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anthropologie des techniques dans la pratique de la pêche au canton Ntem 1


par Cédric ONDO OBAME
Université Omar Bongo - Master 2016
  

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CHAPITRE II : INVENTAIRE ET ANALYSE DES TECHNIQUES DE PECHE AU CANTON NTEM 1

De nos jours, les populations rurales utilisent simultanément des outils traditionnels et modernes pour pêcher. Cela nous conduit à une intégration de connaissances exogènes dans les savoir-faire traditionnels endogènes. Pour cela, ce chapitre aborde premièrement la question d'une pêche « traditionnelle et moderne », c'est à dire hybride13(*). Il s'agira de comprendre que les outils modernes sont associés à ceux traditionnels pour le maintien et la survie des connaissances relatives à la pêche en milieux rural. Nous allons donc définir le type de pêche pratiqué dans cette société fang ntumu de la province du Woleu-Ntem-Gabon.

Ce travail propose par la suite un inventaire et une analyse des techniques de pêche utilisées par les habitants du Ntem 1. Cet inventaire nous amène à recenser les différentes techniques sollicitées, leurs outils et leurs rapports aux pêcheurs. Cet inventaire va permettre de connaître chaque technique à travers sa dénomination endogène, ses acteurs, la périodicité de son emploi, le type de cours d'eau et les espèces aquatiques.

Après cet inventaire, nous allons ressortir les critères sur les quels portera l'analyse de ces techniques. Cette analyse aboutira à l'élaboration d'un lexique endogène de la pêche au sein du canton. On aura des termes, expressions et noms en rapport avec la pratique de la pêche en général.

II.1 Une pêche traditionnelle et moderne

A Ntem 1, les techniques de pêche cumulent simultanément des outils traditionnels directement prélevés dans la nature et les outils ``modernes''. Qu'il s'agisse d'une technique masculine ou de celle féminine, on retrouve maintenant des outils modernes qui viennent renforcer la performance de ces techniques. Autrement dit, les outils de pêche issus des essences naturelles (bois, boue, feuilles, liane, jonc, etc.) se montrent très souvent fragiles et de courtes durées malgré leur performance. Aussi, on les renforce avec certains outils modernes (en cahoutchouc ou en acier par exemple) pour plus de solidité et d'efficacité. Cependant, nous voyons également dans cette symbiose une question de la survie des techniques.

Par le passé, la pêche ne regroupait que des savoir-faire ou techniques ne relevant d'aucun élément moderne tel que nous l'avons vu avec le mythe d'Odzamboga (confère page 30). Ce mythe rappelle que les femmes sont à l'origine de la pratique de la pêche et donc de la première technique de pêche (melok) qui ne se pratiquait qu'avec des outils prélèvés dans la nature. Cette approche mythique amène à comprendre que la gente féminine réalisait les techniques de pêche avec des outils de non durables. C'était une pratique accasionnelle qui nécessitait en permanance un renouvellement d'outils en fonction de chaque situation de pêche. A ce propos, Monsieur Mve Alban14(*) affirme que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Bivenvâme bia biayeyop. Eyong bebeeh beyobo, ambe mabuini nâh yah ébieme bimbe ba adziène avoloh ne be wui kouass avôh. Abôh avale assu n'yop asse bebee be belane yadôh, bebéne bebee bekomo ya ate bieme meyop.

1 Nos ancêtres pratiquaient la pêche. Quand ils pêchaient, je crois que c'était à l'aide des accessoires qui pouvaient rapidement les aider à avoir du poisson. Quelque soit le type de technique dont ils pouvaient se servir, ils créaient et façonnaient eux-mêmes leurs accessoires de pêche.

2 Mabuini nâh éyong ntangane waze sôh yé émame meigne, égne émam mâh mengue assoum assanla vâh. Entôh abandi nâh, ne oyop, wayiène akouus bieme bi ntangane ato'o a dzâ va.

2 Quand le blanc est arrivé avec ses atouts, c'est en ce moment que nos connaissances ont commencé à changer. Maintenant, il devient obligatoire de pêcher avec des accessoires du blanc même ici au village.

3 Ve édi éne énenâh okwa, miyop mimbe ki ne béédza minkweigne, ambe ne badzeng dzome ya dzi. Mabuini ki ne ossimâne ombe ne bieme meyop bia tobo ayap ngueki ne be soubane awign.

3 Cependant, la réalité est que par le passé, nos grand parents ne pêchaient pas pour remplir les paniers, c'était juste pour avoir de quoi manger. La pensée n'était pas dans la durabilité d'une technique.

4 Emouwi, bieme bi ntangâne bia volo biè ne biwine aboui kouass abô alou ngue omos...

4 Mais aujourd'hui, les outils du blanc nous permettent de capturer beaucoup de poissons la journée ou la nuit...

Cet extrait d'entretien renforce l'idée de performance quia toujours soutendue les techniques de pêche. De plus, il ressort que les connaissances traditionnelles de la pêche se sont ajoutées à celles coloniales pour donner lieu à la pêche traditionelle et moderne. L'idée de performance ainsi traduite est repose sur les outils ancestraux naturels et l'intégration de ceux modernes dans la pêche. On peut observer des prélèvements plus fructueux et des techniques traditionnelles renforcées.

La technique masculine de l'alame  que nous verrons dans l'inventaire des techniques de pêche secondait les techniques de pêche féminines. Là aussi, tous les accessoires de pêche étaient directement prélevés dans la nature. L'homme se servait de ses capacités cognitives en exprimant ses savoir-faire pour pêcher du poisson.

Par le passé, la capacité de chacune des techniques à capturer du poisson traduisait déjà une certaine performance. Cependant, le reproche qu'on peut faire à cette approche ancestrale repose sur la fragilité des outils utilisés. Or, aujourd'hui la colonisation a apporté d'autres outils que les populations rurales ont adaptés à leurs façons de pêcher. Ces outils sont intégrés non pas pour changer radicalement les techniques ou les manières de pratiquer la pêche, mais les ont plutôt pour les améliorer ou les renforcer. C'est ainsi que nous parlons d'une pêche traditionnelle et moderne.

