d'excroissance hideuse, comme une verrue. Quelquefois une énergie singulière, un pittoresque effrayant [...]. Quand on entend parler cette langue, cela fait l'effet de quelque chose de sale et de poudreux, d'une liasse de haillons que l'on secouerait devant vous. », p. 283-284.

* 133 On retrouve ces termes argotiques chez Sue, Balzac et Hugo, où ils sont souvent imprimés en italique et traduits dans des notes. Voir Henri Bonnad, op. cit., Dictionnaire de l'argot, article sur l'argot (1971), p. 749, tiré du Grand Larousse de la langue française.

* 134 Les Crimes de l'époque, « Les Vampires », p. 84.

* 135 Les Crimes de l'époque, « Les Vampires », p. 84 ; op. cit. Le livre du bagne, « battre le quart » (cf. note 5 p. 107 et p. 193) et « le quart dehors » (p. 194) signifient se prostituer, alors « les fleurs du quart » doit désigner les prostituées ; « Charlot » désigne le bourreau donc les « poires à Charlot sont les têtes coupées, les futurs condamnés à mort ; op. cit., Dictionnaire de l'argot, « grelucheux » : au XIXe le greluchon est l'amant de coeur d'une prostituée ou d'une demi-mondaine ; « freluche » : petite houppe de soie, sortant d'un bouton, du bout d'une ganse ou de quelque autre ouvrage, par ext. : chose frivole et de peu de valeur ; on trouve également « freloque » : poche de gaze servant à prendre les insectes volants (Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, Larousse, 1990) ; on trouve le terme « astif » dans l'expression « renâcle d'astif ».

* 136 op. cit., Dictionnaire de l'argot, article sur l'argot, p.748.

* 137 op. cit., Dictionnaire de l'Argot, p. XII-XIII.

* 138 Les Crimes de l'époque, p. 89-90 ; « renâcle d'astif » : « renâcle » désigne la police, et signifie également renifler, flairer (op. cit., Dictionnaire de l'argot).

* 139 op. cit., Dictionnaire de l'Argot, Henri Bonnard range dans cette catégorie « les pièces ou les romans dont l'auteur parle argot en son propre nom, plus précisément au nom des humbles qu'il représente », p.750.

* 140 Le Claque-dents, p. 55.

* 141 Ibid., p. 250.

* 142 L'éditeur des Mémoires, dans la préface de l'édition de 1886, la décrivait ainsi : « Louise Michel n'est pas moins douée intellectuellement qu'au point de vue moral. Fort instruite, bonne musicienne, dessinant fort bien, ayant une singulière facilité pour l'étude des langues étrangères ; connaissant à fond la botanique, l'histoire naturelle - et l'on trouvera dans ce volume de curieuses recherches sur la faune et la flore de la Nouvelle-Calédonie - elle a même eu l'intuition de quelques vérités scientifiques, récemment mises au jour. C'est ainsi qu'elle a devancé M. Pasteur dans ses applications nouvelles de la vaccine au choléra et à la rage. Il y a quelques années déjà que la déportée de Nouméa - on le verra plus loin - avait eu l'idée de vacciner les plantes elles-mêmes ! », Louise Michel, Mémoires, éd. La Découverte, 2002,p. 10-11.

* 143 Sciences-Humaines, « Cinq siècles de pensée française », hors série spécial n°6, octobre-novembre 2007, article « De Jules Michelet à Hippolyte Taine, la France écrit son histoire », p. 34-35.

* 144 Joël Malrieu, Le Fantastique, éd. Hachette Supérieur, Paris 1992, p.21.

* 145 Yves Chevrel, dans Le naturalisme, étude d'un mouvement littéraire international, PUF, Paris, 1982, désigne la période allant de 1885 à 1888, comme celle du « naturalisme triomphant ». Toute la littérature (allemande, espagnole, polonaise, russe...), que ce soit dans le domaine du roman, du théâtre avec Ibsen, de la poésie, ou d'écrits théoriques (par exemple avec l'allemand W. Bölsche, La littérature fondée sur les sciences de la nature), est naturaliste, p. 44-45.

* 146 Le Claque-dents, p. 249.

* 147 E. Zola, Nana, Le Livre de Poche, Paris, 1984 : « Avec elle, la pourriture qu'on laissait fermenter dans le peuple, remontait et pourrissait l'aristocratie. Elle devenait une force de la nature, un ferment de destruction, sans le savoir elle-même, corrompant et désorganisant Paris entre ses cuisses de neige [...] Et c'était à la fin de l'article que se trouvait la comparaison de la mouche, une mouche couleur de soleil, envolée de l'ordure, une mouche qui prenait la mort sur les charognes tolérées le long des chemins, et qui, bourdonnante, dansante [...] empoisonnait les hommes rien qu'à se poser sur eux, ... », p. 216-217

* 148 Le Claque-dents, p. 261

* 149 Mouche charbonneuse ou mouche piquante ou encore "mouche phlegmoneuse" est ainsi nommée parce que cette mouche est un des vecteurs du charbon, maladie infectieuse redoutée des éleveurs, de même que des anémies pernicieuses. C'est une espèce de mouche commune à la campagne, dans les étables, bergeries ou écuries où elle trouve en abondance les fumiers et crottins où elle pond ses oeufs qui donneront des larves coprophages ; op. cit., L'animal en politique : « mouches et mouchards », p. 211.