Cette réalité est observable à Ntem 1 où se retrouvent en symbiose les outils endogènes naturels et ceux exogènes modernes. Nous rappelons toutefois que l'ensemble de ces outils corrélés intègre la dimension cognitive qui encadre les techniques de pêche.

Au lieu d'une pêche traditionnelle et moderne, Lynda Badjina (2011 :119-121) parle plutôt de la « naissance de la pêche artisanale ». Contrairement à elle, nous prefèrons utilisés l'expression de pêche traditionnelle et moderne qui en effet, montre qu'en milieu rural ntemois, ils s'y trouvent correlés les deux types d'outils qui amènent à la pratique des techniques. Ces outils contribuent à la survie des techniques de pêche.

Mais, il faut quand même dire qu'actuellement beaucoup de personnes pratiquent la pêche en milieu rural pour vendre le poisson surtout en période de vacances. D'où le développement d'un autre enjeu : celui de l'argent.

II.2 Inventaire des techniques de pêche en milieu ntemois

A travers l'inventaire des techniques de pêche, nous recenssons toutes les techniques de pêche dont se servent les populations du canton. Nous allons présenter une typologie des techniques de pêche en y abordant certains aspects déterminants. Nous donnons leurs noms endogènes, saisons, périodicités,  outils, cours d'eau correspondants, espèces aquatiques prélevées. Nous montrerons les logiques du campement de pêche. Pour terminer nous procèderons au lexique de pêche fang à Ntem 1.

En approfondissant notre analyse sur les techniques de pêche à Ntem 1, nous définissons des critères endogènes à partir des quels nous caractérisons la pêche.

II.2.1 Typologie des techniques de pêche

Le plus souvent, les femmes pratiquent leurs techniques de pêche en saison sèche dans les rivières, ruisseaux, étangs ou sur les berges des rivières ou du fleuve. Ce sont elles qui respectent surtout les saisons de pêche et le principe de jachère des eaux. Aucune de leurs techniques ne peut se pratiquer en saison des pluies. Quant aux hommes, leurs techniques permettent de pratiquer la pêche saison.

Nous présentons ci-dessous un tableau de l'ensemble des techniques de pêche du canton. Aussi, nous déterminons leurs statuts. Il s'agit de distinguer les techniques qui prélèvent tout type de poissons (généralistes) de celles qui sont particulièrements propres à des poissons bien déterminés.

Tableau 3: L'ensemble des techniques de pêche utilisées

Les noms des techniques en fang « mevala meyôp»

Noms traduits en français

Statuts des techniques

Ø Alâme

Ø Technique de l'éventail

Généraliste

Ø Ayâh

Ø Technique à l'épuisette

Généraliste

Ø Avuât

Ø Technique au filet

Généraliste

Ø Alarâ

Ø Technique de la fouille

Spécifique

Ø Bitélé

Ø Technique aux piquets

Spécifique

Ø Bingak

Ø Technique aux piquets

Spécifique

Ø etame kuass

Ø Technique de l'étang

Généraliste

Ø Mbèghe

Ø Technique à la machette

Généraliste

Ø Melok

Ø Technique à la digue (barrage)

Généraliste

Ø messama ou abulâh

Ø Technique à la nasse

Généraliste

Ø Mefiss

Ø Technique à l'abri

Généraliste

Ø minyôp bekara

Ø Pêche aux crabes

Spécifique

Ø Ngak

Ø Pêche aux trous de silures

Spécifique

Ø Ofâh

Ø Pêche à la ligne

Généraliste

Ø afuk ndawola-ntangane

Ø Technique à l'étouffer (nivrée)

Généraliste

Ø Mimbass

Ø Technique aux flotteurs

Généraliste

Ce tableau fait un inventaire non exhaustif des techniques de pêche. Ces techniques sont les plus sollicitées et prélèvent l'ensemble des poissons contenus dans les eaux du canton. Au sens d'André Leroi Gourhan (1992), Certaines de ces techniques sont « spécifiques » prélèvement de certaines espèces aquatiques tels que : ngak (pour les silures dans les trous), minyôp bekara (pour les crabes), etc. D'autres par contre sont « généralistes » tels que : (alame, melok, mefiss, avuat etc.) et prélèvent tous types de poissons.

Nous relevons ainsi les techniques spécifiques et celles généralistes dans ce tableau. De plus, on peut aussi distinguer en deux groupes, les techniques dites``anciennes'' (fiss, melok, messama, alame, ayah) de celles dites ``nouvelles'' (ofah, bitélé, bingak, avuat). C'est au moment de l'analyse de ces techniques que nous allons développer en détails ces aspects. Mais, nous allons voir dans ce travail que chacune de ces techniques a ses réalités symboliques.

Voici quelques photographies des outils intégrant certaines techniques.

Photographie 11 : Une épuisette nommée en fang Ayah à Ndzibap en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Nommée (ayah) en fang ntumu, il se fait avec des bambous (Bambouseae) reliés les uns aux autres par des cordes végétales ou en cahoutchouc. L'épuisette a un noeud externe vers le haut et un autre noeud interne vers le bas qui constitue l'entrée du poisson dans le piège.

Autrefois, les cordes servant à joindre les extrèmités de ce matériau comme l'indique cette image, étaient faitent d'écorse de liane (Clématis vitalba). Mais pour pour une question de solidité et de durabilité de la technique, les cordes en cahoutchouc deviennent nécessaires. L'ayah est donc une technique masculine généraliste. Elle est devenue mixte au fil du temps.

Photographie 12 : L'assong n'yôp en fang (hameçon) à Akame-si en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

L'hameçon (asong n'yôp) est utilisé dans plusieurs techniques de pêche masculines. Il s'agit de bitélé (piquets), bingak (piquets), mimbas (les flotteurs) et ofâh (la ligne). Elle provient de la métallurgie coloniale et permet de captures du poisson avec des appâts spécifiques. C'est en fonction de ces appâts que toutes les techniques qui impliquent l'hameçon peuvent être utilisées. Par la suite, certaines de ces techniques peuvent ainsi devenir généralistes ou spécifiques.

Photographie 13 : Outils et technique de pêche nommée bingak en fang (piquet) à Bikass en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Les piquets (bingak) en fang ntumu sont faits d'hameçon, de piquets en coeur de bambou et des files reliant les hameçons aux piquets à l'extrèmité du haut comme le présente l'image ci-dessus. Il s'agit d'une technique masculine utilisée la nuit en saison des pluies pour prélever les ressources halieutiques nocturnes.

Photographie 14 : tâne en fang ntumu (nasse) à Akame-si en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

La nasse (tâne) est tout comme les cas précédents un outil qui en même temps est technique propre. Les fémmes l'utisent dans les techniques messama, abula et melok en saison sèche. Par le passé, la nasse était faite à base de jonc (ndenâne) dont Juncaceae est le nom scientifique. Elle pouvait aussi être faite de fibres végétales tissée pour constituer le filet central. Le cerceau était en liane de même pour les files d'attache (voir photographie).

De nos jours, le filet de la nasse est fait en matériaux synthétiques. Les cordes d'attaches varient entre du plastique, la liane et le jonc. Quant au cerceau, il est parfois en liane ou en métal. La pêche à la nasse est assu une technique généraliste qui se pratique la journée et capture tout type de poisson comme la pêche au fillet ordinaire.

Comme nous le disions tantôt, à chacune des techniques correspond une périodicité de pratique, ses outils et ses acteurs sociaux. La pêche et ses techniques répondent à des organisations sociales (préparations, campement). Certes, les techniques servent à capturer du poisson et d'autres crustacés, mais servent également à gérer de manière rationnelle les écosystèmes aquatiques.

II.2.2 Les outils utilisés dans les techniques de pêche

Les outils de pêche sont spécifiques aux techniques. On peut dire que sans outils, une technique de pêche ne peut être pratiquée, c'est le rapport de l'outil à la technique. L'outil détermine le type de technique. Mais dans certains cas, les techniques utilisent les mêmes outils. C'est d'ailleurs ce que nous rapporte monsieur Nkouna Obiang Fabrice15(*):  

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

Benvâme bâh bengalik bièh messu miyop mevala abuing. Assu n'yôp assesse ébele ébieme beign babelane ya biô.

1 Il y a plusieurs techniques de pêche quenous ont transmises nos ancêtres. Chaque technique a ses outils qui permettent sa pratique.

2 Befam bebele embiaba. Binenga baaffe imbiaba eyong bake melok ngueki messama. Ngue obeleki ébieme bayop ya biô, osseki atéh ne wake miyop.

2 Les hommes ont les leurs et les femmes aussi ont les leurs lorsqu'elles vont à leurs parties de pêche. Si tu n'as pas tes outils de pêche, il est inadmissible que tu prennes part à une partie de pêche.

3 Ve abime bieme bizing binena bene belane ya biô abô avale assu miyop asse ône abôh. Ane bô fâh, adandang fâh...

3 Mais, certains outils peuvent servir pour plusieurs techniques de pêche à savoir : la machette.

Cet entretien rend compte de la pluralité des techniques de pêche dans le canton Ntem 1. Elles ont étés transmises de génération en génération, d'une localité à une autre. Dans le même ordre Catherine Sabinot (2008 : 151) mentionne qu' : « il y a un rapport entre le pêcheur et sa technique, tout comme il y a un rapport entre la technique et ses outils ». Aucune technique n'est le fruit d'un hasard, encore moins les outils qui la composent. Les techniques masculines se différencient de celles féminines et n'ont pas en conséquence les mêmes outils. En un mot, toute technique se définit par ses accessoires. Tout ceci nous amène donc à ressortir une fois de plus le rapport du pêcheur à sa technique et celui de l'outil à sa technique.

En nous inspirant de Kialo Paulin (2007 : 90-91) qui a travaillé sur les techniques et outils Pové du Gabon dans le rapport à la forêt, nous présentons ci-après un tableau regroupant aussi les techniques et outils de pêche des populations Fang du Ntem 1.

Tableau 4: Répartition par genre des techniques de pêche et leurs outils correspondants

Les acteurs

L'ensemble des techniques employées dans le canton

L'ensemble des outils et accessoires de pêche.

Les hommes

-Alame  -Avuate  -Bingak  -Bitélé -Etame -kuass  -Mbèghe -Ofâh -Ayâh - Ngak - Minyôp bekara  -Mimbass

1- Fâh (machette)

2- Byè (Pirogue)

3- Assong nlop (Hameçon)

4- mimpouèghe (Piquets)

5- mvona (le fil crin, coton)

6- avuate (Filet)

7- bidzièghè (Les appâts)

8- éléné (Radeau)

9-meyâh (les Epuisettes)

10- lampe torche et piles électrique (lâma ya mekôhk),

11- ébara (panier masculin

Les femmes

Melok -Messama -Alara -ayah -Fiss -etc.

1-Tâne (Nasse)

2-nkoun (jubéciaire)

3-fâh (Machette)

4-ékana (assiette de vidange)

5- meyâh (épuisettes)

6-nkwègne (le panier)

De ce tableau nous retenons les techniques de pêche et leurs diffèrent outils dans leur répartition en genre. Nous constatons que les hommes utilisent plus de techniques et d'outils que les femmes. Nous pouvons comprendre que c'est parce que l'homme use de tous les moyens (chasse et pêche) pour nourrir la famille. Cela l'amène àpêcher et à chasser en toute saison. L'apport de la femme n'est que complémentaire aux efforts de l'homme.