* 150 op. cit., Le naturalisme, étude d'un mouvement littéraire international, p. 33.

* 151 Yves Chevrel insiste sur le fait que la La progression des connaissances, « déjà importante en tant que phénomène de civilisation », devient un fait d'autant plus décisif, que ces connaissances circulent à une plus grande échelle, et plus largement dans toute l'Europe, Ibid., p. 33-34.

* 152 Yves Chevrel donne pour exemples l'Association internationale des Travailleurs fondée en 1864, et l'Union postale universelle, créée en 1874 : « autant de faits qui montrent que tout événement s'inscrit dans un contexte désormais largement international », Ibid., Le naturalisme, étude d'un mouvement littéraire international, p.37.

* 153 Le Claque-dents, p. 212.

* 154 Émile Zola, « préface » à La Fortune des Rougon, 1871.

* 155 op. cit., Le naturalisme, étude d'un mouvement littéraire international : « le rôle de l'oeuvre de Darwin est un exemple de l'arrière-plan intellectuel sur lequel se meut le naturalisme », p.35.

* 156 Yves Christen, Le dossier Darwin, éd. Copernic, Paris, 1982 ; Yves Christen donne cet exemple, afin de mieux comprendre ce processus de sélection : « lorsque des animaux d'une espèce donnée doivent faire face à leur prédateur, ils entretiennent dans le sens darwinien une lutte, non avec le prédateur lui-même, mais entre eux. A cet égard, le problème n'est pas de savoir si tel ou tel sujet va se faire dévorer, mais s'il a plus ou moins de chances que son congénère d'en réchapper. En ce sens, c'est la compétition indirecte entre les victimes qui, du point de vue évolutif, importe le plus. La même situation vaut en cas de surpopulation : il s'agit de savoir quels individus vont survivre et lesquels vont périr. Dans la perspective darwinienne, tout peut, en définitive, se résumer à la compétition entre individus de la même espèce », p. 19-20.

* 157 Le Claque-dents, p. 59-60.

* 158 Les Crimes de l'époque, J.-C. Renault, « Mise au point », p. 9-10.

* 159 Dans L'Effet Darwin (Seuil, 2012), Patrick Tort explique qu'en se séparant du singe, l'homme perd tout ce qui faisait sa force, il devient faible mais cette « faiblesse est un avantage car elle conduit à l'union face au danger, à la coopération et à l'entraide ». La civilisation humaine est, par nature, une civilisation de la protection des plus faibles, elle donne naissance au « développement de la morale et du droit, à la prescription de conduites antiéliminatoire » ; source : article de Nathalie Levisalles, « Plus faible, l'homme est plus fort - Critique Évolution. Patrick Tort démontre le contresens fondamental du darwinisme social », Libération.fr, 2008.

* 160 Yves Christen, op. cit. Le dossier Darwin , p. 20.

* 161 Eugène Marcel Prenant (1893-1983) est un zoologiste et un parasitologiste français ; cf. Darwin, Éditions Sociales Internationales, Paris, 1938, p. 182, cité dans (op. cit.) Le dossier Darwin, p.24.

* 162 Propos cité par G. Ponau, La Folie dans la littérature fantastique, Paris, CNRS, 1987, p.16.

* 163 Joël Malrieu, op. cit., Le Fantastique : Michel Foucault, dans Histoire de la folie à l'âge classique (1961), montre comment l'homme, à cette époque, devient un objet d'investigation scientifique, ou plus exactement, que l'on ouvre à son sujet de nouveaux champs d'interrogation. p.24.

* 164 Louise Michel, Le Livre du bagne, précédé de Lueurs dans l'ombre, plus d'idiots, plus de fous, et du Livre d'Hermann, PUL, Lyon, 2001, seconde partie, p. 188.

* 165 Ibid., p. 189.

* 166 Joël Malrieu, op. cit., Le Fantastique, p.23.

* 167 Les Crimes de l'époque, p. 92.

* 168 Joël Malrieu, op. cit., Le Fantastique : Les exemples puisés dans la littérature sont alors accueillis comme des témoignages scientifiques que les savants d'alors mettent largement à contribution, p. 22.

* 169 Jacques Dubois, dans Les Romanciers du réel, de Balzac à Simenon, Paris, Seuil, 2000, parle également de « roman total ».

* 170 Sophie Béroud et Tania Régin (Sous la dir. de), Le Roman social, Littérature, Histoire et Mouvement ouvrier, Les Éditions de l'Atelier/Éditions Ouvrières, Paris, 2002, p. 10-11.

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