Par ailleurs, les outils ou accessoire de pêche proviennent soit des éléments de la nature (appâts, piquets de bambou, radeau, liane, jonc, etc.) soit des matériaux modernes manufacturés achetés en ville (hameçon, crin, fil de tissage des nasses, filet machette, etc.). Nous toujours dans la complémentarité du traditionnel et du moderne. Nkouna Obiang Fabrice ajoute ceci :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Eyong bia komane minyôp, biake a kissuane ngueki bilomo nkouss ya mbot ake a kissuane.

1 Lorsque nous préparons une partie de pêche, nous allons en ville, ou encore, on peut commissionner quelqu'un qui se rend en ville pour acheter des accessoires, des outils qui nous permettront de pêcher.

2 Biake kus ebieme biyop ya biô. Eyong bissoyang nala, éde biake téra dzeng bidzieghè ya mimpwèghe minyôp ya ébieme bine biôh achène afane été.

2 Une fois de retour, on se rend dans des marécages pour rechercher des appâts, des piquets et tout ce dont on peut avoir besoin. Une fois tout cela réunis, on peut aller pêcher.

3 Minyôp ngueki melok massili fe bieme biye mefane ya ébi biakuss adza vâh ngueki a kissuane Bitam...

3 Que ce soit la pêche masculine ou celle féminine, on a besoin des accessoire provenant de la forêt et ceux qu'on peut acheter ici au village ou en ville à Bitam...

Toujours dans les résistances culturelles traditionnelles, tout ceci montre que les techniques de pêche ne dépendent pas uniquement des essences forestières naturelles, mais également des produits issus du contact avec la culture coloniale.

Après cette correspondance entre techniques et accessoires en fonction de l'aspect genre, nous avons jugé utile de présenter également les appâts utilisés dans les techniques de pêche.

Tableau 5: Correspondance entre les différents types d'appât utilisés, les poissons et les techniques de pêche

Noms endogènes des appâts

Noms en français des appâts

Noms scientifiques des appâts

Poissons correspondants

Techniques utilisées

Bezeeh

Lombrique

Lumbricidae

Tout type de poissons

Bitélé,ofâh bingak...

Bekweigne

Escargots

Achatina fulica

Silures

Bingak

Fefeigne

Cafards

Blaberus giganteus

Les silures

Bingak

Sobôh

Savon blanc

/

Les silures

Bingak,

Nguru

Mouche

Sarcophaga carnaria

Poissons à écailles

Ofâh,

Mekeigne mendzaga

Feuille de manioc

Manihot palmata

Poissons à écailles

Ayâh,

Agnugha m'vîne

Noix de palme pilée

Elaeis guineensis

Les silures

Ayâh,

Mbo'ong

Manioc tubercule

Manihot palmata

Les crabes

Ayâh,

Buane be kuass

Les petits poissons

/

Poissons à écailles

Ofâh,

Bitandak

Criquets, etc.

Locusta

Les silures

Bingak, bitélé

Les appâts que nous présentons dans ce tableau nous amènent à comprendre qu'au canton Ntem 1, les ressources aquatiques ne sont pas pêchées au hasard. Leurs prélèvements dépendent non seulement du choix du pêcheur, mais surtout des techniques et des appâts. Selon ce tableau, il y a des appâts pouvant attirer tout poisson et des appâts uniquement utilisés pour des poissons précis, selon ce que recherche le pêcheur. Obiang Nguema Raymond16(*) nous précise que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 N'yop kouass éméne ayem avale kouass akoumou awingne. Eyong wa yeme mam miyop, wa yiène ayem nâh, assu n'yop assesse, d'assili avale bidzièghè da yiènadôh. Ede bidzièghè bine mevale abuigne.

1 Seul le pêcheur sait le type de poisson qu'il veut capturer. Lorsqu'on parle des questions de pêche, il faut savoir que chaque technique de pêche nécessite son type d'appâts. De plus, il y a plusieurs types d'appâts.

2 Bekouass bezing bene nâ, bagnegue badzi mingoume bieme, n'yop kouass ayiène dayeme. Edzièghè éssesse d'abigne avale kouass d'ayiènadôh.

2 Il y a des poissons qui préfèrent un type d'appât à d'autres et le pêcheur se doit de le savoir. Chaque appât sert à la capture d'un poisson précis.

3 Vedâ, bidzièghè bizing binefenâh biabigne kouass assu kouass éssesse, avelefe messu meyop mézing mene abigne mevale me kouass messesse...

3 Cependant, on peut avoir des appâts qui permettent de capturer toute sorte de poisson ; tout comme on peut avoir des techniques qui sont généralistes...

La connaissance des techniques de pêche à travers leurs outils est donc complexe. Elle amène à connaître les variétés d'appâts en correspondance avec les variétés aquatiques et cours d'eau. Cet entretien présente alors le personnage du pêcheur comme un homme de terrain, une personne dotée d'une science dans ce qu'il fait car ayant les acquis pluriels pour pêcher telle ou telle espèce de poisson dans un quelconque cours d'eau. Nous sommes là en présence d'un savoir tant naturel que culturel, lequel détermine et identifie le pêcheur.

Photographie 15 : Des limaces Stylommatophora (éyôho) à Akame-si en Septembre2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Les limases Stylommatophor sont des appâts spécifiques à la capture des silures et poissons chats Parochenoglaanis sp par l'utilisation de la technique des piquets (bingak).. Elles font partie des outils de pêche et ne s'utilisent pas pour capturer n'importe quelle espèce aquatique. Dans cette spécificité, elles se complètent avec les petits escargots que nous présentons ci-après.

Photographie 16 : Des escargots (kuègne) Achatina fulica à Bikass en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Les petits escagots (Achatina fulica) sont des appâts qui permettent aussi la capture des poissons à peau lisse pendant la nuit. Ils sont aussi utilisés avec la technique des piquets (bingak). Dans le même cas, on peut aussi avoir des caffards (Blaberus giganteus) et asticots. Ce sont des appâts spécifiques tout comme la technique qui les emploie est spécifique. Il y a aussi des appâts ``spécifiques'' aux poissons à écailles (feuilles de manioc, moucherons, etc.) employés avec d'autres techniques comme l'éprouvette, la ligne, etc.

Photographie 17 : Des lombriques Lumbricidae (bezeh) en fang ntumu à Akame-si en 2015 (cliché Ondo Obame cédric)

L'ensemble de toutes ces images présente deux catégories d'appâts, les ``spécifiques'' et les ``généralistes''. Dans les photographies, il s'agit de l'escargot et de la limace pour attirer les silures, poissons chat, etc.  Le lombrique quant à lui est un appât généraliste (qui attire tout type de poisson). Les appâts sont des outils, au même titre que tout autre outil de pêche et participent aux techniques.

Cependant, toutes les techniques de pêche ne nécessitent pas des appâts. Il y a des techniques qui se pratqiuent sans appâts tels que : melok, allame, avuat, messama, abula etc. Mais, les appâts sont sollicités en fonction des poissons car, il y a toute une variété d'appât comme nous l'avons vu dans le précédent tableau.

II.2.3 Cours d'eau et prélèvement des ressources

A Ntem1, on rencontre les cours d'eau de toutes les dimensions. Ils abritent tous des parties de pêche avec des techniques qui leur sont appropriées. En effet, chaque cours d'eau regorge un héritage aquatique diversifié. Mais, il peut arriver qu'une espèce soit abondante dans tel ou tel autre cours d'eau (carpes, anguilles, silures, crevettes...). Certains cours d'eau abritent toutes les espèces de poisson. C'est le cas du fleuve Ntem.

Comme nous l'avons souligné tantôt, le canton est nanti en cours d'eau poissonneux. Chaque cours d'eau a son intensité et sa densité. Les plus gros poissons vivent en eau profonde quant aux plus petits poissons, ils se contentent des petits et moyens cours d'eau.

Au canton Ntem 1, les cours d'eau regorgent les mêmes poissons et crustacés à l'ecception du fleuve Ntem qui abrite la totalité des espèces. Il contient en grande quantité les plus gros poissons. Alors ci-dessous, un tableau présente les essences aquatiques les plus sollicitées. Nous déterminons leurs appellations fang ntumu et en français ; leurs dénominations scientifiques, leurs caractéristiques et surtout le type de cours d'eau d'appartenance.

Tableau 6: Les espèces halieutiques sollicitées dans le canton

Noms endogène Fang

Noms en Français

Noms scientifiques

Caractéristiques de l'espèce

Cours d'eau

Tilapia, (ékono)

Tilapia, carpe

Tilapia oreochromis

Poisson à écailles

ntem, kyè, mvézé

Essoh

Carpe

Chromidotilapia kingsleyae

Poisson à écailles

Tous les cours d'eau

Nkémé

Ablette

Chrysichthys nigrodigitatus

Poisson à écailles

Ntem et kyè

N'wuang

Anguille

Protopterus dollloi

Poisson à écailles fines

Tous les cours d'eau

Ekekôh

Sans-nom

Heterotis niloticus

Poisson à écailles dures

ntem et kyè

Obang, n'sôh

Brochet

Hepsetus odoe

Poisson à écaille

Tous les cours d'eau

M'fighè

Tanche

Xenocharax spilirus

Poisson à écailles fines

Ntem et kyè

Apwé-kuass

Lotte, poisson-vipère

Parachanna obscura

Poisson à écailles et vénéneux

Tous les cours d'eau

N'totom

Mormyre

Mormyrops nigricans

Poisson à écailles fines

Tous les cours d'eau

Mviê-ngôh

Silure

Clarias buthupongo

Poisson à peau lisse, vénéneux

Tous les cours d'eau

N'gôh

Silure

Siluridae

Poisson à peau lisse

Tous les cours d'eau

Agneng

Poisson-courant

Malepterurus beninensis

Poisson à peau lisse, électrifiant

Tous les cours d'eau

M'vâgha

Ablette, gourgeon

Alestes macroptalmus

Poisson à écailles

Tous les cours d'eau

Ndôh

Silure-chat

Parochenoglaanis sp

Poisson à peau lisse

Tous les cours d'eau

Evôss

Silure-chat

Synodontis obesus

Poisson à peau lisse

Tous les cours d'eau

Mvongh

Silure-chat

Parochenoglanis punctatus

Poisson à peau lisse

Tous les cours d'eau

Effak-bune

/

/

Poisson à écailles

Tous les cours d'eau

Câra

Crabe

Paguroidea

Crustacé aquatique

Tous les cours d'eau

N'wass

Crevette

Palaemonideae

crustacé aquatique

Tous les cours d'eau

Ce tableau présente somairement l'ensemble des espèces aquatiques pêchées dans le canton. Qu'il s'agisse des techniques de pêche féminines ou masculines, plusieurs de ces essences aquatiques sont sollicitées en fonction des techniques et cours d'eau. Cette variété d'essences aquatiques représente le patrimoine halieutique de la zone d'étude. Elle fait donc appelle à des techniques toutes aussi variées que les poissons sollicités.

Nous observons et relevons dans ce tableau la correspondance entre ressources aquatiques et variation des cours d'eau. Ces ressources nous conduisent à la distinction entre poisson à peau lisse et poisson à écailles en dehors des crabes et crevettes. Les poissons sont prélevés par les populations pour des besoins en vigueur. Nous présentons ci-dessous quelques photographies de poissons sollicités.

Photographie 18 : Des brochets (obang : Hepsetus odoe) et des gourgeons ou ablette (M'vagha : Alestes macroptalmus) à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Cette photographie montre deux types de poissons à savoir les brochets (Hepsetus odoe) et les ablettes (Alestes macroptalmus). Ces poissons peuvent être pêchés dans l'ensemble des cours d'eau de la localité. Ce sont des poissons qui se prélèvent la journée et parfois nocture. Ils sont rapides et et prédateurs. Pour les pêcheurs, ce sont des poissons d'une extrême rapidité. C'est une variété de poissons qui ne se nourrit que la journée. De plus le brochet Hepsetus odoe par exemple est très dangereux de par ses morssures. Son nom (obang ou nsô'o) signifie que c'est poisson qui ne grossit pas comme les autres, d'où sa rapidité. Dans cette description, il y a également d'autres poissons comme : la carpe (ékono) Chromidotilapia kingsleyae, l'ablette (mvâh'a et nkémé) Alestes macroptalmus et la tanche (nfighè) Xenocharax spilirus.

Photographie 19 : Poisson nommé (ekekoh : Heterotis niloticus) à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Du nom scientifique Heterotis niloticus, le poisson que nous présentons dans ce cliché se nomme (ékokôh) en fang ntumu. La particularité est que dans le canton, on ne le capture que dans les grands cours d'eau comme le Ntem et le Kye. Les techniques qui permettent sa capture sont le filet (avuat) et l'alame. Ainsi, nous sommes toujours dans la correspondance des cours d'eau et poissons sollicités par le pêcheur. Ce poisson est l'une des espèces les plus volumineuses parmi toutes les ressources aquatiques du canton. Il peut avoisiner les cinq kilogrammes en termes de masse. Cela temoigne donc de la richesse du canton Ntem1en espèces halieutiques diversifiées.

Photographie 20 : Des gourgeons : mvagha (Alestes macroptalmus), un silure et un silure chat : ngô et ndôh (Parocheglanys) à Bikasse en Juillet 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Ce cliché présente plusieurs types de poissons. Nous avons des brochets (Hepsetus odoe) et ablettes (Alestes macroptalmus) d'une part et les silures (Siluridae) d'autre part. Tous ces poissons sont communs aux cours d'eau du canton mais se prélèvent avec différentes techniques de pêche. Les silures et poissons chats sont des espèces nocturnes car c'est pendant la nuit qu'ils sortent de leurs trous pour se nourrir. C'est pourquoi on les pêche pendant la pêche la nuit. Les autres poissons parcontre se pêchent la journée parce qu'ils se nourrissent la journée. (confère photographie 19)

Nous retenons que la pratique de la pêche dépend de la connaissance des techniques, des outils, des saisons, des poissons à capturer et de types de cours d'eau. C'est pourquoi parle de Victor Giov Annoni (1992 : 63-68) parle de « pêcheur expérimenté ». la pêche en général est donc un patrimoine que le pêcheur doit connaître.

Au campement de pêche (m'vâne minyôp ou mv'âne melôk), les pêcheurs se doivent de respecter également ces connaissances techniques et halieutiques pour effectuer une bonne pêche. Au campement, il est possible d'exercer tout type de technique de pêche et pouvoir capturer du poisson en quantité suffisante.

II.2.4 Le campement de pêche : lieu d'une pêche particulière

Le campement (m'vâne) est une sorte d'habitat secondaire et surtout temporaire des populations villageoises. C'est un habitat provisoire, dont l'objectif est la production des ressources végétales, animales ou aquatiques. Il s'ensuit qu'il y a plusieurs types de campements. Mais, dans le cadre de notre étude, c'est le campement de pêche (m'vâne melok ou minyôp) qui nous intéresse.

La production et la gestion des ressources aquatiques est une carractéristique du campement. A ce propos Jean Emile Mbot (1998 : 179-183) note que le campement est : « Une forme traditionnelle de gestion des écosystèmes ». De plus, il poursuit que le campement est : «  Un lieu où s'organisent des grandes activités de collectes des produits de la nature (...) ». Nous retenons que le campement cumule des logiques et pratiques de productions diversifiées. Il s'agit d'un lieu aménagé pour prélever les ressources pour ensuite les fumer ou les conserver frais. Tout au long du séjour au campement, les ressources prélévées seront accumulées et seront enfin amenées au village.

Le campement est un lieu d'accumulation de ressources prelevées dans le but de les ramener au village et les utiliser pendant un certain temps.

Dans la culture des populations du Ntem 1, la notion de campement est bien présente comme le souligne Mme Nsourou Ondo Berthe17(*) que :  

Réciet en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Mekeyang à m'vâne melok afane été eyong-dâh. Bingue dzoghobo melou melâh. Bingue komane atera befam ya binenga ne biaque alôk Ntem afane été. Ve mabuini nâh befam ébe bassubane ake a m'vane eyong bake chémé kuas n'gueki betsit.

1 je suis déjà allé camper une fois en forêt pour pêcher. Nous y avons dormi trois jours durant. Nous nous organisions hommes et femmes pour une grande partie de pêche sur le Ntem en forêt. Mais, je crois que ce sont surtout les hommes qui pratiquent le plus les campements lors qu'ils vont pêches ou chasser.

2 Eyong mine a m'vâne mia mena long bibeme. Egne mia dzoghobo assilâ ya komane avale miaye wulu édzame mizebôh

2 Lorsque vous êtes au campement, vous construisez des petites cases pour y dormir, vous reposer et organiser votre objectif et faire des bilans.

3 A m'vâne, mia béré tsit n'gue kouass minkôt. Minefe abô baabaminkono. M'vâne énefe ane ône adzâ, anebô étobeyôh akale mbot bézing.

3 Au campement, on fume le gibier ou du poisson, tout comme on peut le saler. En campement, on se sent comme au village, il peut être un lieu d'habitation pour certains.

Le campement est une réalité chez les Fang du Ntem 1. On peut dire c'est un élément culturel en ce sens qu'il est un lieu établi par l'homme pour en fonction de sa vision et ses besoins. On y organise production et gestion des ressources qui serviront au village. De plus, il offre un d'habitat propice quant aux rapports directs de l'homme à son environnement forestier.

L'homme s'organise au campement à peu près comme au village. Dans ce cas il s'agit d'une logique de territorialisation des modes de vie. Il est construit pour assurer en partie les mêmes fonctions que le village, à la seule différence que le campement est provisoire, contrairement au village. Dans un autre sens, c'est le campement qui ravitaille le village en ressources. Paulin Kialo (2004 : 177) note dans ce sens qu': « Au campement, l'objectif est de ``prendre'' le maximum en peu de temps et de revenir au village... ».

Le campement est ainsi un lieu d'abondance à courte durée. En revanche, cette abondance peut aussi donner lieu à  un ``gaspillage'' de ces ressources qu'il faut à tout prix amasser  au sens de Jean Emile Mbot (1998). Il s'agit là de la notion d'excès.

En outre, si on prélève autant au campement, c'est pour être à l'abri des moments de ``sècheresse'', de famine en saison des pluies ; mais aussi pour faire face aux évènements à savoir : retrait de deuil, mariage, réjouissance ou commerce. Le campement est le lieu d'une pêche d'accumulation où toutes les techniques sont admises. C'est pourquoi nous parlons d'une pêche particulière.

II.3 Un espace de production et d'organisation des techniques de pêche.

Comme nous l'annoncions, l'analyse que nous faisons sur les techniques repose sur des critères endogènes et déterminés. A cela s'ajoute l'ellaboration d'un lexique de pêche. Ces critères sont entre autre : la quantité, le genre, le nombre, la temporalité, la saison et la conservation. Le lexique quant à lui est un complément de notre analyse et rassemble des termes propres à la pratique en langue fang.

II.3.1 Le critère de la``quantité''

 

Nous ressortons dans ce premier critère des techniques de pêche celles qui permettent de capturer de grandes et de petites quantités de poissons. Rappelons donc que les techniques concernées par ce critère, dépendent aussi de la contenance des cours d'eau en espèces aquatiques (poissons et autres).

Tableau 7 : Répartition des techniques de pêche en fonction du critère « quantité » dans la capture des espèces halieutiques.

Les techniques de grandes quantités

Techniques de petites quantités

Alâme

Technique à l'éventail

Ayah

Technique à l'épuisette

Melok

Technique à barrage

Mbèghè

Technique à la machette

Avouate

Technique au filet

Ofâh

Technique à la ligne

Bingâk

Techniques aux piquets

Messama

Technique à la nasse

Bitélé

Techniques aux piquets

Allara

Technique à la fouille

ndawola-tangâne

Technique à l'empoisonnement

Ngak

Technique à l'hameçon

etame-kouass

Etang de poissons

 

Fiss

Technique d'attraction

Ce tableau dresse une répartition des techniques permettant la capture des grandes et de petites quantités de poissons. Mais le cours d'eau peut pour sa part jouer un rôle dans ce critère. Il peut s'agir de son volume d'eau et aussi de la contenance en espèces aquatiques. Le pêcheur a donc dans ce panel le choix quant à la quantité de poissons qu'il veut avoir. D'où une idée symbolique de performance des techniques. Toutefois, une technique éminemment à petite quantité de poissons peut par exception amener à en amasser une grande quantité lorsqu'elle est pratiquée à plusieurs reprises.

II.3.2 Le critère du``genre'' 

Ce critère met essentiellement en exergue les techniques de pêche qui sont utilisées par les hommes et les femmes.

Tableau 8 : Répartition des techniques de pêche en fonction du critère « genre ».

Les techniques de pêche masculines

Les techniques de pêche féminines

Alâme

Technique à l'éventail

Melok

Technique au barrage

Avouate

Technique au filet

Messama

Technique à la nasse

bingak et bitélé

Technique aux piquets

Allara

Technique de la fouille

Mbèghe

Technique à la machette

ndawola-tangâne

Technique à l'empoisonnement des eaux

Ayâh

Technique à l'épuisette

Fiss

Techniques d'attraction

etame-kouass

Etant de poissons

 

Ngak

Technique à l'hameçon d'épine de porc-épique

Le critère « genre » est très déterminant dans les techniques de pêche. Par observation, les hommes se distinguent des femmes même jusqu'aux techniques de pêche. Dans ce cas présent, la gente masculine a plus de techniques de pêche que la gente féminine.

Nous pouvons alors dire que les hommes pratiquent la pêche plus que les femmes quand bien même, ce sont elles qui sont à l'origine de la pratique. Cela est dû au fait que c'est à l'homme que revient la responsabilité de nourrir la famille. La femme est juste là pour l'aider.

II.3.3 Le critère du ``nombre'' 

En dehors du fait que toute technique de pêche se pratique en groupe ou individuellement, nous sommes néanmoins parvenu à distinguer celles qui sont éminemment individuelles de celles collectives.

Tableau 9: Répartition des techniques de pêche en fonction du critère « nombre ».

Les techniques collectives

Les techniques individuelles

Alâme

Technique à l'éventail

bitélé et bingak

Techniques aux piquets

Melok

Technique au barrage

Ofâh

Technique à la ligne

Messama

Technique à la nasse

Avouat

Technique au filet

etame-kouass

Etang de poisson

Mbèghè

Technique à la machette

 

Alara

Technique à la fouille

Ayâh

Technique à l'épuisette

Ngak

Technique à l'hameçon

Fiss

Technique d'attraction

Le critère du « nombre » est déterminé dans à travers des techniques qui sont individuelles et celles qui sont collectives. Nous nous rendons compte qu'il y a plus de techniques qui peuvent se pratiquer avec un seul individu que celles se pratiquent en groupe. De plus, nous constatons ce sont surtout les techniques masculines qui admettent souvent une pratique individuelle. Quant aux femmes, elles pratiquent toujours leurs techniques en groupe. Certainement c'est le courage et la force physique à affronter les dangers de la nature qui amène l'homme à pêcher parfois seul. En revanche, les femmes font preuve de solidarité en pêchant en groupe.

Toutefois, il arrive par moment que les hommes et les femmes pêchent ensemble, c'est le cas de la technique (melôk) qui nécessite souvent beaucoup d'effort physique.

II.3.4 Le critère de la ``conservation'' 

Ce critère regroupe les techniques de pêche qui ont pour particularité la conservation du poisson et d'autres crustacés aquatiques, avant que l'homme ne vienne par la suite les capturer. Ces techniques attirent et conservent le poisson pendant un temps. Au moment opportun, le pêcheur viendra tout simplement s'en saisir.

Tableau 10: Quelques techniques de pêche en fonction de le critère de « conservation »

Alâme

technique à l'éventail

 

Ayâh

Technique à l'épuisette

Fiss

Technique d'attraction du poisson

etame-kuass

étang de poisson

Dans ce cadre, il n'est pas question de la capture immédiate ou directe des poissons par l'homme. Ces quatre techniques ont d'abord pour rôle d'attirer et ensuite de conserver les poissons une fois pris dans le piège. L'objectif est que le poisson continue à vivre dans son milieu, à se nourrir tout en étant déjà retenu captif. Le pêcheur décide à quel moment il viendra pour le capturer.

Pour nous, la conservation montre que les ressources aquatiques ne subissent pas que des techniques ``dures'' ou immédiates, mais aussi celles qui sont ``douces'' et tardives. Ces techniques donnent ainsi lieu à une sorte de pisciculture traditionnelle.

II.3.5 Le critère de ``temporalité'' 

Ce critère distingue les techniques de pêche qui se pratiquent la journée (ômos) de celles qui se pratiquent la nuit (alû).

Tableau 11: Répartition des techniques de pêche en fonction du critère de « temporalité »

Techniques pratiquées la journée

Techniques pratiquées la nuit

Melok

Technique au barrage

mbèghe

Technique à la machette

messama et abula

Technique à la nasse

Bingak

Technique au piquet

bitélé

Technique au piquet

Alâme

Technique à l'éventail

Ofâh

Technique à la ligne

Avuat

Technique au filet

Ayâh

Technique à l'épuisette

Avuat

Technique au filet

Fiss

Technique à l'écopage

Alâme

Technique à l'éventail

La pêche se pratique la journée et nuit. Mais c'est surtout pendant la journée que la pratique est effective. Nous avons dans ce tableau une dizaine de techniques qui se pratiquent la journée contre quatre pour la nuit.

La pêche de nuit, quelque soit la technique utilisée, dépend du pêcheur et aussi du type de poisson sollicité. C'est surtout la nuit que les ``poissons nocturnes'' aussi appelés poissons à peau lisse (les silures et anguilles) sortent de leurs abris pour se nourrir. Les quelques techniques que nous avons à la droite du tableau permettent donc la capture de ces poissons.

Toutefois, nous notons que la pêche de nuit est plus dangereuse que celle de la journée car, c'est pendant la nuit qu'il y a plus de dangers. On peut alors rencontrer des reptiles, prédateurs des eaux ou ivre les oeuvres des esprits des eaux, etc. Obiang Nguema raymond soutient que :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Miyop miye alû mine édedâ ndzuk. Miasili nkéé amuna mbia be bieme bawulu ochigne alû. Ede ochigne one édedâ abé alote afàne alû.

1 La pêche de nuit est très difficile. Elle demande beaucoup de prudence parce qu'il y a des mauvaises choses dans l'eau la nuit. La nuit, l'eau est plus dangereuse que la forêt.

2 Eyong wayop aalû, otagha ayeme abui mâme, ngueki abele évu, ngueki abôh m'bôh, amuna ône wû.

2 Lorsque tu pêches la nuit, il est conseillé de ne pas connaitre des choses en rapports avec la sorcellerie au risque de mourir.

II.3.6 Le critère de``saison'' 

Il est question ici de définir les différentes saisons (éyong) et techniques de pêche correspondantes. Il s'agit donc de la saison sèche (oyône ou bivéh) et la saison des pluies  (sughu ou mekuna). La première va de Juin à fin août et la deuxième quant à elle va de septembre à décembre.

Tableau 12 : Répartition des techniques de pêche en fonction du critère de « saison »

Techniques utilisées en saison des pluies

Techniques utilisées en saison sèche

alâme

Technique à l'éventail

Melok

Technique au barrage

Ofâh

Technique à la ligne

Bitélé

Technique aux piquets

Avuat

 

Messama

Technique à la nasse

Bingak

Technique au piquet

Ayâh

Technique à l'épuisette

Mimbasse

Technique au flotteur

Allara

Technique à la fouille

 

Mbèghè

Technique à la machette

Ofâh

Technique à la ligne

Il ressort à l'examen de ce tableau que la pratique de la pêche dépend des saisons. Il ressort aussi qu'en général, les techniques féminines de pêche ne se pratiquent qu'en saison sèche alors que celles masculines peuvent se pratiquer en toute saison. Cette réalité se complète par la pluralité des techniques des hommes par rapport à celles des femmes.

C'est en partant du rapport de l'homme à la technique et celui de l'outil à la technique que nous avons ressorti ces critères qui sont à la base de notre analyse des techniques de pêche au canton Ntem 1. Cela nous a aussi amené à saisir les correspondances des techniques aux poissons tout en passant par les cours d'eau. Ces tableaux d'analyse témoignent donc de toute une organisation culturelle qui structure la pêche et ses techniques. Dans cette sphère sociosymbolique, il s'ajoute aussi le lexique propre à la pêche.

* 13 Hybride : concept dévéloppé par Stéphanie Nkoghe (2011) et qui signifie le mélange de deux réalités différentes.

* 14 Mvé Alban, âgée de 40 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan Essandone, consommateur praticien occasionnel de la pêche. A Bitam le 03 Octobre 2014.

* 15 Nkouna Fabrice, âgé de 40 ans environ, de nationalité gabonaise, pêcheur-chasseur au canton Ntem 1. Mitzic le 18/08/2014

* 16 Obiang Nguema Reymond, âgé de 55 ans environ, de nationalité gabonaise, praticien de la pêche. Bitam le 09/11/14.

* 17 Nsourou Ondo Berthille, âgée de 54 ans environ, de nationalité gabonaise et mère de famille. Elle est praticienne de la pêche féminine.

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